Texte intégral
Le Gouvernement de Jean-Marc AYRAULT est entièrement mobilisé à redresser notre pays, avec une conviction : nous réussirons si nous suivons la ligne de crête entre compétitivité et solidarité.
La solidarité, nous y sommes attachés de manière historique, de manière presque viscérale. Pour nous, pour ce Gouvernement, elle est la condition de la justice sans laquelle aucune cohésion nest possible. Or, cest dans les moments difficiles que cette cohésion est mise à lépreuve ; cest dans ces moments que nous devons veiller à rester unis. Et cest par conséquent dans ces moments, plus encore quà lhabitude, que votre action est indispensable.
Le « Plan Pluriannuel de lutte contre la Pauvreté » répond à cet impératif de cohésion. Et il intègre le travail social comme un levier important. Jai conscience que celui-ci na pas eu suffisamment de place lors de la « Conférence Nationale de lutte contre la Pauvreté ». Je voulais rectifier le tir : avec le Plan pluriannuel présenté lundi par le Premier Ministre qui annonce formellement des « Assises du Travail Social », cest chose faite.
Ces « Assises du Travail Social » sont nécessaires alors que le métier évolue et se complexifie sous leffet des difficultés sociales et des évolutions des politiques publiques.
Les travailleurs sociaux doivent répondre à des demandes a priori inconciliables, en tout cas gigantesques !
Tout au bout de la chaîne de solidarité, ce sont eux qui sont quotidiennement confrontés aux situations de précarité et de dénuement. Cest à eux que lon demande dagir vite devant lurgence sociale. Cest à eux de traiter rapidement des dossiers qui se multiplient avec la crise. Mais cest aussi à eux que lon demande de voir que derrière chaque cas, il y a une personne, et que celle quon a en face de soi ne rentre pas, comme par miracle, dans une case. Ce sont eux qui doivent en permanence préciser, ajuster, adapter les réponses devant des désarrois multiples et à chaque fois différents.
Le travailleur social doit être un spécialiste de chacun des aspects du social : lemploi, les prestations sociales, la santé... et il doit aussi être un spécialiste de lhumain ! Réconforter la personne démunie. Laider à reprendre confiance en elle, et à se reconstruire sur le plan sentimental, familial, ou existentiel fait aussi partie de leur mission.
Les travailleurs sociaux sont sur le terrain, au plus près de ceux qui souffrent, et pourtant ils ne se sentent pas écoutés quand il sagit de penser les politiques quils devront mettre en oeuvre.
Voilà ce qui me semble être aujourdhui les grands enjeux de ce métier et aussi les difficultés qui peuvent générer un certain malaise chez les travailleurs sociaux. Je nignore pas ce que sont leurs conditions de travail.
Je nignore pas la désaffection qui est celle des filières de formation du travail social. Je nignore pas le taux élevé dabandons des élèves en cours de formation quand ils sont confrontés à la réalité du métier à loccasion dun stage long.
Cest parce que je nignore pas toutes ces réalités que jai pensé quil était important dorganiser des Assises du Travail Social : nous devons trouver ensemble les solutions qui permettront à la fois que le travail social sadapte aux évolutions de notre société et que cette adaptation ne se fasse pas au détriment des conditions de travail des travailleurs sociaux.
Nous tiendrons donc ces Assises du Travail Social en 2014. Elles réuniront lensemble des acteurs concernés. Je suis très attaché, comme lensemble du Gouvernement en réalité, à la consultation, au dialogue. Cette méthode prend un peu de temps, cest vrai, mais pour construire des solutions solides et durables, je crois quil faut saccorder ce temps-là. Les défis que nous avons à relever le mérite.
Nous devons en premier lieu parler de la formation, initiale et continue des travailleurs sociaux. Aujourdhui loffre est trop émiettée, trop éloignée de lUniversité et de la Recherche qui est indispensable à lenrichissement de nos connaissances et à lamélioration des enseignements. Je pense notamment que nous devons avoir un oeil curieux sur le modèle des « Hautes Ecoles Professionnelles de lAction Sociale ».
La réforme de la formation initiale est importante mais naura des effets que sur le long-terme. Il faut parallèlement que nous nous interrogions sur les voies de consolidation de la formation continue pour une formation tout au long de la vie. En lien avec les organismes paritaires collecteurs agréés, nous devons à mon avis réfléchir à la mise en oeuvre dune obligation de formation permanente tout au long de la carrière.
Outre la formation, se posent aussi au métier de travailleur social des problématiques démocratiques et éthiques.
Je pense notamment à la place que pourraient occuper les usagers dans les instances de laction sociale, principalement les Conseils Généraux et les CCAS. Cette participation est totalement cohérente avec le projet dautonomie qui est celui dans lequel nous devons aider les personnes démunies à sinscrire.
Et jai en plus la conviction que tout le monde a à y gagner. Jai constaté à loccasion de la « Conférence Nationale de Lutte contre la Pauvreté » et de ses travaux préparatoires le rôle essentiel qua joué ce que lon a appelé le 8ème collège, cest-à-dire les bénéficiaires des politiques publiques. Leur parole déconcertante nous a bousculés, et nous a obligés à regarder autrement nos dispositifs ; quand on observe des taux de non-recours de 68% sur le RSA activité, il faut savoir rester humble et à lécoute pour comprendre ce qui dysfonctionne.
Notre démocratie sera plus forte si nous savons établir un dialogue avec les acteurs de terrain. Cest pourquoi je veux que les travailleurs sociaux ne soient pas des simples agents dune politique mais quils participent à faire évoluer cette politique par leur expérience.
Les questions démocratiques et éthiques ont aussi beaucoup à voir avec larticulation entre travail social professionnel et bénévolat. Je crois que ces deux modes dintervention sont absolument nécessaires.
Il y aussi bien sûr, des sujets autour du management et de la manière dont on imagine des moments de respiration et déchange pour ceux qui sont confrontés chaque jour au regard de ceux qui subissent la pauvreté et parfois la très grande pauvreté.
Il y a enfin à traiter de la gouvernance de laction sociale. De son décloisonnement et de sa territorialisation. Sur ce point, je veux lancer une expérimentation de mise en réseau des intervenants sociaux sur certains territoires. Je vais confier à un groupe de travail associant représentants des Conseils Généraux, des CCAS, des services sociaux spécialisés le soin de rédiger dici juin 2013 un cahier des charges de cette expérimentation.
Je veux avancer sur certains autres sujets mais indépendamment de nos Assises. Car, vous le savez, qui trop embrasse mal étreint. Alors, je crois quil faut que nous nous concentrions lors de nos assises sur le plus essentiel.
La méthode que je veux mettre en oeuvre, cest dassocier lensemble des parties prenantes professionnels, employeurs, usagers, territoires tout au long de lannée 2013 à la préparation dun plan daction en faveur du travail social à travers des ateliers interrégionaux qui aboutiront à nos assises. Un comité de pilotage national, associant lEtat, les Régions, les Conseils Généraux, les têtes de réseau associatives, les associations de professionnels et de cadres de laction sociale, sera mis en place ces prochaines semaines. Le conseil supérieur du travail social (CSTS) sera étroitement associé à cette préparation. Les réflexions quil mène régulièrement sur le travail social mais aussi sur des thèmes plus spécifiques sont une ressource précieuse pour aborder nos Assises.
Voilà, le programme est ambitieux ; je ne sais pas davance ce qui sortira de ce travail collectif, cest le principe même du dialogue. Je ne prétends pas que nous allons résoudre toutes les difficultés mais je sais que chacun aura à coeur de faire le maximum.
Il y a un point sur lequel je ne cèderai rien : cest limage du métier de travailleur social. Cest un beau métier, un grand métier. Les travailleurs sociaux mettent leur énergie et leur intelligence au service des autres. Le discours délétère de stigmatisation des plus démunis a eu des effets sur la perception que lon a de ce métier. Je lai dit haut et fort au moment de la conférence nationale, je le répète et je le répèterai tant que je serai ici : les personnes démunies ne choisissent pas la pauvreté ; elles nen profitent pas ; elles la subissent ! Et le rôle de la République, cet idéal qui nous rassemble, qui nous unit, qui nous élève, cest de garantir à chacun des conditions dexistence dignes. Parce que les travailleurs sociaux participent à mettre concrètement en oeuvre les principes de la République, ils méritent toute la considération de notre Nation.
Le Gouvernement lancera en 2013 une campagne de communication et de promotion des métiers du travail social, auprès du grand public et plus particulièrement auprès des jeunes. Cest une manière de rendre à ce métier la reconnaissance quil mérite.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 25 février 2013