Texte intégral
Le Premier ministre la dit, depuis 8 mois, la question des droits des femmes est redevenue une politique publique à part entière.
Nous avons fait voter à lunanimité du Parlement la loi sur le harcèlement sexuel.
Nous avons mis la question de légalité femmes hommes au coeur de la grande conférence sociale. Nous avons défini une feuille de route en commun avec les partenaires sociaux sur ce sujet que nous appliquons ensemble dans les territoires, avec les expérimentations, ou au travers de négociation dans le secteur privé comme dans la fonction publique.
La méthode de travail que jai mise en place, avec lappui du Premier ministre, montre que nous avons abordé cette question non comme une question périphérique mais comme un enjeu central et transversal : actions de sensibilisation personnelle des ministres ; mise en place de hauts fonctionnaires à légalité (dont je salue la présence dans ce Haut conseil) ; désignation de référents dans les cabinets ministériels ; conférences de légalité ; mise en place de nouvelles études dimpact pour les textes législatifs et réglementaires ; suivi des nominations des cadres dirigeants.
Nous changeons de méthode, nous accélérons le rythme. Parce que les inégalités sont partout, nous agissons à tous les échelons, dans tous les secteurs ; parce quelles durent depuis trop longtemps, nous agissons vite, et sans attendre. Cest le sens du plan daction que le Premier ministre et tous les ministres ont adopté lors du Comité interministériel aux droits des femmes du 30 novembre.
Votre Haut Conseil est une pierre essentielle de cette nouvelle organisation. Il aura pour mission danimer le débat public et dévaluer lapplication des lois en matière dégalité. Jattends de vous de la clairvoyance et de lexcellence. Nous navons pas peur du débat. Nous navons pas peur de la transparence.
* Le programme de travail du HCE doit permettre de définir les différents éléments dune troisième génération de droits
Je voudrais revenir sur la notion de troisième génération des droits des femmes qui est la pierre angulaire du plan interministériel et qui peut vous interpeller. Je souhaite que vous y travailliez spécifiquement.
Chaque fois que nous préparons de nouvelles décisions en matière dégalité, nous nous heurtons sur une difficulté récurrente qui est la crainte dune perte des identités. Il faut sortir de cette vision. Nous devons passer à une société de légalité positive, dans laquelle les hommes et les femmes ne sont pas de prime abord conçus comme des contraires mais comme des égaux, à qui les mêmes possibilités sont offertes, sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. Ce travail de fond se fait à lécole, dans les médias et dans les mentalités. Cest la ligne directrice des décisions que nous prenons.
Pour la première fois nous nous attaquons aux stéréotypes de genre. Vous les connaissez bien : « les femmes ne savent pas conduire » ; elles « sont fâchées avec la technologie »... Ces stéréotypes prêtent à sourire. Pris isolément, ils ne paraissent pas porter à conséquence. Mais lorsquils penchent systématiquement en défaveur dun sexe contre un autre, lorsquils font système, alors ils deviennent un obstacle à légalité qui est au coeur du projet républicain. Ils ferment des perspectives aux femmes. Parfois ils créent un terrain pour la violence. Cest pourquoi jattends des propositions concrètes de votre Conseil pour faire reculer ces stéréotypes.
La question des droits des femmes touche à tous les aspects de la vie sociale ; elle concerne chacun de nos ministères ; elle impose de réfléchir sur la question des rythmes de la société, des modèles productifs, des valeurs que nous transmettons. Je pense aussi quelle doit être abordée avec à lesprit une logique de territoires. La question des droits des femmes ne se pose pas de la même façon dans la France rurale que dans la France urbaine. Elle ne se pose pas de la même façon dans nos centres villes et dans nos banlieues. Je souhaiterais que vous puissiez travailler avec ce prisme, je dirais même avec cette exigence de prendre en compte la diversité des situations. Légalité entre les femmes et les hommes sera au rang des principes prioritaires de la refonte de la politique de la Ville. La concertation en cours donne la parole aux femmes, aux associations qui les accueillent, les accompagnent, à celles qui les protègent et agissent avec les services publics pour faire reculer ici la violence, là les discriminations et là encore font progresser linsertion sociale et professionnelle des femmes des quartiers. Le dernier rapport de lobservatoire national des zones urbaines sensibles a montré limportance dagir. Un Conseil comme le vôtre doit intégrer ce questionnement et je crois que quil pourra faire en la matière oeuvre utile.
Je noublie pas non plus que si la question de légalité interpelle lEcole, les représentations dans les médias ou la publicité, dans la vie culturelle ou dans les institutions de la République, elle se pose aussi dans le monde du sport. En dépit dactions engagées pour la promotion du sport au féminin, les représentations que donnent à voir quotidiennement le monde sportif, dans ses activités ou ses institutions, sont encore largement dominées par lHomme. Des évolutions sont nécessaires ; elles modifient nécessairement des équilibres installés que je sais difficile à modifier mais que je souhaiterais que vous puissiez interroger, en ouvrant pourquoi pas votre réflexion aux professionnels du secteur.
* La loi cadre sur les droits des femmes permettra de rendre effective la parité à lassemblée nationale et dans les Institutions de la République
Si nous passons de lObservatoire de la parité au Haut conseil à légalité, ce nest pas pour que votre institution se désintéresse de lexigence de parité qui doit irriguer notre système politique et le fonctionnement de nos institutions.
Cette exigence est pleinement prise en compte dans les réformes institutionnelles qui sont aujourdhui préparées.
Dores et déjà, nous avons introduit la parité dans le projet de loi relatif à lélection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral. Le mode de scrutin binominal retenu permettra en particulier de lassurer strictement sagissant des assemblées départementales, qui ne comptent aujourdhui que 13,8% de femmes. je rappelle par ailleurs que la France ne compte que 14% de femmes maires. Cette situation doit évoluer et les partis peuvent y contribuer.
Sagissant des élections législatives, la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique a fait des propositions pour aller plus loin. Lélection de lAssemblée Nationale a montré une progression des femmes parmi les députés. De 18,5% dans lancienne Assemblée (108 élues), elles représenteront dans la prochaine près de 27% des élus (155). Ce progrès, dû aux efforts faits par la gauche, ne doit pas masquer la réalité. Légalité nest pas encore devenue un automatisme de la vie politique française.
Les propositions de la Commission Jospin constituent une excellente base de travail pour concrétiser les engagements pris par le président de la République. Pour aller vers une parité réelle, les mécanismes de modulation des aides financières aux partis politiques créés en 2000 et renforcés à plusieurs reprises doivent être repensés. Ils doivent sétendre au-delà de la seule parité des candidatures proposées et sintéresser aux résultats obtenus par les partis concernés.
La Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique propose pour renforcer le niveau des sanctions prévues en 2000 de porter le taux de sanction à 100%. Créer des mécanismes dincitation qui concerneraient les deux fractions de financement définies par la loi du 11 mars 1988 est un complément indispensable à cette mesure. La création des mécanismes de bonification pour les partis qui progressent vers la parité, tel que le propose la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, est également une piste de travail innovante.
Ces sujets seront des éléments importants du prochain projet de loi cadre sur les droits des femmes qui sera proposé à la délibération du Conseil des ministres au mois de mai.
Mais la logique de parité doit aussi sétendre à lensemble de la sphère publique et vous participerez à lévaluation des mesures qui doivent nous permettre dy parvenir.
Cela concerne la fonction publique bien sûr, au sein de laquelle laccès aux emplois supérieurs de cadres dirigeants doit au cours des prochaines années faire davantage de places aux femmes. La négociation avec les organisations syndicales sur légalité professionnelle dune part, lengagement des ministères tous représentés ici, de sengager pour légalité et de mutualiser leurs bonnes pratiques sont des signes très encourageants quil faudra suivre évidemment.
A limage de cette instance, où nous avons souhaité que la représentation entre femmes et hommes soit guidée par la logique de parité, il nous faut aussi progresser vers la parité dans les responsabilités professionnelles et sociales.
Après la révision constitutionnelle de juillet 2008, le Conseil constitutionnel vient, le 13 décembre dernier, à loccasion de son examen de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, den reconnaitre la faisabilité.
Sur cette base, nous voulons définir des règles plus contraignantes pour diffuser la logique de parité dans les autorités administratives indépendantes et les principaux organismes consultatifs de lEtat. Je prépare un état des lieux pour que des mesures soient proposées dans le projet de loi cadre, par la définition de nouveaux principes de nomination. Cette exigence concerne déjà par exemple le Haut Conseil des Finances Publiques ou encore le Conseil national du numérique. Elle doit devenir la norme et je compte aussi sur vous pour y veiller.
Chère Danielle BOUSQUET, après ces mois de réflexion et déchange en commun, voici le temps que vous preniez la tête de ce Haut conseil à légalité entre les femmes et les hommes pour nous éclairer, nous alerter, nous conseiller, sur la voie de la société de légalité réelle.
Source http://femmes.gouv.fr, le 10 janvier 2013