Texte intégral
GUILLAUME TABARD
Nous recevons ce matin Dominique BERTINOTTI, ministre de la Famille. On est heureux de vous recevoir au lendemain du vote, en première lecture, du projet de loi sur le mariage pour tous. Alors, dabord un mot, peut-être, sur la manière dont vous avez vécu cette journée, on a vu quil y avait quand même beaucoup démotion à lAssemblée hier, cest un moment, jimagine fort, pour vous.
DOMINIQUE BERTINOTTI
Absolument, vous avez raison de parler démotion. Pour moi le moment le plus émouvant ça a été lorsque les députés ont scandé « égalité, égalité, égalité », parce que cétait, au fond, le produit de ces dix jours de débat, de cette intensité, et moi jai pensé, vraiment, en particulier, aux familles homoparentales qui ont des enfants, qui vivent justement avec deux pères ou deux mères, et qui vont pouvoir enfin se dire que la République les reconnait pleinement et entièrement, et je trouve que ça très émouvant.
MICHAËL SZAMES
Il y a des députés qui ont scandé « TAUBIRA, TAUBIRA », et pas « BERTINOTTI, BERTINOTTI », ça vous chagrine un peu ou pas ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Ça cest vraiment accessoire, parce que, je vais vous dire, comme ministre de la Famille, maintenant il est acquis quon parle de familles monoparentales, de familles recomposées, donc ça démontre bien que mon discours sur la diversité des familles, sur les questions de filiation, de parentalité, qui sont aujourdhui posées parce que la société est comme cela, ont été au coeur du débat.
MICHAËL SZAMES
Mais Christiane TAUBIRA a marqué des points, selon vous, ou pas ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Mais on connaît les grandes qualités de Christiane TAUBIRA, vous ne découvrez quand même pas aujourdhui les talents oratoires, léloquence, de Christiane TAUBIRA. Moi je me souviens, quand même, de certaines de ses prestations lorsquelle a été candidate à la présidentielle en 2002. Donc
GUILLAUME TABARD
Au PS tout le monde nen na pas un très bon souvenir, de sa candidature en 2002 !
DOMINIQUE BERTINOTTI
Il nen reste pas moins vrai quelle a toujours eu ces grands talents oratoires et cette culture.
MICHAËL SZAMES
Donc elle a gagné ses galons de ministre pleinement ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Je ne sais pas si elle avait besoin de gagner des galons, je crois quelle est la numéro 3 du gouvernement.
GUILLAUME TABARD
On va revenir bien sûr sur le fond de la loi, mais cet aspect que souligne Michaël, cest la loi TAUBIRA finalement, ou est-ce que cest la loi TAUBIRA/ BERTINOTTI ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Ecoutez, limportant cest que ce soit surtout le fait que nos concitoyens qui sont homosexuels ne soient plus discriminés. Je le dis vraiment, et cest peut-être lancien maire du 4ème arrondissement que jai été, qui le dit, puisque moi jai eu loccasion de voir le quotidien de ces hommes et de ces femmes, jai vu la souffrance de certains jeunes en rupture avec leur famille, non pas parce quils voulaient rompre avec leur famille, mais parce que lhomosexualité était encore jugée comme quelque chose de pas franchement normal. Si ça peut aider à la réconciliation dans les familles, si ça peut faciliter le quotidien de ces hommes et de ces femmes, cest ça qui est limportant.
GUILLAUME TABARD
Sur le vote lui-même, donc 329 voix, cest une majorité large, beaucoup, à gauche, espéraient convaincre des élus de droite ou de voter pour, ou de sabstenir, finalement il y en a assez peu qui ont voté le texte. Est-ce que vous êtes déçue de ne pas avoir convaincu davantage ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Moi je remarque surtout le fait que les grands absents dans ce débat cest les principaux leaders de la droite, moi je ne les ai pas entendus.
GUILLAUME TABARD
Vous pensez à qui ? François FILLON ? Jean-François COPE ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
François FILLON, Jean-François COPE, tous ceux qui
MICHAËL SZAMES
Quest-ce que vous auriez attendu deux ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Quils prennent leurs responsabilités, c'est-à-dire que
MICHAËL SZAMES
Cest un manque de courage ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
En tout cas cest une façon de dire, on va voter contre, mais on ne le dit pas trop fort. Et pourquoi on ne le dit pas trop fort ? Parce que lhomosexualité elle nest ni de gauche, ni de droite, et que dans leur propre électorat, dans leurs propres communes, dans leurs propres départements, il y a aussi des homosexuels. Donc, au fond, la gauche a eu ce courage de rendre, je dirais cette dignité, à lensemble des homosexuels, on ne sest pas préoccupé de savoir sils étaient de gauche ou de droite. Donc, on a vu les grands leaders de la droite très en retrait, et le combat, par la droite, il a été mené par des députés, mais toujours les mêmes, ceux qui sont très convaincus quon est en train de détruire la famille, mais, je veux dire, on aurait pu attendre de la part des grands responsables de lUMP
MICHAËL SZAMES
Est-ce que ça vous a surpris quils ne soient pas de ces débats ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Oui, quelque part ça ma surpris, parce que je pense que la politique cest avoir des convictions, et il faut aller jusquau bout de ses convictions.
GUILLAUME TABARD
Avant le débat parlementaire vous aviez dit, quand on est contre accorder des droits aux noirs, cest quon est raciste, quand on est contre accorder des droits aux homosexuels, cest quon est homophobe. Est-ce que ce matin vous diriez
DOMINIQUE BERTINOTTI
Jai posé la question.
GUILLAUME TABARD
Il y a eu 229 homophobes ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Moi jai voulu répondre non pas à cette question-là, mais qui était de dire, « ah, mais, ce nest pas une loi dégalité. » Jai entendu « mais les différences ne supposent pas des droits égalitaires. » Cest là où je ne suis absolument pas daccord. Au nom de quoi le fait davoir une sexualité différente doit être un critère discriminant pour le droit ? Moi je réponds « non », ça ne doit pas être un critère discriminant. Et là il y a eu un débat sur « mais si, il y a des critères discriminants qui naccordent pas les mêmes droits », eh bien non. Le critère de la sexualité ne peut pas être un critère discriminant. Vous citiez le cas des blancs ou des noirs, mais moi je vous citerai le cas des hommes et des femmes, nous sommes différents, et pourtant nous réclamons, en tant que hommes et femmes, les mêmes droits.
GUILLAUME TABARD
Donc vous diriez, deux visions différentes de la famille, ou 229 homophobes ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Non, je nirai pas jusquà dire quil y a 229 homophobes, il y a dabord, ça témoigne de lévolution de la société, et jai envie de dire merci à la gauche, parce que cest la gauche qui a voté le PACS. Si aujourdhui on peut parler de façon un petit peu plus sereine des couples homosexuels, cest bien parce quil y a eu ces étapes, et ces étapes on les doit à la dépénalisation de lhomosexualité, cétait sous François MITTERRAND, le PACS, cétait sous Lionel JOSPIN, et aujourdhui le mariage. Et aujourdhui, effectivement, les députés ont fait très attention, même si quelquefois on était vraiment à lextrême marge de, quand même, du franchissement de la ligne rouge, de lhomophobie, mais ils ont fait très attention. Tant mieux. Tant mieux.
GUILLAUME TABARD
Alors maintenant le texte va arriver au Sénat, Michaël SZAMES.
MICHAËL SZAMES
Exactement, et justement, est-ce que ce matin vous pouvez nous dire que le texte va franchir létape du Sénat, sachant que la majorité ne se joue quà 6 sièges ? Est-ce que vous êtes sûre que ce sera voté ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Vous savez, je serais bien présomptueuse on vous répondant « je suis sûre », parce que dabord je respecte le travail des parlementaires, et je respecte le travail des sénateurs, mais moi je fais confiance absolument aux sénateurs pour comprendre limportance et lenjeu de cette loi sociétale.
MICHAËL SZAMES
Vous avez peut-être fait vos calculs, a priori ça devrait passer ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Je ne sais pas, je ne suis pas forcément une femme de calculs, mais en tout ce dont je suis sûre cest que les sénateurs mènent des auditions, vont faire un rapport, ont pu entendre aussi, déjà, beaucoup déléments qui ont été portés dans le débat, et moi jen attends aussi quelque chose de qualité, donc je fais confiance aux sénateurs.
GUILLAUME TABARD
Il a quand même manqué une bonne dizaine de voix à gauche à lAssemblée, si les manque au Sénat, surtout quon a vu finalement que les députés dOutre-mer, beaucoup, avaient voté contre, si ça se passe également au Sénat, le texte peut être
DOMINIQUE BERTINOTTI
Oui, mais vous avez aussi des gens comme Chantal JOUANNO, qui est sénatrice, et qui votera
GUILLAUME TABARD
DOMINIQUE BERTINOTTI
Je suis sûre, je nai pas regardé dans le détail, mais qui votera aussi, et cest normal quune loi de société transgresse, et tant mieux, les clivages traditionnels.
GUILLAUME TABARD
Mais si jamais le vote est négatif au Sénat
DOMINIQUE BERTINOTTI
Eh bien ça reviendra à lAssemblée.
GUILLAUME TABARD
Est-ce que lAssemblée a le dernier mot, ou est-ce quil faudra trouver un compromis ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Ah non, mais lAssemblée vous connaissez bien les navettes parlementaires, donc on sait bien que lAssemblée a le dernier mot.
MICHAËL SZAMES
Est-ce que vous espérez quau Sénat on puisse apporter quelques retouches qui nont pas été faites à lAssemblée, peut-être quelques manquements sur la famille, sur le nom, sur le livret de famille par exemple ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Ce qui peut être de lordre du perfectionnement et de lefficacité, on aurait tort de se priver de cela, mais sur les articles de fond, qui sont louverture du mariage et de ladoption aux couples de même sexe, ça cest acté, acquis.
GUILLAUME TABARD
Alors, lautre étape importante maintenant dans ce processus de lannée, cest la fameuse loi sur la famille, alors il y a eu le psychodrame du précédent week-end, on na pas très bien compris, finalement cette loi elle sera quand, et quest-ce quil y aura dedans ? En clair, est-ce que la PMA sera dedans ou pas, puisque François HOLLANDE a dit quil attendait lavis du Comité déthique
DOMINIQUE BERTINOTTI
Cest vrai.
GUILLAUME TABARD
Et quil a dit, même, quil se rangerait à lavis du Comité déthique ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Mais, il est important dabord, la loi famille, je tiens à le dire, donc sera présentée à la fin de lannée 2013
GUILLAUME TABARD
Donc 27 mars, on nen parle plus ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Exactement, ça fait quand même 4 fois quon le dit, je me permets dinsister
GUILLAUME TABARD
Alain VIDALIES avait annoncé ce texte pour le Conseil des ministres du 27 mars, au début.
DOMINIQUE BERTINOTTI
Oui, cétait avant louverture du débat, à lAssemblée nationale, nous avons par 4 fois répété cela, Alain VIDALIES et moi, lors du débat, donc ça aura lieu à la fin de lannée 2013, cest une loi qui sadresse indifféremment aux familles hétérosexuelles, quhomosexuelles, surtout justement ces questions de filiation, de nouvelle parentalité, pour tenir compte de la diversité des modèles familiaux, et la question de la PMA sera abordée dans le cadre de ce texte, mais, vous lavez dit de façon très juste, le Comité déthique va se pencher sur cette question, va émettre un avis, et nous verrons bien à ce moment-là.
MICHAËL SZAMES
Et donc, vous vous rangerez derrière cet avis, quoi quil arrive ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
On verra bien. On verra bien. Mais, parce que vous savez, on ne sait pas
MICHAËL SZAMES
Oui ou non ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Je vais vous dire, on ne sait pas ce sur quoi le Comité déthique va se saisir. Moi je vais vous dire, si par exemple il se saisit sur la GPA, la réponse elle est très claire, il ny aura pas ouverture de la GPA.
MICHAËL SZAMES
Et sil dit non à la PMA, il ny aura pas de PMA dans la loi sur la famille.
DOMINIQUE BERTINOTTI
On verra, on verra, cest un avis consultatif, et on verra les conditions. Pourquoi senfermer, cest très français, pourquoi senfermer dans quelque chose où on ne connaît pas exactement ce sur quoi le Comité va se saisir, et ensuite la nature de lavis et la façon dont il va rédiger son
GUILLAUME TABARD
Mais donc vous dites on verra, vous ne dites pas, le gouvernement, quoi quil arrive, est déterminé à faire aboutir ce projet, de la PMA.
DOMINIQUE BERTINOTTI
Je pense que, quand même, le bon sens veuille que lon puisse écouter, entendre et apprécier, et je pense quil est, je le redis, légitime de sinterroger sur louverture de la PMA aux couples de même sexe, car la PMA existe déjà en France, a déjà été évoquée dans le cadre de lois bioéthiques.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 février 2013