Déclaration de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, sur les professions médicales et paramédicales et l'offre de soins, notamment dans le réseau des pharmacies, Paris le 26 novembre 2012.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 25ème journée du Conseil national de l'ordre des pharmaciens à Paris le 26 novembre 2012

Texte intégral


Je suis heureuse d’être parmi vous aujourd’hui pour participer à la 25ème journée du Conseil national de l’ordre des pharmaciens (CNOP).
L’occasion qui m’est donnée de m’adresser aux pharmaciens est un moment important.
Vous êtes plus de 70 000 à travailler dans des secteurs aussi variés, que la biologie médicale, la fabrication de médicaments, leur distribution et leur dispensation. Vous exercez également dans des cadres multiples, comme les établissements de santé, les officines ou les laboratoires. Mais cette diversité trouve un socle commun dans les exigences inhérentes à vos professions.
La première de ces exigences, c’est la sécurité des Français. Vous l’avez dit, madame la Présidente, la semaine que nous entamons est consacrée à la sécurité des patients. Vous jouez dans ce domaine un rôle essentiel tout au long de la chaîne du médicament. En participant directement à la fabrication, à la distribution et à la dispensation des médicaments, vous êtes les garants de la sécurité de nos concitoyens. En les accompagnant dans le temps et en leur prodiguant les conseils, qui améliorent leur traitement, vous assurez chaque jour leur protection.
La seconde exigence, c’est votre combat, au quotidien, pour l’accès aux soins. Vous savez que l’accès aux soins pour chaque Français, quelles que soient ses conditions de revenu ou son lieu de résidence, est l’une de mes priorités. Les pharmaciens sont des professionnels de santé à part entière, qui contribuent directement aux soins de premier recours : vous avez été l’une des premières professions libérales à généraliser le tiers payant dans vos officines. Vous êtes également, au quotidien, l’un des premiers interlocuteurs consulté par la population. Pour solliciter votre avis, pour demander votre soutien, pour recevoir un traitement, ce sont près de 4,5 millions de Français qui, chaque jour, poussent les portes de vos officines.
Je veux nouer avec vous le lien de confiance, qui nous permettra d’affronter les enjeux de demain. Votre secteur connaît aujourd’hui de profondes mutations. Je connais vos préoccupations et j’ai entendu, madame la Présidente, les inquiétudes que vous avez exprimées.
Cette intervention devant vous est pour moi l’occasion de répondre à vos interrogations légitimes et de vous dire la place que vous occuperez dans notre système de santé.
I) Le patient d’aujourd’hui n’est plus celui d’hier : cette évolution a conduit à transformer profondément l’exercice de votre métier.
1) Le patient du 21ème siècle est en effet plus âgé, mieux informé, et souffre plus souvent de polypathologies.
Plus âgé, parce qu’entre 1950 et 2010, les Français ont gagné 12 années d’espérance de vie. La prise en charge et le suivi de nos concitoyens se transforment. Comment imaginer, que l’accompagnement des personnes âgées à l’hôpital soit le même qu’il y a 10 ans ?
Mieux informé, parce que les patients ont désormais accès à de très nombreuses informations sur internet, pas toujours de qualité ! Ils sont mieux documentés et se présentent dans les officines en ayant, parfois, déjà fait leurs propres recherches.
Le patient du 21ème siècle, enfin, souffre de plus en plus de plusieurs pathologies, dont la durée s’allonge. Votre rôle pour faire face à l’accroissement des pathologies chroniques est déterminant. Dans ce cadre nouveau, comment penser, que nos biologistes et notre industrie du médicament n’aient pas eu à s’adapter ?
2) Dans ce contexte en mutation, une chose n’a pas changé : vous restez un acteur de proximité essentiel, mais avec des missions renouvelées.
a/ Vous contribuez à créer du lien dans les territoires isolés.
Dans certaines zones rurales ou dans des quartiers déshérités, vos pharmacies sont parfois le dernier lieu de santé à proximité des patients. Néanmoins, les pénuries de médecins prescripteurs fragilisent votre présence dans les territoires concernés. La lutte contre les déserts médicaux, que j’ai engagée, concerne évidemment les médecins. Mais pas seulement. Elle vous concerne directement : un territoire sans officine, c’est un territoire fragilisé. La préservation d’un maillage territorial dense doit donc rester une préoccupation, car c’est un atout majeur de notre système de santé.
Cela ne signifie pas, bien sûr, que nous ne devrons pas travailler ensemble pour rationaliser ce maillage. Sur ce sujet, le gouvernement soutient pleinement la définition d’objectifs partagés sur l’évolution du réseau officinal, qui devra faire l’objet d’une négociation avec l’assurance maladie.
b/ Vous êtes responsables de nouvelles missions de santé publique
Au premier rang desquelles le suivi et l’accompagnement des patients, la prévention et l’éducation thérapeutique. Elles ont un rôle essentiel dans la lutte contre les inégalités de santé.
Je veux, par exemple, évoquer le cas des patients traités par anticoagulants, sur lequel votre profession a particulièrement travaillé. Il illustre bien l’importance de votre travail. Plus d’un million de Français sont traités avec ces médicaments. Pourtant, certains d’entre eux ne bénéficient pas, aujourd’hui, du suivi biologique qui leur serait nécessaire. La qualité de l’observance pharmaceutique est pourtant essentielle : chaque année, les accidents iatrogéniques liés à leur consommation sont responsables de 17 000 hospitalisations et de 4 000 décès. Le suivi de ces patients, généralement âgés, constitue donc un véritable enjeu de santé publique.
3) Vous avez également déjà beaucoup fait pour vous adapter aux évolutions que connaît notre système de santé.
a/ Ces dernières années, vous avez travaillé pour améliorer la coordination de votre secteur avec l’ensemble des professionnels de santé.
Vous avez vous-même initié cette démarche. En 2007, l’Ordre des pharmaciens a créé le dossier pharmaceutique. C’est un outil précieux, qui permet aux professionnels de partager les informations de santé des patients qu’ils accompagnent. Il a notamment permis de réaliser d’immenses progrès dans la coordination, la qualité, la continuité des soins et la sécurité de la dispensation des médicaments. C’est un véritable succès : les pharmaciens d’officine ont ouvert, à ce jour, plus de 23 millions de dossiers pharmaceutiques.
Cette réussite nous encourage à aller plus loin encore dans la coopération entre professionnels de santé. Le dossier pharmaceutique vient d’être ouvert aux pharmacies des établissements de santé.
Par ailleurs, de nouvelles expérimentations sont prévues : elles permettront aux anesthésistes réanimateurs ou aux gériatres d’avoir accès au dossier pharmaceutique de leurs patients hospitalisés. Mes services finalisent actuellement un décret sur ce sujet.
b/ Je tiens également à rappeler que vous avez une place essentielle au cœur du parcours de soins.
L’un des objectifs centraux de la politique de santé que je conduis est de construire les parcours autour des patients. Pour et au service des patients, et non pas autour des structures de soins. Il faut donc renforcer la place centrale que vous occupez dans notre système de santé : je suis convaincue que les couples pharmaciens/hôpital, pharmaciens/maisons de retraite ou pharmaciens/médecine de ville méritent d’être mieux valorisés.
II) Dans les étapes qu’il reste à franchir pour adapter le système de soins et la place des professionnels de santé, je veux vous assurer de ma détermination et de mon soutien.
1) J’ai entendu vos inquiétudes sur l’environnement de la biologie, qui a connu des évolutions majeures ces dernières années.
La concentration importante de laboratoires a engendré des difficultés d’entrée sur le marché libéral pour les jeunes biologistes. Je le sais, le monde de la biologie a besoin d’être rassuré. Sur ce sujet, nous devons rapidement trouver des solutions. C’est pourquoi je suis favorable à ce que le Parlement se saisisse de cette question. Un nouveau texte sur la biologie médicale devrait être déposé dès le mois de janvier prochain.
2) Par ailleurs, je sais qu’il est également nécessaire de mieux valoriser l’acte de dispensation.
Le contexte économique difficile que nous connaissons nous incite à mieux maîtriser nos dépenses de santé. Je sais que vous avez réalisé d’importants efforts ces dernières années. Nous devons utiliser plus efficacement nos ressources. Je pense évidemment au développement du médicament générique, pour lequel les pharmaciens d’officine sont particulièrement impliqués. Grâce à la mise en œuvre de la substitution, c’est vous qui permettez, au quotidien, le développement du médicament générique.
Un nouvel élan a été donné l’été dernier, avec la mise en place de l’avenant relatif au « tiers payant contre générique ». Cet élan était nécessaire : faut-il rappeler qu’en France 25% des médicaments remboursables sont des génériques, alors que ce chiffre atteint 68% en Allemagne ? Et je tiens à le redire, un point de générique supplémentaire, c’est 15 millions d’euros d’économies en plus ! Nous devons donc, ensemble, poursuivre cet effort pour développer le médicament générique.
Je sais également que la crise économique n’épargne pas nos pharmacies. La dernière convention, signée entre l’Assurance maladie et trois syndicats pharmaceutiques, a contribué à modifier le modèle économique de vos officines. J’ai conscience que vous vivez une période de transition difficile. Les marges, que vous connaissiez il y a encore quelques années, ne sont plus celles d’aujourd’hui. Vous le savez, je suis attentivement cette situation. Il est important que les règles d’un nouveau contrat avec la profession puissent être définies. C’est pourquoi je souhaite que l’acte de dispensation soit mieux valorisé. Il n’est plus souhaitable que les pharmaciens soient rémunérés en fonction de la seule marge réalisée sur la vente des boîtes de médicaments. Il est aujourd’hui nécessaire d’évoluer vers la mise en œuvre d’un honoraire de dispensation. Tel est l’enjeu des négociations que les officinaux vont ouvrir.
3) Enfin, je veux renouer la confiance entre les Français et leurs médicaments.
N’ayons pas peur des mots : les récentes publications sur l’efficacité des produits de santé ou le scandale des prothèses PIP ont pu entamer la confiance des Français vis-à-vis des médicaments et des dispositifs médicaux qu’ils utilisent.
a/ Ensemble, il nous faut réinstaurer de la confiance, en misant sur l’innovation et la recherche.
Les enjeux sanitaires dépassent nos frontières. Vous avez fait le choix, ce matin, de travailler sur ce sujet. La chaîne du médicament, autrefois intégrée dans un cadre national, est aujourd’hui mondialisée. Les matières premières sont souvent produites à l’étranger. Le développement des médicaments est de plus en plus souvent réalisé en dehors de l’Union européenne. Désormais les frontières ne sont plus un obstacle à leur circulation.
La conviction du gouvernement, c’est que les entreprises du médicament sont l’un des fers de lance de l’industrie française. Elles représentent un puissant facteur de compétitivité et marquent l’excellence française à l’étranger. Vous l’avez rappelé, madame la Présidente, le Premier ministre a relancé le conseil stratégique des industries de santé (CSIS). Cette démarche témoigne de notre volonté de préserver notre place de leader sur la scène internationale.
Il est également une autre frontière, qui vous concerne encore plus directement : la frontière technologique. Les besoins en progrès thérapeutique sont immenses. Pour assurer la qualité et l’efficience des médicaments, pour garantir la sécurité des patients, il faut miser sur le progrès médical. Les entreprises pharmaceutiques vivent une période de mutation. Leur modèle économique s’épuise, leurs perspectives de croissance sont plus faibles, le cycle des innovations n’est plus aussi régulier qu’autrefois.
Je connais le dynamisme des entreprises du médicament. Je sais, qu’elles ont d’ores et déjà engagé leur transformation. La situation nécessite d’élaborer de nouveaux modèles de recherche, en lien, notamment, avec la génétique, l’informatique, ou les nouvelles technologies. Elle vous impose de trouver de nouveaux modes de traitement. Elle vous pousse à établir des partenariats innovants et à mettre en place de nouvelles relations avec les professionnels et les patients.
b/ Nous réinstaurerons également de la confiance en assurant ensemble la protection des patients.
Ma conviction, c’est qu’il faut sortir de l’ère du soupçon. La sécurité sanitaire est ma préoccupation première. Mais pour autant, le bénéfice qu’apportent les médicaments lorsqu’ils sont bien contrôlés, bien prescrits et bien utilisés doit être préservé et reconnu : c’est le cœur de votre métier. Cette priorité, je sais que nous la partageons. C’est le sens de l’ouverture, par l’ordre des pharmaciens, du site « pharmavigilance » : il vise à contribuer à la surveillance par les professionnels des risques liés à l’utilisation des produits de santé.
C’est en assurant la sécurité des Français, que nous rétablirons leur confiance en nos médicaments. C’est pourquoi il est urgent, que nous apportions des solutions concrètes et innovantes, tout au long de la chaîne du médicament.
* Les ruptures d’approvisionnement, tout d’abord, sont un enjeu majeur. Leur fréquence anormale est d’autant plus grave, lorsque ces ruptures concernent des patients suivant des traitements lourds. Rapidement, j’ai pris des décisions pour prévenir et mieux gérer ces difficultés. Mon objectif, c’est de sécuriser l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Le décret que j’ai publié rappelle les rôles et les responsabilités de chacun des acteurs. Il met aussi en place des centres d’appel d’urgence et organise la remontée de l’information vers l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
* La vente de médicaments sur internet est au cœur de mes préoccupations. Il nous faut examiner rapidement les enjeux liés à cette question et réfléchir à ce qui doit être encadré, en complément du droit européen, afin que ne soit pas remis en cause le rôle de conseil essentiel des pharmaciens.
* Enfin, j’ai pour objectif de développer une information fiable, actualisée et indépendante sur les médicaments. Nous devons progressivement aller vers une base de données nationale sur le médicament.
Mesdames, Messieurs,
Vos professions doivent affronter des bouleversements majeurs. Toutefois, vous avez un rôle essentiel à jouer pour enrichir la qualité des soins. Pour favoriser les coopérations entre professionnels. Pour lutter contre les inégalités de santé. Pour inventer les médicaments de demain. Pour assurer la sécurité des patients.
Ce n’est qu’ensemble que nous atteindrons ces objectifs et que nous travaillerons efficacement au service de la santé des Français.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 30 novembre 2012