Déclaration de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur le projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi, Paris le 18 février 2013.

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Circonstance : Réunion de la Commission nationale de la négociation collective à Paris le 18 février 2013

Texte intégral


Nous nous retrouvons ce matin pour examiner ensemble le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi.
Nous touchons là, avant le débat parlementaire, à une nouvelle étape du processus engagé par la Grande conférence sociale de juillet dernier : la mobilisation de tous pour développer l’emploi et lutter contre le chômage.
L’accord du 11 janvier a marqué l’aboutissement de l’une des plus ambitieuses séquences de négociation interprofessionnelle depuis 1968. Il fera date, j’en suis certain.
L’accord incarne une ambition : trouver un équilibre global dans quatre grands domaines essentiels du marché du travail :
- La lutte contre la précarité du travail ;
- L’anticipation des mutations économiques ;
- La recherche de solutions collectives pour sauvegarder l’emploi ;
- La nécessaire refonte des procédures de licenciements collectifs.
1- L’esprit d’une loi
Le projet de loi qui vous est présenté ce matin respecte l’équilibre de l’accord et la volonté des signataires.
C’était un engagement du Gouvernement dès le lancement de la négociation.
C’est un engagement tenu, car il en va du respect des partenaires sociaux, du respect du dialogue social. Comment pourrais-je me présenter devant vous, en tant que ministre du dialogue social, avec un projet de loi défaisant ou dénaturant un accord valablement conclu ? Ce serait vous déconsidérer et vous affaiblir. Je m’y refuserai toujours. D’autres ont pratiqué autrement il n’y a pas si longtemps, vous vous en souvenez et vous l’aviez alors -à juste titre- dénoncé.
Pour moi, la démocratie sociale n’est pas un tour de palabres sans conséquence avant que ne commencent les « choses sérieuses », c’est-à-dire que le Gouvernement et les administrations décident et propose au Parlement un projet différent.
Je le dis aussi à l’attention des organisations qui ont fait le choix, au terme d’une négociation à laquelle ils ont apporté leurs propositions, de ne pas signer. Et dont j’entends les critiques. Elles deviendront-je l’espère- moins nombreuses ou moins virulentes à la lecture du projet de loi qui a levé certaines ambiguïtés. Dans une négociation loyale, chaque acteur doit être libre, et chaque acteur doit être respecté. Les non-signataires, comme les signataires qui prennent le risque de s’engager pour faire exister des avancées qui, sinon, seraient restées virtuelles. Vous le savez tous ici qui signez, chaque jour, des accords dans les entreprises ou dans les branches, parce que vous savez qu’un rapport de forces, pour être utile, doit trouver une concrétisation, qui est toujours un compromis.
Je suis persuadé que les outils que nous examinons aujourd’hui seront demain utilisés par tous sur le terrain.
Les parlementaires se saisiront bientôt du projet de loi. Pour l’avoir été de longues années, je sais la difficulté de faire de la loi, les questions que le législateur se pose face aux expressions contradictoires des acteurs concernés. Il sera précieux, pour les parlementaires, de pouvoir s’appuyer sur le travail préalable des acteurs eux-mêmes. Il assure une prise avec le réel, avec des acteurs à qui nous disons : « nous vous faisons confiance ». « Vous êtes légitimes ».
Oui, j’ai confiance dans les acteurs pour se saisir des dispositions nombreuses de la loi, pour les mettre à profit, pour trouver des compromis neufs et sécuriser dans les faits l’emploi.
Pour autant le passage de l’accord au projet de loi, puis du projet de loi à la loi votée, inscrite dans notre code du travail, demande lui aussi un travail. Une transposition n’est pas un recopiage. Là où l’accord du 11 janvier laissait des ambiguïtés ou des zones d’incertitudes, là où il était silencieux, des choix clairs ont du être opérés, je vais y revenir. Ils ont été faits en toute transparence avec une seule grille d’analyse : quelle est l’option la plus favorable pour répondre à l’ambition du projet de loi : sécuriser l’emploi et les parcours professionnels ?
Il en ira de même au Parlement, où les parlementaires s’efforceront d’améliorer le texte, de compléter ce que nous n’aurions pas encore – vous et nous- identifiés comme manques, de préciser ce que nous aurions laissé trop imprécis. Si leur pouvoir d’amendement est par définition total, ils le feront, j’en suis persuadé- avec la volonté de respecter l’accord comme nous l’avons respecté.
Dans quelques semaines la loi aura donc inscrit l’accord dans notre ordre juridique, avec la force des engagements qui sont nés des acteurs sociaux eux-mêmes.
A la force du dialogue s’ajoutera celle de la loi, son complément nécessaire. Nécessaire, car c’est la loi qui porte l’intérêt général ; nécessaire car la France est un pays qui s’est construit par le droit. Nous sommes ici au cœur de notre modèle social français, dans l’articulation utile du contrat et de la loi.
2- Le détail du texte
Le projet de loi s’articule, outre un chapitre final portant sur des dispositions diverses, autour de trois chapitres clefs.
Le premier est intitulé « créer de nouveaux droits pour les salariés ». On y retrouve la généralisation de la couverture complémentaire collective « santé » et l’amélioration de la portabilité des droits pour les demandeurs d’emploi.
C’est un des sujets sur lesquels le Gouvernement a tranché entre plusieurs options sur la question des modalités de désignation des opérateurs.
Au regard des droits individuels, on y retrouve également la création du compte personnel de formation, du conseil en évolution professionnelle et la période de mobilité externe sécurisée dans les entreprises de plus de 300 salariés.
S’agissant des nouveaux droits collectifs, l’article 4 porte plusieurs évolutions majeures :
- l’instauration d’une nouvelle consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise ;
- une nouvelle méthodologie de partage de l’information avec les représentants des salariés avec la mise en place d’une base de données unique intégrant une dimension prospective ;
- un accès renforcé à l’expertise pour appuyer les élus du personnel ;
- la rationalisation des procédures au travers d’un meilleur encadrement dans le temps des procédures de consultations et la mise en place d’une structure de coordination dans les entreprises comptant plusieurs CHSCT.
Pour aller plus en amont encore dans l’association des salariés quant à la définition de la stratégie de l’entreprise, l’article 5 pose le principe de la participation de représentants des salariés dans les conseils d’administrations et de surveillance avec des droits et devoirs égaux à ceux des autres administrateurs.
Le second chapitre reprend les stipulations de l’accord visant à lutter contre la précarité dans l’emploi et dans l’accès à l’emploi. L’article 6 pose les jalons des droits rechargeables à l’assurance chômage dont les paramètres seront à négocier avec la future convention d’assurance chômage courant 2013, de même que l’article 7 qui pose les bases de la modulation des cotisations au régime d’assurance chômage. Avec ses deux articles, ce sont deux dispositifs dont nous entendons parler depuis des années, sans jamais aboutir, qui trouvent pour la première fois leur traduction opérationnelle. C’est une pierre essentielle à l’édifice de la sécurisation de l’emploi.
L’article 7 réforme en profondeur les dispositions encadrant le temps partiel pour se donner les moyens de lutter efficacement contre celui qui est subi, avec un principe simple : le salarié ne doit plus être la variable d’ajustement de l’organisation du travail mais c’est à cette dernière d’être adaptée aux conditions matérielles d’existence du salarié. C’est le sens de la durée minimale contractuelle, du meilleur encadrement de la répartition des horaires et de la majoration des heures complémentaires dès la première heure.
Le troisième chapitre du projet de loi rassemble les dispositifs qui visent « à favoriser l’anticipation négociée des mutations économiques, pour développer les compétences, maintenir l’emploi et encadrer les licenciements économiques ».
L’article 9 renforce la GPEC et son articulation avec la politique de formation professionnelle, la politique de lutte contre la précarité ou encore la nouvelle consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise. Elle s’articulera également avec le dispositif issu de l’article 15 de l’ANI, repris à l’article 10 du projet de loi, qui vise à faire de la mobilité interne un instrument négocié pour mettre en place des mesures collectives d’organisation du travail et d’évolution des salariés, en dehors de tout projet de licenciement.
Pour palier les difficultés conjoncturelles, le projet de loi développe deux outils : d’une part, un nouveau régime d’activité partielle à l’article 11, fusionnant et simplifiant les régimes antérieurs et, d’autre part, à l’article 12, la création d’une nouvelle catégorie d’accord d’entreprise, les accords de maintien dans l’emploi. Ces derniers visent à donner aux partenaires sociaux de nouveaux leviers pour affronter les aléas conjoncturels en préservant l’emploi en jouant sur les leviers interne à l’entreprise. La loi prévoit un cadre particulièrement sécurisé pour ces accords : majoritaires, ces accords seront temporaires, exclusifs de toute rupture du contrat pour motif économique, protecteur vis-à-vis des salariés les plus fragiles tout prévoyant une symétrie des efforts de la part des dirigeants et des mandataires sociaux.
L’article 13 refonde intégralement les procédures de licenciements collectifs en posant une alternative simple : la procédure collective ne pourra se conclure que par un accord collectif majoritaire ou par un plan unilatéral homologué par l’administration.
Pour conclure, je veux insister sur un point fondamental à mes yeux. Il ne suffit pas de peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant dialogue social ! dialogue social ! dialogue social ! mais cela ne signifie rien ». Il y a un risque en effet : renvoyer au dialogue social pour ne jamais trancher. Vous voyez, mesdames et messieurs, que c’est exactement l’inverse : renvoyer au dialogue social pour pouvoir trancher et fonder des compromis durables.
Le dialogue social, c’est bien sûr une méthode et une pratique que je suis fier de porter – la manière dont la loi a été élaborée en témoigne – mais c’est aussi et surtout un contenu, des instruments nouveaux pour négocier davantage et dans l’entreprise : sur les compétences, la formation, l’anticipation, le maintien dans l’emploi et même sur le licenciement. Le dialogue social, c’est donc bien plus que des mots, ce sont de véritables actes et outils.
Je vous remercie, et je suis maintenant à l’écoute de vos interventions.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 20 février 2013