Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt à "France Inter" le 27 février 2013, sur la croissance économique, la politique agricole et la réglementation européenne en matière de traçabilité des produits alimentaires.

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Média : France Inter

Texte intégral

PATRICK COHEN
Bonjour Stéphane LE FOLL…
STÉPHANE LE FOLL
Bonjour.
PATRICK COHEN
Ministre de l’Agriculture à la veille d’un nouveau SALON DE L’AGRICULTURE et au lendemain d’un nouvel accident alimentaire qui pose question sur les pratiques de cette industrie, la rigueur des contrôles et la politique européenne ; on a aussi quelques promesses de campagne du candidat HOLLANDE à vous rappeler dans ce domaine, c’est le cinquième numéro ce matin de notre observatoire des promesses avec LE PARISIEN AUJOURD’HUI EN FRANCE.
Mais d’abord la Commission de Bruxelles qui confirme que l’économie française est à plat : 0 à 0,1% de croissance prévue cette année, très loin des 0,8 de votre budget, 2013 ce sera donc une année noire pour la France ?
STEPHANE LE FOLL
Ce n’est pas une année noire ! C’est plutôt le résultat ou la conséquence de l’année 2012 aussi, puisque le fait qu’en 2012 il y ait eu 0 de croissance, le ministre de l’Economie… qui était celui d’une croissance l’année précédente, n’existe pas, donc on est sur quelque chose qui n’a pas d’élan, donc il faut qu’on en tienne compte et que, sans changer le cap qui a été défini depuis le début, qui est à la fois celui du soutien avec l’ensemble des moyens à la consommation et aujourd’hui à l’investissement…
PATRICK COHEN
Et dont vous espérer voir les effets…
STEPHANE LE FOLL
On doit…
PATRICK COHEN
D’ici à la fin de l’année ?
STEPHANE LE FOLL
On doit avoir aussi le souci de réduire les déficits et l’endettement de la France pour pouvoir réussir au bout du compte, l’objectif étant de réussir à la fin du quinquennat.
PATRICK COHEN
A la fin du quinquennat. Mais en attendant un déficit de 3,5 ou de 3,6%, comme le prévoit Bruxelles, est-ce que c’est acceptable ou est-ce qu’il faudra de nouveaux efforts, rajouter de l’austérité à la rigueur, pour se rapprocher des 3% ?
STEPHANE LE FOLL
Je l’ai dit, on ne change pas de ligne et il va falloir bien sûr ajuster en fonction des résultats, enfin des prévisions qui sont celles que nous avons. On est déjà sur 2012, je le dis quand même avec une prévision qui était celle qu’on avait faite à 0,5% de croissance pour pouvoir obtenir le résultat de 4,5% de déficit budgétaire…
PATRICK COHEN
Hum !
STÉPHANE LE FOLL
On a fait 4,5, 4,6% de déficit budgétaire avec zéro. Bon ! Donc, il faut qu’on soit aussi - et qu‘on le dise – les efforts qui sont faits ont des résultats dans ce domaine, il faut maintenant qu’on soit capables, parce que le constat de 2012 est assez clair, la consommation a tenu : + 0,2, l’investissement a chuté de 7%, donc cette année 2013 préparer l’avenir c’est investir.
PATRICK COHEN
3,5 c’est acceptable ?
STEPHANE LE FOLL
Mais moi je ne veux pas rentrer dans ces détails avec des chiffres…
PATRICK COHEN
Ah ! Eh bien…
STEPHANE LE FOLL
Pour dire 3,5, 3,6, 3,7…
PATRICK COHEN
Eh bien ce sont des chiffres qui ont des conséquences importantes, c’est des dizaines de milliards…
STEPHANE LE FOLL
Non ! Eh bien je me garderai bien…
PATRICK COHEN
Bon !
STEPHANE LE FOLL
Moi ministre de l’Agriculture de m’avancer sur des chiffres pour que, demain, on vienne me dire : Ah ! Vous aviez dit que, et puis ce n’est pas ce qui s’est passé.
PATRICK COHEN
Non ! Non, je vous demande de tracer la perspective…
STEPHANE LE FOLL
Moi je ne sais pas qu’est-ce qui est acceptable...
PATRICK COHEN
Parce que, si on finit l’année à 3,5, l’engagement pour 2014 ensuite c’est 2,3% de déficit, ça suppose des efforts encore plus grands pour rattraper le retard ?
STEPHANE LE FOLL
Oui ! Mais il y a une question que vous voulez… c’est toujours le même problème en politique économique, c’est que les recettes pour réduire un déficit dépendent de la croissance… Bon ! Donc, il y a toujours un paramètre sur lequel on a une incertitude, c’est la croissance, à partir du moment où vous avez un paramètre sur lequel vous avez une incertitude tous les calculs que vous pouvez faire sont toujours difficiles à anticiper, donc admettons – comme vous le dites – si on veut faire 2,3 d’ici 2015 comme c’était prévu et qu’on est à 0,1 ou 0,2 c’est sûr que ça va être difficile. Qui vous dit que, si on est capables de se mobiliser et de cibler sur des outils pour pouvoir retrouver de la croissance on n’est pas des marges qu’on n’imagine pas aujourd’hui, donc c’est pourquoi il faut être à la fois rigoureux sur l’objectif, en même temps garder le cap et ajuster à chaque fois que c’est nécessaire.
PATRICK COHEN
L’agriculture, Stéphane LE FOLL, le changement c’est maintenant, engagement n°6 : « je donnerai… c’est François HOLLANDE qui parle, pas moi…
STEPHANE LE FOLL
Qui c’est qui parle ?
PATRICK COHEN
C’est François HOLLANDE qui parle, pas moi.
STEPHANE LE FOLL
C’est François HOLLANDE !
PATRICK COHEN
« 3Je donnerai aux producteurs les moyens de s’organiser pour rééquilibrer des rapports de force au sein des filières face à la grande distribution », où en êtes-vous ?
STEPHANE LE FOLL
C’est toujours pareil ! Vous avez toujours cette manière de présenter les choses, c'est-à-dire que vous savez très bien que l’engagement n°6 de François HOLLANDE… j’ai écouté tout à l’heure, l’édito contenait pas simplement cette question, tout ce qui est réussi et fait vous l’évacuez et il reste une question que vous posez. Alors qu’est-ce qui a été réussi et fait…
PATRICK COHEN
Attendez ! Il y a 4 phrases dans l’engagement n° 6, on ne va pas…
STEPHANE LE FOLL
Attendez !
PATRICK COHEN
Je peux vous le dire en intégralité.
STEPHANE LE FOLL
Eh bien lisez-les ! Soyez honnête avec tous les auditeurs ce matin.
PATRICK COHEN
« Je défendrai un budget européen ambitieux…
STÉPHANE LE FOLL
Ah ! Premier point.
PATRICK COHEN
Il baisse de 50 milliards ; J’encouragerai…
STEPHANE LE FOLL
Le…
PATRICK COHEN
Eh bien attendez !
STEPHANE LE FOLL
Attendez ! Je vais vous répondre.
PATRICK COHEN
Eh bien oui !
STEPHANE LE FOLL
Allez-y ! Allez-y.
PATRICK COHEN
Oui ! J’encouragerai la promotion de nouveaux modèles de production et l’agriculture biologique…
STEPHANE LE FOLL
Oui ! Je vais y répondre.
PATRICK COHEN
Bon ! Vous… ( brouhaha)… de l’agriculture bio.
STEPHANE LE FOLL
Et, troisième point…
PATRICK COHEN
Et je garantirai la présence des services publics locaux dans le monde rural…
STEPHANE LE FOLL
Et puis, et puis après, vous avez la question…
PATRICK COHEN
J’assurerai la protection de notre économie maritime….
STEPHANE LE FOLL
Plus…
PATRICK COHEN
Et je redonnerai à la pêche les moyens de sa modernisation…
STEPHANE LE FOLL
Oui ! Ca aussi.
PATRICK COHEN
Bon ! Je ferai de notre pays le leader européen des énergies marines renouvelables…
STEPHANE LE FOLL
C’est en train de se faire !
PATRICK COHEN
Bon ! Eh bien voilà.
STEPHANE LE FOLL
Voilà !
PATRICK COHEN
C’est tout ! C’est l’engagement n° 6.
STEPHANE LE FOLL
Vous avez budget de la politique agricole commune, quel était le budget pour la France entre… sur les perspectives financières précédentes ? Question posée : 56,9 milliards d’euros…
PATRICK COHEN
Oui ! Oui, ça baisse moins que prévu.
STEPHANE LE FOLL
Quel le budget prévu pour les 7 ans qui viennent pour l’agriculture française ? 56,3 milliards d’euros. Premier engagement : je défendrai un budget de la Politique agricole commune pour l’agriculture française, est-ce que c’est tenu ou pas ? C’est tenu ! Deuxième engagement : changer les modèles de production et développer l’agriculture biologique, colloque qui a été fait le 18 décembre dans le cadre de la Conférence environnementale, plan qui a été fixé par le ministre de l’Agriculture et qui s’appelle « l’agro-écologie, la France leader européen », avec un plan détaillé, une formation, un investissement + la présentation d’un plan « Ambition bio » qui sera fait au printemps et qui fixe comme objectif…
PATRICK COHEN
Très bien !
STEPHANE LE FOLL
Doubler les surfaces agricoles en bio et, en même temps, structurer cette filière.
PATRICK COHEN
Donc, les promesses de campagne c’est du self-service, vous prenez ce que vous voulez.
STEPHANE LE FOLL
Mais non ! Je vous rappelle ce qu’on a dit…
PATRICK COHEN
Mais je voudrais vous ramener à…
STEPHANE LE FOLL
Non ! Mais attendez, vous êtes… Ecoutez ! Vous faites du journalisme, des commentaires politiques, laissez aux hommes politiques aussi le soin de bien préciser les choses…
PATRICK COHEN
De choisir ! Oui…
STEPHANE LE FOLL
N’évacuez quand même pas ce qui est fait…
PATRICK COHEN
Non ! Non, je…
STEPHANE LE FOLL
Pour laisser penser qu’il ne resterait, parce que c’est ça le jeu, que ce qui n’est pas fait, en disant : « regardez-les, ils font toujours des promesses et ils ne les tiennent pas ».
PATRICK COHEN
Non ! Non, non. Ce n’est pas pour…
STEPHANE LE FOLL
Donc, je suis là pour rétablir la vérité. Dernier point…
PATRICK COHEN
Simplement pour vous faire dire qu’est-ce qui peut être fait dans ce domaine-là…
STEPHANE LE FOLL
Dernier… Eh bien…
PATRICK COHEN
Face à la grande distribution ?
STEPHANE LE FOLL
Eh bien la grande distribution, dès le départ, premier point, il y avait ce qu’on appelle la contractualisation qui avait été lancée dans le cadre de la loi précédente, corriger cette contractualisation, ça a fait l’objet d’un rapport que j’avais demandé sur la question laitière - les premières organisations de production ont été signées à la fin de l’année dernière dans le lait - et il y a des progrès à faire sur les changements nécessaires à apporter, en particulier dans la négociation de ces contrats sur la question des prix, mais les organisations de production commencent à se mettre en oeuvre, il faut qu’on l’étende. Hier j’étais à INTERBEV (l’Interprofession bovine) où il y a eu des discussions sur l’affaire que vous avez évoquée tout à l’heure au début mais où aussi a été décidé d’aller vers une contractualisation de la viande bovine, qui n’existe pas et qui n’a jamais existé, secteur je peux vous le dire dans lequel les divisions et les situations compliquées sont encore plus grandes qu’ailleurs. Et puis il y a la question de la grande distribution…
PATRICK COHEN
Est-ce que l’Europe laissera faire ces groupements ?
STEPHANE LE FOLL
Oui !
PATRICK COHEN
Est-ce que l’Autorité de concurrence…
STEPHANE LE FOLL
Oui ! Alors, attendez…
PATRICK COHEN
L’Autorité de la concurrence autorise…
STEPHANE LE FOLL
Alors, attendez, il y a la question de la concurrence qui est posée…
PATRICK COHEN
Oui !
STEPHANE LE FOLL
Et, là-dessus, on a un travail qu’on a engagé sur à la fois la LME et à l’échelle européenne sur les définitions des règles de concurrence, parce qu’on a un vrai souci aujourd’hui au niveau européen, c’est qu’on ne regarde pas l’abus de position dominante sur un marché pertinent, c’est tout de suite la position dominante sur un marché pertinent. Quel est le marché pertinent ? Quelle est la position dominante ? C’est au jugement des directions de la Concurrence que c’est laissé et, à ce moment-là, on a un vrai problème, et donc on est en train de regarder et de discuter pour savoir, et à l’échelle européenne, et à l’échelle nationale, pour savoir si on ne peut pas modifier cela. Et puis bien sûr il y a la grande distribution qu’il faut aller pousser pour qu’elle négocie, c’est tous les points qu’on a mis en oeuvre, sur des accords et des niveaux de prix, et des critères, pour que ça soit répercuté lorsque les prix par exemple de l’alimentation dans l’élevage augmentent, eh bien que la grande distribution en tienne compte pour répercuter tout ça au niveau de…
PATRICK COHEN
La filière viande, Stéphane LE FOLL…
STEPHANE LE FOLL
Oui !
PATRICK COHEN
Voilà 10 ans que les associations demandent l’étiquetage de l’origine de la viande…
STEPHANE LE FOLL
Oui !
PATRICK COHEN
Dans les plats cuisinés, est-ce que ça peut se faire à court terme ?
STEPHANE LE FOLL
Alors est-ce que ça peut se faire à court terme ? Il y a 2 niveaux pour changer les choses : le premier c’est l’échelle européenne, je le dis parce qu’il faut le dire – alors même si ça prendra un peu plus de temps - hier j’étais avec ma collègue Allemande, qui est plutôt sur une ligne maintenant qui consiste à pousser sur la traçabilité de l’origine des viandes, on a demandé à la Commission…
PATRICK COHEN
Donc, ça va… vous allez… il y aura une demande franco-allemande…
STEPHANE LE FOLL
Oui ! C’est ce qu’on va écrire.
PATRICK COHEN
Au niveau de l’Europe ?
STEPHANE LE FOLL
Et je pense même que je vais prendre contact aussi avec les Britanniques, ce qui est rare, mais peut-être essayer d’avoir un mémorandum franco-britannique-allemand.
PATRICK COHEN
Et au niveau national ?
STEPHANE LE FOLL
Et au niveau national, alors si la réglementation européenne ne change pas il n’y a pas d’obligation légale pour l’étiquetage et l’origine des viandes, mais au niveau national ce sera ce matin juste après FRANCE INTER, c’est la discussion qu’on engage pour favoriser partout et engager un processus viande bovine française dans les plats transformés.
PATRICK COHEN
Le logo VBF (Viande Bovine Fraîche)…
STEPHANE LE FOLL
Voilà !
PATRICK COHEN
Mais élevée et abattue en France, ce logo VBF pourrait être apposable sur les plats cuisinés ?
STEPHANE LE FOLL
Pourrait être apposable sur les plats cuisinés pour tous ceux qui s’organisent et prennent conscience aujourd’hui qu’il est nécessaire de renforcer la traçabilité, je pense qu’il y a des signes qui sont positifs et encourageants dans ce domaine.
PATRICK COHEN
Dernière question avant la pause ! Est-ce qu’il sera raisonnable à l’avenir de consommer des poissons d’élevage avec le risque qu’ils aient été nourris par des farines animales ?
STEPHANE LE FOLL
Alors, d’abord, ce sujet qui est arrivé… l’Europe, en plein débat sur le cheval et la viande bovine, alors ce n’est pas des farines animales, ce sont des protéines animales ; ensuite, il y a eu une position de la France qui a été de voter contre cette position…
PATRICK COHEN
Hum !
STÉPHANE LE FOLL
Mais l’Europe étant ce qu’elle est, ce règlement est devenu un règlement européen, il a été adopté par d’autres pays, sachant que le gros de la production aquacole en Europe ce n’est pas la France qui le fait, mais la France produit – et là je le dis ce matin – avec l’aquaculture des régions une production de poissons et une aquaculture sans aucune protéine animale. Donc, je le dis, sauf le poisson et la farine de poisson. Parce que je le dis quand même, les poissons que nous produisons ce sont des carnivores, j’ai plaisanté l’autre fois avec le brochet - ça mange beaucoup et c’est très vorace - eh bien on a des saumons ou des truites, ce sont des carnivores, eh bien on leur donne aujourd’hui du poisson. Voilà ! Et donc c’est garanti sans protéine animale.
PATRICK COHEN
Stéphane LE FOLL avec nous jusqu'à 8 h 55, on vous retrouve dans quelques minutes après la revue de presse et la chronique de Marcel RUFFO, avec les questions des auditeurs d’INTER, 01.45.24.7000, dans un instant la revue de presse.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 mars 2013