Déclaration de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, sur la médecine générale et les médecins généralistes, la formation médicale, la médecine de proximité et l'accès aux soins, Lyon le 23 novembre 2012.

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Circonstance : Clôture du 12è congrès national du collège des enseignants de médecine générale à Lyon le 23 novembre 2012

Texte intégral


Je suis heureuse d’être parmi vous aujourd’hui, pour clôturer le 12ème congrès national du collège des enseignants de médecine générale. Cet évènement est un moment important pour la communauté des enseignants généralistes. Il est l’occasion pour vous de présenter vos travaux, de partager vos expériences, de transmettre vos innovations et de mettre en lumière vos savoirs en matière de pédagogie.
Votre collège est l’acteur principal de la formation des futurs médecins généralistes. A travers votre engagement, vous avez pleinement contribué à ériger la médecine générale en une véritable discipline scientifique et universitaire. Rares sont ceux, qui contestent aujourd’hui et état de fait.
Nos concitoyens sont profondément attachés à la médecine générale. Parce qu’elle est souvent le premier contact, qui s’établit entre les Français et leur système de santé. Parce qu’elle intervient à un stade précoce et indifférencié du développement des maladies. Parce qu’elle permet de construire une relation de confiance, dans la durée, entre le médecin et son patient.
Toutefois, je sais que vos préoccupations sur l’avenir de votre discipline sont nombreuses. Les évolutions de notre société transforment en profondeur l’exercice de la médecine générale. Dans le domaine de la formation et de la recherche, je mesure l’ampleur des défis que vous avez à relever.
Contrairement à ce que j’ai pu lire, ou entendre, la politique que je conduis ne prend pas les médecins pour cible. Comme ministre, je suis responsable de la santé des Français. Mais je suis aussi garante de la relation de confiance qui doit nécessairement s’établir entre les responsables politiques et les professionnels de santé. Si j’ai souhaité m’exprimer devant vous aujourd’hui, c’est parce que je suis convaincue, que la modernisation de notre système de soins, ne pourra pas se faire sans vous. Ce n’est qu’ensemble, que nous pourrons relever les grands défis de demain. Ce n’est qu’ensemble, que nous parviendrons à faire en sorte que chaque Français puisse se soigner, sur l’ensemble du territoire. Ce n’est qu’ensemble, que nous répondrons, le plus justement possible, aux attentes de nos concitoyens.
I) Un meilleur accès aux soins passera par la modernisation de la formation des étudiants en médecine.
Dès aujourd’hui, il est essentiel de former autrement les étudiants, pour qu’ils s’adaptent aux transformations que connaît l’exercice de la médecine. Les pathologies changent ; elles deviennent chroniques. Les patients changent ; ils vivent plus longtemps. Leurs attentes ne sont plus les mêmes vis-à-vis du corps médical. Ces grands enjeux, nous devons y faire face. Notre responsabilité, c’est de préparer les étudiants aux exigences de demain. Notre devoir, c’est d’initier la modernisation de la formation de nos médecins.
a) Dans ce domaine, je suis convaincue, qu’il nous faut aller plus loin dans la professionnalisation de la formation médicale. Il est essentiel, que les étudiants soient mieux préparés au métier qu’ils pratiqueront.
Quelles sont les nouvelles attentes des patients ? Nos concitoyens souhaitent passer moins de temps à l’hôpital. Ils aspirent à être soignés au plus près de leur domicile, ou chez eux, lorsque cela est possible. Notre rôle, c’est d’anticiper ces changements, en développant la formation en médecine ambulatoire.
Pour cela, chaque étudiant en deuxième cycle d’études médicales devra effectuer au moins un stage chez un généraliste. Grâce à vous, grâce aux départements de médecine générale, c’est aujourd’hui le cas dans près de 2/3 des facultés. Mais je veux aller plus loin. Mon objectif, dès la rentrée 2013, c’est de proposer à la totalité des étudiants un accès à cette formation. Par la suite, il nous faudra progresser vers un meilleur équilibre entre la formation en CHU, dont la nécessité est incontestable, et la formation en médecine ambulatoire.
Mais je ne me limiterai pas à la médecine générale. Je souhaite aussi, que les stages en médecine ambulatoire se développent dans d’autres disciplines. Je pense en particulier à la pédiatrie ou à la gynécologie.
C’est vous, qui avez inventé le concept de stage en cabinet de médecine générale. C’est vous, qui en avez établi les modalités. C’est vous, encore, qui les animez au quotidien. Vous connaissez mieux que quiconque les difficultés que leur mise en oeuvre implique. Pour ces raisons, je souhaite que nous travaillions ensemble, pour définir l’équilibre entre la formation pratique à l’hôpital et la formation pratique « hors les murs ». L’objectif, que je veux fixer devant vous, est concret : en 5 ans, la durée des stages pratiques en médecine ambulatoire représentera 30% du temps de la formation des futurs médecins.
Le nombre d’internes de médecine générale, qui accèdent à un stage de mise en responsabilité doit continuer d’augmenter. Il est nécessaire, que durant leur dernière année de formation, tous les internes soient mis en responsabilité, afin d’être mieux préparés à la pratique de leur métier. Aujourd’hui, la situation, que nous connaissons est préoccupante : un tiers des généralistes s’installe cinq ans après son inscription ordinale. Après de si longues années de formation, ils doivent pouvoir s’installer dès l’année qui suit l’obtention de leur diplôme. Nous engageons la modernisation des études médicales. Nous le faisons pour redonner confiance aux jeunes médecins et pour les préparer au mieux à leur futur métier.
b) Moderniser la formation médicale, c’est également améliorer la qualité des conditions de travail de nos internes.
Ces dernières semaines, j’ai rencontré à plusieurs reprises les représentants des internes au ministère, mais aussi dans les services des hôpitaux de Bourges, d’Auxerre ou à Lariboisière. Ils m’ont fait part de leurs conditions de travail particulièrement éprouvantes, parfois intenables.
La situation exige, que nous prenions des mesures rapides et efficaces. Le respect du temps de travail et du repos compensateur post-garde est une priorité. A ce titre, j’ai signé le 10 septembre dernier une circulaire exigeant le respect absolu du temps de travail réglementaire, notamment du repos de sécurité. J’ai également rappelé la nécessité d’indemniser tous les actes de permanence des soins des internes, en particulier les astreintes. Des sanctions seront prises à l’encontre des établissements qui n’appliqueront pas cette circulaire.
Sur ce sujet, j’ai par ailleurs engagé un important travail avec les représentants des étudiants et des internes, les présidents des conférences de doyens, les présidents des Commissions Médicales d’Etablissement (CME), avec les CHU et les ARS. Les mesures, que nous mettrons en oeuvre, concerneront aussi les internes pendant leur stage en médecine ambulatoire. La formation et les soins ne s’opposent pas et les internes doivent bénéficier d’une formation théorique et pratique. Il est injuste, qu’ils soient pénalisés, lorsqu’ils sont retenus sur leur terrain de stage, ou lorsqu’ils sont en repos compensateur.
Nous avancerons rapidement, pour que les externes et les internes ne soient plus les victimes d’une mauvaise organisation de l’activité des soins.
c) Des solutions doivent également être trouvées pour les chefs de clinique arrivant au terme de leurs quatre années de clinicat.
Aussi, sans attendre, nous avons mis en place, avec la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, les dispositifs permettant aux jeunes médecins de poursuivre leur activité avec le titre de chef de clinique associé. Les nouveaux contrats aidés pour les chefs de clinique de médecine générale constituent une avancée majeure : je pense par exemple à l’extension du contrat au statut des installés et aux mesures concernant les congés de maternité.
II) Pour former et pour encadrer les futurs médecins, nous avons besoin de tuteurs et d’enseignants.
a) Les enseignants de médecine générale sont encore trop peu nombreux.
Le nombre de chef de clinique de médecine générale a augmenté de 30% en un an. Cette progression doit se poursuivre au cours des prochains exercices de révision des effectifs. Comme vous le savez, cette révision est en cours. En lien avec Geneviève Fioraso, nous veillerons à ce que des efforts de recrutement en médecine générale soient réalisés.
b) Ensuite, la formation des maîtres de stage est essentielle pour garantir la qualité des études de médecine.
En 2011, vous avez formé près de 1200 médecins généralistes à être maître de stage. Votre mobilisation mérite d’être saluée. Elle s’inscrit pleinement dans la lutte, que j’ai engagée contre les déserts médicaux. Pour garantir un accès effectif aux soins sur l’ensemble du territoire, il faut d’abord que nous formions davantage les étudiants en médecine ambulatoire. Mais pour les former, il faut également disposer de maitres de stage. Je sais que ces mesures ont un coût. Mais sur ce sujet, je tiens à vous rassurer. La crise ne sera pas un prétexte pour revoir nos exigences à la baisse en matière de santé publique et la formation des maîtres de stage sera financée en 2013
c) Je veux aussi rappeler, que les premières nominations au grade de maître de conférences des universités, par la voie classique de promotion sur titres et travaux, ont eu lieu.
Elles témoignent de la qualité de la formation, que vous avez prodiguée aux plus jeunes. Elles illustrent l’intérêt, que vous avez suscité auprès d’eux, pour se lancer dans une carrière académique. Pour moi, ce sont des signes forts, qui ne trompent pas. Ils confirment la maturité de votre discipline et l’excellence de votre collège.
Nous poursuivrons le développement de votre filière de formation. Pour qu’il y ait demain davantage de jeunes en capacité d’être recrutés comme maître de conférences, encore faut-il qu’ils aient les moyens de se construire une épreuve de titres et travaux. Je veillerai à ce que, dès 2013, il y ait une augmentation substantielle du nombre d’internes de médecine générale bénéficiant de l’année recherche. Je veillerai également à développer avec vous des programmes de recherche en soins primaires.
III) Enfin, mon combat pour l’accès aux soins se traduira par des actions concrètes en faveur de la médecine de proximité.
a) Pour lutter contre les déserts médicaux, nous déploierons, dès 2013, 200 praticiens territoriaux de médecine générale.
Pour soutenir les territoires les plus isolés, le gouvernement a fait le choix d’agir vite. Pendant 2 ans, le jeune médecin qui s’installera en zone sous-dotée, bénéficiera d’un revenu minimum. Ces praticiens exerceront dans les zones, qui ont franchi un seuil critique. Ils viendront en aide aux médecins, qui travaillent déjà dans ces territoires. Mais ils auront également pour mission de faciliter l’accueil des étudiants et des internes. Beaucoup de médecins doivent faire face à une surcharge d’activité. Il leur est de plus en plus difficile de consacrer du temps aux étudiants ou aux internes. Ces 200 praticiens territoriaux de médecine générale seront un appui pour les médecins et leur permettront de dégager le temps nécessaire au suivi des stages. Par ailleurs, ces praticiens territoriaux de médecine générale pourraient accéder à une carrière académique et renforcer ainsi votre filière universitaire.
b) Les maisons de santé joueront un rôle déterminant dans la réorganisation de l’offre de soins.
Certaines d’entre elles auront vocation à être universitaires. J’ai pris connaissance de vos travaux sur le développement d’une médecine de proximité de qualité. Vous m’avez transmis vos propositions sur la définition des critères concernant les maisons de santé pluri-professionnelles, universitaires et de soins primaires. Elles auront une place importante dans la formation des professionnels de santé dans le domaine de la recherche en soins primaires. Ensemble, nous explorerons plus précisément les modalités d’une telle organisation. Je m’engage à ce que nous ayons, dès 2013, statué sur le sujet.
c) Enfin, je tiens à vous rappeler, une nouvelle fois, mon attachement aux valeurs fondatrices de la médecine libérale.
La modernisation de notre système de santé ne les remettra pas en cause. La liberté du patient d’accéder partout à des soins de qualité, prodigués par le médecin de son choix, est essentielle. Le corollaire de la liberté du patient, c’est celle du médecin de s’installer là où il le souhaite. Ces deux principes fondent l’identité de notre modèle de médecine. Les Français y sont particulièrement attachés et je veillerai à les préserver.
J’ai eu l’occasion, à plusieurs reprises ces dernières semaines, d’aller à la rencontre des futurs médecins, sur leur lieu d’apprentissage. J’ai pu échanger librement avec eux. J’ai mesuré à quel point ils étaient fiers du métier auquel ils se préparent. Beaucoup de ces internes ont manifesté le souhait de s’installer, non pas dans les grandes villes, mais dans les zones rurales ou dans des quartiers déshérités. Ma détermination dans la lutte contre les déserts médicaux est totale. Dans cette bataille décisive pour les Français, je sais pouvoir compter sur la responsabilité des futurs médecins, de leurs enseignants et de l’ensemble des professionnels de santé.
Je vous remercie.
Source http://www.cnge.fr, le 5 décembre 2012