Déclaration de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur l'insertion des jeunes dans l'industrie et ses secteurs d'activité, Paris le 13 décembre 2012.

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Circonstance : Colloque Forum A2i (Agir pour l'insertion dans l'industrie) à Paris le 13 décembre 2012

Texte intégral


Je suis heureux d’être avec vous pour cette clôture du Tour de France dans l’industrie.
Permettez-moi tout d’abord de vous dire mon plein soutien à votre initiative qui se traduit par des engagements concrets sur les territoires. Agir pour l’insertion dans l’industrie, créé en 2009, a déjà investi 9,8 millions et soutenu près de 100 projets sur le territoire. Le tour de France que vous achevez a permis de les valoriser.
* Pour le développement industriel
Avec 750 000 emplois perdus en 10 ans et un déficit de la balance commerciale qui n’a cessé de se creuser pour atteindre près de 70 milliards d’euros fin 2011, l’industrie française est en crise. Le rapport de Louis Gallois a permit de mesurer les difficultés accumulées, d’établir un diagnostic et d’ouvrir des pistes d’action. Le Gouvernement a pris immédiatement des décisions fortes, que vous connaissez et que je ne vais pas rappeler ici. Parce que nous ne pouvons pas nous résigner et accepter ce déclin.
J’y suis d’autant plus sensible, en tant que ministre du travail et de l’emploi, que l’industrie a été longtemps un puissant moteur d’inclusion, de la Révolution industrielle aux Trente Glorieuses. C’est elle qui a porté certaines des plus belles réussites de notre pays. Elle a ensuite été frappée de plein fouet par la concurrence internationale, les différences de salaires, de protections sociales et de normes, par l’émergence, enfin, des nouvelles puissances.
Sur le terrain social des questions nouvelles se posent. D’un côté la complexification des techniques et la montée des besoins de compétences ont favorisé le recrutement de salariés de plus en plus qualifiés, techniciens, ingénieurs, chercheurs. D’un autre côté, en bas de l’échelle, la précarité s’est développée. Elle a le visage des contrats courts, renouvelés aléatoirement, de l’intérim qui subit en premier un choc conjoncturel. Dans notre société, l’incertitude a été réintroduite et a relégué aux marges de l’emploi des millions d’hommes et de femmes.
L’image de l’industrie a aussi changé. Son attractivité est forte chez les champions de la technologie, mais les recrutements sont parfois difficiles sur certaines qualifications même de base, paradoxe évidement insupportable en ces temps de chômage de masse.
* L’insertion dans l’industrie pour les jeunes
Pour amener les jeunes vers l’industrie, je crois comme vous beaucoup à l’alternance. Les contrats en alternance dans les secteurs industriels se traduisent en effet par des taux d’insertion remarquables. L’alternance correspond aux besoins de sociétés qui peuvent ainsi disposer de salariés formés, comme à ceux des jeunes et des demandeurs d’emplois qui ont besoin d’emplois qualifiés, donc durables, pour sortir de la précarité. L’enjeu aujourd’hui est de favoriser l’égalité d’accès à l’alternance, qui bénéficie proportionnellement moins aux jeunes femmes et aux jeunes des quartiers défavorisés. Je note aussi l’originalité du concept des écoles de production, qui visent à « faire pour apprendre et non apprendre pour faire ». Ces écoles reconnaissent ainsi le caractère formateur des situations de travail elles-mêmes, ce qui est un grand enjeu pour nous en particulier pour les salariés en insertion. Toutefois, le cadre juridique de ces écoles pose des questions complexes, qui ne sont pas encore totalement résolues. Et nous pensons qu’elles doivent s’inscrire dans le cadre de l’offre de « deuxième chance » pour les jeunes qui est en construction sur les territoires.
Nous devons faire connaître aux jeunes les métiers de l’industrie et leurs voies d’accès, en particulier à ceux qui se dirigent vers un CAP ou bac pro. Je crois particulièrement au modèle des GEIQ (groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification) qui amènent vers la qualification et un emploi durable des jeunes initialement en difficultés, tout en répondant aux besoins de recrutement des entreprises.
* Le renforcement de l’insertion par l’activité économique et le rapprochement avec les entreprises
A la sortie de la conférence de lutte contre la pauvreté qui s’est tenue au début de cette semaine, le Premier ministre nous a donné mandat de renforcer l’insertion par l’activité économique. Ce renforcement passera d’abord par un examen des modalités de financement. En effet, le financement de ces structures est aujourd’hui non seulement d’une extrême complexité mais aussi fragile juridiquement. Nous avons provisionné 10 M€ pour accompagner cette réforme. Le renforcement de l’IAE passera aussi par des avancées sur les critères de performance.
Surtout, je crois, comme l’a indiqué Anne Lauvergeon, au rapprochement des structures d’insertion et des entreprises. L’objectif, in fine, c’est bien que les personnes accèdent à un emploi stable dans une entreprise. Des périodes d’immersion ou de découvertes des métiers sont, à ce titre, nécessaires. Nous avons donc la charge de rapprocher le fonctionnement des structures d’insertion de celui des entreprises, la transition entre les deux, pour les personnes, n’en sera que plus facile.
Pour faciliter ces transitions, in faudra certainement développer les possibilités d’accompagnement par un référent des salariés qui passent d’un contrat d’insertion à un contrat de droit commun. Cet accompagnement permettrait de prévenir des ruptures qui surviennent trop fréquemment lorsque le salarié et l’employeur n’étaient pas totalement préparés. Ces ruptures sont dramatiques car elles signifient souvent pour les personnes en insertion un retour à la case départ, et elles sont décourageantes pour les entreprises. Cela participe aussi de ma conviction que l’inclusion des personnes éloignées de l’emploi est l’affaire de tous et qu’elle ne saurait être purement et simplement déléguée à des acteurs spécialisés.
* Faciliter les embauches de personnes en insertion en répondant aux besoins des entreprises
L’autre levier qui a fait ses preuves, ce sont les clauses sociales dans les marchés publics. Ces clauses permettent à de nombreux salariés en insertion de bénéficier de missions dans les entreprises. Un certain nombre d’entreprises ont fait évoluer leurs pratiques sur ces clauses sociales, en veillant à la bonne intégration des salariés en insertion dans le collectif, et en envisageant, lorsque c’est possible, leur recrutement à l’issue de la mission.
Je veux revenir sur les difficultés de recrutement dont me font souvent part les chefs d’entreprises industrielles.
Pour une part, ces difficultés de recrutement sont dues à la méconnaissance de vos métiers. Nous avons un travail d’éducation et d’information à mener ; et jusqu’en haut de la chaîne des compétences, quand beaucoup de polytechniciens et ingénieurs des mines préfèrent l’industrie de la finance à l’économie réelle. Avec les résultats que l’on sait mais ça c’est une autre histoire…
Nous avancerons par le développement des contacts avec les établissements scolaires, par l’alternance et l’accueil de stagiaires. Le deuxième facteur d’éloignement des jeunes est sans doute dû à des conditions de travail qui sont parfois objectivement difficiles, notamment en termes d’horaires. Il faut réfléchir à ces question de qualité de vie au travail et de conciliation vie professionnelle / vie personnelle et familiale, car les attentes des nouvelles générations ne sont plus forcement celles de notre génération.
Une troisième raison tient peut-être aux pratiques de recrutement. Je sais qu’il est souvent difficile pour une entreprise de trouver exactement le salarié qui correspond aux compétences attendues sur un bassin d’emploi donné. Et les entreprises n’ont pas forcément beaucoup de temps à y consacrer. Les techniques de médiation active ou la méthode de recrutement par simulation développée par Pôle emploi peuvent apporter des réponse intéressantes, en approfondissant l’étude du besoin de l’entreprise en vue de lui proposer un candidat spécialement sélectionné pour répondre au poste, en termes de compétences et de profil, et pas forcément de diplôme.
Nous avons besoin des entreprises pour construire des parcours réussis de retour à l’emploi. Je crois que nous partageons cette conviction que nul n’est inemployable, même si la période de transition peut être parfois longue. C’est pourquoi, il est nécessaire que les liens se développent avec les employeurs de salariés en insertion et que les entreprises puissent participer à la construction des parcours.
Je veux terminer d’un mot en disant que nous devons changer de regard sur les actifs les plus éloignés de l’emploi : chômeurs de longue durée, allocataires du RSA, travailleurs handicapés, femmes peu on non qualifiées arrivant sur le marché du travail après une interruption pour raison familiale, jeunes en situation d’échec scolaire ou universitaire, jeunes – diplômés ou non – issus de quartiers sensibles. Ils ont beaucoup à apporter à la société, ils ont aussi à se révéler eux-mêmes. L’emploi est la meilleure chance qu’ils aient pour le faire et nous devons leur donner cette chance. Je sais que vous y contribuer et tiens ici à vous en remercier.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 17 décembre 2012