Texte intégral
Je vous remercie pour votre accueil, Monsieur le Président.
Sachez tout d'abord que je partage vos obsessions, n'étant pas moi-même un maniaque de la fiscalité, laquelle constitue pourtant un outil efficace au service de la justice et de la politique économique. Notre objectif est de tenir les engagements du Président de la République, c'est-à-dire d'inverser la courbe du chômage avant un an, de redresser le pays et de parvenir à une croissance plus élevée en 2014 et 2015.
Nous avons déjà beaucoup fait dans ce sens, au cours d'une période aussi courte que dense. En Europe, sur tous les dossiers importants - pacte de croissance, supervision bancaire, mécanismes de stabilité financière, traitement du cas grec, taxation des transactions financières -, je remarque que la France a toujours joué un rôle moteur. Nous avons obtenu des avancées significatives, qui auraient semblé impossibles il y a quelques mois encore. À l'époque, les éditorialistes s'interrogeaient sur les chances de survie de l'euro ; or la crise de l'euro a pris fin, même si la zone euro est toujours en proie à des difficultés économiques. Reste à passer de la stabilité à la dynamique.
La France a commencé à redresser ses finances publiques, dont le déficit menaçait non seulement notre croissance à long terme mais, plus fondamentalement, notre souveraineté. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour renouer avec la croissance en résistant à la tentation de vivre à crédit, c'est-à-dire sur les générations futures. Six lois financières ont été adoptées depuis le début du mandat. Dès juillet, le vote d'une loi de finances rectificative a ainsi permis de maîtriser les risques identifiés dans l'audit qu'avait réalisé la Cour des comptes. Le budget pour 2013, le plus exigeant du quinquennat puisqu'il vise à ramener le déficit au-dessous de 3 % et à réaliser un effort structurel de 2 points de PIB, a ensuite confirmé notre engagement. La loi organique sur la gouvernance et la programmation des finances publiques crée par ailleurs des garde-fous objectifs pour maîtriser le budget. Enfin, nous avons soutenu la croissance et l'emploi par des mesures d'urgence comme par des dispositifs structurels : emplois d'avenir, soutien au pouvoir d'achat des ménages modestes, augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, revalorisation du SMIC ou du RSA, Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi.
Alors que l'activité stagne depuis deux ans et que les indicateurs témoignent encore d'une conjoncture dégradée, il est à nos yeux exclu de relâcher la cadence. Nous irons avec détermination vers la croissance au cours de l'année 2013, dédiée aux réformes de structure conçues et votées en 2012. Parallèlement, nous poursuivrons l'assainissement des comptes en nous efforçant d'aider la zone euro à retrouver un juste équilibre entre l'effort d'ajustement budgétaire et la préservation des perspectives de croissance.
La première condition pour relancer l'activité en France est d'aider la zone euro à sortir de la spirale de la récession. Lors d'un déplacement récent à Pékin, j'ai rencontré le futur Premier ministre de Chine, M. Li Keqiang, et présenté les atouts de la France à des investisseurs étrangers. Pour les mettre en confiance, il faut d'abord leur prouver que la zone euro a fait le nécessaire pour se stabiliser. D'où l'importance de poursuivre le travail de fond sur les dossiers européens. Nous le ferons cette année en élaborant le programme de travail de l'Eurogroupe, en finalisant l'instrument de recapitalisation directe du mécanisme européen de stabilité et en préparant le semestre européen. L'enjeu de ces échéances, qui peuvent paraître abstraites, est le retour de la croissance dans la zone euro qui, après s'être stabilisée, doit désormais se relancer et prendre de l'altitude. À cet égard, la France ne manquera pas de faire valoir ses vues sur la stratégie économique et budgétaire à suivre.
En 2013, il faudra également prêter une attention particulière aux tentatives de consolidation des États membres. Dans une zone euro en récession, on doit trouver un équilibre entre la nécessité de minimiser l'effet négatif à court terme des efforts de redressement des comptes publics sur la demande, et l'importance de préserver la crédibilité des plans d'ajustement à moyen terme. Parce que les pays de la zone euro ne sont pas tous dans la même situation - les uns sont excédentaires, d'autres déficitaires -, leurs stratégies doivent se différencier. Enfin, nous continuerons à défendre une véritable fonction contracyclique, complément logique de l'union monétaire.
Outre le volet européen, nous mènerons en parallèle de grandes réformes de structure indispensables pour rétablir durablement notre compétitivité. La première vise à améliorer le financement de l'économie. La BPI, dont l'Assemblée nationale a voté la création, est désormais sur les rails. Elle tiendra son premier conseil d'administration le 21 février prochain à Dijon. Depuis le 3 janvier, un nouveau dispositif de garantie publique facilite la délivrance de crédits de trésorerie aux TPE et aux PME, ce qui permettra de débloquer plus de 500 millions d'euros de crédit. À présent, nous devons nous concentrer sur le préfinancement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).
En février, comme vous l'avez signalé en introduction de cette rencontre, l'Assemblée nationale examinera le projet de loi portant réforme bancaire et financière, qui s'inscrit dans le plan d'ensemble visant à améliorer le financement des entreprises. Il s'agit de recentrer les banques sur leur coeur de métier, qui consiste non à spéculer pour leur propre compte mais à financer l'économie réelle. Je porterai devant vous cet engagement de François Hollande pendant sa campagne. Je suis tout disposé à accepter des amendements, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, sur ce projet de loi, qui prévoit le strict cantonnement des activités risquées et prend en compte l'aléa moral des actionnaires.
(...)
Nous poursuivrons ces réformes en menant de front l'assainissement des finances publiques, signe que les travaux de votre Commission et ceux de la Commission des finances ne sont pas contradictoires. Je serai d'ailleurs très heureux de venir plus souvent devant vous car le ministre des finances traite aussi des dossiers économiques. Notre travail a déjà porté ses fruits. Le résultat préliminaire de l'exécution du budget pour 2012 fait état d'un déficit de 87,2 milliards d'euros. Nous avons tenu, à 1 milliard près, l'objectif de 4,5 % du PIB ; l'opposition n'a donc pas de leçons à nous donner sur ce point.
L'exécution budgétaire passe par la maîtrise de la dépense de l'État, qui a manqué pendant des années. Des moins-values fiscales ont été constatées non sur l'impôt sur les ménages ou les entreprises mais sur la TVA, ce qui s'explique par le ralentissement de la croissance au second semestre. L'année 2013 sera marquée par des rendez-vous importants : installation du Haut conseil des finances publiques en mars, programme de stabilité devant la Commission européenne en avril, préparation des textes financiers pour 2014, sans parler du processus de modernisation de l'action publique lancé par le Premier ministre. Nous devons rendre visibles et effectives les économies qui interviendront dans la dépense publique.
La maîtrise des finances publiques est une condition de la compétitivité et de la croissance mais la réduction du déficit doit être conduite de façon intelligente, c'est-à-dire en préservant la demande et en protégeant tant le pouvoir d'achat des couches populaires et moyennes que les capacités d'investissement des entreprises. Je pense que nous avons trouvé cet équilibre avec le projet de loi de finances pour 2013.
(...)
Q - (Sur la réduction des dépenses publiques)
R - Le gouvernement a lancé une démarche ambitieuse de modernisation de l'action publique. À ce titre, l'Assemblée a voté une économie de 10 milliards d'euros dans le budget de l'État pour 2013 : une réduction de 5 % des dépenses de fonctionnement, grâce à la maîtrise de la masse salariale et à la diminution des dépenses de communication, et une diminution des dépenses d'intervention. Quarante politiques publiques, comme les aides aux entreprises, la politique du logement, les aides à la famille ou la politique maritime, seront ensuite expertisées de manière transversale. Sans refaire une RGPP, car nous entendons privilégier la concertation, prendre en compte les besoins des usagers et dialoguer avec les acteurs du secteur public plutôt que de prendre mécaniquement des décisions abruptes, nous économiserons en cinq ans 60 milliards d'euros sur la dépense publique. Les citoyens français attendent que la puissance publique, tout en conservant la qualité du service public, prenne sa part de l'effort consenti par la collectivité. Pour être l'élu d'une circonscription très populaire, je sais que les électeurs ne sont pas particulièrement complaisants à son égard.
Q - (Sur la réforme bancaire)
R - La France est le premier pays d'Europe à engager une réforme bancaire. On oublie souvent deux choses quand on compare notre pays au Royaume-Uni. D'abord, le rapport Vickers prévoit une réforme applicable au mieux en 2019 alors que la nôtre sera discutée dès 2013. Ensuite, notre système bancaire n'est pas celui de la Grande-Bretagne et notre objectif n'est d'ailleurs pas d'importer le modèle anglo-saxon ni de développer des Goldman Sachs à la française. Pour élaborer ce projet, j'ai consulté les banques, puis la Fédération bancaire française, puis les associations d'usagers et de consommateurs. Celles-ci ont leur mot à dire sur le surendettement et l'inclusion bancaire de populations pauvres ou précaires car la réforme concerne non seulement les structures mais également les gens : elle doit réduire des inégalités dont nos concitoyens souffrent au quotidien. Enfin, j'ai tenu à interroger tous les syndicats du secteur bancaire : ils se disent tous très attachés à la banque universelle. Ainsi, les syndicalistes de BNP-Paribas, par exemple, ne souhaitent pas retrouver la BNP, d'un côté, et Paribas, de l'autre. Il faut donc séparer non les structures mais les activités. Je ne suis pas favorable à un Glass-Steagall Act à la française, qui risquerait tout au plus d'affaiblir les banques de dépôt et de rendre les banques d'affaires moins compétitives, ce dont rêvent peut-être certains milieux anglo-saxons.
Je suis ouvert à tous les amendements qui permettant d'améliorer le texte - je l'ai montré à l'occasion de la BPI -, mais nous devons nous méfier de toute surenchère qui se retournerait contre nos banques et contre les emplois. Contrairement à ce que j'ai pu lire, je ne me range pas aux arguments de la Fédération bancaire. Je ne suis pas le «copain des banquiers», qui ne se sont pas particulièrement réjouis à l'annonce de l'examen de ce texte. Au reste, ils ne se sont pas plaints, non plus, car j'ai le souci que nos banques restent compétitives : mon but est de mener une véritable réforme, que je souhaite approfondir avec vous.
Q - (Sur la réforme fiscale)
R - La loi de finances initiale et les lois de finances rectificatives ont apporté des modifications très substantielles à notre système fiscal, à commencer par l'alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail. Il n'y a pas de raison que certains s'enrichissent en dormant pendant que d'autres s'appauvrissent en travaillant ! En ce qui concerne la fiscalité des entreprises, nous avons procédé à des transferts de grande ampleur. Grâce au crédit d'impôt compétitivité emploi, nous taxons moins l'emploi. Avec l'extension du crédit d'impôt recherche à l'innovation dans les PME-PMI, nous taxons également moins la recherche et l'innovation. En garantissant aux PME la pérennité de leur fiscalité pendant cinq ans, nous leur offrons une stabilité fiscale. En revanche, nous sollicitons davantage les grandes entreprises dont les capacités contributives sont supérieures. Les mesures fiscales adoptées réduisent ainsi d'un tiers l'injuste écart de taxation entre les PME et les grands groupes. Bref, nous voulons encourager l'investissement, la recherche et les embauches. Nous continuerons en ce sens.
Q - (Sur la Banque publique d'investissement)
R - J'en viens à la Banque publique d'investissement. Nous ne partageons peut-être pas tout à fait les mêmes convictions - je n'ai pas oublié que le groupe communiste souhaitait la constitution d'un grand pôle financier public. Convenez cependant que nous avons construit une vraie banque publique d'investissement. Elle a vocation à financer les projets et le développement des entreprises, bref à amorcer la pompe qui les aidera à monter en gamme - puisque tel est notre principal handicap par rapport à l'Allemagne notamment.
Nous n'avons pas voulu avoir vingt-deux banques régionales comme le souhaitaient certains. Le pari aurait été risqué. Du reste, toutes les régions ne le souhaitaient pas non plus, et le risque final aurait dû être supporté par une garantie d'État. Mais il importe que le système soit très déconcentré ; les régions seront d'ailleurs associées à la gouvernance et 90 % des décisions seront prises au niveau régional. Enfin, le Fonds stratégique d'investissement (FSI) a été intégré à la BPI, notamment pour conduire des politiques de filière.
(...)
Je suis par ailleurs ouvert aux amendements traitant des paradis fiscaux qui pourraient être déposés dans le cadre de la discussion du projet de loi. J'ai rencontré les sénateurs écologistes et pris bonne note de leurs intentions à cet égard.
En ce qui concerne l'instauration d'une taxe sur les transactions financières, les États membres volontaires demanderont fin janvier au conseil des ministres l'autorisation de participer à une coopération renforcée que la Commission proposera de lancer en 2013. Nous devrions avancer sur ce dossier dès le conseil Ecofin du 22 janvier.
Q - (Sur le pacte de croissance européen)
R - Nous allons en effet mettre en oeuvre le pacte de croissance européen. En ce qui concerne les fonds structurels, il faudra sans doute aller vers une régionalisation plus importante. Par ailleurs, après l'augmentation de capital de 10 milliards d'euros de la BEI survenue le 31 décembre - la France versera sa part, d'un montant de 1,6 milliard d'euros, d'ici au 31 mars -, les crédits qui nous sont accordés devraient au moins doubler. Il va donc falloir recenser avec les préfets et les collectivités territoriales les projets structurants éligibles à ce titre.
Q - (Sur les règles de Bâle III)
R - Les règles de Bâle III ont été assouplies, notamment avec le report de 2015 à 2018 de l'entrée en vigueur des règles de liquidité. Notre pays a beaucoup pesé en faveur de ce délai bienvenu dont les banques avaient besoin pour s'adapter. N'oublions pas - y compris dans le débat sur la réforme bancaire - que le financement bancaire représente encore les deux tiers du financement des entreprises, soit 800 milliards d'euros. Sans banques qui fonctionnent, il est un peu vain de discuter de l'économie...
(...)
Je vous l'ai dit, l'étau de Bâle III se desserre. Je pourrais également mentionner la directive «Solvabilité II» ou Solvency II, applicable au secteur des assurances. Là aussi, nous nous battons pour obtenir une évaluation indépendante, qui prenne en compte les paramètres du secteur assurantiel français. Notre cause progresse.
Q - (Sur la supervision bancaire européenne)
R - Vous m'interrogez enfin sur la mise en place de la supervision bancaire européenne. Un nouveau mécanisme de supervision unique des banques a été adopté fin décembre dans le cadre du conseil Ecofin. Il crée un superviseur unique, à savoir la Banque centrale européenne (BCE), et un conseil de supervision, mais prévoit aussi l'intervention de superviseurs nationaux, la supervision directe étant réservée aux banques les plus importantes. Ce mécanisme doit entrer en vigueur un an au plus tard après le règlement, lequel devrait être prêt en mars 2013. Pourquoi si tard ? La réponse m'a été donnée par M. Mario Draghi lui-même : la BCE doit inventer un nouveau métier. Mais l'union bancaire ne saurait se résumer au système de supervision unique des banques de la zone euro. Deux autres dimensions doivent être envisagées : la directive «résolution des défaillances bancaires» et la directive «garantie des dépôts». Le projet de loi sur la réforme bancaire que nous allons bientôt discuter fait ici office de pionnier, puisqu'il crée un système de garantie des dépôts et renforce considérablement notre système de résolution et notre contrôle prudentiel. Mais l'Union européenne s'attelle elle aussi à ces questions : M. Barroso annonce d'ailleurs un projet de directive résolution pour cette année.
Q - (Sur l'hypothèse de croissance pour 2013)
R - Je maintiens notre hypothèse de croissance pour 2013, qui a été fixée à 0,8 %. Elle n'est pas absurde même si elle est volontariste et supérieure aux prévisions de la plupart des grands instituts. En effet, un certain nombre de facteurs ou d'aléas internationaux me paraissent aujourd'hui bien orientés : les États-Unis ont trouvé un accord sur le fiscal cliff ; la Chine a fait le choix d'une politique de relance de sa consommation intérieure ; le Japon souhaite également engager un plan de relance ; la zone euro elle-même ira de l'avant en retrouvant du crédit. À l'échelle domestique, le Pacte de compétitivité, l'investissement tourné vers la croissance, et la préservation du pouvoir d'achat devraient jouer favorablement en 2013. C'est donc en 2014 et 2015 que la zone euro devrait sortir de la spirale de récession ou de stagnation dans laquelle elle est prise depuis plusieurs années. Nous nous y employons, à l'échelle européenne et mondiale comme à celle de notre pays.
(...)
Q - (Sur la garantie d'État accordée à PSA Finance)
R - Nous avons bien notifié la garantie de l'État aux autorités européennes. J'en avais d'ailleurs informé comme il se doit le commissaire Almunia avant même que la décision ne soit prise. Nous sommes en cours de discussion avec la Commission, et j'ai bon espoir que cette aide ne soit pas requalifiée en aide d'État. En toute hypothèse, cela n'entraînerait pas de modification du plan de restructuration de PSA puisque cette aide concerne PSA Finance. En tant qu'élu de la circonscription de Montbéliard, Sochaux, Valentigney et Audincourt, qui accueille la plus grande usine française du groupe, je suis particulièrement attaché à son avenir - et je suis convaincu qu'il en a un, même si des inflexions stratégiques sont nécessaires. Nous avons d'ailleurs obtenu en contrepartie de la garantie d'État accordée à PSA Finance des modifications dans la gouvernance, avec la nomination de M. Gallois comme administrateur indépendant, et l'ouverture de nouvelles perspectives avec de nouveaux véhicules, par exemple à Rennes.
Q - (Sur les taux d'intérêt du crédit bancaire)
R - En ce qui concerne les taux d'intérêt du crédit bancaire, il n'y pas de forte hausse en vue. Ni la politique de la BCE, ni celle de la France ne le laissent craindre. Par précaution, nos prévisions envisagent l'éventualité d'une normalisation progressive. La constance observée sur les taux d'intérêt apporte la preuve de la confiance dont jouit notre politique économique, et de notre crédibilité budgétaire. Cette confiance sera renforcée par l'accord qui vient d'être négocié sur le marché du travail, qui était très attendu - et pas seulement en France. Nous pouvons donc être confiants : nous allons conserver des taux d'intérêt bas.
(...).
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 janvier 2013
Sachez tout d'abord que je partage vos obsessions, n'étant pas moi-même un maniaque de la fiscalité, laquelle constitue pourtant un outil efficace au service de la justice et de la politique économique. Notre objectif est de tenir les engagements du Président de la République, c'est-à-dire d'inverser la courbe du chômage avant un an, de redresser le pays et de parvenir à une croissance plus élevée en 2014 et 2015.
Nous avons déjà beaucoup fait dans ce sens, au cours d'une période aussi courte que dense. En Europe, sur tous les dossiers importants - pacte de croissance, supervision bancaire, mécanismes de stabilité financière, traitement du cas grec, taxation des transactions financières -, je remarque que la France a toujours joué un rôle moteur. Nous avons obtenu des avancées significatives, qui auraient semblé impossibles il y a quelques mois encore. À l'époque, les éditorialistes s'interrogeaient sur les chances de survie de l'euro ; or la crise de l'euro a pris fin, même si la zone euro est toujours en proie à des difficultés économiques. Reste à passer de la stabilité à la dynamique.
La France a commencé à redresser ses finances publiques, dont le déficit menaçait non seulement notre croissance à long terme mais, plus fondamentalement, notre souveraineté. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour renouer avec la croissance en résistant à la tentation de vivre à crédit, c'est-à-dire sur les générations futures. Six lois financières ont été adoptées depuis le début du mandat. Dès juillet, le vote d'une loi de finances rectificative a ainsi permis de maîtriser les risques identifiés dans l'audit qu'avait réalisé la Cour des comptes. Le budget pour 2013, le plus exigeant du quinquennat puisqu'il vise à ramener le déficit au-dessous de 3 % et à réaliser un effort structurel de 2 points de PIB, a ensuite confirmé notre engagement. La loi organique sur la gouvernance et la programmation des finances publiques crée par ailleurs des garde-fous objectifs pour maîtriser le budget. Enfin, nous avons soutenu la croissance et l'emploi par des mesures d'urgence comme par des dispositifs structurels : emplois d'avenir, soutien au pouvoir d'achat des ménages modestes, augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, revalorisation du SMIC ou du RSA, Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi.
Alors que l'activité stagne depuis deux ans et que les indicateurs témoignent encore d'une conjoncture dégradée, il est à nos yeux exclu de relâcher la cadence. Nous irons avec détermination vers la croissance au cours de l'année 2013, dédiée aux réformes de structure conçues et votées en 2012. Parallèlement, nous poursuivrons l'assainissement des comptes en nous efforçant d'aider la zone euro à retrouver un juste équilibre entre l'effort d'ajustement budgétaire et la préservation des perspectives de croissance.
La première condition pour relancer l'activité en France est d'aider la zone euro à sortir de la spirale de la récession. Lors d'un déplacement récent à Pékin, j'ai rencontré le futur Premier ministre de Chine, M. Li Keqiang, et présenté les atouts de la France à des investisseurs étrangers. Pour les mettre en confiance, il faut d'abord leur prouver que la zone euro a fait le nécessaire pour se stabiliser. D'où l'importance de poursuivre le travail de fond sur les dossiers européens. Nous le ferons cette année en élaborant le programme de travail de l'Eurogroupe, en finalisant l'instrument de recapitalisation directe du mécanisme européen de stabilité et en préparant le semestre européen. L'enjeu de ces échéances, qui peuvent paraître abstraites, est le retour de la croissance dans la zone euro qui, après s'être stabilisée, doit désormais se relancer et prendre de l'altitude. À cet égard, la France ne manquera pas de faire valoir ses vues sur la stratégie économique et budgétaire à suivre.
En 2013, il faudra également prêter une attention particulière aux tentatives de consolidation des États membres. Dans une zone euro en récession, on doit trouver un équilibre entre la nécessité de minimiser l'effet négatif à court terme des efforts de redressement des comptes publics sur la demande, et l'importance de préserver la crédibilité des plans d'ajustement à moyen terme. Parce que les pays de la zone euro ne sont pas tous dans la même situation - les uns sont excédentaires, d'autres déficitaires -, leurs stratégies doivent se différencier. Enfin, nous continuerons à défendre une véritable fonction contracyclique, complément logique de l'union monétaire.
Outre le volet européen, nous mènerons en parallèle de grandes réformes de structure indispensables pour rétablir durablement notre compétitivité. La première vise à améliorer le financement de l'économie. La BPI, dont l'Assemblée nationale a voté la création, est désormais sur les rails. Elle tiendra son premier conseil d'administration le 21 février prochain à Dijon. Depuis le 3 janvier, un nouveau dispositif de garantie publique facilite la délivrance de crédits de trésorerie aux TPE et aux PME, ce qui permettra de débloquer plus de 500 millions d'euros de crédit. À présent, nous devons nous concentrer sur le préfinancement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).
En février, comme vous l'avez signalé en introduction de cette rencontre, l'Assemblée nationale examinera le projet de loi portant réforme bancaire et financière, qui s'inscrit dans le plan d'ensemble visant à améliorer le financement des entreprises. Il s'agit de recentrer les banques sur leur coeur de métier, qui consiste non à spéculer pour leur propre compte mais à financer l'économie réelle. Je porterai devant vous cet engagement de François Hollande pendant sa campagne. Je suis tout disposé à accepter des amendements, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, sur ce projet de loi, qui prévoit le strict cantonnement des activités risquées et prend en compte l'aléa moral des actionnaires.
(...)
Nous poursuivrons ces réformes en menant de front l'assainissement des finances publiques, signe que les travaux de votre Commission et ceux de la Commission des finances ne sont pas contradictoires. Je serai d'ailleurs très heureux de venir plus souvent devant vous car le ministre des finances traite aussi des dossiers économiques. Notre travail a déjà porté ses fruits. Le résultat préliminaire de l'exécution du budget pour 2012 fait état d'un déficit de 87,2 milliards d'euros. Nous avons tenu, à 1 milliard près, l'objectif de 4,5 % du PIB ; l'opposition n'a donc pas de leçons à nous donner sur ce point.
L'exécution budgétaire passe par la maîtrise de la dépense de l'État, qui a manqué pendant des années. Des moins-values fiscales ont été constatées non sur l'impôt sur les ménages ou les entreprises mais sur la TVA, ce qui s'explique par le ralentissement de la croissance au second semestre. L'année 2013 sera marquée par des rendez-vous importants : installation du Haut conseil des finances publiques en mars, programme de stabilité devant la Commission européenne en avril, préparation des textes financiers pour 2014, sans parler du processus de modernisation de l'action publique lancé par le Premier ministre. Nous devons rendre visibles et effectives les économies qui interviendront dans la dépense publique.
La maîtrise des finances publiques est une condition de la compétitivité et de la croissance mais la réduction du déficit doit être conduite de façon intelligente, c'est-à-dire en préservant la demande et en protégeant tant le pouvoir d'achat des couches populaires et moyennes que les capacités d'investissement des entreprises. Je pense que nous avons trouvé cet équilibre avec le projet de loi de finances pour 2013.
(...)
Q - (Sur la réduction des dépenses publiques)
R - Le gouvernement a lancé une démarche ambitieuse de modernisation de l'action publique. À ce titre, l'Assemblée a voté une économie de 10 milliards d'euros dans le budget de l'État pour 2013 : une réduction de 5 % des dépenses de fonctionnement, grâce à la maîtrise de la masse salariale et à la diminution des dépenses de communication, et une diminution des dépenses d'intervention. Quarante politiques publiques, comme les aides aux entreprises, la politique du logement, les aides à la famille ou la politique maritime, seront ensuite expertisées de manière transversale. Sans refaire une RGPP, car nous entendons privilégier la concertation, prendre en compte les besoins des usagers et dialoguer avec les acteurs du secteur public plutôt que de prendre mécaniquement des décisions abruptes, nous économiserons en cinq ans 60 milliards d'euros sur la dépense publique. Les citoyens français attendent que la puissance publique, tout en conservant la qualité du service public, prenne sa part de l'effort consenti par la collectivité. Pour être l'élu d'une circonscription très populaire, je sais que les électeurs ne sont pas particulièrement complaisants à son égard.
Q - (Sur la réforme bancaire)
R - La France est le premier pays d'Europe à engager une réforme bancaire. On oublie souvent deux choses quand on compare notre pays au Royaume-Uni. D'abord, le rapport Vickers prévoit une réforme applicable au mieux en 2019 alors que la nôtre sera discutée dès 2013. Ensuite, notre système bancaire n'est pas celui de la Grande-Bretagne et notre objectif n'est d'ailleurs pas d'importer le modèle anglo-saxon ni de développer des Goldman Sachs à la française. Pour élaborer ce projet, j'ai consulté les banques, puis la Fédération bancaire française, puis les associations d'usagers et de consommateurs. Celles-ci ont leur mot à dire sur le surendettement et l'inclusion bancaire de populations pauvres ou précaires car la réforme concerne non seulement les structures mais également les gens : elle doit réduire des inégalités dont nos concitoyens souffrent au quotidien. Enfin, j'ai tenu à interroger tous les syndicats du secteur bancaire : ils se disent tous très attachés à la banque universelle. Ainsi, les syndicalistes de BNP-Paribas, par exemple, ne souhaitent pas retrouver la BNP, d'un côté, et Paribas, de l'autre. Il faut donc séparer non les structures mais les activités. Je ne suis pas favorable à un Glass-Steagall Act à la française, qui risquerait tout au plus d'affaiblir les banques de dépôt et de rendre les banques d'affaires moins compétitives, ce dont rêvent peut-être certains milieux anglo-saxons.
Je suis ouvert à tous les amendements qui permettant d'améliorer le texte - je l'ai montré à l'occasion de la BPI -, mais nous devons nous méfier de toute surenchère qui se retournerait contre nos banques et contre les emplois. Contrairement à ce que j'ai pu lire, je ne me range pas aux arguments de la Fédération bancaire. Je ne suis pas le «copain des banquiers», qui ne se sont pas particulièrement réjouis à l'annonce de l'examen de ce texte. Au reste, ils ne se sont pas plaints, non plus, car j'ai le souci que nos banques restent compétitives : mon but est de mener une véritable réforme, que je souhaite approfondir avec vous.
Q - (Sur la réforme fiscale)
R - La loi de finances initiale et les lois de finances rectificatives ont apporté des modifications très substantielles à notre système fiscal, à commencer par l'alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail. Il n'y a pas de raison que certains s'enrichissent en dormant pendant que d'autres s'appauvrissent en travaillant ! En ce qui concerne la fiscalité des entreprises, nous avons procédé à des transferts de grande ampleur. Grâce au crédit d'impôt compétitivité emploi, nous taxons moins l'emploi. Avec l'extension du crédit d'impôt recherche à l'innovation dans les PME-PMI, nous taxons également moins la recherche et l'innovation. En garantissant aux PME la pérennité de leur fiscalité pendant cinq ans, nous leur offrons une stabilité fiscale. En revanche, nous sollicitons davantage les grandes entreprises dont les capacités contributives sont supérieures. Les mesures fiscales adoptées réduisent ainsi d'un tiers l'injuste écart de taxation entre les PME et les grands groupes. Bref, nous voulons encourager l'investissement, la recherche et les embauches. Nous continuerons en ce sens.
Q - (Sur la Banque publique d'investissement)
R - J'en viens à la Banque publique d'investissement. Nous ne partageons peut-être pas tout à fait les mêmes convictions - je n'ai pas oublié que le groupe communiste souhaitait la constitution d'un grand pôle financier public. Convenez cependant que nous avons construit une vraie banque publique d'investissement. Elle a vocation à financer les projets et le développement des entreprises, bref à amorcer la pompe qui les aidera à monter en gamme - puisque tel est notre principal handicap par rapport à l'Allemagne notamment.
Nous n'avons pas voulu avoir vingt-deux banques régionales comme le souhaitaient certains. Le pari aurait été risqué. Du reste, toutes les régions ne le souhaitaient pas non plus, et le risque final aurait dû être supporté par une garantie d'État. Mais il importe que le système soit très déconcentré ; les régions seront d'ailleurs associées à la gouvernance et 90 % des décisions seront prises au niveau régional. Enfin, le Fonds stratégique d'investissement (FSI) a été intégré à la BPI, notamment pour conduire des politiques de filière.
(...)
Je suis par ailleurs ouvert aux amendements traitant des paradis fiscaux qui pourraient être déposés dans le cadre de la discussion du projet de loi. J'ai rencontré les sénateurs écologistes et pris bonne note de leurs intentions à cet égard.
En ce qui concerne l'instauration d'une taxe sur les transactions financières, les États membres volontaires demanderont fin janvier au conseil des ministres l'autorisation de participer à une coopération renforcée que la Commission proposera de lancer en 2013. Nous devrions avancer sur ce dossier dès le conseil Ecofin du 22 janvier.
Q - (Sur le pacte de croissance européen)
R - Nous allons en effet mettre en oeuvre le pacte de croissance européen. En ce qui concerne les fonds structurels, il faudra sans doute aller vers une régionalisation plus importante. Par ailleurs, après l'augmentation de capital de 10 milliards d'euros de la BEI survenue le 31 décembre - la France versera sa part, d'un montant de 1,6 milliard d'euros, d'ici au 31 mars -, les crédits qui nous sont accordés devraient au moins doubler. Il va donc falloir recenser avec les préfets et les collectivités territoriales les projets structurants éligibles à ce titre.
Q - (Sur les règles de Bâle III)
R - Les règles de Bâle III ont été assouplies, notamment avec le report de 2015 à 2018 de l'entrée en vigueur des règles de liquidité. Notre pays a beaucoup pesé en faveur de ce délai bienvenu dont les banques avaient besoin pour s'adapter. N'oublions pas - y compris dans le débat sur la réforme bancaire - que le financement bancaire représente encore les deux tiers du financement des entreprises, soit 800 milliards d'euros. Sans banques qui fonctionnent, il est un peu vain de discuter de l'économie...
(...)
Je vous l'ai dit, l'étau de Bâle III se desserre. Je pourrais également mentionner la directive «Solvabilité II» ou Solvency II, applicable au secteur des assurances. Là aussi, nous nous battons pour obtenir une évaluation indépendante, qui prenne en compte les paramètres du secteur assurantiel français. Notre cause progresse.
Q - (Sur la supervision bancaire européenne)
R - Vous m'interrogez enfin sur la mise en place de la supervision bancaire européenne. Un nouveau mécanisme de supervision unique des banques a été adopté fin décembre dans le cadre du conseil Ecofin. Il crée un superviseur unique, à savoir la Banque centrale européenne (BCE), et un conseil de supervision, mais prévoit aussi l'intervention de superviseurs nationaux, la supervision directe étant réservée aux banques les plus importantes. Ce mécanisme doit entrer en vigueur un an au plus tard après le règlement, lequel devrait être prêt en mars 2013. Pourquoi si tard ? La réponse m'a été donnée par M. Mario Draghi lui-même : la BCE doit inventer un nouveau métier. Mais l'union bancaire ne saurait se résumer au système de supervision unique des banques de la zone euro. Deux autres dimensions doivent être envisagées : la directive «résolution des défaillances bancaires» et la directive «garantie des dépôts». Le projet de loi sur la réforme bancaire que nous allons bientôt discuter fait ici office de pionnier, puisqu'il crée un système de garantie des dépôts et renforce considérablement notre système de résolution et notre contrôle prudentiel. Mais l'Union européenne s'attelle elle aussi à ces questions : M. Barroso annonce d'ailleurs un projet de directive résolution pour cette année.
Q - (Sur l'hypothèse de croissance pour 2013)
R - Je maintiens notre hypothèse de croissance pour 2013, qui a été fixée à 0,8 %. Elle n'est pas absurde même si elle est volontariste et supérieure aux prévisions de la plupart des grands instituts. En effet, un certain nombre de facteurs ou d'aléas internationaux me paraissent aujourd'hui bien orientés : les États-Unis ont trouvé un accord sur le fiscal cliff ; la Chine a fait le choix d'une politique de relance de sa consommation intérieure ; le Japon souhaite également engager un plan de relance ; la zone euro elle-même ira de l'avant en retrouvant du crédit. À l'échelle domestique, le Pacte de compétitivité, l'investissement tourné vers la croissance, et la préservation du pouvoir d'achat devraient jouer favorablement en 2013. C'est donc en 2014 et 2015 que la zone euro devrait sortir de la spirale de récession ou de stagnation dans laquelle elle est prise depuis plusieurs années. Nous nous y employons, à l'échelle européenne et mondiale comme à celle de notre pays.
(...)
Q - (Sur la garantie d'État accordée à PSA Finance)
R - Nous avons bien notifié la garantie de l'État aux autorités européennes. J'en avais d'ailleurs informé comme il se doit le commissaire Almunia avant même que la décision ne soit prise. Nous sommes en cours de discussion avec la Commission, et j'ai bon espoir que cette aide ne soit pas requalifiée en aide d'État. En toute hypothèse, cela n'entraînerait pas de modification du plan de restructuration de PSA puisque cette aide concerne PSA Finance. En tant qu'élu de la circonscription de Montbéliard, Sochaux, Valentigney et Audincourt, qui accueille la plus grande usine française du groupe, je suis particulièrement attaché à son avenir - et je suis convaincu qu'il en a un, même si des inflexions stratégiques sont nécessaires. Nous avons d'ailleurs obtenu en contrepartie de la garantie d'État accordée à PSA Finance des modifications dans la gouvernance, avec la nomination de M. Gallois comme administrateur indépendant, et l'ouverture de nouvelles perspectives avec de nouveaux véhicules, par exemple à Rennes.
Q - (Sur les taux d'intérêt du crédit bancaire)
R - En ce qui concerne les taux d'intérêt du crédit bancaire, il n'y pas de forte hausse en vue. Ni la politique de la BCE, ni celle de la France ne le laissent craindre. Par précaution, nos prévisions envisagent l'éventualité d'une normalisation progressive. La constance observée sur les taux d'intérêt apporte la preuve de la confiance dont jouit notre politique économique, et de notre crédibilité budgétaire. Cette confiance sera renforcée par l'accord qui vient d'être négocié sur le marché du travail, qui était très attendu - et pas seulement en France. Nous pouvons donc être confiants : nous allons conserver des taux d'intérêt bas.
(...).
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 janvier 2013