Déclaration de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, sur le projet agroécologique de la France, à Paris le 18 décembre 2012.

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  • Stéphane Le Foll - Ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

Circonstance : Conclusion de la journée "Produisons autrement" à Paris le 18 décembre 2012

Texte intégral

Je vais conclure cette journée et dire que j’ai mesuré au travers de tous les témoignages, que beaucoup de choses sont déjà faites. C’est peut-être une journée qui marque un début, mais elle s’inscrit surtout dans une continuité. Elle marque un début pour le ministère de l’agriculture, mais elle sera suivie d’un certain nombre d’éléments pour un projet pour l’agroécologie, et en même temps, je m’inscris parfaitement dans tout ce qui a été fait. Je cherche à bien prendre en compte tous les éléments qui ont été évoqués durant toute cette journée à travers les différentes expériences pionnières et autres sujets. Je voudrais bien sûr saluer tous ceux qui ont participé à cette journée, toutes les organisations, en particulier professionnelles, agricoles, la FNSEA, la Confédération paysanne, la coordination rurale, l’ensemble des JA qui sont arrivés, l’ensemble des interprofessions, les réseaux qui travaillent tous les jours, que ce soit Base, Trames, le réseau d’agriculture durable, les CIVAM, l’agroforesterie qui cet après-midi, nous a montré toutes ses potentialités. Les ONG qui étaient présentes, France Nature Environnement, WWF, Pac 2013, puis aussi toute la communauté éducative, et tous ceux qui ont été là, en particulier les élèves du lycée agricole de Rouillon.
Je salue également les élus locaux, et je ne manquerai pas de rappeler non plus la présence des présidents des CUMA. Il y a aussi, bien entendu, tous les membres du Conseil économique, social et environnemental et son Président que je salue. Nous sommes accueillis avec beaucoup de chaleur, et c’est un engagement que j’avais pris en présence des ministres, en particulier de Delphine Batho qui avait lancé, avec le premier ministre, la conférence sur l’environnement. Je trouve qu’il y avait là une logique à revenir au Conseil économique, social, et environnemental, pour poursuivre et décliner cette grande démarche qui avait été engagée sur la transition écologique, la transition énergétique qu’est en train de conduire Delphine Batho. Cette conférence nationale sur l’agroécologie est une déclinaison de la conférence nationale qui avait eu lieu sur la question globale de la prise en compte de l’environnement dans le projet gouvernemental.
Je voudrais saluer le travail de Delphine Batho et vous demander de l’applaudir.
Je voudrais également saluer Geneviève Fioraso qui est en charge de la recherche
et qui a mené les Assises de la recherche. Tout l’après-midi a montré le lien qu’il y avait entre les expériences qui étaient menées et conduites par les agriculteurs, puis en même temps, nous avions cherché à montrer le lien que nous pouvions tisser avec les concepts développés par les chercheurs. Nous avons bien montré qu’au travers de la recherche et des expériences, il y avait toute la question de la formation, de l’enseignement, et ce lien qui a été défini dans le cadre des Assises entre la recherche et l’enseignement est pleinement au coeur du débat qui a eu lieu cet après-midi. Nous allons continuer à travailler ensemble.
Enfin, Guillaume Garot avec qui je travaille beaucoup plus souvent, et qui partage avec moi les ambitions que nous avons pour le Ministère de l’agriculture et des industries agroalimentaires. Guillaume Garot proposera lui aussi un débat sur le défi vert pour les industries agroalimentaires. Il y a de nombreuses choses à faire sur les économies d’énergie, toute la bio économie, et nous aurons une déclinaison de ce « produisons autrement » de l’agriculture dans le cadre de l’agroalimentaire.
Je voudrais saluer également la présence de Luc Guyau, pas simplement comme l’ancien représentant syndical, mais surtout comme le Président de la FAO, avec lequel nous avons travaillé, en particulier sur la coordination des politiques à l’échelle mondiale, dans un groupe de haut niveau à Rome. Puis sur le fait aussi que la FAO travaille sur ces questions du « produisons autrement », et plein d’expériences à l’échelle mondiale doivent nous servir ici en France.
Ce débat que nous avons eu a tourné autour de l’agriculture, certes, mais la question de l’agriculture posée comme elle a été posée est un débat plus large, et c’est pour cela que c’est le prolongement de cette grande question de la transition énergétique et écologique. De la grande question qui est posée aux sociétés industrielles, du nouveau modèle de développement, ou en tout cas, de la perception que nous devons avoir dépend la construction de notre avenir. L’agriculture est au coeur de ce débat, et c’est cela qui était intéressant. Il faut sortir d’un débat purement agricole.
C’est un débat purement global, de société, sur les questions que nous devons nous poser sur nos modèles de développement, à l’aube du XXIe siècle. Voilà ce qui doit être le message. Le XXIe siècle est un moment où l’on va devoir penser différemment de ce qu’a pu être la pensée du XIXe et du XXe siècle.
Dans ces deux siècles précédents, il a fallu combiner la question de la production, avec la question sociale, qui a d’ailleurs permis la naissance d’un certain nombre de partis politiques dont je suis issu. L’enjeu du XXIe siècle va être de combiner la question de la production, la question sociale et les questions d’emploi qui sont aujourd’hui au coeur de ce débat, ainsi que la question environnementale. C’est là que le doute qu’évoquait tout à l’heure le Président d’In Vivo se pose. Il est vrai que cette combinaison de trois facteurs va nécessiter que l’on change la manière dont on pense les choses. Encore une fois, l’expérience dans l’agriculture est extrêmement intéressante. Nous devons passer d’une logique double de contestation d’un modèle ou de conservation d’un modèle à une logique de construction d’un modèle nouveau.
Dans l’histoire de l’agriculture, si nous devons trouver des exemples c’est la façon dont s’est construite l’agriculture biologique, en contestation parfaite du modèle conventionnel. Comment se sont construits les labels ? À l’origine, c’était une contestation du modèle de production de volailles industrielles. Il y a eu là une forme de construction qui s’est faite dans la contestation. La modernité n’est-elle pas une forme de contestation ? Bien sûr que oui. Maintenant, nous devons faire un choix.
Reste-t-on uniquement dans le constat du passé et dans la contestation, ou cherche t-on au contraire à ouvrir une capacité à concilier les grands enjeux que j’évoquais tout à l’heure en rassemblant, pour créer les modèles nouveaux qui seront la réponse aux défis posés, à la fois produire, à la fois la question sociale et la question environnementale.
C’est pour cela que tout ce débat met bien l’agriculture et tout ce qui tourne avec au coeur du débat de société. Nous ne sommes pas à côté du débat de société, nous sommes pleinement dedans. C’est pour cela que cette question de l’agroécologie ou de l’environnement et de l’écologie posée pour les agriculteurs est une question qui est posée pour toute la société. Si nous sommes capables d’être en avance, ce sera aussi une capacité pour d’autres à pouvoir poursuivre sur ce chemin du changement du modèle de développement, de cette transition écologique en cours, de cette transition énergétique.
Pourquoi la transition énergétique est-elle encore plus importante dans la question agricole ? Parce que l’agriculture et la forêt, c’est 80% du territoire, mais c’est surtout 98 - 99% de la consommation d’énergie solaire. C’est la photosynthèse qui est le coeur du moteur de l’agriculture et de la forêt. C’est la photosynthèse, l’énergie solaire et le soleil qui sont au coeur de cette idée de l’agroécologie, de l’agriculture qui va être intensive écologiquement.
Que cherche-t-on à intensifier ? L’utilisation du soleil, cette énergie qui nous vient gratuitement. D’ailleurs, l’énergie que nous consommons aujourd’hui est toujours à l’origine du soleil, sauf peut-être pour l’énergie de la matière. C’est ce qui a été fossilisé, stocké pendant 10 millions d’années que nous consommons aujourd’hui au travers du pétrole. À partir de là, le choix que nous avons est de l’utiliser, mais dans sa capacité à être renouvelée. La photosynthèse est un enjeu majeur. Le coeur du dispositif est dans la forêt et dans l’agriculture, et c’est pour cela que nous sommes encore au coeur de la transition écologique. Cette agroécologie, c’est chercher d’abord à maximiser ce potentiel de la photosynthèse. C’est d’ailleurs pourquoi dans toutes les techniques qui ont été évoquées, on voit apparaître la couverture des sols.
Le fait de chercher continuellement à utiliser cette photosynthèse a favorisé sa transformation en carbone en transformation de tout un tas de produits.
L’agroécologie ou l’agroforesterie est aussi fixer ce carbone et utiliser la photosynthèse en continu, en surface, au sol, mais aussi de manière plus aérienne.
Nous sommes les producteurs et les utilisateurs de la photosynthèse. Voilà ce que nous devons dire à l’ensemble de la société. Des éléments majeurs autour desquels on peut construire ce débat sur l’agroécologie, sur les modèles futurs qui vont prendre la suite des modèles anciens.
Il ne s’agit plus de contester ce qu’il s’est passé ou de conserver ce qu’il s’est passé, mais de construire des modèles nouveaux. C’est le message de toute cette journée, et cela a été évoqué par le jeune agriculteur qui disait que le changement est maintenant, mais cela prendra du temps. Oui, cela va prendre du temps, mais il avait raison en disant qu’il était impressionné par notre journée, parce qu’il n’y a pas eu d’opposition. Nous avons été capables de discuter tous ensemble, de temps en temps, perçaient quelques petits agacements, en particulier quand a été évoquée la question du remembrement ou du rapprochement avec l’innovation dans l’industrie.
L’industrie est un sujet difficile, comme si l’agriculture avait échappé à la révolution industrielle. Peut-elle y échapper ? C’est une vraie question avec les industries agroalimentaires. Elle n’y a pas échappé, mais cela ne nous empêchera pas de continuer à penser que l’on peut changer nos modèles agricoles, et concilier cet engagement sur la performance économique et la performance écologique. Nous sommes dans un débat qui dépasse notre secteur, qui touche la société de manière globale et qui est inscrit dans des défis extrêmement importants. Dans le monde d’aujourd’hui, deux phénomènes sont a priori contradictoires. Le réchauffement climatique, qui a comme conséquence de réduire les surfaces potentiellement productives en agriculture, et en même temps, le fait que la démographie elle-même, l’humanité va continuer à croître en passant de 7 milliards à 9 milliards. Il y a là un vrai problème, une vraie question, un vrai doute et même une grosse inquiétude. Il faut que notre réflexion s’inscrive non pas uniquement dans l’inquiétude, mais dans un processus construit de solutions. Ce qui était intéressant dans toute cette journée, c’était de montrer que les solutions ne sont pas uniques. L’agroécologie ou l’idée du « Produisons autrement » doit aussi être un état d’esprit qui consiste à dire qu’il n’y a plus de solutions qui s’appliquent partout de la même manière. Il n’y a plus une solution unique. On n’a plus à dire que c’est comme cela que cela va se passer. Cela ne se passera plus d’une manière totalement univoque.
Si je prends l’exemple de la question alimentaire, les faits, les éléments arithmétiques très malthusiens ; nous sommes 7 milliards aujourd’hui, nous produisons tant de tonnes de production agricole, nous serons 9 milliards, il faudra donc multiplier la production par deux ou trois. En fait, d’autres processus vont se mettre en route, et c’est là que je lie l’agriculture à la question alimentaire. Dans l’évolution de la planète et de l’humanité, il va y avoir des évolutions sur les modèles alimentaires. Ce sont eux qui vont changer et faire une partie de l’adaptation qui sera celle de l’agriculture à cette grande demande de démographie mondiale. J’ai toujours dit et pensé cela. Je pense que la bataille sur les modèles alimentaires est aussi importante que la bataille sur le niveau de la production agricole. Pour un pays comme le nôtre, qui sur cette question alimentaire a quelques prétentions, la bataille sur le modèle alimentaire est une des conditions essentielles de la pensée que nous devons avoir pour résoudre le problème démographique et agricole. Manger de manière diverse, avec des produits qui ne soient pas standardisés, c’est une question posée. Le temps du repas est une question qui doit être posée. Cette bataille sur le modèle alimentaire ne doit pas être dissociée de la bataille sur le modèle agricole. C’est pourquoi l’année prochaine, nous lancerons ces débats sur le repas et le temps du repas. Rabelais fait du temps du repas un temps de partage, un temps très humaniste, et nous allons porter ce message. Je l’inscris tout à fait dans cette idée du produisons autrement, mangeons autrement. Cela fera partie aussi du sujet.
Questions alimentaires, questions du réchauffement climatique. Cette question du réchauffement climatique est posée, il faut stocker du carbone. Les sols sont capables de stocker du carbone, et plus on a de matières organiques dans les sols, plus l’on est capable, en ayant des sols riches, de maintenir le niveau de carbone.
C’est très important. En même temps, on fixe du carbone, de la même manière que la production de biomasse, les énergies renouvelables sont un élément pour traiter cette question climatique et cette question de carbone. En même temps, l’agriculture, parce qu’elle est capable de stocker ce carbone, de l’intégrer, de le digérer, de le stocker plus ou moins longtemps, doit être aussi capable de diminuer ce qu’elle consomme elle-même en énergies fossiles. L’objectif du « Produisons autrement » est de diminuer de manière assez claire les consommations qui ont pu être faites pendant des années dans le modèle conventionnel. C’est un objectif simple qui doit être répété. Moins utiliser de tracteurs, c’est moins utiliser de fioul. Moins utiliser d’engrais chimiques, minéraux et azotés, qui viennent du gaz, c’est consommer moins d’énergie fossile. Ce sont des enjeux aussi simples que cela. L’agriculture est capable de fixer du carbone et d’en économiser. Dans les deux cas, nous répondons en partie, à notre niveau, à cette grande question posée par le réchauffement climatique.
La question qui est ouverte, c’est qu’au travers de cette utilisation plus rationnelle de la photosynthèse, nous devons pouvoir développer et diversifier nos propres productions. Voilà ce qui est intéressant dans ce que nous avons vu. La couverture des sols sert à faire de la production fourragère. Quel est le problème et le débat ?
Aujourd’hui, quand je l’entends sur les importations de production fourragère, bien entendu que c’est un sujet. Comment le résoudre ? Soyons capables nous-mêmes de les produire, et nous n’aurons pas besoin de les importer. Les modèles qui ont été présentés sont capables d’arriver à l’autonomie fourragère, pour un certain nombre de modèles dédiés. Voilà ce que nous devons poursuivre et ce que nous devons avoir comme objectif. Dans ces changements de modèles, dans les changements de « Produisons autrement », nous devons avoir cette ligne directrice. L’autonomie de nos exploitations, de nos agricultures fait partie de l’engagement sur le « Produisons autrement ».
Dernier point de principe, aujourd’hui, nous devons créer une dynamique. J’ai souvent parlé des fameux clubs des 100 quintaux. Dans la Sarthe, je me souviens très bien des réunions où chacun venait dire combien il avait fait. Il y avait une émulation, une espèce de jeu qui s’était instauré. Le principe du « Produisons autrement » va être d’entrer dans un autre principe qui n’est pas forcément celui de demander combien il a produit, mais comment il a fait pour produire cela avec si peu.
Voilà l’enjeu. En faisant cela, nous entrons dans un autre processus qui est celui de la marge nette, la marge brute. Ce n’est plus seulement celui de la quantité produite, mais aussi celui de ce à quoi j’ai dû recourir pour produire. C’est cette émulation que nous devons être capables de créer, cette idée que nous devons être capables de mettre en route. Cela a été très bien dit tout à l’heure par le chercheur sur l’agroforesterie. Comment combiner les éléments pour justement diminuer ce que j’ai à utiliser pour produire et pour produire autant ? Par rapport à quoi ?
Stratégiquement, nous ne pouvons pas nous contenter de dire que pour régler le problème écologique, il faudra produire moins. Malgré tout, il reste cette grande question démographique, et même s’il y a des évolutions de modèles alimentaires, elle est quand même posée. Notre objectif doit donc être de produire autant avec moins. Voilà l’enjeu. Qu’on le veuille ou non, c’est essentiel. Surtout que derrière toutes ces questions agricoles, il y a tout ce qui va avec la transformation. Dans l’agriculture, on parle souvent du nombre d’agriculteurs, mais je voudrais que l’on parle du nombre d’agriculteurs et de salariés qu’il y a derrière, parce qu’aujourd’hui la question des salariés est posée de manière très nette. En Bretagne, nous avons une diminution de la production porcine, et moins de porcs produits équivaut peut-être malheureusement à des restructurations dans l’appareil de transformation. Cela a des conséquences économiques, des conséquences en termes d’emplois, et je ne veux pas dissocier ce grand projet de l’agroécologie, de cette grande question sociale et d’emploi. Nous devons avoir les deux, et sur l’emploi, il n’y a pas que le nombre d’agriculteurs, mais aussi le nombre de salariés. Que ce soit d’ailleurs dans l’industrie de manière globale ou dans les circuits courts, parce que tout cela fonctionne pour donner de l’activité, fixer dans les territoires des hommes et des femmes. J’ai noté qu’il y a de plus en plus d’agricultrices. Mais c’est un enjeu économique et social, et c’est un objectif majeur que nous devons garder. Dans tout ce débat, nous devons rester ambitieux et avoir des démarches collectives, parce que c’est cela qui était très intéressant. Nous avons bien compris que dans ces grands défis, dans ces grands challenges, la vraie question qui va être posée, c’est que si on laisse chacun dans son coin essayer de résoudre ces grands problèmes, nous n’y arriverons pas. Des systèmes vont se mettre en oeuvre de manière collective, et c’est un vrai sujet qui est posé.
Dernier point, sur cette question de l’écologie, des principes et la méthode, j’ai constaté comme vous depuis longtemps que nous avions réussi le tour de force de régler le problème de l’écologie en segmentant les solutions et les normes. Nous avons un problème sur l’eau, nous avons fait une directive sur l’eau. Nous avons eu un problème sur les sols, nous pensons à une directive sur les sols. Elle a été discutée hier. Nous avons eu un problème de phyto, nous faisons Ecophyto 2018 et tout cela est important. Si nous avons un problème sur les herbicides, nous pourrons faire quelque chose sur les herbicides. Toute cette histoire qui a consisté à séparer les solutions, alors que c’est d’abord un problème global, un problème d’agronomie, mais surtout un problème de systèmes. Nous devrons aborder les questions de l’écologie et de l’agriculture, non pas en les segmentant ou en les séparant, mais en les inscrivant dans des logiques de système. Voilà la nouveauté et ce projet sur l’agroécologie. C’est d’en finir avec l’ensemble des normes qui peuvent s’appliquer aujourd’hui de manière de plus en plus difficile. Je ne reviens pas sur la question des zones vulnérables qui va être un problème, mais nous sommes face à des réglementations, une commission et une Cour de justice. Nous devons être capables d’inventer nous-mêmes ces logiques de systèmes, et c’est un enjeu majeur. Ce n’est pas simplement le ministère qui règle cela, mais c’est la capacité que nous allons avoir à jouer ensemble cette partition de l’agroécologie en France. Voilà ce qui me paraît très important, et c’est très bien sorti de cette discussion de cet après-midi. Ce sont des phénomènes collectifs, et des phénomènes de prise en compte des systèmes. Voilà ce qui me paraît très important. C’est ressorti très clairement de cette discussion cet après-midi. Ce sont des phénomènes collectifs et des phénomènes de prise en compte des systèmes, mais nous devons sortir de ces logiques qui consistent à corriger ce qu’il s’est passé de négatif dans le passé, point par point, pour non pas contester ce qui s’est passé, mais inventer quelque chose de nouveau, et cela fait partie de l’enjeu de l’élément de système que j’évoquais tout de suite et qui me paraît très important. Je vais en revenir à ce plan que nous avons proposé, qui est un début, et pas du tout une fin. Une réforme de la politique agricole est en train d’être négociée, dont nous ne savons pas encore quel va être le niveau du budget. Les pionniers que nous évoquons ne se sont jamais posé la question de savoir quelle était la contrepartie financière. Ils se sont engagés parce qu’ils avaient un objectif, un but, et je pense que nous devons revenir à cette idée des objectifs et des buts, avant de poser la question de combien nous pouvons être aidés pour faire telle ou telle chose. Un petit document vous sera distribué à la fin de cette réunion, sur le projet agroécologique pour la France, et vous y trouverez un certain nombre d’éléments que je vais décliner assez rapidement. J’avais prévu de faire un discours de deux heures, mais compte tenu de la longueur de la journée, je vais essayer de le réduire.
Le premier point va porter sur trois axes. Tout d’abord, connaître et capitaliser, le deuxième, diffuser, le troisième, inciter. Ce sont trois axes qui se déclinent sur un certain nombre d’outils que nous allons mettre à la disposition, à la fois la plate-forme contributive qui existe déjà. Je ne suis pas simplement dans le participatif. Je veux que les agriculteurs qui vont sur cette plate-forme contribuent, comme le chercheur.
Nous allons passer à une recherche implicative, et chacun doit se sentir concerné.
La plate-forme contributive, c’est justement parce que nous voulons que vous contribuiez, comme vous l’avez fait aujourd’hui.
Deuxième point, avec Marion Guillou, nous avons fixé la mise en oeuvre d’une approche qui va permettre de définir les éléments communs à tous ces systèmes.
Qu’est-ce qui fait la convergence de l’ensemble des systèmes ? J’ai bien sûr évoqué la photosynthèse, les grands enjeux, mais durant la journée, nous avons vu que ce que nous avions à faire était de rassembler, capitaliser ce qui fait les éléments de convergence entre l’ensemble des systèmes, pour qu’une fois que nous avons eu cet élément d’investigation, nous puissions en faire une diffusion qui servira à construire les éléments d’itinéraires un peu nouveaux qui étaient évoqués tout à l’heure. C’est-à- dire sur quelles bases nous allons nous appuyer pour parler d’agroécologie, comment nous allons faire. Un certain nombre de choses ont été dites, ce matin, cet après-midi. Il y a des règles, et nous devrons mettre en place cette convergence des différents points et des différents systèmes.
L’INRA va inscrire l’agroécologie comme une des deux disciplines émergentes dans ses orientations 2010 - 2020. C’est très important que la recherche contribue, qu’elle soit dans le sens que nous souhaitons. Avec les instituts techniques agricoles, nous aurons la signature de contrats d’objectifs entre l’État et l’ensemble de ces instituts, à la mi 2013. Cela a été évoqué. Nous devons aussi les mobiliser. L’agroécologie sera une nouvelle priorité pour l’IRSTEA et le CIRAD qui ont un rôle important. À partir de là, avec le travail fait par Marion Guillou, nous devrons définir les caractéristiques communes, mais surtout intégrer ce qui a été évoqué, c’est-à-dire la dimension collective, tout le travail qui a été engagé par Bertrand Hervieu, qui va sortir et
déboucher sur un texte, les fameux groupements d’intérêts économiques et environnementaux. Comment allons-nous mettre cela en oeuvre ? Quel est le sens de cette organisation collective qui cherche à combiner économie et écologie ? Cela fera aussi partie de cet objectif, avec une diminution des recours aux intrants, un règlement des excédents, en particulier azotés, favoriser la biodiversité, protéger et développer les sols, assurer une bonne utilisation de la maîtrise de la ressource en eau. Avec Delphine Batho, nous avons d’ailleurs confié une mission à Philippe Martin pour cette question liée à la ressource en eau, et en particulier à la question de l’irrigation. Nous devons faire des propositions, parce que les agriculteurs sont inquiets. Nous avons signé cette mission ensemble, elle devra déboucher l’année prochaine.
Puis surtout, j’ai oublié de parler de l’artificialisation des sols. Cela a été évoqué ce matin par Monsieur Tardieu. Il y a bien sûr un enjeu sur la consommation des terres agricoles et la diminution de la consommation de terres agricoles. Cela ne peut pas être non plus dans une opposition systématique à l’idée qu’il y ait des infrastructures, parce que nous en aurons besoin. Il faut revoir la manière dont on gère notre urbanisme et la consommation de notions dans l’agriculture. Cela fera partie des points sur lesquels nous reviendrons.
Deuxième approche, après avoir caractérisé, compiler et investiguer, il faut diffuser.
C’est là que l’enjeu est très important, cela a été très bien dit. Il faudra mobiliser tout le monde. Les chambres d’agriculture seront bien sûr mobilisées sur cette question.
Les coopératives agricoles peuvent s’interroger sur la question du Conseil, sur la façon de changer les règles du Conseil pour qu’il ne soit pas toujours lié à ce qui a été trop longtemps la vente de produits. Mais les coopératives, avec les chambres d’agriculture, ce doit être 12 000 techniciens sur le terrain. Je ne vois pas comment, pour mener à bien un projet sur l’agroécologie, nous pourrions nous passer d’eux. Au contraire, nous devons les aborder et discuter ensemble. Ce sera l’objet d’un plan que nous mettrons en oeuvre. Les instituts techniques, puis surtout, tous les réseaux qui existent, et j’en connais, puisque j’en ai suffisamment soutenu fût un temps sur les réseaux Base, IAD, agriculture durable, les réseaux phare, les réseaux à haute valeur environnementale. Nous devons avoir des ambassadeurs, des exploitations types, des expériences types sur lesquelles nous puissions nous appuyer. À partir de là, il y aura une réorientation des crédits du CASDAR dans le cadre prochain, avec un programme national de développement pour 2014 - 2020. Mais dès 2013, 3 millions d’euros supplémentaires seront mobilisés pour une mobilisation et un appel à la mobilisation collective et un soutien aux instituts techniques. Si je parle de cette diffusion, il faut aussi que je parle de l’enseignement agricole. Chambres d’agriculture, coopératives, réseaux font partie de la capacité que nous avons à diffuser ces nouvelles pratiques, ces nouvelles manières de produire. Bien sûr, on ne travaille pas pour nous aujourd’hui, mais pour la génération qui va venir, pour ceux qui vont commencer à s’engager dans cette belle aventure de l’agriculture. Les Assises qui sont en préparation d’installation, justement pour renouveler ce que disait Bertrand Hervieu, c’est-à-dire la population agricole. D’ailleurs en France, ce renouvellement sur les moins de 35 ans se fait beaucoup plus vite qu’ailleurs, et nous devons donc continuer cette politique et prendre aussi en compte ce qui a été dit, l’installation hors cadre, comment on fait. C’est tout l’enjeu des Assises, et c’est très important de le faire. L’enseignement agricole sera bien sûr au coeur de tout cela, avec un accent mis sur le rôle de démonstration sur les enseignements, et la directrice est parfaitement au courant. Nous en avons déjà discuté, sur l’enseignement agricole, nous aurons à réfléchir à ce que doivent être les fermes des lycées agricoles qui doivent être elles aussi des exemples, et ce n’est pas toujours le cas. Nous aurons donc un travail.
Sur les programmes, nous aurons à veiller à ce qu’il y ait une valorisation des éléments de programme sur l’agroécologie, parce que ce n’était pas suffisant. Nous reverrons donc tout cela. De la même manière qu’il faut combiner, dans l’enseignement agricole, l’apprentissage, la formation continue, et la formation initiale. Dans tous les domaines, apprentissage, formation continue et formation initiale, il y aura l’objectif de l’agroécologie. Nous aurons également à réorienter, en tant que ministère de l’agriculture, les trophées de l’agriculture durable, et nous les transformerons en trophées de l’agroécologie. Cela me paraît être le minimum. Nous devons nous mettre au diapason et enclencher nous-mêmes ces processus. Puis bien sûr, une attention particulière sera portée à la certification environnementale, avec les fermes agroécologiques, à haute valeur environnementale.
Le troisième axe est inciter. Nous avons des grandes questions individuelles et collectives, et nous aurons à fixer des objectifs sur la conversion vers les systèmes nouveaux, vrai défi. Comment passer d’un système à l’autre. Privilégier les approches collectives, mutualiser les moyens et les risques. C’est vraiment un enjeu essentiel. CUMA fait référence au matériel agricole, et pour enclencher ce processus, nous aurons peut-être à réfléchir sur le terme lui-même. Nous n’en sommes plus au matériel agricole. D’ailleurs, sur la DPI, la fameuse incitation fiscale, un investissement dans le matériel agricole, et en particulier dans les tracteurs, a été changée afin d’offrir d’autres manières d’être défiscalisé que d’investir dans les tracteurs. Cela a été voté au niveau de l’assemblée et me paraît être un élément important. Il est donc très important de mettre en oeuvre cette dimension collective, c’est la grande question qui sera posée des fameux groupements d’intérêts économiques et environnementaux dans leur prise en compte de toute cette dimension.
Les moyens. Il y a bien sûr la PAC, et cet après-midi, nous allons beaucoup travailler avec ce que nous allons appeler les mesures agro environnementales système.
Nous allons changer. Nous sommes en train de travailler sur ces questions, et sur les mesures agro environnementales, nous allons aller vers des MAE systèmes, pour arrêter d’être tout le temps en train de faire des MAE spécifiques. C’est un objectif que nous allons fixer dans le plan pour l’agroécologie. Nous pourrons trouver l’ensemble des formules sur les incitations à l’investissement, sur le cofinancement, sur le partenariat européen sur l’innovation agricole que nous allons devoir mobiliser et sur les soutiens renforcés. Dans le cadre des Assises de l’installation, nous discuterons de l’installation agroécologique sur tous les modèles nouveaux.
Il y a aura aussi des soutiens spécifiques France Agrimer à l’agroécologie. Puis sur la fiscalité, au-delà de ce que nous avons fait et de ce qu’a voté le Parlement, nous aurons à réfléchir de manière globale à cette question de la fiscalité. Ces trois axes sont essentiels et s’inscriront dans six programmes d’action. Sur la question sanitaire, les deux programmes phyto et éco-antibio s’inscrivent parfaitement dans cet engagement global sur l’agroécologie. Nous avons comme objectif de diminuer le recours à l’ensemble des consommations intermédiaires, en particulier dans ce domaine. Sur le plan éco-antibio, il était incroyable, il y a quelques années, d’imaginer mettre des antibiotiques dans les éléments de détail. Nous allons passer du système de prévention et d’assurance tous risques à un système de précision et prescription. On ne peut pas utiliser les antibiotiques, en particulier quand ils sont critiques, c’est-à-dire utilisés aussi par les êtres humains de manière maitrisée. C’est un enjeu spécifique et la France a des progrès à faire. Elle a fait des progrès, et nous allons continuer à faire des progrès. Nous devons donc rattraper le peloton de tête des pays qui ont fait le plus de progrès pour diminuer la consommation d’antibiotiques. Cela fait aussi partie de ce projet agroécologique.
Je proposerai aussi un plan sur la méthanisation. Nous avons besoin de régler ce problème d’excédent d’azote, mais nous aurons des objectifs précis. La méthanisation doit être un objectif de traitement de l’excédent d’azote organique, en même temps qu’elle doit permettre de produire du gaz, elle doit permettre aussi de produire des fertilisants. L’objectif sera pour nous, avec Delphine, de lier azote organique dans les zones d’excédents et azote minéral. Quand on est en excédent d’azote organique, on doit d’abord utiliser de l’azote organique et ne pas y rajouter de l’azote minéral. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, nous avons des difficultés en Bretagne. L’exemple donné dans le film du jeune agriculteur qui a fait son objectif de méthanisation avec ses trois plans d’épandage sur trois exploitations nous montre que cela doit marcher. L’objectif de ce plan pourrait être de considérer que l’on peut faire de la méthanisation, à condition de ne pas diminuer la production alimentaire qui était sur les exploitations. Cela oblige justement à utiliser des productions et les rotations intercalaires pour alimenter ces fameux digesteurs, et ne pas faire comme en Allemagne, produire du maïs pour faire de la méthanisation. Je pense que nous en avons besoin, c’est de l’investissement, du traitement énergétique, et c’est une manière de traiter les excédents au niveau de l’azote, en particulier dans toutes ces zones où on a besoin de trouver des solutions. Cela permettra ensuite de se poser la question de la production. Si nous savons résoudre ce problème, nous pourrons envisager de revoir le fait qu’en Bretagne aujourd’hui la diminution de la production de porcs et de l’ensemble des productions animales finit par poser les questions d’emploi. Si on veut régler ces problèmes, nous devons régler la question écologique et des excédents de matière organique.
Il y aura aussi un plan biodiversité, apiculture durable, parce que les abeilles font partie de l’enjeu de l’agroécologie. Un plan sera présenté en début d’année prochaine pour l’apiculture. La pollinisation est un enjeu majeur et fait partie de l’objectif d’agroécologie fixé. Je le présenterai en début d’année prochaine.
Le plan protéine végétale, nous avons besoin de retrouver une autonomie fourragère, et dans ces nouveaux modèles, nous avons du potentiel. Nous devrons donc inciter et pousser à être beaucoup plus autonomes face à ce que l’on peut importer aujourd’hui, et de tirer parti des légumineuses et de l’ensemble des couvertures de sol que nous avons évoquées durant toute cette journée. Enfin, l’année prochaine, nous ferons un plan national Ambitions Bio 2017. Ce n’est pas simplement la question des surfaces agricoles utiles en bio, mais c’est surtout la question de la filière de manière globale. Il faut gérer ce que l’on produit, ce que l’on transforme et ce que l’on vend. À quoi servirait-il de multiplier par 3 ou 4 les surfaces d’agriculture en biologie si derrière le marché de l’agriculture bio s’effondre ?
L’ambition bio est donc la structuration de la surface agricole utile avec la transformation et la valorisation des produits biologiques. Cela fait partie de l’ambition et de ce projet sur l’agroécologie que je souhaitais présenter cet après-midi. Cette année aura peut-être été celle de la prise de conscience, et je l’espère, celle qui a consisté à identifier à la fois ce qui existe, et les potentiels. Il faut rester humble, et je le suis. Je conçois par contre la potentialité qu’il y a derrière toutes ces expériences et tous ces pionniers. C’est pour cela que je nous fixe une ambition forte d’être la France leader dans ce nouveau modèle agroécologique, parce qu’il y a cette diversité des agricultures, cette potentialité dans la recherche, cette capacité des agriculteurs. J’ai confiance dans cette capacité pour faire et réussir ce défi du projet de l’agroécologie. Il s’inscrit totalement dans la transition écologique souhaitée par Delphine Batho, dans la conférence environnementale que nous avions engagée avec le premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Il n’y a plus qu’à travailler, mais je sais pouvoir compter sur vous et vous remercie d’avoir participé à cette journée.