Interview de M. Jérôme Cahuzac, ministre du budget, à "Europe 1" le 25 février 2013, sur la poursuite de l'objectif de réduction des dépenses budgétaires en 2014.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Europe 1

Texte intégral

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Je vous dis tout de suite bienvenue, Jérôme CAHUZAC.
JEROME CAHUZAC
Merci, bonjour Jean-Pierre ELKABBACH.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le menu est lourd – bonjour. Le 6 janvier, Laurent GUIMIER vient de le rappeler, le 6 janvier vous promettiez lors du « Grand rendez-vous », qu’il n’y aurait plus d’impôts nouveaux, ce serai trop, trop, trop, ce serait demander trop. Est-ce qu’aujourd’hui vous pouvez le confirmer ?
JEROME CAHUZAC
Les prélèvements obligatoires sont déjà très élevés en France, on a trouvé un taux de prélèvements obligatoires déjà très élevé, puisque, souvenez-vous, dans la précédente mandature Nicolas SARKOZY avait promis de faire baisser les impôts de 80 milliards et au total ils avaient augmenté de plus d’une vingtaine. Donc, c’est un engagement difficile, mais qu’il faut bien sûr s’efforcer de tenir, l’essentiel étant – je me permet de rappeler ce qu’a dit le président de la République hier – l’essentiel étant que l’année prochaine, si un effort doit être fait, il doit d’abord l’être par les économies.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais le président de la République a dit, au Salon de l’agriculture, qu’il fallait peut-être subsidiairement de nouveaux prélèvements, or, un impôt subsidiaire ou accessoire, complémentaire, c’est toujours un impôt.
JEROME CAHUZAC
Oui, il faut un peu rentrer dans le détail des choses. En 2013 c’est pour près de 5 à 6 milliards d’euros d’impôts qui ont été levés et qui ne le seront pas en 2014, car ces impôts ne pouvaient l’être qu’une seule année, et donc, si nous ne faisons rien de plus en matière de fiscalité, l’année prochaine il y aurait 5 à 6 milliards d’euros d’impôts de moins. Et ça, c’est une nouvelle que j’aimerais pouvoir annoncer aux Français, vous dire, Jean-Pierre ELKABBACH, mais la situation financière de la France, budgétaire du pays, ne permet malheureusement pas de nous priver de 6 milliards d’euros de recettes, tout simplement parce que, on le sait…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous annoncez la nécessité de recettes nouvelles par des impôts, il faut voir lesquels.
JEROME CAHUZAC
Donc, ce que je vous dis…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez vu la Une des ECHOS ?
JEROME CAHUZAC
Bien entendu.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
« De nouvelles hausses d’impôts inévitables en 2014 », vous le confirmez ?
JEROME CAHUZAC
Non, je ne le confirme pas de la sorte. Ce que je tente de vous expliquer, c’est qu’à partir du moment, en 2014, nous n’aurons pas, toutes choses égales par ailleurs, 6 milliards d’euros d’impôt que avons eus en 2013, il faudra, évidemment, en 2014, obtenir cette recette, ce qui ne veut pas dire que les engagements précédents ne seraient pas pris, ce qui veut simplement dire que, à tout le moins, la stabilité fiscale impose, la stabilité fiscale impose, de trouver 6 milliards d’euros de recettes supplémentaires.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais où les trouverez-vous ?
JEROME CAHUZAC
Ça, ça se déterminera dans la loi de Finances initiale, qui sera présentée à l’automne prochain…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais est-ce que ça veut dire que… l’économie des dépenses publiques ?
JEROME CAHUZAC
Non, ne confondons pas tout. Des économies dans la dépense publique sont inévitables, nous avons commencé à en faire, nous continuerons à en faire, non seulement au sein du budget de l’Etat, mais également au sein des opérateurs, au sein des différentes politiques publiques, qui d’ailleurs sont évaluées sous l’autorité du Premier ministre. Près de 27 politiques publiques ont commencé à être évaluées, et il faut dégager des économies à la suite de ces évaluations.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais, par exemple, au passage…
JEROME CAHUZAC
Pardonnez-moi, je vous disais ne confondons pas tout, il y a ces évaluations qui doivent générer des économies, et par ailleurs, ce que je vous indique, c’est qu’on ne peut se permettre d’avoir 6 milliards d’euros de recettes en moins par rapport à 2013, il faudra donc les compenser.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, et les trouver.
JEROME CAHUZAC
Ah mais on les trouvera, ça il faudra les trouver…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Dans la poche de qui, c’est ça le problème, où ?
JEROME CAHUZAC
Mais dans la poche des uns, des autres, de tout le monde, ou de vous peut-être, mais de toute façon nous les trouverons, avec une règle, qui est toujours la même, nous devons faire en sorte que la fiscalité soit la plus juste possible.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, vous parlez – pardon, vous avez perdu votre voix, vous avez trop crié, peut-être que vous êtes allé voir un match de foot ou un match de rugby, non ?
JEROME CAHUZAC
Je suis plutôt rugby moi, oui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
A Londres…
JEROME CAHUZAC
Il y avait un match de rugby intéressant à Londres, en effet.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On voit les résultats. Alors, vous parlez d’évaluation, Jérôme CAHUZAC, par exemple, LE FIGARO dit que le gouvernement envisage de supprimer la demi-part fiscale pour les parents d’étudiants de moins de 25 ans. Cette suppression est-elle envisagée ?
JEROME CAHUZAC
Ce qui est envisagé c’est une allocation autonomie pour les jeunes, c’est une promesse du candidat François HOLLANDE, et ce que je veux vous dire c’est que l’effort en faveur de la jeunesse ne sera pas moindre que celui que nous avons constaté en arrivant. Les modalités de cet effort, elles, peuvent être réformées, mais nous ne ferons pas moins – ce serait un comble – en faveur de la jeunesse, que ce qui pouvait se faire auparavant.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais, pour traduire en français accessible…
JEROME CAHUZAC
En français accessible, aucune décision n’est prise, aucune.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais elle pourrait être prise.
JEROME CAHUZAC
La suppression de la demi-part fiscale n’est pas, à ma connaissance, d’actualité, ça ne veut pas dire qu’elle est récusée, a priori, il faut, il faut Jean-Pierre ELKABBACH, tenir l’engagement de permettre aux jeunes d’être autonomes, soit c’est un effort qui se fait via leur famille, c’est la demi-part fiscale, soit c’est un effort qui se fait directement en leur faveur, et alors on ne peut maintenir les choses en l’Etat, toutes choses par ailleurs.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Jérôme CAHUZAC, mais est-ce que pour la demi-part il faut tenir compte des ressources et des revenus des parents ?
JEROME CAHUZAC
La demi-part fiscale tient, par définition, compte des ressources des parents, précisément parce que cela s’impute à l’impôt sur le revenu.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et si c’est fait, c’est quoi, en 2014 ou avant, ou d’ici la fin du quinquennat ?
JEROME CAHUZAC
Certainement dans la mandature, oui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et l’APL, l’Aide Personnalisée au Logement, qui représente à peu près 20 milliards, est-ce qu’il faut la réformer – d’abord elle est en état de réévaluation – en tenant compte des ressources familiales ?
JEROME CAHUZAC
Oui, je vous le confirme. La politique du logement fait partie des grandes politiques publiques que nous avons décidé d’évaluer, plusieurs milliards d’euros sont effectivement dépensés dans ce cadre-là, et, comme toute dépense conséquente, c’est vrai pour cela, c’est vrai pour la formation professionnelle, c’est vrai pour la politique familiale, c’est vrai pour les aides aux collectivités locales, c’est vrai pour beaucoup de politiques publiques, nous devons évaluer ces politiques qui sont très fortement consommatrices de dizaines de milliards d’euros, car si nous ne le faisons pas, nos engagements de faire des économies ne pourront être tenus.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, vous avez préparé, avec le Premier ministre et à l’Elysée, les économies des dépenses de chaque ministère. Quelles sont les pistes les plus importantes ? D’abord, les trois ministères sanctuarisés, l’Intérieur, l’Education, participeront-ils à l’effort ou ils restent à l’écart, et quels sont les secteurs qui vont être touchés ?
JEROME CAHUZAC
Les ministères ne sont pas sanctuarisés, certaines missions de certains ministères le sont.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Deux, trois ministères.
JEROME CAHUZAC
La sécurité, pour l’Intérieur, l’Education nationale, pour ce ministère-là, avec des postes d’enseignants, mais par ailleurs les autres missions de ces ministères ne sont pas plus sanctuarisées qu’elles ne le sont dans les autres départements ministériels. Donc en fait, toutes les administrations vont être sollicitées pour faire des économies, c’est déjà le cas en 2013, près de 10 milliards d’euros d’économies sont en train d’être réalisées, 2,5 milliards d’économies sont en train d’être réalisées au titre de l’Assurance Maladie, 12,5 milliards d’euros cette année, et puis, nous avons lancé, avec une méthode qui a été voulue par le Premier ministre, un certain nombre de procédures. c’est vrai pour la politique familiale, c’est une mission à Bertrand FRAGONARD c’est vrai pour les retraites, c’est une mission confiée à Yannick MOREAU, qui devra discuter avec les partenaires sociaux, c’est vrai pour les aides aux entreprises, avec une mission confiée à un inspecteur général des Finances, monsieur JURGENSEN, nous évaluons toutes les politiques publiques qui consomment des dizaines de milliards d’euros, car nous devons vérifier que ces milliards d’euros sont bien dépensés. Par principe j’estime que l’on peut, avec une même efficacité, peut-être même une efficacité meilleure, dépenser moins.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Avec Bruce TOUSSAINT, Jacques ATTALI vous envoyait un message, il dit « est-ce qu’il aura le courage de dire non à ses collègues ministres », il pensait d’ailleurs que vous auriez le courage. Aurez-vous le courage de dire non aux ministres dépensiers ?
JEROME CAHUZAC
Si je peux me permettre, ça a déjà été le cas, pour élaborer le budget 2013…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous continuez.
JEROME CAHUZAC
Et c’est moins une question de courage que de ligne politique cohérente à suivre. Moi je mène une politique, qui est bien sûr voulue par le président de la République, voulue par le Premier ministre, et vous imaginez bien que ma seule volonté n’aurait pas suffi pour faire des économies, si les arbitrages que j’avais sollicités n’avaient pas été rendus en ce sens.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
A quoi va ressembler 2014 ?
JEROME CAHUZAC
Une année rude, comme 2013 fut une année rude…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Rude, c'est-à-dire d’efforts…
JEROME CAHUZAC
Mais j’ai toujours dit, Jean-Pierre ELKABBACH, y compris à votre micro, et à plusieurs reprises, j’ai déjà dit que la France avait deux années difficiles à passer, 2013 et 2014, car nous devons en 2 à 3 ans faire un effort d’ajustement budgétaire que la plupart des autres pays ont réalisé en 5, 6, 10 ans, et donc c’est un effort très concentré, qui, parce qu’il est concentré, est difficile. Mais nous devons faire cet effort, non pas parce qu’il nous est imposé par l’extérieur, par Bruxelles, par la Commission, je ne sais par qui, nous devons faire cet effort parce que c’est une question de souveraineté nationale. Ne plus dépendre des marchés c’est recouvrer notre souveraineté nationale, aliénée ces dernières années.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
En 3 jours, Jérôme CAHUZAC, la Commission européenne a enterré les prévisions de Bercy, le président de la République a jeté la dernière pelleté, lui-même, de terre, sur son engagement d’inverser fin 2013 la courbe du chômage. Il annonce que le chômage va augmenter. La droite dit que vous avez menti. Est-ce que vous vous êtes trompé ?
JEROME CAHUZAC
Non, je crois que cette présentation ne me paraît pas rigoureusement exacte.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Parce qu’on a l’impression qu’il y a des promesses et qu’elles ne peuvent pas être tenues.
JEROME CAHUZAC
Je n’ai pas le sentiment, moi, que l’inversion de la courbe du chômage soit un objectif abandonné, bien au contraire, nous devons inverser…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais dès 2013. Dès 2013.
JEROME CAHUZAC
Mais 2013 ça va jusqu’au 31 décembre, Jean-Pierre ELKABBACH, et ne me demandez pas la date précise à laquelle cette inversion se produira.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non, ça veut dire que vous pouvez compter encore, en 2013, sur une remontée de la croissance, et peut-être de l’emploi.
JEROME CAHUZAC
Nous devons inverser la courbe du chômage, car c’est une question de confiance pour nos concitoyens. Si cette confiance n’est pas rétablie pour eux, si elle ne l’est pas parfaitement pour les entreprises, alors, alors nous ne parviendrons pas à bénéficier de la croissance que notre pays peut générer, de façon parfaitement légitime, et nous avons besoin de cette croissance.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Jérôme CAHUZAC, est-ce que la France tiendra ses engagements de déficit structurel, promis à Bruxelles, dans les délais qui sont prévus, et demandés ?
JEROME CAHUZAC
Nous tenons ces objectifs de déficit structurel. Trois chiffres, si vous me le permettez. Le déficit structurel de la France, ces cinq dernières années, s’est aggravé, structurellement notre pays a continué à s’endetter entre 2007 et 2011. En 2012 nous avons diminué le déficit structurel de 1,2%, cette année nous diminuerons le déficit structurel de 1,9%, en 2 ans nous diminuons notre déficit structurel de près de 3,1%, c’est historique, jamais notre pays n’a consenti un tel effort et il est malheureusement nécessaire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et vous nous dites que l’équilibre c’est 2017 ou avant ? Déficit zéro.
JEROME CAHUZAC
Nous avons toujours pris l’engagement d’annulation des déficits publics en 2017, et je confirme cet objectif, impératif.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci d’être venu… difficile, même avec toute sa voix !
JEROME CAHUZAC
C’est déjà difficile avec vous, vous imaginez avec les autres.
BRUCE TOUSSAINT
Merci Jérôme CAHUZAC, merci Jean-Pierre ELKABBACH, Jérôme CAHUZAC qui confirme, qui nous annonce ce matin sur EUROPE 1 qu’il faudra trouver 6 milliards d’euros de recettes en plus en 2014.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous n’avez pas dit où.
JEROME CAHUZAC
Pour compenser celles qui manquent, en 2014, et déjà prélevées en 2013, ce ne sont pas des impôts nouveaux, c’est un prélèvement obligatoire stable.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Où vous les trouverez ? Où vous les trouverez ?
JEROME CAHUZAC
Si je vous le dis maintenant vous ne m’inviterez plus.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous êtes déjà invité.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 février 2013