Texte intégral
Je vous remercie de votre invitation. Je voulais saluer le Président de l'UFE, tous les grands acteurs de la production, du transport et de la distribution d'électricité présents ce jour et plus largement tous les grands acteurs de la politique de l'énergie. Je suis dans une situation inconfortable et frustrante puisque vous avez tenu toute la journée des tables rondes passionnantes auxquelles je n'ai pu assister.
Je me concentrerai sur le débat national qui va s'engager. Les chiffres du chômage viennent d'être publiés. Les chiffres du réchauffement climatiques ont également été confirmés par un rapport particulièrement alarmant de la Banque mondiale, diffusé au moment même de l'ouverture de la conférence sur le réchauffement climatique de Doha. Le réchauffement climatique n'est plus une prévision. C'est un fait. Face à ces chiffres, le Gouvernement, le Président de la République et le Premier ministre, ont la conviction que la transition énergétique, au lieu de subir le réchauffement climatique et des choix qui s'imposeront à nous tôt ou tard, peut être choisie et anticipée et peut constituer une chance. La transition énergétique doit d'abord représenter un grand projet de société fédérateur et positif, qui doit favoriser une mobilisation nationale. Elle constitue aussi une opportunité économique.
Je souhaiterais également défendre la méthode du débat national. Nous avons des choix à opérer non seulement pour le quinquennat mais aussi et surtout pour plusieurs décennies, avec une vision stratégique. Le terme de planification fait ici son retour, après avoir disparu durant plusieurs années des politiques publiques. Nous avons besoin de planification dans la politique de l'énergie. Des décisions ont été reportées depuis trop longtemps. Cette planification exige la mise en place d'un débat national.
De la même façon, nous ne pouvons prendre des décisions aussi déterminantes pour l'avenir d'une Nation sans associer les citoyens. Au-delà de la démocratie représentative, je crois aussi beaucoup à la démocratie participative. Dans le domaine de l'énergie, nous avons besoin d'une appropriation citoyenne de ces décisions collectives qui raisonnent fortement avec les comportements individuels de chacun. C'est aussi la raison pour laquelle il faut un débat national, qui tende à construire une vision d'avenir et résoudre un certain nombre de controverses anciennes. Nous n'avons rien à craindre de ce débat. La France a, au contraire, beaucoup à y gagner. Les entreprises, dans le monde de l'énergie comme ailleurs, peuvent aussi bénéficier d'un apport de prévisibilité et de lisibilité dans leur activité économique. Ce débat national doit donc constituer une occasion pour toutes les entreprises du secteur de l'énergie de partager leurs préoccupations et d'apporter leurs connaissances et compétences.
Les objectifs de notre trajectoire sont connus. Le Président de la République s'est engagé à faire évoluer le mix électrique à l'horizon 2025, avec la montée en puissance des énergies renouvelables et la diminution à 50 % de la part du nucléaire, même si nous aurons durablement besoin de cette énergie. A cela s'ajoutent les objectifs du Paquet Energie Climat et le Facteur 4 à l'horizon 2025. Tous ces objectifs ont été énoncés par le Grenelle de l'environnement, par nos engagements européens et par le Président de la République dans le cadre de la campagne électorale mais rien n'a été précisé quant aux moyens mis en uvre pour les atteindre. Tel est l'enjeu du débat national que d'examiner les trajectoires concrètes qui nous permettront d'atteindre ces objectifs. Nous devons tenir un débat citoyen dans lequel tous les paramètres doivent être pris en compte, qu'ils soient écologiques, économiques ou sociaux.
Quatre grandes questions vont être ouvertes dans le cadre de ce débat sur la transition énergétique
- 1) La consommation
La consommation, la sobriété et l'efficacité énergétiques exigent un changement culturel à tous les niveaux. Nous sommes encore très loin des objectifs pris en matière de réduction de la consommation d'énergie. Il doit donc émerger de ce débat national une grande politique publique de maîtrise de l'énergie qui marquera une rupture avec le consumérisme ambiant, défavorable à la compétitivité économique. La performance énergétique représente un levier considérable de croissance, de performance économique et d'emploi. Il existe aujourd'hui un gâchis d'énergie incroyable. Hier, j'ai visité le salon Pollutec avec Arnaud Montebourg et j'ai pu prendre connaissance de toutes les innovations des entreprises françaises en matière de récupération des déperditions de chaleur. Une chasse au gaspillage doit être engagée en matière énergétique dans divers domaines (valorisation des déchets, rénovation thermique, smart grids, etc.). Or ces actions pourraient aussi favoriser la création d'emplois en grand nombre.
- 2) L'évolution du mix énergétique
Notre mix énergétique global doit évoluer pour résoudre aussi le problème du déficit de la balance commerciale qui est lié à la facture énergétique. Les scénarios d'évolution de la consommation comme de la production devront être débattus. Nous devrons également intégrer nos ambitions en matière de lutte contre le réchauffement climatique et leurs conséquences en termes de transferts d'usage et de demande d'électricité. Au-delà de l'engagement du Président de la République, j'ai la conviction que l'objectif de la transition énergétique ne peut conduire indirectement à augmenter la production de CO2. Une étude d'Enerpresse a montré que la quantité de CO2 dans l'électricité augmente alors que la production d'électricité diminue. Une politique de transition énergétique qui se traduirait par un recours supplémentaire aux énergies fossiles constituerait un contresens historique.
- 3) Les énergies renouvelables
Nous avons l'objectif de fixer, à l'issue du débat national, un cadre clair et stable en matière de développement de toutes les énergies renouvelables quelles qu'elles soient (éolien, photovoltaïque, géothermie, énergies marines, méthanisation, etc.), avec le potentiel considérable dont nous disposons en la matière. Le Gouvernement souhaite fortement que le développement de ces énergies renouvelables se traduise par la création de filières industrielles en amont et évite d'aggraver encore davantage le déficit de la balance commerciale.
Nous avons pris des mesures d'urgence, en cours de discussion au Parlement, pour la filière éolienne afin de donner un signe rapide face à l'effondrement des installations et des implantations d'éoliennes. Des mesures d'urgence sont également proposées pour la filière photovoltaïque, axées sur des critères de qualité et de retombées en termes de valeur ajoutée et de filière industrielle en France, afin de lutter contre des phénomènes de concurrence déloyale. Ces mesures sont aujourd'hui soumises à la Commission de régulation de l'énergie. Ces mesures viennent en soutien de ces filières dans l'attente de la fixation du cadre durable qui sera mis en place par la loi de programmation pour la transition énergétique. Nous tiendrons également, sur cette question du développement des énergies renouvelables, un débat de modèle, en déterminant la façon dont nous devons articuler le modèle français d'une politique énergétique d'Etat issu de l'aprèsguerre, avec la péréquation tarifaire, le réseau national et la sécurité d'approvisionnement et un modèle qui ménagera une plus grande part aux collectivités territoriales qui se sont fortement engagées dans le développement des énergies renouvelables. C'est la raison pour laquelle le débat national sera également décentralisé sur le territoire, à l'image de l'action menée par la région Bretagne sur le pacte électrique breton.
- 4) Le financement
Je me méfie des chiffres qui sont maniés aujourd'hui et qui peuvent susciter des craintes. Quels que soient les choix que la Nation va être amenée à réaliser en matière d'énergie, nous devrons opérer un pic d'investissement. Des décisions n'ont pas été prises au cours des dernières années. Nous devons donc investir aujourd'hui dans les moyens de production, dans les réseaux et dans l'efficacité énergétique de manière considérable. Or cette question du financement a été largement différée.
Le financement des énergies renouvelables, par exemple, repose aujourd'hui principalement sur la CSPE, qui reste largement insuffisante et non viable sur la durée. Sa réforme constituera donc un enjeu majeur de notre débat national sur la transition énergétique, avec tous les leviers de financement à actionner, qu'il s'agisse des certificats d'économie d'énergie ou des systèmes de tiers financeurs. Tous les outils disponibles devront être mobilisés. La Banque publique d'investissement doit représenter la banque de la transition et accompagner les entreprises qui éprouvent des difficultés dans l'accès au crédit sur le marché bancaire classique. La Caisse des dépôts et consignations devra inventer des systèmes de tiers financeur sur lesquels tous les pays européens se penchent aujourd'hui. Enfin, nous devrons établir un modèle de développement viable et durable de tous les investissements à opérer dans les moyens de production et dans les réseaux, en particulier en faveur des énergies renouvelables.
Telles sont les quatre grandes questions de ce débat national auquel je vous invite à participer pleinement, avec la volonté profonde de vous convaincre qu'il s'agit, pour tous les acteurs de la politique de l'énergie, d'une occasion unique, d'une chance, d'une opportunité de construire ensemble une vision décisive pour l'avenir de notre Nation.
Source http://colloqueufe.ufe-electricite.fr, le 15 mars 2013