Déclaration de Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, sur la création et l'innovation dans le domaine du design, Saint Etienne le 13 mars 2013.

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Circonstance : Inauguration de la 8è biennale internationale du design à St Etienne le 13 mars 2013

Texte intégral


Je suis heureuse d'être avec vous aujourd’hui pour l'ouverture de la Biennale du design de Saint-Etienne car ce qui se met en oeuvre ici, dans cette ville, dans cette agglomération, dans ce territoire stéphanois me paraît exemplaire à beaucoup de titres. Saint-Etienne témoigne de la vitalité des politiques culturelles publiques, de ce qu'elles peuvent accomplir de formidable lorsqu'elles se mettent au service du développement d’un territoire dans toutes ses dimensions : économique, sociale, éducative…
Ici, à Saint-Etienne, les politiques culturelles sont certes des politiques artistiques tournées vers la création, des politiques patrimoniales mises en valeur par le label « Ville et Pays d'art et d'histoire », des politiques éducatives de tous les publics mais aussi, et c'est encore rare dans notre pays, des politiques économiques. Saint-Etienne a su inventer le développement économique territorial porté par la culture. C'est un succès. C'est un succès pour Saint-Etienne, c'est un succès pour la culture. C'est un succès pour la France.
Ce qui se joue ici, autour du design, avec le design, est en effet exemplaire de la façon dont la création et l’innovation peuvent transformer profondément un territoire.
Ce qui se joue ici est exemplaire, de la façon dont une politique ambitieuse peut entraîner, peut intéresser, peut concerner à la fois le plus grand nombre, jeunes et moins jeunes, tout en mobilisant toutes les catégories de professionnels.
Ce qui se joue ici est exemplaire, de la façon dont la création peut être le vecteur de l'attractivité internationale d'un territoire.
Vous avez choisi le design. Ce n'est pas un hasard.
Choisir le design, c'est choisir l'innovation et Saint-Etienne a toujours eu le goût de l'innovation et celui de la valoriser. Déjà en 1833, vous aviez le projet de mettre en avant la création industrielle et vous aviez créé le musée d’art et d’industrie. Il y a plus de dix ans, vous avez imaginé cette Cité du design, dont les bâtiments ont été inaugurés en 2009. Cette Cité, qui repose fermement sur ses trois axes fondateurs : développer le territoire par la création, être un acteur du développement du design français, porter l'exigence d'une visibilité nationale et internationale.
Pour atteindre ces objectifs, vous avez choisi l'enseignement et la recherche, la mise en synergie de l'expertise des ingénieurs, des créateurs, des économistes et du marketing et vous avez fait en sorte d'ancrer cette dynamique sur votre territoire en concevant la Cité du design comme une source de valeur ajoutée et de développement économique pour l'ensemble des acteurs de la région Rhône-Alpes. Gageons, cher Ludovic Noël, que de nombreuses entreprises inscrivent ces démarches dans leurs stratégies de développement.
La Cité du design est exemplaire en France des dynamiques à l’oeuvre dans le champ du design. Elle constitue l’un des meilleurs exemples de ce qu’un projet culturel ambitieux peut apporter à son territoire.
J'espère que vous saurez susciter des vocations.
Mais choisir le design, c'est aussi choisir les gens. Il ne s'agissait pas pour vous de créer une bulle « high tech » mais bien d'imaginer un projet proche des habitants, proche de la vie des Stéphanoises et des Stéphanois, proche de la culture de ce territoire qui est une culture du travail, une culture de luttes syndicales, d'engagements politiques forts.
Vous l'aurez compris, Saint-Etienne me rappelle la Lorraine. Nous partageons ces valeurs communes. Les temps peuvent être rudes parfois... La désindustrialisation, le chômage, la pauvreté, mais alors se lève toujours un nouvel espoir et toutes et tous se mettent courageusement au travail.
C'est aussi pourquoi je suis particulièrement touchée par le thème que vous avez retenu, chère Elsa Francès, pour cette édition 2013 de la Biennale du Design de Saint-Etienne : l'empathie ou l'expérience de l'autre. Cela nous dit d'emblée beaucoup sur le design, son rôle, sa place dans notre société. Alors que trop souvent encore on laisse au design la seule place du bel objet, vous allez montrer que le design peut être partout, dans tous les secteurs, dans toutes les activités de la société parce qu’il n’intègre pas seulement une valeur esthétique mais parce qu’il recouvre aussi une utilité sociale. Dans l’habitat, dans l’espace public, dans les transports, dans la santé…le design peut être décliné dans toutes les composantes d’un territoire et contribuer à l’amélioration du cadre de vie de ses habitants. Être plus sensible et attentif à l’autre, comprendre les sentiments et les émotions de l’autre, pour développer de nouveaux usages et mieux répondre à ses besoins et à ses sens.
L'empathie par le design, donc l'empathie par la dimension culturelle, car c'est aussi cela, le projet culturel de la Nation, celui d'une plus grande empathie, d'une plus grande attention à l'autre, à tous les autres.
Pour toutes ces raisons, parce que le design est l'exemple entre tous de l'alliance fructueuse de la culture et de l’économie, de ce redressement créatif au sein du redressement productif, j'ai décidé de donner une place plus importante au design au sein du ministère de la Culture et de la Communication.
Vous le savez sans doute, j’ai initié cette démarche en relation avec Arnaud Montebourg, qui partage avec moi cette conscience de ce que le design peut apporter aux entreprises françaises dans la compétition internationale. Nous avons lancé ensemble, et avec Fleur Pellerin, le 1er mars, les premiers rendez-vous du design qui nous permettront de trouver les voies du développement de la « culture design » de notre pays et de l’intégration de démarches design dans les stratégies des entreprises. Nous travaillons actuellement à la mise en place de ce qu'Arnaud Montebourg a appelé « l'équipe de France du design », qui nous apportera conseils et expertises opérationnels. Nous en reparlerons bientôt.
Outre ce que nous mènerons avec le ministère du redressement productif, je souhaite développer tout particulièrement trois axes.
Je voudrais tout d'abord insister sur le fait qu’il n'y a pas et il n'y aura pas de design sans designers. Ils doivent pouvoir exercer leur profession dans une parfaite sécurité juridique, sur les plans social et fiscal notamment. Je souhaite travailler sur la question de leur statut. Cela va concourir aussi à une meilleur reconnaissance de cette profession, qu'elle soit exercée comme salarié ou comme indépendant.
Les designers indépendants m'ont d'ailleurs alertée sur les difficultés qu'ils rencontrent actuellement dans l'exercice de leur profession, et notamment pour leur régime de sécurité sociale au sein du régime des artistes-auteurs. Avec Marisol Touraine et Jérôme Cahuzac, nous avons lancé une mission conjointe des inspections générales de nos ministères pour réformer le régime des artistes auteurs et nous avons insisté sur la nécessité que les problèmes des designers trouvent leur solution dans la réforme qui sera engagée par le gouvernement.
De la même façon, pour qu'il y ait des designers, il faut aussi des formations performantes. Nous avons engagé le passage au L.M.D. des écoles supérieures d'art, d'art appliqué et de design sous la tutelle du ministère de la Culture et de la Communication. Nous allons les accompagner dans la nouvelle vague d'évaluation qui permet de conférer le grade de master aux diplômes supérieurs qu'elles délivrent. Nous avons aussi restructuré notre mode d'intervention pour le développement de la recherche dans ces écoles. Tout cela est essentiel dans la compétition internationale, pour la reconnaissance de ces écoles pour ce qu'elles sont, de rang et de niveau international.
Nous devons aussi travailler sur l’accès à ces écoles supérieures. Il y a aujourd'hui des formations performantes dans l'enseignement secondaire, des écoles consulaires, des écoles de l’État, d'autres sous tutelle des collectivités...
Est-ce que l'offre de formation est lisible, notamment de l'international ? Est-ce que les passerelles entre les différents cursus existent et peuvent être facilement empruntées ?
Je souhaite y travailler avec tous les acteurs concernés et en premier lieu avec le ministère de l’Éducation Nationale. Il faut que les étudiants de nos écoles reflètent toute la diversité sociale et culturelle et qu’ils puissent nourrir leurs parcours d’une vision internationale. C'est une chance pour la France. C'est aussi une chance pour le design qui se fera dans notre pays.
Dans les tous prochains jours, je réunirai au ministère toutes les écoles d'enseignement supérieur culturel pour aborder ces questions avec leurs directrices et directeurs.
Enfin, la force du design en France passera aussi par l'éducation du plus grand nombre, dès le plus jeune âge, au design. C’est une condition essentielle pour que nos concitoyens de demain apprennent à être les acteurs sensibles et responsables de leur cadre de vie. Sur ce point aussi Saint-Etienne est exemplaire. Le pôle ressources pour l'éducation artistique et culturelle «design» propose des formations aux enseignants. Je sais qu'il attend cette année, pendant la Biennale, plus de 100 formateurs qui vont venir ici se perfectionner. Le pôle forge des outils pédagogiques qui sont largement diffusés. C'est aussi un centre de documentation spécialisé.
Mais ici aussi, on innove, on expérimente. Je sais que le pôle, pour la période qui s'ouvrira à l'issue de cette édition de la Biennale, travaillera sur l'innovation des formes scolaires. Je l'invite aussi à se pencher sur le design des politiques publiques et pourquoi pas des politiques culturelles publiques...
C'est aussi pour cela que ma visite à Saint-Etienne s'inscrit pleinement dans le tour de France de l'éducation artistique et culturelle que j'ai engagé pour valoriser, révéler, les projets exemplaires qui se déploient partout en France en matière d’éducation artistique et culturelle, ce grand projet que le Président de la République a mis au rang de ses priorités.
Je suis impatiente de découvrir, au sein même de la Biennale, les projets d'éducation au design, notamment l’atelier pour enfants Nanocity, imaginé par Matali Crasset. Tout à l'heure je serai au Centre culturel Boris Vian où Lola Diard porte le projet un espace pour tous. Et je serai demain matin à l’École primaire Bergson dans le cadre du projet «Je participe à la rénovation de mon école !».
Le design a contribué à relever l'économie stéphanoise et se plaçant au coeur de la culture stéphanoise. Saint-Etienne est pionnière. En vous désignant Ville du design au sein du réseau international des villes créatives, l’Unesco a reconnu la dynamique exceptionnelle à l’oeuvre sur votre territoire. J’espère que vos savoir-faire s’infiltreront partout en France. Car le design est un vecteur essentiel de la création et de la vitalité de l'économie de notre pays. C'est cela, le redressement créatif, j'en suis intimement persuadée.
Je vous remercie.
Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 19 mars 2013