Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, à "RTL" le 11 février 2013, sur la fraude dans l'étiquetage de plats cuisinés, sur la révision de la Politique agricole commune (PAC).

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEAN-MICHEL APHATIE
Des consommateurs qui pensaient manger des lasagnes au boeuf mangeaient en fait des lasagnes au cheval, comment cela a-t-il été possible Stéphane LE FOLL ?
STEPHANE LE FOLL
Cela a été possible, d’abord ce n’est pas la totalité des produits quand même, il ne faut pas laisser penser que c'est 100% de tout ce qui a été acheté qui aurait cette tromperie. Ça a été possible parce qu’il y a des gens qui fraudent, qui cherchent à tricher…
JEAN-MICHEL APHATIE
C’est de la fraude ?
STEPHANE LE FOLL
Bien sûr c’est de la fraude, on étiqueté des produits qui devaient être du boeuf et c’était du cheval, en partie en tout cas.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est les Polonais ?
STEPHANE LE FOLL
Donc il y a une tromperie et une tricherie. Moi je ne vais pas m’amuser à accuser…
JEAN-MICHEL APHATIE
La viande a été achetée en Pologne.
STEPHANE LE FOLL
Je ne vais, aujourd'hui, accuser personne. Moi j’ai dit depuis le départ qu’il y aurait une enquête et qu’il y aurait des sanctions. Ceux qui ont triché doivent être sévèrement sanctionnés, ça c’est le premier point. Le deuxième, ce que je constate c’est que dans ce système d’achat, il y a des circuits commerciaux pour le moins compliqués qui mettent en jeu des traders, j’ai même l’impression qu’un trader chypriote a pu sous-traiter à un autre des Pays-Bas qui lui-même a pu sous-traiter et maintenant on en arrive à la Roumanie puis à la Pologne. Donc il y a là aussi, un ménage à faire, il faut sortir de ce brouillard parce qu’on pourra toujours revendiquer une traçabilité, fixer des règles où chacun est responsable de l’application de la règle, parce que c’est ça aussi qui est en jeu, mais si le système est à ce point brouillé, si le brouillard est tellement épais que plus personne ne s’y retrouve, on finira par avoir de gros problèmes. Donc la vraie question qui est posée…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous découvrez la complexité des circuits à l’occasion de cette affaire Stéphane LE FOLL ?
STEPHANE LE FOLL
Je découvre la complexité des circuits et de ce système d’appel, enfin de jeu de trading entre grossistes à l’échelle européenne. Il y a des débats qui ont eu lieu, je me souviens, sur les questions posées par les origines des produits. On le sait, ça s’arrête au niveau du frais. Une fois que c'est transformé après ce sont des achats en gros qui font que chacun passe des accords commerciaux. Il va falloir qu’on regarde à l’échelle européenne comment on peut, j’allais dire, dissiper ce brouillard. Remettre un peu d’ordre là-dedans.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc fraude, qui durait depuis combien de temps à votre avis ?
STEPHANE LE FOLL
Qui durait depuis combien de temps ? On verra au niveau de l’enquête…
JEAN-MICHEL APHATIE
Si ça se trouve, depuis longtemps.
STEPHANE LE FOLL
On verra au niveau de l’enquête, je ne peux pas vous dire et je me garderai bien de faire des prédictions.
JEAN-MICHEL APHATIE
On peut évoquer ou commencer à évoquer une faillite des autorités sanitaires françaises qui n’ont peut-être rien remarqué depuis longtemps ?
STEPHANE LE FOLL
Non, ça je ne peux pas accepter qu’on dise ça…
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est les Britanniques qui ont découvert le pot aux roses…ce n’est pas nous…
STEPHANE LE FOLL
Je ne peux pas accepter qu’on dise ça d’abord parce qu’il a 350 millions d’euros qui tous les ans, sur le budget, sont versés pour justement ces contrôles. Il y a près de 19.000 contrôles qui sont faits, 230.000 analyses. On ne peut pas dire ça.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais, comment on est passé à côté alors ?
STEPHANE LE FOLL
Mais comment, mais parce que vous pensez que le fait qu’il y ait des gendarmes et des policiers il n’y a pas de voleurs ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Si, il y en a mais là…
STEPHANE LE FOLL
Eh bien alors monsieur APHATIE, oui c’est toujours la même histoire.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais vous vous interrogez sur le fait de savoir comment on est passé à côté ?
STEPHANE LE FOLL
Mais je m’interroge bien sûr, mais bien sûr je m’interroge et j’essaierai de corriger. A chaque fois qu’on découvre quelque chose, on mène une enquête, on regarde à où ça s’est passé, comment ça s’est passé et on essaie d’améliorer les choses. Mais comme je le répète, ce n’est pas parce qu’il y a des gendarmes et des policiers qu’il n’y a pas de voleurs.
JEAN-MICHEL APHATIE
Quand est-ce que vous aurez les premiers éléments de l’enquête ?
STEPHANE LE FOLL
Mercredi, on a fixé la date à mercredi pour avoir les résultats de l’enquête et à partir de là, les décisions seront prises. Donc mercredi on a fixé cette échéance pour avoir le temps de faire l’ensemble de l’enquête. Je rappelle quand même qu’en 48 heures on a été capables de remonter un circuit qui, comme vous l’avez vu est plus que compliqué, 48 heures.
JEAN-MICHEL APHATIE
D’autres produits peuvent être concernés ?
STEPHANE LE FOLL
Je ne peux pas, je ne…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous, vous regardez, vous cherchez ?
STEPHANE LE FOLL
On cherche bien sûr, on a, avec Benoît HAMON décidé de mobiliser les deux directions qui sont chargées de contrôler tout ça, la DGCCRF c’est-à-dire la concurrence au niveau de Bercy et la DGAL au niveau du ministère de l’Agriculture pour étendre à l’ensemble des produits concerné par la viande bovine, pour vérifier que sur les étiquettes aujourd’hui on a bien la correspondance avec le produit.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc fraude et sanction, pas d’état d’âme ?
STEPHANE LE FOLL
Aucun état d’âme, au contraire, une volonté d’être extrêmement ferme et dur avec ceux qui ont triché.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous ferez une transparence totale sur ce dossier.
STEPHANE LE FOLL
Transparence comme je vous l’ai dit, enquête et on donne les résultats mercredi.
JEAN-MICHEL APHATIE
La filière bovine peut souffrir de cette histoire ?
STEPHANE LE FOLL
La filière bovine française devrait au contraire être plutôt remise en avant puisque cette filière elle, a une traçabilité par définition que l’on connait parfaitement et une qualité de viande qu’on connait aussi. Donc moi là je fais plutôt un appel à tous ceux qui souhaitent acheter de la viande, c’est de la viande française, c’est la filière française qui est capable aujourd’hui d’apporter toutes les conditions de qualité et à un prix raisonnable.
JEAN-MICHEL APHATIE
La santé des consommateurs peut-elle se trouver, ceux qui ont consommé ces produits-là, peut-elle se trouver menacée ?
STEPHANE LE FOLL
Alors ça c’est un autre sujet qui pourrait être, selon les enquêtes et les études qui sont faites et des prélèvements qui vont être faits sur une question qui serait posée au travers de la viande de cheval, sur certains produits qui peuvent être utilisés… tous les prélèvements qu’on a fait depuis deux ans sur cette viande de cheval ont montré qu’il n’y avait pas eu de questions posées sur cette question sanitaire, depuis que ça a été fait. Maintenant….
JEAN-MICHEL APHATIE
Les lots de viande de cheval venant d’on ne sait où exactement…
STEPHANE LE FOLL
… tout doit être vérifié et moi je veux être le plus clair possible vis-à-vis des consommateurs et être le plus transparent possible.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous aurez sûrement beaucoup de questions avec les auditeurs de RTL à partir de 8h15…
STEPHANE LE FOLL
J’imagine et je comprends d’ailleurs…
JEAN-MICHEL APHATIE
L’inquiétude.
STEPHANE LE FOLL
Bah oui l’inquiétude, qu’ils puissent se poser des questions. Alors l’inquiétude elle n’est pas…
JEAN-MICHEL APHATIE
La méfiance.
STEPHANE LE FOLL
La méfiance qui s’installe avec cette suspicion qui consiste à se demander si à chaque fois que j’achète quelque chose et qu’il y a marqué quelque chose sur l’étiquette c’est bien ce qu’il y a sur l’étiquette qui est la réalité et est-ce qu’il n’y a pas autre chose ? C’est une vraie question. C’est pourquoi cet après-midi on a réunir l’ensemble des professionnels aussi pour que tout le monde se mette bien d’accord autour de la table, sur les messages qu’on va faire passer et sur les conséquences qu’on va en tirer parce qu’il y a un certain nombre de choses à changer sûrement. Ça sera l’objet de cette discussion aussi.
JEAN-MICHEL APHATIE
Un mot, la PAC, le budget européen a été négocié vendredi, on dit que David CAMERON et Angela MERKEL ont plutôt emporté la manche face à François HOLLANDE qui n’a pas bien vu venir le coup, vous avez sauvé la PAC, vous êtes content au moins de cela Stéphane LE FOLL ?
STEPHANE LE FOLL
Donc vous voyez que vous êtes assez contradictoire, rien que dans votre question.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non pas du tout.
STEPHANE LE FOLL
Si, si vous dites qu’on a sauvé la PAC, c’est qu’on a quand même prévu le coup…
JEAN-MICHEL APHATIE
Et le budget, le budget est en baisse et puis il ne semblait pas que François HOLLANDE soit entré dans la négociation pour obtenir le résultat qui a été obtenu…
STEPHANE LE FOLL
Jean-Michel APHATIE, ce que demandait David CAMERON c’était moins de 860 milliards, on est à plus de 900 milliards, donc, bien sûr qu’il y avait une pression à la baisse qui était faite par CAMERON et d’ailleurs par Angela MERKEL aussi qui ne voulait pas laisser la Grande-Bretagne en dehors de la négociation. Face à ce poids, plus d’autres pays, Pays-Bas, Suède qui traditionnellement sont toujours là pour baisser le budget. Moi je trouve que dans le contexte dans lequel on était il y a encore six mois, c’est-à-dire de savoir si la zone euro n’allait pas exploser, de trouver des perspectives financières et un compromis au mois de février, début février même s’il n’est pas suffisant, même si en tant qu’Européen j’aurais voulu plus, je trouve que dans ce contexte, la performance est à souligner.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 février 2013