Texte intégral
Merci Monsieur le Président, merci de votre accueil, merci pour vos propos. Je dois vous dire, Mesdames, Messieurs, que je suis très heureux de vous rencontrer en vous remerciant d'abord de m'avoir invité à ce déjeuner qui est votre grand rendez-vous annuel.
Votre principale vocation est d'organiser l'interaction entre les acteurs français, publics et privés, de l'enseignement supérieur, de la recherche, de l'innovation et de l'entreprise. Je crois profondément à la nécessité de cette interaction. Elle est au cur de la plupart des réformes que mène le gouvernement dans le domaine de la formation, de la recherche Elle est au cur même du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi que j'ai présenté le 6 novembre dernier à la suite de la présentation du rapport de Louis Gallois qui est d'ailleurs votre ancien président.
D'abord l'interaction est nécessaire dans le domaine de la formation. Vous savez que notre ambition est grande en la matière. C'est un des vastes chantiers de ce quinquennat, qui ira, j'espère, bien au-delà tant la transformation doit s'engranger en profondeur. Il s'agit de réussir la formation à tous les niveaux et d'abord l'école primaire. Le grand chantier de la refondation de l'école est un enjeu national, c'est un enjeu pour l'enfant, un enjeu pour sa réussite personnelle mais c'est aussi un enjeu pour le pays. Nous ne pouvons pas nous satisfaire qu'une partie de la jeunesse connaisse par la suite des difficultés majeures d'insertion dans la vie économique et sociale parce que les premières étapes de l'apprentissage des connaissances de base ont été ratées. C'est là qu'il y a un effort considérable à apporter. C'est un investissement pour l'avenir. Pour combler les lacunes de l'apprentissage de certains de nos enfants il est donc indispensable d'améliorer les conditions d'enseignement et en particulier le rythme quotidien, hebdomadaire, annuel du rythme scolaire, c'est l'enjeu de ce qui s'engage en ce moment mais qui est difficile comme toute réforme. Il faut expliquer, il faut toujours donner du temps, mais ne pas renoncer à l'essentiel. L'essentiel c'est d'améliorer les conditions de travail des élèves, ce qui veut dire des professeurs bien formés. La future loi d'orientation de l'école va prévoir toutes ces priorités. Former les professeurs c'est aussi les former eux-mêmes et je pense ici à ce qui nous rassemble, à la culture scientifique et technique qu'il faut être capable d'apporter aux enfants dès l'école primaire. Nous avons tous en tête l'expérience de « La main à la pâte » du professeur Charpak qui n'est pas assez systématisée mais qui à mon avis est une très bonne méthode pour donner envie aux enfants par la pratique d'acquérir des connaissances scientifiques et, en quelque sorte, d'engager leur vie dans cette direction. Toutes les expériences que j'ai vues personnellement m'ont convaincu que c'était une bonne méthode, une pédagogie adaptée mais pour ça, je le répète, il faut aussi des maîtres formés, il faut aussi une volonté politique forte, il faut donc s'engager.
S'agissant de l'enseignement supérieur et de la recherche - Madame la Ministre de l'Enseignement supérieur est présente aussi à ce déjeuner, et ce n'est pas un hasard, ainsi que la ministre des Petites et moyennes entreprises également -, les assises de 2012 de l'enseignement supérieur et de la recherche ont été très fructueuses. Elles ont permis une participation de haut niveau et elles ont démontré l'utilité de cette large consultation au-delà des débats internes à l'institution. Le gouvernement a préparé une réforme avec l'ambition de conduire 50% d'une génération jusqu'à la licence, ce qui est bien entendu inséparable d'un projet global, d'un projet social et économique global. A côté de l'insertion professionnelle des étudiants, les universités compteront désormais parmi leurs missions, le transfert et la valorisation des connaissances. Plus largement, elles auront l'obligation de contribuer au développement et à l'attractivité de notre territoire, donc changer, en quelque sorte, leur rapport avec l'économie, leur rapport avec les entreprises.
Madame la Ministre de l'Enseignement supérieur souhaite multiplier par deux l'alternance chez les étudiants. C'est fondamental. Notre université doit aussi être capable d'accueillir davantage d'étudiants étrangers, permettre davantage aussi des flux d'étudiants français vers d'autres pays parce que c'est comme ça qu'effectivement nous serons capable de mettre au cur de notre formation universitaire et de notre enseignement de recherche une culture de la mondialisation. On aborde la mondialisation souvent de façon uniquement défensive, abordons-la de façon conquérante. C'est tout le défi français d'aujourd'hui : soyons des conquérants. Notre responsabilité c'est de faire partager cette ambition. Nous savons que dans notre pays, où il est de bon ton d'être pessimiste, c'est un devoir que nous devons avoir absolument les uns et les autres individuellement et collectivement. Renforcer notre lien entre le monde académique et la société dans son ensemble c'est aussi la mission que nous fixons à nos universités.
Vous êtes déjà, je le répète, des familiers de cette démarche, vous y participez par la gestion des bourses, les bourses CIFRE. Une bourse CIFRE, Monsieur le Président Oursel, vous l'avez rappelé, c'est la meilleure preuve que lon peut préparer une thèse et donc atteindre le niveau de compétence le plus élevé tout en apportant une contribution précise au développement d'une entreprise. La montée en puissance de ce dispositif qui doit bénéficier à 1 400 étudiants doctorants en 2013 a de quoi nous réjouir car elle dessine des perspectives d'emplois pour nos étudiants et, plus généralement, il importe que nos entreprises reconnaissent la valeur du doctorat comme dans tous les grands pays développés. Il faut arriver à dépasser ou, plutôt à transcender l'opposition entre ingénieurs et docteurs si caractéristique de notre culture française, car chaque situation a des atouts.
Une autre interaction doit se nouer entre la recherche et l'industrie. On le sait, c'est là que se situe le point faible de notre compétitivité. Les efforts entrepris ces dernières années ont été parfois décousus, désordonnés, et le fossé est encore trop large entre la recherche académique et les besoins de notre économie. D'un côté, je l'ai dit en ouvrant les assises de la recherche et de l'enseignement supérieur, il y a une recherche brillante, reconnue mondialement dans de très nombreux domaines et, de l'autre, il y a une industrie à l'histoire glorieuse aussi mais qui souffre aujourd'hui d'un défaut d'innovation. Entre les deux, on trouve ce que d'aucuns appellent la « vallée de la mort » - c'est peut-être un peu caricatural -, une recherche technologique insuffisamment tournée vers l'industrialisation et l'accompagnement des entreprises. Vous avez évoqué le Pacte national de compétitivité, il est en grande partie centré sur cette question. Louis Gallois, avec qui je faisais le point sur la mise en uvre de ce pacte récemment, me disait à juste titre « on parle surtout du crédit impôt compétitivité emploi et on ne parle pas de la cohérence de votre pacte, c'est-à-dire des 35 mesures qui le composent, autrement dit la compétitivité hors coûts ». Même évidemment si je sais que la question du coût du travail est une question importante - nous l'avons traitée courageusement compte tenu des contraintes financières que cela nous pose -, il faut donc trouver des ressources pour financer cette mesure. Je dirai d'abord qu'il est souhaitable que la mesure du CICE soit connue. En voyageant un peu partout sur le territoire, je m'aperçois que c'est encore loin d'être le cas. Mais quand chacun fait ses comptes, on s'aperçoit que cela donne des marges de manuvres réelles. Mais que fait-on de ces marges de manuvre ? Non seulement cette mesure, mais tous les autres éléments du pacte sont indispensables. Et pour reconquérir des marchés nos entreprises ne peuvent se contenter d'abaisser leurs coûts, tout le monde le sait, elles doivent innover et améliorer la qualité de leurs produits.
Resserrer les liens entre la recherche, l'innovation technologique, l'industrie c'est la raison d'être de votre association. C'est aussi le sens de nombreuses entreprises, de nombreuses initiatives qui ont été prises par le gouvernement. Ainsi par exemple des plateformes ouvertes par le CEA, à Grenoble, Saclay et Aix-Marseille d'abord, à Nantes, Toulouse et Bordeaux ensuite, et peut-être bientôt en Lorraine. Et si j'évoque la Lorraine, c'est parce que justement il faut donner de l'espoir aux territoires en mutation économique et en mutation industrielle.
Je ne dis pas que ces plateformes vont tout résoudre, mais en même temps elles seront là pour rapprocher toute l'innovation, la recherche et les capacités des entreprises, en particulier des PME, des ETI, pour recréer de la dynamique, recréer de la perspective. Notre devoir effectivement, c'est d'agir dans l'urgence, c'est d'aider les gens qui souffrent et qui sont contraints à des mutations économiques, industrielles avec des conséquences sociales, et qu'il faut tout faire pour les aider à surmonter ces passages difficiles. C'est vrai que de ce point de vue l'accord entre les partenaires sociaux, qui a été accepté par une majorité d'organisations syndicales des salariés et de représentants du patronat, va dans la bonne direction pour anticiper, faire en sorte que ces mutations tant qu'elles sont nécessaires se fassent intelligemment et justes socialement.
En même temps, il est important d'entrainer les territoires, d'entrainer les potentialités, les intelligences, les capacités dans le sens de l'innovation. Et c'est pour cela que ces plateformes permettront d'y contribuer. Notamment dans les territoires qui souffrent le plus et qui, pourtant recèlent aussi de vraies capacités, de vraies intelligences, de vraies envies de se mobiliser.
Ainsi de nombreux appels d'offres pour les investissements d'avenir vont être réorientés dans cette direction. Quant aux Instituts de recherche technologiques, les IRT, ils sont pratiquement partout opérationnels. Il faut les aider, il faut les soutenir, c'est la bonne méthode, c'est la bonne démarche, elle est tout à fait dans l'esprit de vos travaux.
Quant aux pôles de compétitivité, j'attends beaucoup de la 3ème phase de développement. Nous avons choisi de les orienter vers les produits d'avenir. Désormais, les pôles de compétitivité auront pour principal objectif de favoriser la recherche débouchant sur une industrialisation nouvelle et, donc, sur des emplois nouveaux.
La troisième interaction dont je veux souligner l'importance, est celle qui associe le secteur public et le secteur privé. Vous êtes je l'ai dit dans mon propos introductif un excellent exemple de cette coopération. Tous nos efforts pour développer une recherche technologique tendue vers l'industrie suppose un partenariat solide entre les entreprises et les institutions publiques. Le projet de loi que je viens d'évoquer sur l'enseignement supérieur et la recherche pose ce principe d'une stratégie nationale de recherche répondant aux grands défis scientifiques mais aussi technologiques et sociétaux.
Cette stratégie sera élaborée en concertation étroite avec la communauté scientifique, les partenaires économiques et sociaux, les collectivités territoriales qui jouent un rôle de plus en plus important et qui le joueront dans les années à venir. Le futur projet de loi de la décentralisation clarifiera notamment le rôle des régions en la matière, mais aussi des métropoles, et qui doivent trouver une place nouvelle dans cette animation et ce développement du territoire. Quant à la composition du Conseil stratégique de la recherche, il reflètera cette orientation.
Le président de la République a parlé dès le début de son mandat du nécessaire redressement de notre pays. Le redressement, ce n'est pas un but en soi, c'est un moyen mais c'est une nécessité, c'est une nécessité pour remettre en quelque sorte notre pays sur les meilleurs rails. Il en a, je vous l'ai dit tout à l'heure, la capacité. Et pour ça, nous avons besoin de la coopération la plus étroite entre les partenaires publics et les partenaires privés de la recherche et de l'économie. C'est ce que j'ai dit, il y a quelques mois, en rencontrant les responsables du cercle de l'industrie. Il y a beaucoup à faire ensemble, pour ça il faut se parler, il faut se connaître, il faut partager il faut partager un diagnostic, il faut partager des priorités, il faut partager une capacité à entrainer.
Gardons-nous de considérer que l'effort de recherche justement doit provenir essentiellement du secteur public, il faut qu'il le fasse, il a ses responsabilités. Mais la faiblesse relative des investissements de recherche dans notre pays provient aussi pour une part d'un effort trop modeste du secteur privé ou, en tout cas, d'une partie du secteur privé, ce qui n'est pas le cas de toutes les entreprises heureusement. Mais l'ANRT, grâce notamment à son outil de prospective, contribue à changer l'état d'esprit, à convaincre. Cela concerne les grands groupes industriels, les ETI, les PME, parfois même des toute petites entreprises dans des niches, à condition de créer des synergies, de mettre en mouvement.
Enfin la quatrième interaction sur laquelle je veux insister concerne les différents niveaux territoriaux. J'ai dit combien il est nécessaire d'ancrer notre politique de recherche et d'innovation dans les territoires, et je viens de le dire à propos de l'acte 3 de la décentralisation. Je l'ai dit encore, les régions pourront ainsi encourager la structuration des réseaux, entre les acteurs locaux de la formation, de la recherche, de l'innovation et de l'entreprise. Plus on est près du terrain, plus on est près de la réalité économique, sociale, culturelle, humaine, plus on fait bouger les choses. Pour ça, il faut se mettre d'accord sur des projets. Les futurs contrats de projets entre l'Etat et les régions, auxquels sont désormais associées en tant que signataires les métropoles, doivent être l'occasion de créer cette nouvelle dynamique.
La question se pose également de la coordination entre l'échelon national et l'échelon international. L'Europe offre des ressources importantes en matière de recherche et d'innovation. Vous l'avez compris d'ailleurs puisque votre association s'est dotée d'un service « Europe », chargé d'informer et d'accompagner ses membres et d'autres acteurs. Nous devons aussi apprendre à mieux connaître les pratiques de nos voisins, nous en inspirer lorsqu'elles sont bonnes. Et au-delà de l'Europe, c'est vers le monde entier que doivent se tourner nos regards. Il faut inventer de nouveaux outils pour encourager cette aventure internationale. A chacun de mes déplacements, comme c'est le cas aussi pour le président de la République, des entrepreneurs, des chercheurs nous accompagnent. On voit, quand on prend le temps de parler, que cette voie est possible, que ce désir de mobilisation est fort. L'attente aussi l'est encore même davantage.
Monsieur le président, mesdames, messieurs, si j'ai voulu être ici aujourd'hui, ce n'est pas seulement pour respecter une tradition, parce qu'il paraît qu'au début de son mandat, le Premier ministre doit venir, je ne suis pas venu parce qu'on m'y a contraint ! Je suis venu pour saluer votre initiative pionnière, et surtout pour vous dire ma conviction : sous l'autorité du président de la République, la politique que j'ai l'honneur de conduire à la tête du gouvernement a cette ambition du redressement du pays pour en refaire un grand pays puissant. Notre pays est une grande puissance, il le montre dans son intervention au Mali, mais il a encore des efforts à faire pour le redevenir pleinement au niveau économique, bien que nous soyons un pays attractif pour les investissements étrangers, bien que notre capacité d'innovation soit plus grande qu'on ne le dit. Nous avons encore des progrès à faire en matière de compétitivité, de renforcement de notre attractivité, c'est ça notre mission.
Moi j'appelle ça « le nouveau modèle français ». Certains s'interrogent : mais qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que la France n'est pas n'importe quel pays, qu'elle a un certain génie qui lui est propre, qu'elle est capable d'inventer, d'innover, elle l'a montré dans toutes les périodes de son histoire. Mais aujourd'hui, nous vivons une nouvelle période de notre histoire, ce n'est pas seulement une crise, ce n'est pas seulement une période à passer, un mauvais moment à passer qui durerait 2 ans et après la page serait tournée Non. Nous sommes au cur d'une nouvelle époque, d'un nouveau changement où de nouveaux équilibres mondiaux sont en train de s'installer, mais où la France a sa place, où la France a son rôle à jouer, avec l'Europe, à condition qu'elle se fixe des ambitions. Simplement il faut se mobiliser, il faut se battre, il ne faut pas se résigner.
Le nouveau modèle français, c'est justement de montrer que nous sommes capables de faire des réformes, d'engager les transformations nécessaires, de se fixer des défis ambitieux, d'être capables de mobiliser tous ceux qui peuvent nous aider à réussir, et cela sans perdre notre âme, celle d'un pays capable d'être à la fois compétitif, audacieux sur le plan de l'invention et de l'innovation, et en même temps fidèle à une certaine manière de vivre ensemble, à esprit de solidarité et de cohésion sociale.
C'est ça le nouveau modèle français, ce n'est pas la nostalgie du passé, c'est la conscience des défis à relever et, en même temps, la fidélité à ce que nous sommes. Merci d'y contribuer et bon courage à vous, à l'ANRT et aux entreprises, qu'elles soient publiques ou qu'elles soient privées, parce que ce que vous faites, vous ne le faites pas seulement pour vous, vous le faites aussi au service de notre pays.
Source http://www.gouvernement.fr, le 14 février 2013
Votre principale vocation est d'organiser l'interaction entre les acteurs français, publics et privés, de l'enseignement supérieur, de la recherche, de l'innovation et de l'entreprise. Je crois profondément à la nécessité de cette interaction. Elle est au cur de la plupart des réformes que mène le gouvernement dans le domaine de la formation, de la recherche Elle est au cur même du Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi que j'ai présenté le 6 novembre dernier à la suite de la présentation du rapport de Louis Gallois qui est d'ailleurs votre ancien président.
D'abord l'interaction est nécessaire dans le domaine de la formation. Vous savez que notre ambition est grande en la matière. C'est un des vastes chantiers de ce quinquennat, qui ira, j'espère, bien au-delà tant la transformation doit s'engranger en profondeur. Il s'agit de réussir la formation à tous les niveaux et d'abord l'école primaire. Le grand chantier de la refondation de l'école est un enjeu national, c'est un enjeu pour l'enfant, un enjeu pour sa réussite personnelle mais c'est aussi un enjeu pour le pays. Nous ne pouvons pas nous satisfaire qu'une partie de la jeunesse connaisse par la suite des difficultés majeures d'insertion dans la vie économique et sociale parce que les premières étapes de l'apprentissage des connaissances de base ont été ratées. C'est là qu'il y a un effort considérable à apporter. C'est un investissement pour l'avenir. Pour combler les lacunes de l'apprentissage de certains de nos enfants il est donc indispensable d'améliorer les conditions d'enseignement et en particulier le rythme quotidien, hebdomadaire, annuel du rythme scolaire, c'est l'enjeu de ce qui s'engage en ce moment mais qui est difficile comme toute réforme. Il faut expliquer, il faut toujours donner du temps, mais ne pas renoncer à l'essentiel. L'essentiel c'est d'améliorer les conditions de travail des élèves, ce qui veut dire des professeurs bien formés. La future loi d'orientation de l'école va prévoir toutes ces priorités. Former les professeurs c'est aussi les former eux-mêmes et je pense ici à ce qui nous rassemble, à la culture scientifique et technique qu'il faut être capable d'apporter aux enfants dès l'école primaire. Nous avons tous en tête l'expérience de « La main à la pâte » du professeur Charpak qui n'est pas assez systématisée mais qui à mon avis est une très bonne méthode pour donner envie aux enfants par la pratique d'acquérir des connaissances scientifiques et, en quelque sorte, d'engager leur vie dans cette direction. Toutes les expériences que j'ai vues personnellement m'ont convaincu que c'était une bonne méthode, une pédagogie adaptée mais pour ça, je le répète, il faut aussi des maîtres formés, il faut aussi une volonté politique forte, il faut donc s'engager.
S'agissant de l'enseignement supérieur et de la recherche - Madame la Ministre de l'Enseignement supérieur est présente aussi à ce déjeuner, et ce n'est pas un hasard, ainsi que la ministre des Petites et moyennes entreprises également -, les assises de 2012 de l'enseignement supérieur et de la recherche ont été très fructueuses. Elles ont permis une participation de haut niveau et elles ont démontré l'utilité de cette large consultation au-delà des débats internes à l'institution. Le gouvernement a préparé une réforme avec l'ambition de conduire 50% d'une génération jusqu'à la licence, ce qui est bien entendu inséparable d'un projet global, d'un projet social et économique global. A côté de l'insertion professionnelle des étudiants, les universités compteront désormais parmi leurs missions, le transfert et la valorisation des connaissances. Plus largement, elles auront l'obligation de contribuer au développement et à l'attractivité de notre territoire, donc changer, en quelque sorte, leur rapport avec l'économie, leur rapport avec les entreprises.
Madame la Ministre de l'Enseignement supérieur souhaite multiplier par deux l'alternance chez les étudiants. C'est fondamental. Notre université doit aussi être capable d'accueillir davantage d'étudiants étrangers, permettre davantage aussi des flux d'étudiants français vers d'autres pays parce que c'est comme ça qu'effectivement nous serons capable de mettre au cur de notre formation universitaire et de notre enseignement de recherche une culture de la mondialisation. On aborde la mondialisation souvent de façon uniquement défensive, abordons-la de façon conquérante. C'est tout le défi français d'aujourd'hui : soyons des conquérants. Notre responsabilité c'est de faire partager cette ambition. Nous savons que dans notre pays, où il est de bon ton d'être pessimiste, c'est un devoir que nous devons avoir absolument les uns et les autres individuellement et collectivement. Renforcer notre lien entre le monde académique et la société dans son ensemble c'est aussi la mission que nous fixons à nos universités.
Vous êtes déjà, je le répète, des familiers de cette démarche, vous y participez par la gestion des bourses, les bourses CIFRE. Une bourse CIFRE, Monsieur le Président Oursel, vous l'avez rappelé, c'est la meilleure preuve que lon peut préparer une thèse et donc atteindre le niveau de compétence le plus élevé tout en apportant une contribution précise au développement d'une entreprise. La montée en puissance de ce dispositif qui doit bénéficier à 1 400 étudiants doctorants en 2013 a de quoi nous réjouir car elle dessine des perspectives d'emplois pour nos étudiants et, plus généralement, il importe que nos entreprises reconnaissent la valeur du doctorat comme dans tous les grands pays développés. Il faut arriver à dépasser ou, plutôt à transcender l'opposition entre ingénieurs et docteurs si caractéristique de notre culture française, car chaque situation a des atouts.
Une autre interaction doit se nouer entre la recherche et l'industrie. On le sait, c'est là que se situe le point faible de notre compétitivité. Les efforts entrepris ces dernières années ont été parfois décousus, désordonnés, et le fossé est encore trop large entre la recherche académique et les besoins de notre économie. D'un côté, je l'ai dit en ouvrant les assises de la recherche et de l'enseignement supérieur, il y a une recherche brillante, reconnue mondialement dans de très nombreux domaines et, de l'autre, il y a une industrie à l'histoire glorieuse aussi mais qui souffre aujourd'hui d'un défaut d'innovation. Entre les deux, on trouve ce que d'aucuns appellent la « vallée de la mort » - c'est peut-être un peu caricatural -, une recherche technologique insuffisamment tournée vers l'industrialisation et l'accompagnement des entreprises. Vous avez évoqué le Pacte national de compétitivité, il est en grande partie centré sur cette question. Louis Gallois, avec qui je faisais le point sur la mise en uvre de ce pacte récemment, me disait à juste titre « on parle surtout du crédit impôt compétitivité emploi et on ne parle pas de la cohérence de votre pacte, c'est-à-dire des 35 mesures qui le composent, autrement dit la compétitivité hors coûts ». Même évidemment si je sais que la question du coût du travail est une question importante - nous l'avons traitée courageusement compte tenu des contraintes financières que cela nous pose -, il faut donc trouver des ressources pour financer cette mesure. Je dirai d'abord qu'il est souhaitable que la mesure du CICE soit connue. En voyageant un peu partout sur le territoire, je m'aperçois que c'est encore loin d'être le cas. Mais quand chacun fait ses comptes, on s'aperçoit que cela donne des marges de manuvres réelles. Mais que fait-on de ces marges de manuvre ? Non seulement cette mesure, mais tous les autres éléments du pacte sont indispensables. Et pour reconquérir des marchés nos entreprises ne peuvent se contenter d'abaisser leurs coûts, tout le monde le sait, elles doivent innover et améliorer la qualité de leurs produits.
Resserrer les liens entre la recherche, l'innovation technologique, l'industrie c'est la raison d'être de votre association. C'est aussi le sens de nombreuses entreprises, de nombreuses initiatives qui ont été prises par le gouvernement. Ainsi par exemple des plateformes ouvertes par le CEA, à Grenoble, Saclay et Aix-Marseille d'abord, à Nantes, Toulouse et Bordeaux ensuite, et peut-être bientôt en Lorraine. Et si j'évoque la Lorraine, c'est parce que justement il faut donner de l'espoir aux territoires en mutation économique et en mutation industrielle.
Je ne dis pas que ces plateformes vont tout résoudre, mais en même temps elles seront là pour rapprocher toute l'innovation, la recherche et les capacités des entreprises, en particulier des PME, des ETI, pour recréer de la dynamique, recréer de la perspective. Notre devoir effectivement, c'est d'agir dans l'urgence, c'est d'aider les gens qui souffrent et qui sont contraints à des mutations économiques, industrielles avec des conséquences sociales, et qu'il faut tout faire pour les aider à surmonter ces passages difficiles. C'est vrai que de ce point de vue l'accord entre les partenaires sociaux, qui a été accepté par une majorité d'organisations syndicales des salariés et de représentants du patronat, va dans la bonne direction pour anticiper, faire en sorte que ces mutations tant qu'elles sont nécessaires se fassent intelligemment et justes socialement.
En même temps, il est important d'entrainer les territoires, d'entrainer les potentialités, les intelligences, les capacités dans le sens de l'innovation. Et c'est pour cela que ces plateformes permettront d'y contribuer. Notamment dans les territoires qui souffrent le plus et qui, pourtant recèlent aussi de vraies capacités, de vraies intelligences, de vraies envies de se mobiliser.
Ainsi de nombreux appels d'offres pour les investissements d'avenir vont être réorientés dans cette direction. Quant aux Instituts de recherche technologiques, les IRT, ils sont pratiquement partout opérationnels. Il faut les aider, il faut les soutenir, c'est la bonne méthode, c'est la bonne démarche, elle est tout à fait dans l'esprit de vos travaux.
Quant aux pôles de compétitivité, j'attends beaucoup de la 3ème phase de développement. Nous avons choisi de les orienter vers les produits d'avenir. Désormais, les pôles de compétitivité auront pour principal objectif de favoriser la recherche débouchant sur une industrialisation nouvelle et, donc, sur des emplois nouveaux.
La troisième interaction dont je veux souligner l'importance, est celle qui associe le secteur public et le secteur privé. Vous êtes je l'ai dit dans mon propos introductif un excellent exemple de cette coopération. Tous nos efforts pour développer une recherche technologique tendue vers l'industrie suppose un partenariat solide entre les entreprises et les institutions publiques. Le projet de loi que je viens d'évoquer sur l'enseignement supérieur et la recherche pose ce principe d'une stratégie nationale de recherche répondant aux grands défis scientifiques mais aussi technologiques et sociétaux.
Cette stratégie sera élaborée en concertation étroite avec la communauté scientifique, les partenaires économiques et sociaux, les collectivités territoriales qui jouent un rôle de plus en plus important et qui le joueront dans les années à venir. Le futur projet de loi de la décentralisation clarifiera notamment le rôle des régions en la matière, mais aussi des métropoles, et qui doivent trouver une place nouvelle dans cette animation et ce développement du territoire. Quant à la composition du Conseil stratégique de la recherche, il reflètera cette orientation.
Le président de la République a parlé dès le début de son mandat du nécessaire redressement de notre pays. Le redressement, ce n'est pas un but en soi, c'est un moyen mais c'est une nécessité, c'est une nécessité pour remettre en quelque sorte notre pays sur les meilleurs rails. Il en a, je vous l'ai dit tout à l'heure, la capacité. Et pour ça, nous avons besoin de la coopération la plus étroite entre les partenaires publics et les partenaires privés de la recherche et de l'économie. C'est ce que j'ai dit, il y a quelques mois, en rencontrant les responsables du cercle de l'industrie. Il y a beaucoup à faire ensemble, pour ça il faut se parler, il faut se connaître, il faut partager il faut partager un diagnostic, il faut partager des priorités, il faut partager une capacité à entrainer.
Gardons-nous de considérer que l'effort de recherche justement doit provenir essentiellement du secteur public, il faut qu'il le fasse, il a ses responsabilités. Mais la faiblesse relative des investissements de recherche dans notre pays provient aussi pour une part d'un effort trop modeste du secteur privé ou, en tout cas, d'une partie du secteur privé, ce qui n'est pas le cas de toutes les entreprises heureusement. Mais l'ANRT, grâce notamment à son outil de prospective, contribue à changer l'état d'esprit, à convaincre. Cela concerne les grands groupes industriels, les ETI, les PME, parfois même des toute petites entreprises dans des niches, à condition de créer des synergies, de mettre en mouvement.
Enfin la quatrième interaction sur laquelle je veux insister concerne les différents niveaux territoriaux. J'ai dit combien il est nécessaire d'ancrer notre politique de recherche et d'innovation dans les territoires, et je viens de le dire à propos de l'acte 3 de la décentralisation. Je l'ai dit encore, les régions pourront ainsi encourager la structuration des réseaux, entre les acteurs locaux de la formation, de la recherche, de l'innovation et de l'entreprise. Plus on est près du terrain, plus on est près de la réalité économique, sociale, culturelle, humaine, plus on fait bouger les choses. Pour ça, il faut se mettre d'accord sur des projets. Les futurs contrats de projets entre l'Etat et les régions, auxquels sont désormais associées en tant que signataires les métropoles, doivent être l'occasion de créer cette nouvelle dynamique.
La question se pose également de la coordination entre l'échelon national et l'échelon international. L'Europe offre des ressources importantes en matière de recherche et d'innovation. Vous l'avez compris d'ailleurs puisque votre association s'est dotée d'un service « Europe », chargé d'informer et d'accompagner ses membres et d'autres acteurs. Nous devons aussi apprendre à mieux connaître les pratiques de nos voisins, nous en inspirer lorsqu'elles sont bonnes. Et au-delà de l'Europe, c'est vers le monde entier que doivent se tourner nos regards. Il faut inventer de nouveaux outils pour encourager cette aventure internationale. A chacun de mes déplacements, comme c'est le cas aussi pour le président de la République, des entrepreneurs, des chercheurs nous accompagnent. On voit, quand on prend le temps de parler, que cette voie est possible, que ce désir de mobilisation est fort. L'attente aussi l'est encore même davantage.
Monsieur le président, mesdames, messieurs, si j'ai voulu être ici aujourd'hui, ce n'est pas seulement pour respecter une tradition, parce qu'il paraît qu'au début de son mandat, le Premier ministre doit venir, je ne suis pas venu parce qu'on m'y a contraint ! Je suis venu pour saluer votre initiative pionnière, et surtout pour vous dire ma conviction : sous l'autorité du président de la République, la politique que j'ai l'honneur de conduire à la tête du gouvernement a cette ambition du redressement du pays pour en refaire un grand pays puissant. Notre pays est une grande puissance, il le montre dans son intervention au Mali, mais il a encore des efforts à faire pour le redevenir pleinement au niveau économique, bien que nous soyons un pays attractif pour les investissements étrangers, bien que notre capacité d'innovation soit plus grande qu'on ne le dit. Nous avons encore des progrès à faire en matière de compétitivité, de renforcement de notre attractivité, c'est ça notre mission.
Moi j'appelle ça « le nouveau modèle français ». Certains s'interrogent : mais qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que la France n'est pas n'importe quel pays, qu'elle a un certain génie qui lui est propre, qu'elle est capable d'inventer, d'innover, elle l'a montré dans toutes les périodes de son histoire. Mais aujourd'hui, nous vivons une nouvelle période de notre histoire, ce n'est pas seulement une crise, ce n'est pas seulement une période à passer, un mauvais moment à passer qui durerait 2 ans et après la page serait tournée Non. Nous sommes au cur d'une nouvelle époque, d'un nouveau changement où de nouveaux équilibres mondiaux sont en train de s'installer, mais où la France a sa place, où la France a son rôle à jouer, avec l'Europe, à condition qu'elle se fixe des ambitions. Simplement il faut se mobiliser, il faut se battre, il ne faut pas se résigner.
Le nouveau modèle français, c'est justement de montrer que nous sommes capables de faire des réformes, d'engager les transformations nécessaires, de se fixer des défis ambitieux, d'être capables de mobiliser tous ceux qui peuvent nous aider à réussir, et cela sans perdre notre âme, celle d'un pays capable d'être à la fois compétitif, audacieux sur le plan de l'invention et de l'innovation, et en même temps fidèle à une certaine manière de vivre ensemble, à esprit de solidarité et de cohésion sociale.
C'est ça le nouveau modèle français, ce n'est pas la nostalgie du passé, c'est la conscience des défis à relever et, en même temps, la fidélité à ce que nous sommes. Merci d'y contribuer et bon courage à vous, à l'ANRT et aux entreprises, qu'elles soient publiques ou qu'elles soient privées, parce que ce que vous faites, vous ne le faites pas seulement pour vous, vous le faites aussi au service de notre pays.
Source http://www.gouvernement.fr, le 14 février 2013