Texte intégral
Je suis heureuse dêtre parmi vous aujourdhui pour participer à la 25ème journée du Conseil national de lordre des pharmaciens (CNOP).
Loccasion qui mest donnée de madresser aux pharmaciens est un moment important.
Vous êtes plus de 70 000 à travailler dans des secteurs aussi variés, que la biologie médicale, la fabrication de médicaments, leur distribution et leur dispensation. Vous exercez également dans des cadres multiples, comme les établissements de santé, les officines ou les laboratoires. Mais cette diversité trouve un socle commun dans les exigences inhérentes à vos professions.
La première de ces exigences, cest la sécurité des Français. Vous lavez dit, madame la Présidente, la semaine que nous entamons est consacrée à la sécurité des patients. Vous jouez dans ce domaine un rôle essentiel tout au long de la chaîne du médicament. En participant directement à la fabrication, à la distribution et à la dispensation des médicaments, vous êtes les garants de la sécurité de nos concitoyens. En les accompagnant dans le temps et en leur prodiguant les conseils, qui améliorent leur traitement, vous assurez chaque jour leur protection.
La seconde exigence, cest votre combat, au quotidien, pour laccès aux soins. Vous savez que laccès aux soins pour chaque Français, quelles que soient ses conditions de revenu ou son lieu de résidence, est lune de mes priorités. Les pharmaciens sont des professionnels de santé à part entière, qui contribuent directement aux soins de premier recours : vous avez été lune des premières professions libérales à généraliser le tiers payant dans vos officines. Vous êtes également, au quotidien, lun des premiers interlocuteurs consulté par la population. Pour solliciter votre avis, pour demander votre soutien, pour recevoir un traitement, ce sont près de 4,5 millions de Français qui, chaque jour, poussent les portes de vos officines.
Je veux nouer avec vous le lien de confiance, qui nous permettra daffronter les enjeux de demain. Votre secteur connaît aujourdhui de profondes mutations. Je connais vos préoccupations et jai entendu, madame la Présidente, les inquiétudes que vous avez exprimées.
Cette intervention devant vous est pour moi loccasion de répondre à vos interrogations légitimes et de vous dire la place que vous occuperez dans notre système de santé.
I) Le patient daujourdhui nest plus celui dhier : cette évolution a conduit à transformer profondément lexercice de votre métier.
1) Le patient du 21ème siècle est en effet plus âgé, mieux informé, et souffre plus souvent de polypathologies.
Plus âgé, parce quentre 1950 et 2010, les Français ont gagné 12 années despérance de vie. La prise en charge et le suivi de nos concitoyens se transforment. Comment imaginer, que laccompagnement des personnes âgées à lhôpital soit le même quil y a 10 ans ?
Mieux informé, parce que les patients ont désormais accès à de très nombreuses informations sur internet, pas toujours de qualité ! Ils sont mieux documentés et se présentent dans les officines en ayant, parfois, déjà fait leurs propres recherches.
Le patient du 21ème siècle, enfin, souffre de plus en plus de plusieurs pathologies, dont la durée sallonge. Votre rôle pour faire face à laccroissement des pathologies chroniques est déterminant. Dans ce cadre nouveau, comment penser, que nos biologistes et notre industrie du médicament naient pas eu à sadapter ?
2) Dans ce contexte en mutation, une chose na pas changé : vous restez un acteur de proximité essentiel, mais avec des missions renouvelées.
a/ Vous contribuez à créer du lien dans les territoires isolés.
Dans certaines zones rurales ou dans des quartiers déshérités, vos pharmacies sont parfois le dernier lieu de santé à proximité des patients. Néanmoins, les pénuries de médecins prescripteurs fragilisent votre présence dans les territoires concernés. La lutte contre les déserts médicaux, que jai engagée, concerne évidemment les médecins. Mais pas seulement. Elle vous concerne directement : un territoire sans officine, cest un territoire fragilisé. La préservation dun maillage territorial dense doit donc rester une préoccupation, car cest un atout majeur de notre système de santé.
Cela ne signifie pas, bien sûr, que nous ne devrons pas travailler ensemble pour rationaliser ce maillage. Sur ce sujet, le gouvernement soutient pleinement la définition dobjectifs partagés sur lévolution du réseau officinal, qui devra faire lobjet dune négociation avec lassurance maladie.
b/ Vous êtes responsables de nouvelles missions de santé publique
Au premier rang desquelles le suivi et laccompagnement des patients, la prévention et léducation thérapeutique. Elles ont un rôle essentiel dans la lutte contre les inégalités de santé.
Je veux, par exemple, évoquer le cas des patients traités par anticoagulants, sur lequel votre profession a particulièrement travaillé. Il illustre bien limportance de votre travail. Plus dun million de Français sont traités avec ces médicaments. Pourtant, certains dentre eux ne bénéficient pas, aujourdhui, du suivi biologique qui leur serait nécessaire. La qualité de lobservance pharmaceutique est pourtant essentielle : chaque année, les accidents iatrogéniques liés à leur consommation sont responsables de 17 000 hospitalisations et de 4 000 décès. Le suivi de ces patients, généralement âgés, constitue donc un véritable enjeu de santé publique.
3) Vous avez également déjà beaucoup fait pour vous adapter aux évolutions que connaît notre système de santé.
a/ Ces dernières années, vous avez travaillé pour améliorer la coordination de votre secteur avec lensemble des professionnels de santé.
Vous avez vous-même initié cette démarche. En 2007, lOrdre des pharmaciens a créé le dossier pharmaceutique. Cest un outil précieux, qui permet aux professionnels de partager les informations de santé des patients quils accompagnent. Il a notamment permis de réaliser dimmenses progrès dans la coordination, la qualité, la continuité des soins et la sécurité de la dispensation des médicaments. Cest un véritable succès : les pharmaciens dofficine ont ouvert, à ce jour, plus de 23 millions de dossiers pharmaceutiques.
Cette réussite nous encourage à aller plus loin encore dans la coopération entre professionnels de santé. Le dossier pharmaceutique vient dêtre ouvert aux pharmacies des établissements de santé.
Par ailleurs, de nouvelles expérimentations sont prévues : elles permettront aux anesthésistes réanimateurs ou aux gériatres davoir accès au dossier pharmaceutique de leurs patients hospitalisés. Mes services finalisent actuellement un décret sur ce sujet.
b/ Je tiens également à rappeler que vous avez une place essentielle au cur du parcours de soins.
Lun des objectifs centraux de la politique de santé que je conduis est de construire les parcours autour des patients. Pour et au service des patients, et non pas autour des structures de soins. Il faut donc renforcer la place centrale que vous occupez dans notre système de santé : je suis convaincue que les couples pharmaciens/hôpital, pharmaciens/maisons de retraite ou pharmaciens/médecine de ville méritent dêtre mieux valorisés.
II) Dans les étapes quil reste à franchir pour adapter le système de soins et la place des professionnels de santé, je veux vous assurer de ma détermination et de mon soutien.
1) Jai entendu vos inquiétudes sur lenvironnement de la biologie, qui a connu des évolutions majeures ces dernières années.
La concentration importante de laboratoires a engendré des difficultés dentrée sur le marché libéral pour les jeunes biologistes. Je le sais, le monde de la biologie a besoin dêtre rassuré. Sur ce sujet, nous devons rapidement trouver des solutions. Cest pourquoi je suis favorable à ce que le Parlement se saisisse de cette question. Un nouveau texte sur la biologie médicale devrait être déposé dès le mois de janvier prochain.
2) Par ailleurs, je sais quil est également nécessaire de mieux valoriser lacte de dispensation.
Le contexte économique difficile que nous connaissons nous incite à mieux maîtriser nos dépenses de santé. Je sais que vous avez réalisé dimportants efforts ces dernières années. Nous devons utiliser plus efficacement nos ressources. Je pense évidemment au développement du médicament générique, pour lequel les pharmaciens dofficine sont particulièrement impliqués. Grâce à la mise en uvre de la substitution, cest vous qui permettez, au quotidien, le développement du médicament générique.
Un nouvel élan a été donné lété dernier, avec la mise en place de lavenant relatif au « tiers payant contre générique ». Cet élan était nécessaire : faut-il rappeler quen France 25% des médicaments remboursables sont des génériques, alors que ce chiffre atteint 68% en Allemagne ? Et je tiens à le redire, un point de générique supplémentaire, cest 15 millions deuros déconomies en plus ! Nous devons donc, ensemble, poursuivre cet effort pour développer le médicament générique.
Je sais également que la crise économique népargne pas nos pharmacies. La dernière convention, signée entre lAssurance maladie et trois syndicats pharmaceutiques, a contribué à modifier le modèle économique de vos officines. Jai conscience que vous vivez une période de transition difficile. Les marges, que vous connaissiez il y a encore quelques années, ne sont plus celles daujourdhui. Vous le savez, je suis attentivement cette situation. Il est important que les règles dun nouveau contrat avec la profession puissent être définies. Cest pourquoi je souhaite que lacte de dispensation soit mieux valorisé. Il nest plus souhaitable que les pharmaciens soient rémunérés en fonction de la seule marge réalisée sur la vente des boîtes de médicaments. Il est aujourdhui nécessaire dévoluer vers la mise en uvre dun honoraire de dispensation. Tel est lenjeu des négociations que les officinaux vont ouvrir.
3) Enfin, je veux renouer la confiance entre les Français et leurs médicaments.
Nayons pas peur des mots : les récentes publications sur lefficacité des produits de santé ou le scandale des prothèses PIP ont pu entamer la confiance des Français vis-à-vis des médicaments et des dispositifs médicaux quils utilisent.
a/ Ensemble, il nous faut réinstaurer de la confiance, en misant sur linnovation et la recherche.
Les enjeux sanitaires dépassent nos frontières. Vous avez fait le choix, ce matin, de travailler sur ce sujet. La chaîne du médicament, autrefois intégrée dans un cadre national, est aujourdhui mondialisée. Les matières premières sont souvent produites à létranger. Le développement des médicaments est de plus en plus souvent réalisé en dehors de lUnion européenne. Désormais les frontières ne sont plus un obstacle à leur circulation.
La conviction du gouvernement, cest que les entreprises du médicament sont lun des fers de lance de lindustrie française. Elles représentent un puissant facteur de compétitivité et marquent lexcellence française à létranger. Vous lavez rappelé, madame la Présidente, le Premier ministre a relancé le conseil stratégique des industries de santé (CSIS). Cette démarche témoigne de notre volonté de préserver notre place de leader sur la scène internationale.
Il est également une autre frontière, qui vous concerne encore plus directement : la frontière technologique. Les besoins en progrès thérapeutique sont immenses. Pour assurer la qualité et lefficience des médicaments, pour garantir la sécurité des patients, il faut miser sur le progrès médical. Les entreprises pharmaceutiques vivent une période de mutation. Leur modèle économique sépuise, leurs perspectives de croissance sont plus faibles, le cycle des innovations nest plus aussi régulier quautrefois.
Je connais le dynamisme des entreprises du médicament. Je sais, quelles ont dores et déjà engagé leur transformation. La situation nécessite délaborer de nouveaux modèles de recherche, en lien, notamment, avec la génétique, linformatique, ou les nouvelles technologies. Elle vous impose de trouver de nouveaux modes de traitement. Elle vous pousse à établir des partenariats innovants et à mettre en place de nouvelles relations avec les professionnels et les patients.
b/ Nous réinstaurerons également de la confiance en assurant ensemble la protection des patients.
Ma conviction, cest quil faut sortir de lère du soupçon. La sécurité sanitaire est ma préoccupation première. Mais pour autant, le bénéfice quapportent les médicaments lorsquils sont bien contrôlés, bien prescrits et bien utilisés doit être préservé et reconnu : cest le cur de votre métier. Cette priorité, je sais que nous la partageons. Cest le sens de louverture, par lordre des pharmaciens, du site « pharmavigilance » : il vise à contribuer à la surveillance par les professionnels des risques liés à lutilisation des produits de santé.
Cest en assurant la sécurité des Français, que nous rétablirons leur confiance en nos médicaments. Cest pourquoi il est urgent, que nous apportions des solutions concrètes et innovantes, tout au long de la chaîne du médicament.
* Les ruptures dapprovisionnement, tout dabord, sont un enjeu majeur. Leur fréquence anormale est dautant plus grave, lorsque ces ruptures concernent des patients suivant des traitements lourds. Rapidement, jai pris des décisions pour prévenir et mieux gérer ces difficultés. Mon objectif, cest de sécuriser lensemble de la chaîne dapprovisionnement. Le décret que jai publié rappelle les rôles et les responsabilités de chacun des acteurs. Il met aussi en place des centres dappel durgence et organise la remontée de linformation vers lAgence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
* La vente de médicaments sur internet est au cur de mes préoccupations. Il nous faut examiner rapidement les enjeux liés à cette question et réfléchir à ce qui doit être encadré, en complément du droit européen, afin que ne soit pas remis en cause le rôle de conseil essentiel des pharmaciens.
* Enfin, jai pour objectif de développer une information fiable, actualisée et indépendante sur les médicaments. Nous devons progressivement aller vers une base de données nationale sur le médicament.
Mesdames, Messieurs,
Vos professions doivent affronter des bouleversements majeurs. Toutefois, vous avez un rôle essentiel à jouer pour enrichir la qualité des soins. Pour favoriser les coopérations entre professionnels. Pour lutter contre les inégalités de santé. Pour inventer les médicaments de demain. Pour assurer la sécurité des patients.
Ce nest quensemble que nous atteindrons ces objectifs et que nous travaillerons efficacement au service de la santé des Français.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 30 novembre 2012