Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur le développement du partenariat économique entre la France et le Maroc, notamment par la colocalisation industrielle, à Casablanca le 12 décembre 2012.

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Circonstance : Visite officielle au royaume du Maroc les 12 et 13 décembre 2012 - Forum économique franco-marocain le 12

Texte intégral

Monsieur le chef du gouvernement,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Madame la Présidente de la Confédération générale des entreprises du Maroc,
Mesdames et Messieurs les chefs d’entreprise,
La rencontre économique qui vient de se dérouler a donné lieu à des travaux très riches et je remercie Madame Lamrani ainsi que Messieurs El Kettani et Fourtou de leur présentation. Je remercie également le chef du gouvernement du Royaume du Maroc, Monsieur Abdelilah Benkirane, pour ses propos à la fois éclairants et stimulants, auxquels je voudrais maintenant faire écho.
J’ai tenu à m’exprimer devant vous, le club des chefs d’entreprise France-Maroc, d’abord pour témoigner de l’importance que représentent, à mes yeux, les relations économiques entre nos deux pays. Permettez-moi de citer simplement deux chiffres : 14 % des importations marocaines proviennent de France, premier fournisseur du Maroc ; et la France est également son principal client, puisqu’elle absorbe 20 % des exportations marocaines. Je souhaite faire prospérer ces relations privilégiées. Et vous y avez contribué aujourd’hui.
Mais je veux aussi saisir l’occasion de ma venue au Maroc pour vous parler des défis majeurs auxquels nos pays sont confrontés, des deux côtés de la Méditerranée, et des réponses communes que nous devons y apporter.
La rive Nord de la Méditerranée fait face au triple défi de la faible croissance, du chômage de masse et de l’endettement public. Et les effets de cette crise profonde ne se cantonnent pas au seul territoire européen. Le Maroc, qui a fait depuis longtemps le choix historique – et largement fructueux – de l’ancrage au marché unique européen, est directement concerné par notre capacité à surmonter cette crise et à retrouver une croissance durable.
Parallèlement, la rive Sud de la Méditerranée écrit depuis deux ans une nouvelle page de son histoire. Après le temps des indépendances, qui s’est ouvert il y a près de 60 ans, vient celui de l’affirmation des aspirations démocratiques. Mais pour fortes et légitimes qu’elles soient, elles ne débouchent pas spontanément sur une trajectoire linéaire vers la démocratie. Elles ne seront satisfaites dans la durée que si les aspirations au progrès économique et social trouvent elles aussi une réponse. Et du fait de notre proximité, géographique et culturelle, tout ce qui se passe de ce côté-ci de la Méditerranée a une résonnance directe sur la rive Nord.
Il ne faut pas s’y tromper : l’un des enjeux de cette situation nouvelle, c’est la place de nos pays et, plus largement, de l’espace euro-méditerranéen, dans la compétition économique globale qui se dessine sous nos yeux. Que pouvons-nous faire ensemble pour être à la hauteur de nos responsabilités ? Saurons-nous tirer parti des promesses de ce monde nouveau ?
La première réponse qui s’impose, c’est de mettre en place, de manière cohérente, toutes les mesures destinées à conforter nos économies, tout en prenant en compte les aspirations profondes de nos sociétés.
C’est l’ambition que poursuit mon gouvernement, qui s’est attelé depuis le premier jour au redressement économique de la France. Nous avons lancé sans attendre de grands chantiers : donner un nouvel élan à la construction européenne ; diminuer notre endettement public ; lutter contre le chômage et redresser la compétitivité de nos entreprises. Nous les avons engagés sur la base d’un constat lucide de notre situation et avec la volonté de valoriser tous nos atouts. Nous les avons engagés en misant sur le dialogue social et la concertation, conditions indispensables à la mise en oeuvre de réformes ambitieuses et durables.
Les premiers résultats sont déjà au rendez-vous. La situation de la zone euro est pour l’essentiel stabilisée, même s’il faut maintenant la consolider. Dans le domaine budgétaire, le déficit public sera réduit dès cette année à 4,5% du PIB et en 2013, nous respecterons l’objectif de 3% auquel nous nous sommes engagés, tout en finançant les priorités que constituent l’éducation et la formation, la recherche, le logement, la politique de l’emploi.
Le gouvernement a pris des décisions fortes pour remettre en route le moteur de l’économie française. J’ai présenté le 6 novembre dernier un pacte national pour la compétitivité, la croissance et l’emploi, sans précédent par son ampleur. Il prévoit d’abord un allègement du coût du travail pour les entreprises, à hauteur de 20 milliards d’euros, soit près de 6% de la masse salariale. Nous le financerons largement par de nouvelles économies de l’Etat.
Cet allègement du coût du travail s’accompagne de plus de trente mesures destinées à assurer la montée en gamme de notre économie. Permettez-moi de citer plus particulièrement deux mesures qui auront un impact sur les relations franco-marocaines. Je souhaite mettre l’accent sur le développement de filières intégrées, qui reposent notamment sur la collaboration entre les grands groupes et les PME. Ces filières ne se limitent pas aux seules entreprises françaises et impliquent le développement de relations transfrontalières. En second lieu, j’ai fixé l’objectif ambitieux du retour à l’équilibre de notre balance commerciale à l’horizon 2017, hors énergie. Ce qui implique la conquête de nouveaux marchés, y compris dans le cadre de partenariats.
Le Maroc, de son côté, affronte ses propres défis avec dynamisme et résolution. Les réformes engagées sur tous les fronts par le gouvernement marocain, sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, produisent des résultats impressionnants.
Avec presque 5% de croissance annuelle moyenne, au cours des dix dernières années, le Maroc a engagé un processus ambitieux de renouvellement de ses infrastructures et s’est doté de pôles d’excellence dans l’industrie et les services. Cette croissance économique est sans nul doute confortée par les réformes menées dans le champ politique. Lancé en 2011 par Sa Majesté le Roi, au terme d’un large débat de société, le chantier constitutionnel a posé le cadre qui a permis l’alternance démocratique de 2012. Et c’est vous, Monsieur le chef du gouvernement, qui en êtes le principal artisan.
Je suis donc porteur aujourd’hui d’un message de confiance : confiance dans la capacité du Maroc à avancer, à l’écoute d’une société qui évolue, selon le rythme et les modalités qu’il aura définis lui-même ; confiance dans le jugement des investisseurs marocains et français, auxquels je réaffirme la détermination de la France à accompagner le Maroc sur la voie du progrès.
Demain, je présiderai avec vous, Monsieur le chef du gouvernement, la rencontre de haut niveau entre nos deux gouvernements. Il s’agira de faire le bilan des nombreux projets communs en cours, mais aussi d’assigner à notre coopération bilatérale des objectifs nouveaux et un agenda ambitieux. Je réaffirmerai à cette occasion toute l’importance que le Président de la République et mon gouvernement accordent à la relation bilatérale franco-marocaine. Ce n’est pas un hasard si Sa Majesté Mohammed VI a été le premier chef d’Etat reçu par François Hollande à l’Elysée, le 24 mai dernier. Le Président de la République a tenu ainsi à marquer son souhait de maintenir et d’approfondir le partenariat d’exception qui unit nos deux pays. Sa visite prochaine au Maroc sera l’occasion de l’illustrer à nouveau.
Il y a entre nos deux pays une relation particulière, une intimité, qui sont le fruit d’une longue fréquentation et de décennies de coopération. Les entreprises françaises sont souvent les mieux à même de nouer avec leurs homologues marocaines des partenariats adaptés aux priorités du Maroc. C’est sans doute pourquoi la moitié des investissements directs étrangers reçus par le Maroc proviennent de France. 750 PME françaises et 36 entreprises du CAC 40 sont implantées ici et avec ses 34 millions d’habitants, le Maroc attire de la part des groupes français un volume d’investissements comparable à celui de l’Inde ou de la Chine, qui sont quarante fois plus peuplées.
C’est à vous tous, ici présents, que nous devons ce succès !
La densité des relations franco-marocaines trouve aussi une illustration concrète dans de nombreux projets d’infrastructures conduits en commun. Quel meilleur symbole que le choix de faire coïncider notre rencontre à haut niveau avec l’inauguration, aujourd’hui, par Sa Majesté le Roi, du tramway de Casablanca, qui apportera à ses habitants une amélioration très concrète de leur vie quotidienne ? Le projet de ligne à grande vitesse Tanger-Casablanca, pour lequel la France a apporté un soutien financier exceptionnel, est un autre exemple, tout comme le port de Tanger Med.
Les entreprises françaises, ici à Casablanca, jouent un rôle capital dans la modernisation des services rendus aux usagers, je pense à la distribution d’eau et d’électricité, aux télécommunications et aux nouvelles technologies de l’information. Nos banques sont également très actives, dans l’accompagnement et le financement des investisseurs marocains et étrangers.
Dans le domaine essentiel de l’énergie, nos entreprises savent s’adapter à la nouvelle donne marocaine, marquée par la généralisation des partenariats publics-privés et l’accent mis sur les énergies renouvelables, notamment l’hydro-électricité et l’énergie éolienne. J’espère vivement que les entreprises françaises pourront concourir pour la phase 2 de la mise en oeuvre du plan solaire marocain, dans le cadre du développement de la centrale solaire de Ouarzazate.
Chacun peut l’observer, la place des entreprises françaises est ici exceptionnelle. Mais je constate que les autorités marocaines attendent des engagements encore plus nombreux ! Cette invitation doit nous inciter à faire plus et mieux. Car les entreprises françaises ne sont pas ici en terrain conquis. Le Maroc bouge, le Maroc s’ouvre. La concurrence s’aiguise. Elle vient d’Europe, d’Asie ou des pays du Golfe. Les entrepreneurs français savent qu’ils doivent s’adapter en permanence pour rester en phase avec les attentes de la société marocaine.
Et c’est bien là que réside la vraie force du partenariat économique franco-marocain : il s’appuie sur une véritable solidarité et génère des bénéfices pour nos deux sociétés. Bref, c’est ce que vous avez choisi d’appeler « un partenariat d’exception au service d’une compétitivité partagée ». Et j’y souscris pleinement.
La première caractéristique de ce partenariat, c’est que nous avons progressivement dépassé, au cours des dix dernières années, le modèle traditionnel d’échange fondé sur la simple fourniture de marchandises. Ce sont désormais aussi des modes d’organisation, des méthodes de production, des technologies innovantes, qui sont mises en partage, au profit de nos deux économies.
Pour le Maroc, cela signifie des services publics de meilleure qualité au service de la population. Ce sont des investissements qui contribuent à la diversification des métiers et à la formation des professionnels de demain, à la montée en gamme et à la modernisation de l’appareil productif. C’est le développement des pratiques liées à la responsabilité sociale des entreprises (RSE), auxquelles je suis très attaché. Et je suis fier que beaucoup de nos entreprises y contribuent, au-delà de leur activité purement commerciale.
Mais il y a aussi dans ce partenariat une chance à saisir pour la France, pour ses entreprises comme pour leurs salariés. Notre objectif est bien sûr d’éviter les délocalisations portant sur l’ensemble d’un processus industriel. En revanche, une co-localisation industrielle, si elle résulte d’une analyse fine de la valeur ajoutée sur toute la chaîne de production et des avantages compétitifs de chaque site, peut être bénéfique et soutenir l’activité des deux côtés.
Je pense par exemple à ces équipementiers aéronautiques, qui ont décidé d’implanter au Maroc certains segments d’activité mâtures. Ce choix leur a permis de restaurer leur compétitivité internationale, d’investir dans de nouveaux produits plus haut de gamme en France et de créer de nouveaux emplois.
Dans la construction de ces solidarités industrielles, le Maroc offre des atouts de premier ordre pour les entreprises françaises. C’est en effet l’un des rares pays à pouvoir répondre simultanément à des exigences telles que la proximité de l’Europe, la présence de compétences techniques et linguistiques associées à une familiarité culturelle, qui permettent un travail en commun très efficace.
C’est tout le sens de la déclaration relative à la colocalisation industrielle qui sera signée demain à Rabat entre nos deux gouvernements. Il s’agira de renforcer une logique de cercle vertueux, combinant la recherche simultanée de l’excellence et du meilleur coût. Ce mécanisme ne fonctionnera pas en imposant de nouvelles contraintes, mais en identifiant les filières dans lesquelles une complémentarité authentique peut s’épanouir, par exemple en encourageant les coopérations entre fédérations professionnelles et le partage de bonnes pratiques entre acteurs de terrain.
C’est ainsi que nous pourrons bâtir des stratégies communes et accéder à de nouveaux marchés, notamment dans les pays émergents. Car le Maroc est aujourd’hui devenu une plate-forme pour investir en Afrique et participer au développement de ce continent. Nous devons, de part et d’autre, accompagner et amplifier ce mouvement, pour que le couple franco-marocain constitue un facteur de développement non seulement en Afrique, mais également au Proche-Orient ou dans les pays du Golfe.
Ce nouvel élan s’appuiera sur une intégration économique et commerciale renforcée de l’Union européenne et du Maroc. C’est l’objectif assigné au projet d’accord de libre-échange complet et approfondi, dont la négociation doit s’engager très prochainement.
Quant à l’approfondissement des solidarités au sein de l’espace méditerranéen, il reste également une priorité. C’est pourquoi la France souhaite que l’Union pour la Méditerranée contribue à faire émerger des projets concrets, en particulier en relation avec les pays du Maghreb. C’est ce que François Hollande a appelé la Méditerranée des projets.
Mesdames et Messieurs,
Ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre, investir, c’est parier sur l’avenir. Ce pari, je souhaite que le Maroc et la France le fassent ensemble. Je veux d’ailleurs rendre hommage devant vous à tous ceux qui oeuvrent, dans les milieux économiques, dans les bureaux d’études, sur les chantiers ou dans les usines, mais aussi au-delà, à la fraternité franco-marocaine.
Monsieur le chef du gouvernement, cher Abdelilah Benkirane, la rencontre de haut niveau de demain sera l’occasion de lancer une nouvelle dynamique entre nos deux pays. Croyez que je compte mettre tout en oeuvre pour que la France reste le partenaire de coeur du Maroc.
Je vous remercie.
Source http://www.ambafrance-ma.org, le 14 décembre 2012