Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, sur la mise en oeuvre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi, la formation professionnelle dans le cadre de l'accord national pour la sécurisation de l'emploi et la stratégie de diversification développée par les Chantiers de Saint-Nazaire, à Saint-Nazaire le 21 janvier 2013.

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Circonstance : Présentation par Laurent Castaing, directeur général de STX, du projet de paquebot Oasis au Premier ministre, à Saint-Nazaire le 21 janvier 2013

Texte intégral

Bien, mesdames messieurs, mesdames messieurs les ministres, vous pouvez vous rapprocher à mes côtés. Monsieur Castaing président de STX je vous remercie de votre accueil d'abord, et je suis heureux d'être là avec Pierre Moscovici, Arnaud Montebourg et Delphine Batho, je veux excuser d'ailleurs le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, qui est resté à Paris en raison des intempéries, non pas parce qu'il ne pouvait pas venir, mais parce qu'il est à son poste tout simplement. Mais, après avoir visité la future, enfin la préfiguration de l'usine Alstom pour les constructions d'éoliennes offshores, je tenais à répondre à votre invitation, Monsieur Castaing, et venir saluer, ici, tous ceux qui continuent la formidable aventure des Chantiers de Saint-Nazaire, et quand on visite un bateau comme celui-ci, qui est en cours de finition, qu'on voit tous ceux qui y ont contribué, on voit les entreprises qui interviennent, dont des PME locales, je crois qu'on peut être légitimement fier, et en regardant les uns et les autres, en saluant les salariés de l'entreprise STX, mais aussi les entreprises extérieures, je voyais sur les visages effectivement cette fierté. Fierté du travail bien fait, de l'amour du travail et de l'attachement à un métier. Et c'est vrai que, s'agissant des Chantiers de Saint-Nazaire, des Chantiers navals, ils ont connu une histoire qui n'a pas manqué de soulever bien des passions, mais aussi bien des interrogations, mais aussi des inquiétudes et des espoirs. Mais, si aujourd'hui nous sommes dans une phase d'espoir, nous le devons d'abord au savoir-faire, à la qualité du travail, des Chantiers eux-mêmes.
Je me souviens d'une visite que nous avions faite ici il y a un peu plus d'un an, avec François Hollande, il n'était pas alors président de la République, mais aujourd'hui il l'est devenu, par la volonté des Français, et à l'époque il s'était prononcé pour la mise en œuvre d'un pacte productif national, et effectivement ça veut dire que le gouvernement croit à l'avenir de l'industrie en France, et s'il y a bien une région où on y croit, et on y croit depuis longtemps, parce qu'on a su se renouveler, parce qu'on a su inventer, parce qu'on a su se battre, innover, c'est bien cette région, cette région de la Basse-Loire, mais comme d'autres régions françaises, et c'est pour cela qu'après la remise du rapport préparé par Louis Gallois que je lui avais demandé le 11 juillet, le 6 novembre dernier j'ai proposé la mise en œuvre d'un pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi. Ce pacte est fondé sur un principe simple, la France doit faire le choix de la montée en gamme de son économie et d'abord de son industrie, c'est ainsi que nous pourrons conquérir de nouveaux marchés, non seulement en France, en Europe, et dans le monde. Et c'est pour cela que les mesures qui ont été prises ont pour objectif d'encourager l'investissement, d'encourager l'innovation, et d'encourager l'exportation. C'est l'objet-même du crédit d'impôt, pour la compétitivité et l'emploi, qui a été voté par le Parlement et qui est maintenant en œuvre depuis le 1er janvier 2013, maintenant c'est aux entreprises de s'en saisir, les grands groupes, les petites et moyennes entreprises, les très petites entreprises, les entreprises artisanales. Il faut simplement faire connaître ces possibilités, elles ne le sont pas encore assez, donc j'invite tous les acteurs, bien sûr les entreprises elles-mêmes, mais aussi les Chambres de Commerce et d'Industrie, les Chambres des Métiers, les Chambres d'Agriculture, pour le secteur de l'agroalimentaire, mais aussi tous les responsables, politiques, territoriaux, mais aussi les responsables syndicaux, mais aussi tous ceux qui peuvent aider à convaincre que notre pays peut réussir, peut investir, peut innover. Donc, le pacte et le crédit d'impôt, eh bien la question est posée à chaque chef d'entreprise, qu'allez-vous en faire pour investir, qu'allez-vous en faire pour innover, qu'allez-vous en faire pour former, qu'allez-vous en faire pour créer des emplois, ou préserver des emplois ? Et justement, préserver les emplois ou créer les emplois, parce que cette politique-là, qui comprend beaucoup d'autres actions, ne peut pas être menée sans les salariés eux-mêmes. L'excellence industrielle repose non seulement sur une technologie de pointe, mais aussi sur la compétence des travailleurs, c'est pourquoi il est important d'investir massivement dans la formation des salariés, mais aussi des demandeurs d'emploi et des jeunes, sans qualification, ou même lorsqu'ils en ont une, les aider à se reconvertir.
Lundi dernier je suis allé à Caen, pour annoncer le sauvetage de l'AFPA qui était vouée à une mort programmée, qui fait partie de ces dossiers difficiles dont hérite le gouvernement, mais qui le conduit à ne jamais renoncer. J'ai annoncé le sauvetage de l'AFPA, qui est un des outils de l'Etat, et qui le demeurera, pour former les travailleurs, et c'est vrai que là, ce que j'ai vu, et j'ai rencontré aussi des salariés ici à STX, j'ai vu qu'on formait des chaudronniers, j'ai vu qu'on formait des soudeurs, eh bien dans cette perspective de commande qui a été conclue avant la fin de l'année 2012 ici, eh bien après en avoir parlé ce matin avec le président du Conseil Régional, Jacques Auxiette, je crois qu'il faut faire encore davantage pour la formation, davantage pour former les soudeurs, davantage pour former des chaudronniers et bien d'autres métiers encore, pour que lorsque l'offre d'emploi existe, eh bien elle puisse être occupée par quelqu'un de notre région, ou de notre pays, et ça fait partie, évidemment, des ambitions que nous pouvons avoir collectivement.
Et puis, la formation professionnelle, c'est justement l'un des volets de l'accord national pour la sécurisation de l'emploi qui a été conclu le 11 janvier dernier après une longue négociation. Je veux redire combien cet accord peut être salutaire pour les salariés, mais aussi pour les entreprises. C'est une arme décisive dans notre combat pour l'emploi, mais c'est également un engagement prometteur de la vitalité du dialogue social dans notre pays. Et donc je viens ici, au lendemain de la conclusion de cet accord, qui fera l'objet d'une décision du Parlement dans les prochains mois, pour vous dire que ce qui est important c'est effectivement de donner des perspectives de croissance, des marges de manœuvre aux entreprises, mais de donner aussi des perspectives aux salariés, et en particulier la sécurisation de leur parcours professionnel tout au long de leur vie. Donc il faut des avancées économiques, il faut plus de compétitivité économique, il faut plus de performances économiques, mais sans cohésion sociale, sans garantie pour les salariés, sans meilleure formation, alors, effectivement, il y a un maillon qui manquera, et ce maillon c'est celui des droits des travailleurs. Et quand j'ai pris connaissance du rapport Gallois avant la décision du gouvernement d'annoncer ce pacte, eh bien j'ai noté que Louis Gallois, commissaire général à l'Investissement, qui est aujourd'hui présent aussi parmi nous, avait noté qu'une des raisons de la faiblesse de la compétitivité de notre économie c'était aussi la faiblesse du dialogue social, donc l'un et l'autre vont ensemble, en tout cas le gouvernement souhaite l'encourager.
Ici, à STX, vous allez construire le plus grand navire de croisière du monde, l'Oasis 3, d'une longueur de 361 mètres, avec une capacité de 7500 personnes à bord. Vous avez remporté ce contrat à l'issue d'une compétition internationale avec les meilleurs chantiers du monde, le président de l'armateur, monsieur Fain, que j'avais rencontré avec monsieur Castaing à Matignon avant Noël, m'a confié les raisons de ce choix, c'est que se concentrent ici, des compétences techniques exceptionnelles, et une capacité d'innovation qui ne s'est jamais démentie. Ce que ce contrat illustre c'est bien le fait qu'une offre de qualité, alliant l'excellence technologique à un haut niveau de compétence, permet de rivaliser avec n'importe quel concurrent. Et donc je suis heureux d'être ici aussi parce que votre réactivité, la réactivité d'une entreprise, la réactivité de ses équipes, celle des Chantiers de Saint-Nazaire, illustre l'un des principes du pacte de compétitivité voulu par le gouvernement que je viens d'évoquer à l'instant.
Je disais innovation, carte maîtresse, les immenses paquebots que vous construisez, sont parmi les plus modernes du monde, eh bien il faut stimuler l'innovation, dans toutes nos entreprises, elle doit irriguer toute leur production, et cela suppose notamment de renforcer les partenariats entre les chercheurs et les ingénieurs.
Les Chantiers ont également choisi de se diversifier, et je voudrais saluer ce choix stratégique, Monsieur le président Castaing, vos compétences uniques en soudure industrielle, et vous m'en avez fait la démonstration il y a quelques instants, seront mises à profit pour la construction d'éoliennes offshores, et je suis sûr que là aussi vous serez en pointe, mais déjà les premiers contrats sont prometteurs.
Vous vous appuyez aussi, à Saint-Nazaire, sur une filière intégrée, avec des sous-traitants, qui sont devenus de véritables partenaires et forment un tissu local extrêmement dense, c'est encore trop rarement le cas en France, et mes collègues, ici, ministres, le savent bien, je pense au travail qu'Arnaud Montebourg entreprend pour l'organisation par filières, dans le cadre de la Conférence nationale de l'industrie, eh bien il faut encourager les grandes entreprises, les grands groupes, les entreprises de taille intermédiaire, encore trop peu nombreuses, et les PME, à travailler davantage ensemble, c'est un des axes du pacte de compétitivité, et donc cette organisation en filières, qui sera poursuivie dans le cadre de la Conférence nationale de l'industrie, elle ne met pas l'Etat à côté comme observateur, c'est l'Etat qui doit être au cœur-même de l'identification des secteurs d'avenir, où la France doit disposer de compétences de pointe et d'un tissu industriel performant. Et donc après avoir consulté Louis Gallois, commissaire général à l'Investissement, j'ai décidé de redéployer 2 milliards de fonds, qui sont disponibles, du programme des investissements d'avenir vers les secteurs de demain. 600 millions d'euros seront investis dans les fonds propres des entreprises, de nouveaux appels à projets, je l'évoquais ce matin sur le site Alstom des éoliennes offshores, de nouveaux appels à projets pourront ainsi être lancés dans les domaines de la transition énergétique, dans les domaines de la santé et des biotechnologies, et l'économie du vivant, dans les domaines des technologies génériques et numériques.
Oui, nous avons un vrai avenir industriel, si nous savons faire les choix, si nous savons aider là où il faut, et donc il faut aussi répondre à l'urgence, et c'est pourquoi le gouvernement met tout en œuvre pour satisfaire les besoins de trésorerie des PME. Pierre Moscovici l'indiquait il y a quelques instants, la Banque Publique d'Investissement, créée le 1er janvier dernier, eh bien elle offre une nouvelle garantie pour des prêts de trésorerie aux PME, d'un montant de 500 millions d'euros, et la prochaine loi sur la consommation imposera également le strict respect des délais de paiement, qui est une vraie difficulté pour les PME, et qui leur cause bien du souci.
Enfin, dernière illustration, des principes du pacte que je voudrais évoquer, vous avez su exporter votre savoir-faire, j'ai fixé comme objectif, la ministre du Commerce extérieur qui n'a pas pu venir aujourd'hui s'y attache avec les autres membres du gouvernement, que la France parvienne à l'équilibre de son commerce extérieur hors énergie en 2017. Le contrat que vous venez de remporter va y contribuer fortement. Pour sa part le gouvernement a lancé une vaste réforme des aides financières à l'exportation, afin d'aligner le système français sur les meilleurs standards européens, et c'est vrai que cela nous a permis, grâce à la commande que vous avez obtenue, les Chantiers STX, d'anticiper en quelque sorte, avec Pierre Moscovici et ses services, de Bercy, la mise en place de conditions favorables tout en respectant bien sûr strictement les règles européennes et les règles de l'OCDE, pour que l'offre qui a été faite sur le plan industriel, soit accompagnée des conditions financières adéquates.
Innovation, investissement, structuration des filières, exportation, voilà quelques biais de ce pacte de compétitivité qui doit favoriser la montée en gamme, donc en qualité, de notre industrie. Les chantiers navals de Saint-Nazaire ont démontré que l'objectif pouvait être atteint, encore une fois je tiens à saluer l'engagement de l'entreprise et saluer aussi l'engagement de tous ses salariés, c'est vrai que ces derniers mois il y avait une grande inquiétude, les élus ici présents (le président de la Région que j'ai cité, le président du Conseil général, le maire de Saint-Nazaire et les parlementaires) n'ont jamais manqué un instant d'alerter le gouvernement, nous étions mobilisés depuis la première heure. Mais aujourd'hui il y a la récompense à ces efforts, il y a une inquiétude effectivement qui est levée, ça ne veut pas dire que tout est réglé, j'ai parlé des PME, j'ai parlé de la formation des salariés et j'aurais pu parler de l'emploi, non seulement la création de nouveaux emplois mais aussi le maintien des emplois. Et c'est un des points d'ailleurs qui a été fortement traité dans le cadre de la négociation entre les partenaires sociaux, c'est comment, dans les phases intermédiaires, lorsque des réorganisations sont nécessaires, des mutations doivent être opérées, comment faire pour que les salariés ne soient pas les variables d'ajustement et que le licenciement soit en quelque sorte inéluctable ? Eh bien oui il y a d'autres méthodes ! Des méthodes qui, dans le cadre de la négociation, doivent permettre de préserver l'emploi, donner aux salariés la possibilité de se former, d'utiliser davantage la possibilité du travail à temps partiel et en tout cas financé et payé comme cela s'est pratiqué dans d'autre pays - notamment en Allemagne - et sous-utilisé en France.
Voilà ma visite aujourd'hui, elle va être brève, dans quelques instants j'échangerais avec les représentants des organisations syndicales. Mais c'est pour vous dire, en conclusion, ma confiance, ma confiance dans les capacités de la France à réussir son redressement. C'est vrai que pour beaucoup de Français la situation est difficile (des entreprises qui ferment, des plans sociaux ici) mais, en même temps, il y a un facteur d'espoir, il y a des raisons d'espérer, à condition d'être lucide, à condition de faire les choix, à condition de continuer à se battre, de ne jamais renoncer à l'ambition. Eh bien aujourd'hui vous incarnez, ici à Saint-Nazaire, à travers ces 2 visites, ce courage, cette détermination, cette volonté de continuer à se battre mais aussi cette capacité à réussir. J'en suis sûr cette visite fera référence, elle donnera confiance à tous ceux qui aujourd'hui sont dans la peine, aujourd'hui qui se découragent, que la France va réussir, et que c'est tous ensemble, en unissant nos forces, nos intelligences, nos capacités, avec l'esprit de justice, que la France se redressera et sera plus forte. Tous ensemble nous marcherons ensemble pour la France et pour les Françaises et les Français. Merci !

Source http://www.gouvernement.fr, le 22 janvier 2013