Texte intégral
Nous nous retrouvons ce matin pour examiner ensemble le projet de loi relatif à la sécurisation de lemploi.
Nous touchons là, avant le débat parlementaire, à une nouvelle étape du processus engagé par la Grande conférence sociale de juillet dernier : la mobilisation de tous pour développer lemploi et lutter contre le chômage.
Laccord du 11 janvier a marqué laboutissement de lune des plus ambitieuses séquences de négociation interprofessionnelle depuis 1968. Il fera date, jen suis certain.
Laccord incarne une ambition : trouver un équilibre global dans quatre grands domaines essentiels du marché du travail :
- La lutte contre la précarité du travail ;
- Lanticipation des mutations économiques ;
- La recherche de solutions collectives pour sauvegarder lemploi ;
- La nécessaire refonte des procédures de licenciements collectifs.
1- Lesprit dune loi
Le projet de loi qui vous est présenté ce matin respecte léquilibre de laccord et la volonté des signataires.
Cétait un engagement du Gouvernement dès le lancement de la négociation.
Cest un engagement tenu, car il en va du respect des partenaires sociaux, du respect du dialogue social. Comment pourrais-je me présenter devant vous, en tant que ministre du dialogue social, avec un projet de loi défaisant ou dénaturant un accord valablement conclu ? Ce serait vous déconsidérer et vous affaiblir. Je my refuserai toujours. Dautres ont pratiqué autrement il ny a pas si longtemps, vous vous en souvenez et vous laviez alors -à juste titre- dénoncé.
Pour moi, la démocratie sociale nest pas un tour de palabres sans conséquence avant que ne commencent les « choses sérieuses », cest-à-dire que le Gouvernement et les administrations décident et propose au Parlement un projet différent.
Je le dis aussi à lattention des organisations qui ont fait le choix, au terme dune négociation à laquelle ils ont apporté leurs propositions, de ne pas signer. Et dont jentends les critiques. Elles deviendront-je lespère- moins nombreuses ou moins virulentes à la lecture du projet de loi qui a levé certaines ambiguïtés. Dans une négociation loyale, chaque acteur doit être libre, et chaque acteur doit être respecté. Les non-signataires, comme les signataires qui prennent le risque de sengager pour faire exister des avancées qui, sinon, seraient restées virtuelles. Vous le savez tous ici qui signez, chaque jour, des accords dans les entreprises ou dans les branches, parce que vous savez quun rapport de forces, pour être utile, doit trouver une concrétisation, qui est toujours un compromis.
Je suis persuadé que les outils que nous examinons aujourdhui seront demain utilisés par tous sur le terrain.
Les parlementaires se saisiront bientôt du projet de loi. Pour lavoir été de longues années, je sais la difficulté de faire de la loi, les questions que le législateur se pose face aux expressions contradictoires des acteurs concernés. Il sera précieux, pour les parlementaires, de pouvoir sappuyer sur le travail préalable des acteurs eux-mêmes. Il assure une prise avec le réel, avec des acteurs à qui nous disons : « nous vous faisons confiance ». « Vous êtes légitimes ».
Oui, jai confiance dans les acteurs pour se saisir des dispositions nombreuses de la loi, pour les mettre à profit, pour trouver des compromis neufs et sécuriser dans les faits lemploi.
Pour autant le passage de laccord au projet de loi, puis du projet de loi à la loi votée, inscrite dans notre code du travail, demande lui aussi un travail. Une transposition nest pas un recopiage. Là où laccord du 11 janvier laissait des ambiguïtés ou des zones dincertitudes, là où il était silencieux, des choix clairs ont du être opérés, je vais y revenir. Ils ont été faits en toute transparence avec une seule grille danalyse : quelle est loption la plus favorable pour répondre à lambition du projet de loi : sécuriser lemploi et les parcours professionnels ?
Il en ira de même au Parlement, où les parlementaires sefforceront daméliorer le texte, de compléter ce que nous naurions pas encore vous et nous- identifiés comme manques, de préciser ce que nous aurions laissé trop imprécis. Si leur pouvoir damendement est par définition total, ils le feront, jen suis persuadé- avec la volonté de respecter laccord comme nous lavons respecté.
Dans quelques semaines la loi aura donc inscrit laccord dans notre ordre juridique, avec la force des engagements qui sont nés des acteurs sociaux eux-mêmes.
A la force du dialogue sajoutera celle de la loi, son complément nécessaire. Nécessaire, car cest la loi qui porte lintérêt général ; nécessaire car la France est un pays qui sest construit par le droit. Nous sommes ici au cur de notre modèle social français, dans larticulation utile du contrat et de la loi.
2- Le détail du texte
Le projet de loi sarticule, outre un chapitre final portant sur des dispositions diverses, autour de trois chapitres clefs.
Le premier est intitulé « créer de nouveaux droits pour les salariés ». On y retrouve la généralisation de la couverture complémentaire collective « santé » et lamélioration de la portabilité des droits pour les demandeurs demploi.
Cest un des sujets sur lesquels le Gouvernement a tranché entre plusieurs options sur la question des modalités de désignation des opérateurs.
Au regard des droits individuels, on y retrouve également la création du compte personnel de formation, du conseil en évolution professionnelle et la période de mobilité externe sécurisée dans les entreprises de plus de 300 salariés.
Sagissant des nouveaux droits collectifs, larticle 4 porte plusieurs évolutions majeures :
- linstauration dune nouvelle consultation sur les orientations stratégiques de lentreprise ;
- une nouvelle méthodologie de partage de linformation avec les représentants des salariés avec la mise en place dune base de données unique intégrant une dimension prospective ;
- un accès renforcé à lexpertise pour appuyer les élus du personnel ;
- la rationalisation des procédures au travers dun meilleur encadrement dans le temps des procédures de consultations et la mise en place dune structure de coordination dans les entreprises comptant plusieurs CHSCT.
Pour aller plus en amont encore dans lassociation des salariés quant à la définition de la stratégie de lentreprise, larticle 5 pose le principe de la participation de représentants des salariés dans les conseils dadministrations et de surveillance avec des droits et devoirs égaux à ceux des autres administrateurs.
Le second chapitre reprend les stipulations de laccord visant à lutter contre la précarité dans lemploi et dans laccès à lemploi. Larticle 6 pose les jalons des droits rechargeables à lassurance chômage dont les paramètres seront à négocier avec la future convention dassurance chômage courant 2013, de même que larticle 7 qui pose les bases de la modulation des cotisations au régime dassurance chômage. Avec ses deux articles, ce sont deux dispositifs dont nous entendons parler depuis des années, sans jamais aboutir, qui trouvent pour la première fois leur traduction opérationnelle. Cest une pierre essentielle à lédifice de la sécurisation de lemploi.
Larticle 7 réforme en profondeur les dispositions encadrant le temps partiel pour se donner les moyens de lutter efficacement contre celui qui est subi, avec un principe simple : le salarié ne doit plus être la variable dajustement de lorganisation du travail mais cest à cette dernière dêtre adaptée aux conditions matérielles dexistence du salarié. Cest le sens de la durée minimale contractuelle, du meilleur encadrement de la répartition des horaires et de la majoration des heures complémentaires dès la première heure.
Le troisième chapitre du projet de loi rassemble les dispositifs qui visent « à favoriser lanticipation négociée des mutations économiques, pour développer les compétences, maintenir lemploi et encadrer les licenciements économiques ».
Larticle 9 renforce la GPEC et son articulation avec la politique de formation professionnelle, la politique de lutte contre la précarité ou encore la nouvelle consultation sur les orientations stratégiques de lentreprise. Elle sarticulera également avec le dispositif issu de larticle 15 de lANI, repris à larticle 10 du projet de loi, qui vise à faire de la mobilité interne un instrument négocié pour mettre en place des mesures collectives dorganisation du travail et dévolution des salariés, en dehors de tout projet de licenciement.
Pour palier les difficultés conjoncturelles, le projet de loi développe deux outils : dune part, un nouveau régime dactivité partielle à larticle 11, fusionnant et simplifiant les régimes antérieurs et, dautre part, à larticle 12, la création dune nouvelle catégorie daccord dentreprise, les accords de maintien dans lemploi. Ces derniers visent à donner aux partenaires sociaux de nouveaux leviers pour affronter les aléas conjoncturels en préservant lemploi en jouant sur les leviers interne à lentreprise. La loi prévoit un cadre particulièrement sécurisé pour ces accords : majoritaires, ces accords seront temporaires, exclusifs de toute rupture du contrat pour motif économique, protecteur vis-à-vis des salariés les plus fragiles tout prévoyant une symétrie des efforts de la part des dirigeants et des mandataires sociaux.
Larticle 13 refonde intégralement les procédures de licenciements collectifs en posant une alternative simple : la procédure collective ne pourra se conclure que par un accord collectif majoritaire ou par un plan unilatéral homologué par ladministration.
Pour conclure, je veux insister sur un point fondamental à mes yeux. Il ne suffit pas de peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant dialogue social ! dialogue social ! dialogue social ! mais cela ne signifie rien ». Il y a un risque en effet : renvoyer au dialogue social pour ne jamais trancher. Vous voyez, mesdames et messieurs, que cest exactement linverse : renvoyer au dialogue social pour pouvoir trancher et fonder des compromis durables.
Le dialogue social, cest bien sûr une méthode et une pratique que je suis fier de porter la manière dont la loi a été élaborée en témoigne mais cest aussi et surtout un contenu, des instruments nouveaux pour négocier davantage et dans lentreprise : sur les compétences, la formation, lanticipation, le maintien dans lemploi et même sur le licenciement. Le dialogue social, cest donc bien plus que des mots, ce sont de véritables actes et outils.
Je vous remercie, et je suis maintenant à lécoute de vos interventions.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 20 février 2013