Déclaration de Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, sur le rôle des travailleurs sociaux dans la prise en charge de l'exclusion sociale et de la pauvreté, Paris le 23 janvier 2013.

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Circonstance : Réunion du Conseil supérieur du travail social à Paris le 23 janvier 2013

Texte intégral


Le Gouvernement de Jean-Marc AYRAULT est entièrement mobilisé à redresser notre pays, avec une conviction : nous réussirons si nous suivons la ligne de crête entre compétitivité et solidarité.
La solidarité, nous y sommes attachés de manière historique, de manière presque viscérale. Pour nous, pour ce Gouvernement, elle est la condition de la justice sans laquelle aucune cohésion n’est possible. Or, c’est dans les moments difficiles que cette cohésion est mise à l’épreuve ; c’est dans ces moments que nous devons veiller à rester unis. Et c’est par conséquent dans ces moments, plus encore qu’à l’habitude, que votre action est indispensable.
Le « Plan Pluriannuel de lutte contre la Pauvreté » répond à cet impératif de cohésion. Et il intègre le travail social comme un levier important. J’ai conscience que celui-ci n’a pas eu suffisamment de place lors de la « Conférence Nationale de lutte contre la Pauvreté ». Je voulais rectifier le tir : avec le Plan pluriannuel présenté lundi par le Premier Ministre qui annonce formellement des « Assises du Travail Social », c’est chose faite.
Ces « Assises du Travail Social » sont nécessaires alors que le métier évolue et se complexifie sous l’effet des difficultés sociales et des évolutions des politiques publiques.
Les travailleurs sociaux doivent répondre à des demandes a priori inconciliables, en tout cas gigantesques !
Tout au bout de la chaîne de solidarité, ce sont eux qui sont quotidiennement confrontés aux situations de précarité et de dénuement. C’est à eux que l’on demande d’agir vite devant l’urgence sociale. C’est à eux de traiter rapidement des dossiers qui se multiplient avec la crise. Mais c’est aussi à eux que l’on demande de voir que derrière chaque cas, il y a une personne, et que celle qu’on a en face de soi ne rentre pas, comme par miracle, dans une case. Ce sont eux qui doivent en permanence préciser, ajuster, adapter les réponses devant des désarrois multiples et à chaque fois différents.
Le travailleur social doit être un spécialiste de chacun des aspects du social : l’emploi, les prestations sociales, la santé... et il doit aussi être un spécialiste de l’humain ! Réconforter la personne démunie. L’aider à reprendre confiance en elle, et à se reconstruire sur le plan sentimental, familial, ou existentiel fait aussi partie de leur mission.
Les travailleurs sociaux sont sur le terrain, au plus près de ceux qui souffrent, et pourtant ils ne se sentent pas écoutés quand il s’agit de penser les politiques qu’ils devront mettre en oeuvre.
Voilà ce qui me semble être aujourd’hui les grands enjeux de ce métier et aussi les difficultés qui peuvent générer un certain malaise chez les travailleurs sociaux. Je n’ignore pas ce que sont leurs conditions de travail.
Je n’ignore pas la désaffection qui est celle des filières de formation du travail social. Je n’ignore pas le taux élevé d’abandons des élèves en cours de formation quand ils sont confrontés à la réalité du métier à l’occasion d’un stage long.
C’est parce que je n’ignore pas toutes ces réalités que j’ai pensé qu’il était important d’organiser des Assises du Travail Social : nous devons trouver ensemble les solutions qui permettront à la fois que le travail social s’adapte aux évolutions de notre société et que cette adaptation ne se fasse pas au détriment des conditions de travail des travailleurs sociaux.
Nous tiendrons donc ces Assises du Travail Social en 2014. Elles réuniront l’ensemble des acteurs concernés. Je suis très attaché, comme l’ensemble du Gouvernement en réalité, à la consultation, au dialogue. Cette méthode prend un peu de temps, c’est vrai, mais pour construire des solutions solides et durables, je crois qu’il faut s’accorder ce temps-là. Les défis que nous avons à relever le mérite.
Nous devons en premier lieu parler de la formation, initiale et continue des travailleurs sociaux. Aujourd’hui l’offre est trop émiettée, trop éloignée de l’Université et de la Recherche qui est indispensable à l’enrichissement de nos connaissances et à l’amélioration des enseignements. Je pense notamment que nous devons avoir un oeil curieux sur le modèle des « Hautes Ecoles Professionnelles de l’Action Sociale ».
La réforme de la formation initiale est importante mais n’aura des effets que sur le long-terme. Il faut parallèlement que nous nous interrogions sur les voies de consolidation de la formation continue pour une formation tout au long de la vie. En lien avec les organismes paritaires collecteurs agréés, nous devons à mon avis réfléchir à la mise en oeuvre d’une obligation de formation permanente tout au long de la carrière.
Outre la formation, se posent aussi au métier de travailleur social des problématiques démocratiques et éthiques.
Je pense notamment à la place que pourraient occuper les usagers dans les instances de l’action sociale, principalement les Conseils Généraux et les CCAS. Cette participation est totalement cohérente avec le projet d’autonomie qui est celui dans lequel nous devons aider les personnes démunies à s’inscrire.
Et j’ai en plus la conviction que tout le monde a à y gagner. J’ai constaté à l’occasion de la « Conférence Nationale de Lutte contre la Pauvreté » et de ses travaux préparatoires le rôle essentiel qu’a joué ce que l’on a appelé le 8ème collège, c’est-à-dire les bénéficiaires des politiques publiques. Leur parole déconcertante nous a bousculés, et nous a obligés à regarder autrement nos dispositifs ; quand on observe des taux de non-recours de 68% sur le RSA activité, il faut savoir rester humble et à l’écoute pour comprendre ce qui dysfonctionne.
Notre démocratie sera plus forte si nous savons établir un dialogue avec les acteurs de terrain. C’est pourquoi je veux que les travailleurs sociaux ne soient pas des simples agents d’une politique mais qu’ils participent à faire évoluer cette politique par leur expérience.
Les questions démocratiques et éthiques ont aussi beaucoup à voir avec l’articulation entre travail social professionnel et bénévolat. Je crois que ces deux modes d’intervention sont absolument nécessaires.
Il y aussi bien sûr, des sujets autour du management et de la manière dont on imagine des moments de respiration et d’échange pour ceux qui sont confrontés chaque jour au regard de ceux qui subissent la pauvreté et parfois la très grande pauvreté.
Il y a enfin à traiter de la gouvernance de l’action sociale. De son décloisonnement et de sa territorialisation. Sur ce point, je veux lancer une expérimentation de mise en réseau des intervenants sociaux sur certains territoires. Je vais confier à un groupe de travail associant représentants des Conseils Généraux, des CCAS, des services sociaux spécialisés le soin de rédiger d’ici juin 2013 un cahier des charges de cette expérimentation.
Je veux avancer sur certains autres sujets mais indépendamment de nos Assises. Car, vous le savez, qui trop embrasse mal étreint. Alors, je crois qu’il faut que nous nous concentrions lors de nos assises sur le plus essentiel.
La méthode que je veux mettre en oeuvre, c’est d’associer l’ensemble des parties prenantes – professionnels, employeurs, usagers, territoires – tout au long de l’année 2013 à la préparation d’un plan d’action en faveur du travail social à travers des ateliers interrégionaux qui aboutiront à nos assises. Un comité de pilotage national, associant l’Etat, les Régions, les Conseils Généraux, les têtes de réseau associatives, les associations de professionnels et de cadres de l’action sociale, sera mis en place ces prochaines semaines. Le conseil supérieur du travail social (CSTS) sera étroitement associé à cette préparation. Les réflexions qu’il mène régulièrement sur le travail social mais aussi sur des thèmes plus spécifiques sont une ressource précieuse pour aborder nos Assises.
Voilà, le programme est ambitieux ; je ne sais pas d’avance ce qui sortira de ce travail collectif, c’est le principe même du dialogue. Je ne prétends pas que nous allons résoudre toutes les difficultés mais je sais que chacun aura à coeur de faire le maximum.
Il y a un point sur lequel je ne cèderai rien : c’est l’image du métier de travailleur social. C’est un beau métier, un grand métier. Les travailleurs sociaux mettent leur énergie et leur intelligence au service des autres. Le discours délétère de stigmatisation des plus démunis a eu des effets sur la perception que l’on a de ce métier. Je l’ai dit haut et fort au moment de la conférence nationale, je le répète et je le répèterai tant que je serai ici : les personnes démunies ne choisissent pas la pauvreté ; elles n’en profitent pas ; elles la subissent ! Et le rôle de la République, cet idéal qui nous rassemble, qui nous unit, qui nous élève, c’est de garantir à chacun des conditions d’existence dignes. Parce que les travailleurs sociaux participent à mettre concrètement en oeuvre les principes de la République, ils méritent toute la considération de notre Nation.
Le Gouvernement lancera en 2013 une campagne de communication et de promotion des métiers du travail social, auprès du grand public et plus particulièrement auprès des jeunes. C’est une manière de rendre à ce métier la reconnaissance qu’il mérite.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 25 février 2013