Interview de Mme Dominique Voynet, secrétaire générale des Verts, à RTL le 2 octobre 2001, sur l'éventualité d'une consultation des Verts pour une nouvelle candidature à la présidence de la République, le débat au sein du parti et sur la prévention des risques industriels.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

R. Elkrief On a appris, hier soir, que les militants allaient être consultés et allaient dire s'ils voulaient confirmer ou infirmer A. Lipietz. Qu'allez-vous voter ?
- "Cela ne vous regarde pas ! A titre personnel, je voterai dans le secret de ma conscience. Mais vous savez que j'assumerai ma responsabilité. Les conditions ne sont décidément plus réunies pour permettre un redémarrage de la campagne d'A. Lipietz. Cela ne tient pas seulement à lui, mais très largement aux conditions dans lesquelles sa candidature a été portée. Ce n'était pas une candidature de rassemblement des Verts, c'était aussi une candidature qui avait rassemblé des gens dont les options au sein des Verts étaient très variées. Une certaine partie de gens pour lesquels "tout sauf Mamère" était le bon choix, d'autres qui souhaitaient ancrer les Verts dans une position plus résolument hostile au Parti socialiste et puis des aficionados indéfectibles d'Alain, qui apprécient sa stature d'intellectuel et l'apport qu'il a eu pour l'écologie politique dans le domaine économique."
Vous le connaissiez bien depuis longtemps : vous ne pouviez pas vous en douter avant et vous faire l'économie de cette crise ? Vous vous doutiez peut-être que ce ne serait peut-être pas le meilleur candidat possible et qu'il serait peut-être maladroit et pas très adapté à la situation ?
- "Quand j'ai décidé de ne pas me porter candidate à l'élection présidentielle pour les Verts, je ne pensais pas qu'A. Lipietz serait candidat. Quand je l'ai su, j'ai cherché à l'en dissuader aux motifs qu'il avait chez les Verts une stature d'intellectuel non contestée, qu'on avait besoin de lui en tant que député européen, en tant que chercheur et en tant qu'économiste."
Mais pas en tant que candidat ?
- "Je lui ai dit aussi que je croyais fort à la nécessité de poser les gestes permettant une intégration définitive de ceux qui nous avaient rejoints en 1996-1997, c'est-à-dire les amis de N . Mamère."
Concrètement, vous avez dit aussi hier soir : "Oui, c'est clair, je soutiendrai N. Mamère si A. Lipietz était infirmé."
- "C'est difficile de voir toujours ses phrases reformulées par des tiers. On m'a demandé si N. Mamère était un bon candidat et j'ai dit que c'était incontestablement un bon candidat. Je crois indispensable, pour que N. Mamère soit un bon candidat, et soit le candidat de tous les Verts, que des gages soient donnés de part et d'autre pour assurer, dans cette période difficile pour nous, la stabilité du mouvement, la sécurité et du candidat - et si cela doit être N. Mamère, évidemment il a droit à cette sécurité pour faire une belle campagne - et la sécurité aussi à la tête du mouvement. Je trouve tout à fait intolérable que ces épisodes de crise à répétitions rendent les Verts inaudibles sur les sujets qui sont importants pour les Français. L'essentiel des militants des Verts ne sont pas tournés vers les problèmes de la campagne présidentielle d'A. Lipietz. Ils sont sur le terrain. A Toulouse où ils agissent quand même depuis des années contre le danger des usines chimiques, mais aussi au tunnel du Mont-Blanc. Les Verts ont été quand même très présents pour dire : "Attention, on n'est pas en train d'opposer une vallée et sa vallée voisine, mais on est en train de réfléchir à une politique de transports à travers les Alpes."
On va y revenir.
- "Je me méfie, car en cette période, on me parle toujours de choses qui constituent des potins délicieux pour 5 % des Français, sans aborder les sujets de fond qui intéressent 95 % des autres."
Vous avez tout à fait raison, mais est-ce que de temps en temps vous vous demandez quelle part de responsabilité vous avez, en tant que chef de ce parti et en tant que représentante et ministre dans un gouvernement, dans ce désordre, dans cette improvisation, dans cet amateurisme apparent du mouvement Vert ? Est-ce qu'à cette occasion, vous faites un mea culpa ou vous vous dites qu'il faut changer des choses ?
- "Hier, chacun des membres du collège exécutif a été amené, pour lui-même et pour sa sensibilité, à dresser ce bilan avec les actes dont il est fier et les actes dont il est moins fier. Pour ce qui me concerne, je me suis pliée à la culture de mon mouvement qui interdit le cumul des responsabilités et des mandats. Et c'est vrai que je n'ai peut-être pas été assez vigilante sur l'évolution des Verts quand j'étais au ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement. Quand j'ai décidé de quitter le Gouvernement pour briguer des responsabilités à la tête du secrétariat national, je crois que les difficultés étaient déjà là. J'en avais d'ailleurs pris conscience, puisque j'avais expliqué que je voulais renoncer à l'élection présidentielle pour faire grandir les Verts, pour les faire mûrir, pour les mettre en situation d'assumer leurs responsabilités. Si j'ai un reproche à me faire, c'est de ne pas avoir été assez convaincante auprès de mes amis, pour leur dire qu'il était décidément temps d'accueillir mieux les amis de N. Mamère et de faire en sorte que la culture des Verts évolue aussi en fonction de leurs responsabilités."
N'avez-vous pas été vous-même prisonnière de ces courants et de ces batailles internes ?
- "Non, j'ai l'impression d'une part de ne pas avoir agi en fonction des intérêts de courants et de ne pas avoir non plus privilégié les enjeux internes. Toute mon action, depuis quatre ans, a quand même été tournée vers l'extérieur. Je considère que ce serait de la grandeur des Verts d'y revenir. Les militants attendent cela. Les cadres intermédiaires du mouvement sont sur le terrain. Nos conseillers régionaux, nos députés européens, nos députés, ne sont pas inactifs. On souligne leur mordant et leur efficacité, là où ils sont actifs. On a vraiment beaucoup d'atouts. Il serait ridicule et irresponsable de saccager ces chances et de ne pas répondre à l'attente des Français."
Un mot sur Toulouse : lorsque vous étiez ministre de l'Environnement, vous vous étiez intéressée à ces usines Seveso ? Est-ce qu'il vous était passé par la tête de penser que cela pouvait être un grand danger dans les villes, puisque c'est de la responsabilité des gouvernements et de l'Etat ?
- "J'ai du mal à répondre à ces questions, parce que pendant quatre ans, j'ai fait de la prévention des risques une priorité budgétaire de mon ministère et il était pratiquement impossible d'intéresser l'opinion à cette question - et de vous intéresser à cette question. Sur nombre de sites industriels, notamment après l'accident de Blaye qui avait fait 12 morts déjà, sur un silo difficile, j'avais alerté et obtenu d'ailleurs du Premier ministre la création de nombreux postes budgétaires, mais il est vrai que le nombre des inspecteurs des installations classées reste dramatiquement insuffisant et que le rattrapage, annoncé par L. Jospin et Y. Cochet, ne constitue qu'une tranche de plus, d'un rattrapage qui va se poursuivre pendant des années. La France était en retard, elle le reste. La politique de prévention des risques, qu'ils soient naturels - inondations, glissements de terrain, avalanches, comme aux Antilles où c'est un des risques majeurs et où des villes entières sont exposées à un risques tout à fait considérables, sans que des politiques publiques puissent répondre à ce risque. Les villes se sont construites sans contrôle dans des zones difficiles -, ou que ce soient des risques industriels, est une des priorités du ministère pour des années encore."
Est-ce normal qu'un ministre de l'Environnement envisage publiquement que cela puisse être un attentat ? Hier, il a dit qu'on n(excluait rien. Il y a une enquête.
- "C'est normal de ne rien exclure, puisque l'enquête est en cours et que l'enquête tranchera. Qu'est-ce que vous essayez ? De me mettre en porte à faux avec Y. Cochet ? Il fait son boulot et il le fait remarquablement. Pour ce qui me concerne, je n'entends pas du tout faire de commentaires sur son travail qui me paraît excellent."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 3 octobre 2001)