Interview de M. Guillaume Garot, ministre de l'agroalimentaire, à "France Info" le 15 février 2013, sur la recherche des responsabilités dans les fraudes à la viande dans les produits cuisinés et sur les mesures à prendre au niveau européen en matière d'étiquetage, de traçabilité.

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Média : France Info

Texte intégral

RAPHAËLLE DUCHEMIN
Etes-vous sûr à 100 % que c’est bien l’entreprise SPANGHERO et elle seule, qui est responsable dans ce scandale, puisqu’on va dire, scandale maintenant, scandale de la viande de cheval ?
GUILLAUME GAROT
En tout cas, tout indique avec les éléments que nous avons pu réunir, qu’il y a des pratiques frauduleuses dans cette entreprise qui méritent des sanctions très sévères. Parce qu’il n’y aura aucun compromis avec la fraude. Je le dis. Les éléments dont nous avons eu connaissance, seront transmis à la justice, de telle sorte que les faits, qui sont manifestement frauduleux, soient sévèrement sanctionnés.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
L’entreprise SPANGHERO se défend et dit, qu’elle ne connaissait pas la nomenclature douanière en vigueur, qu’elle pensait qu’il s’agissait tout simplement d’un code inter-entreprises du fournisseur, du fournisseur qui lui a fait parvenir cette viande…
GUILLAUME GAROT
Ecoutez, c’est à la justice qu’elle devra répondre. Mais aujourd’hui, il faut mettre un coup d’arrêt, à ce type de pratique. C’est la raison pour laquelle nous avons engagé cette enquête, nous avions dit, il faut établir les responsabilités, eh bien, nous avons établi ces responsabilités. Nous avons dit si la justice doit être saisie, elle sera saisie. Et elle l’est depuis hier. Et puis, nous devons maintenant regarder devant nous, ça veut dire que nous devons garantir aux consommateurs, aux citoyens, une alimentation de qualité, c’est le travail qu’il faut maintenant engager avec les professionnels qui dans leur immense majorité sont des gens honnêtes, je veux le redire, ce matin.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Et COMIGEL ? Sa responsabilité, est-ce que c’est établi, ou est-ce qu’il y a des doutes ?
GUILLAUME GAROT
Là, il y a une suspicion de négligence, c’est une négligence. Alors ensuite, nous verrons comment ces faits peuvent être qualifiés juridiquement là aussi, la justice pourra s’en emparer. Mais une fois encore, il faut remettre de l’ordre dans tout ça. Il faut remettre de l’ordre, c’est la raison pour laquelle nous avons saisi les instances européennes. Parce que vous avez vu que ce n’était pas que français et que d’autres pays étaient également concernés. Donc remettre de l’ordre, ça veut dire que nous avons saisi Europol, qui est l’instance européenne de police, de coordination de nos polices, de telle sorte que nous soyons parfaitement sûrs que nous avançons groupés, pour être efficaces face à ce type de pratiques inacceptables.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Guillaume GAROT, tous les spécialistes qui ont travaillé dans ce genre de filière, et qui témoignent aujourd’hui, disent : finalement, c’est le système qui pousse à ça. En clair, la grande distribution veut vendre pas cher aux consommateurs et évidemment en grande quantité, pour faire du chiffre. Du coup, on n’hésite pas à acheter à l’étranger, de la viande, et à la faire passer pour une autre ?
GUILLAUME GAROT
Ce qui est vrai, aujourd’hui et on le voit bien, c’est qu’il y a une forme de course effrénée, aux bas prix…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Mais on peut stopper ce système-là ?
GUILLAUME GAROT
Avec des conséquences qu’on voit là, parce que certains voudraient au nom d’une forme de cupidité, de voracité passer au travers des mailles du filet. Et donc je le redis, remettre de l’ordre, c’est très important, ça commence par ce coût d’arrêt que nous avons donné, et ça continuera parce qu’il faut que ces pratiques lorsqu’elles sont identifiées, avérées, cessent, que surtout ça ne se reproduise plus.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Le PDG de SPANGHERO, vient à l’instant de déclarer qu’il était sidéré par les accusations qui étaient portées contre lui, et qu’il avait la preuve qu’il était innocent.
GUILLAUME GAROT
Ecoutez, s’il a la preuve qu’il la produise à la justice. Mais vous savez, un travail d’enquête, de plusieurs jours, très réactifs d’ailleurs, de la part des services de l’Etat, à la fois, la répression des fraudes, mais aussi, l’alimentation, et puis aujourd’hui, un rapport d’enquête qui a été publié hier, nous saisissons la justice, maintenant, c’est à la justice de s’emparer de la question et de rendre son verdict.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Il y a un autre volet, que l’on n’a pas abordé, c’est le sort des 331 salariés de SPANGHERO.
GUILLAUME GAROT
Absolument !
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Dans un contexte social assez compliqué, assez tendu en ce moment. Que vont-ils devenir, puisque cet agrément pour SPANGHERO a été retiré ?
GUILLAUME GAROT
Il est suspendu l’agrément. Nous y travaillons à cette situation sociale et depuis hier soir, je peux vous le dire…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
L’entreprise avait été sauvée, il y a quelques années par le groupe qui a racheté SPANGHERO.
GUILLAUME GAROT
Absolument ! Et d’ailleurs ce n’est pas la famille SPANGHERO, pas de confusion là-dessus. Vous savez, nous sommes très conscients de la situation sociale et nous avons à coeur de protéger les salariés qui d’une certaine façon sont des victimes aussi, de ce qui se passe. Donc nous mettrons tout en oeuvre, je dis bien tout en oeuvre pour protéger les salariés et leur assurer un avenir.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Vous parliez des mesures à prendre au niveau européen, au niveau français, qu’est-ce qu’on peut faire aujourd’hui, pour convaincre la grande distribution de changer les pratiques, de faire en sorte que les consommateurs, quand ils achètent un steak haché, soit certain qu’il y ait bien de la viande de boeuf à l’intérieur ?
GUILLAUME GAROT
Alors c’est tout l’enjeu qui est devant nous ! D’abord, il y a une initiative au plan européen, de telle sorte qu’on améliore la traçabilité des viandes dans les plats préparés. La traçabilité, ça veut dire qu’on puisse mentionner l’origine des viandes dans les plats préparés, mais sans attendre…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Mais c’est 90 % de ce que l’on consomme aujourd’hui.
GUILLAUME GAROT
Ça, c’est au plan européen, mais sans attendre dès la semaine prochaine, avec les professionnels et Stéphane LE FOLL est en lien avec Benoît HAMON, nous réunirons justement, les industriels, toutes les entreprises de la filière, pour voir comment concrètement, on peut améliorer cette traçabilité, renforcer les contrôles sur la qualité alimentaire avec toujours ce principe de la sécurité sanitaire, qui je le rappelle n’était pas en cause dans ce dossier.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Alors justement, vous parlez de mise sous surveillance, vous avez annoncé hier, que les filières viande et poisson allaient l’être. A propos de poisson, justement, la Commission européenne a donné son feu vert à la réintroduction des farines animales, pour les poissons d’élevage. C’était interdit, depuis l’affaire de la vache folle. Ça tombe plutôt mal…
GUILLAUME GAROT
Oui, je suis d’accord avec vous.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Qu’est-ce que vont se dire les consommateurs ?
GUILLAUME GAROT
Pour dire que vraiment ça tombe mal, franchement. Mais c’est une…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Ça veut dire quoi ? Que la Commission ne lit pas la presse, ne regarde pas la télévision, n’entend pas ce qui se passe ?
GUILLAUME GAROT
Ecoutez, c’est à la Commission qu’il faut poser la question. Sachez une chose, la France s’était prononcée contre cette disposition européenne, et précisément nous verrons avec l’ensemble de la filière pêche, en France, donc avec les industriels français, comment nous mettrons en oeuvre cette disposition. Mais je rappelle, qui ne rend pas obligatoire, et heureusement l’utilisation de ces farines, voilà c’est une disposition qui est européenne, et qu’il faudra donc mettre en oeuvre, au plan français, mais avec un vrai esprit de responsabilité bien évidemment de nos industriels.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Ça signifie quand même qu’on ne sait pas toujours tirer les leçons du passé ?
GUILLAUME GAROT
En tout cas, ça signifie qu’il faut toujours mener le combat pour la traçabilité des produits, c’est très important. Nous devons ça aux consommateurs, nous devons ça aux citoyens, et sachez que le gouvernement est très mobilisé sur cette question. Vous le savez.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 février 2013