Déclaration de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur le projet de loi sur la sécurisation de l'emploi, Paris le 2 avril 2013.

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Circonstance : Présentation du projet de loi sur la sécurisation de l'emploi à l'Assemblée nationale le 2 avril 2013

Texte intégral


J’ai l’honneur de vous présenter, au nom du Gouvernement, le projet portant sur la sécurisation de l’emploi, projet de loi issu de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013.
Nous allons avoir, et j’en suis heureux, une discussion sur le contenu précis et technique de tous les articles de ce projet. Cette discussion permettra, j’en suis sûr, de dissiper les malentendus ou de récuser des interprétations erronées de ce projet. Mais je ne suis pas d’abord un technicien – vous non plus – je suis un politique – vous aussi – et je vais d’abord vous parler du sens politique de cette grande avancée qu’est la loi sur la sécurisation de l’emploi.
Dans la période très difficile que nous vivons -où certains aiment à parler de sang, de sueur et de larmes- je suis venu pour proposer du sens, des lueurs d’espoir et des armes, des armes contre le chômage.
Je veux le dire avec des mots simples : Mesdames et messieurs les députés, vous avez dans les mains un de ces textes qui laissent leur empreinte dans une mandature.
Je ne sais si l’accord qui inspire cette loi est historique. Mieux vaut rester modestes devant l’Histoire et son jugement. Mais un évènement qui ne se produit que 3 ou 4 fois par siècle ne saurait être insignifiant ! Et je sais que l’accord du 11 janvier 2013 fera date.
Il marquera l’histoire sociale de notre pays.
Avant de développer mon propos, je vous engage à regarder quelques années en arrière.
Nous sommes le 16 décembre 1984, après six mois d’intenses discussions, au bout d’une nuit tendue dont la négociation sociale a le secret, un protocole d’accord interprofessionnel sur l’organisation du travail semble être trouvé.
Mais après de rudes débats internes, les centrales retirent une à une leur promesse de signature. Un responsable de l’époque, résume la situation : « nous avons été à deux doigts de réussir ce qui aurait peut-être tout changé ».
Les conséquences de cet échec se feront longtemps sentir, plongeant la négociation dans une longue phase de glaciation, incapable de traiter à nouveau ensemble tous les enjeux de l’emploi, n’avançant plus que par petits pas et sans vision refondatrice.
Mesdames et messieurs, je vous propose aujourd’hui une réussite !
Après plusieurs décennies d’avancées positives mais partielles, d’échecs ou de renoncements, l’accord national du 11 janvier 2013 montre que notre pays n’a pas peur d’enjamber ce qui l’entrave, d’ouvrir des voies nouvelles, de prendre à bras le corps les principaux enjeux de notre marché du travail pour fonder un équilibre neuf. Un équilibre dans lequel ce que les uns gagnent n’est pas ce que les autres perdent, mais qui ouvre, comme j’aime à le dire, un nouveau champ de possibles. Qui apporte – je dirais enfin ! - une réponse pour concilier le besoin d’adaptation des entreprises et l’aspiration des salariés à la sécurité de leur emploi.
L’accord, puis le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi, prennent de front les problèmes que notre société traîne depuis trop longtemps : la lutte contre la précarité du travail, la déshérence du CDI, les droits individuels et collectifs, l’anticipation des mutations économiques, la recherche de solutions collectives pour sauvegarder l’emploi dans une conjoncture difficile, la nécessaire refonte des procédures de licenciements collectifs.
Oui, mesdames et messieurs les députés, la France est capable de se réformer profondément, et elle est capable de le faire par le dialogue.
Derrière l’accord, derrière la loi, il y a une méthode : le dialogue social à la française. « Dialogue social », chacun voit ce que cela veut dire. « A la française » mérite une explication, et c’est par là que je veux commencer.
Le XXe siècle a vu deux gigantesques forces s’opposer : le marché et l’Etat. Tantôt l’une s’est imposée, tantôt l’autre. Mais dans les deux cas, la société a souvent été dominée et ses acteurs sociaux, ses corps intermédiaires –il y a peu si décriés par certains- ont manqué d’espace pour s’exprimer.
Le dialogue social, c’est donner la parole à ces acteurs légitimes qui trop souvent n’y ont pas droit -soumis à la dure main invisible du marché ou à la froide rigueur étatique. Donner la parole à ceux qui sont les mieux à même de savoir ce qu’ils veulent, ce qu’ils sont prêts à concéder, et ce sur quoi ils ne cèderont jamais.
Là était déjà l’inspiration des lois Auroux dont nous venons de fêter les 30 ans. Jeune député à l’époque, j’ai eu la chance de faire partie de ceux qui ont vécu ce moment historique où nous avons ouvert des droits collectifs nouveaux dans les entreprises, et en particulier celui de négocier.
Celui justement d’affirmer cette capacité des travailleurs à peser sur leur destin pas seulement par leur capacité à résister mais aussi à construire. A définir eux-mêmes les compromis acceptables ou inacceptables.
C’était la naissance d’un droit, et d’un pouvoir !
C’est aujourd’hui de l’exercice de ce droit et de l’affermissement de ce pouvoir qu’il s’agit.
Et je suis heureux et fier, 30 ans après les lois Auroux, de porter devant vous ce texte, né du dialogue social pour des nouveaux droits des salariés et pour un pouvoir renforcé des travailleurs !
Quand beaucoup s’effrayaient, il y a 30 ans, les plus éclairés des dirigeants d’entreprise avaient déjà perçu la modernité de ces avancées pour le progrès de l’entreprise et de sa performance, La signature des organisations patronales en bas de l’accord du 11 janvier montre le chemin parcouru pour reconnaître la négociation d’entreprise comme un levier du changement, plus sûr que le conflit, plus juste que l’exercice solitaire du pouvoir patronal.
Dans le monde patronal, dans le monde syndical, dans le monde politique, ici même sur les bancs de l’Assemblée Nationale, je sais que tout le monde ne partage pas cette vision. Tout le monde ne croit pas au dialogue social, à sa force, à sa légitimité.
Ceux qui contestent aux syndicats – mêmes aux syndicats majoritaires – cette capacité et cette légitimité, qui les voient comme des idéologues irresponsables et archaïques, des « empêcheurs de tourner en rond », qui leur déni le droit d’intervenir dans la vie de l’entreprise au nom des salariés, ceux-là combattront cette loi.
Ceux-là regretteront le temps soit disant perdu à discuter avec les représentants du personnel.
Ceux-là parleront de « big-bang » social et libéral, dans l’absolutisme patronal érigé en modèle.
Ceux-là regarderont avec mépris cet accord du 11 janvier et la loi, et appelleront de leurs voeux une autre loi pour défaire notre code du travail.
Symétriquement, ceux qui contestent aussi aux syndicats – mêmes majoritaires – cette capacité et cette légitimité, pour d’autres raisons, parce qu’ils les considèrent comme « des marionnettes » entre les mains des patrons, incapable d’affirmer avec les salariés un rapport de force, ou pire encore d’être « des jaunes », ceux-là aussi combattront cette loi.
Ceux-là appelleront à faire barrage à la reprise dans la loi de l’accord –majoritaire- du 11 janvier qui, justement, accroît le pouvoir des représentants du personnel dans l’entreprise.
Ce sont les mêmes, les uns et les autres, qui combattaient hier les lois Auroux ! Si nous les suivons dans cette voie, la notion même d’accord d’entreprise et la légitimité des acteurs sont mis en cause ; les salariés n’ont plus qu’à attendre tout de la loi, ou les patrons n’ont qu’à exercer librement et absolument leur rapport de force.
Ce n’est pas notre vision. Soyons clairs : je ne suis pas un « bisounours », comme le disait avec le sourire un grand dirigeant syndical, Bernard Thibault, à qui je veux dire ici mon estime et mon amitié. Je comprends que certains aient des craintes car des forces contraires s’exercent dans l’entreprise, parfois puissamment.
Je sais que nous avons besoin d’un « ordre public social » et d’une hiérarchie des normes – et ils ne sont d’ailleurs en rien remis en cause par le projet de loi. Je n’ai jamais cédé à cette illusion naïve de l’égalité des forces. Je n’ai jamais cru qu’il n’y ait pas de divergence d’intérêts entre les employeurs et les salariés. Au contraire, c’est parce que des intérêts différents existent que l’on doit chercher et trouver des compromis.
La négociation n’est pas l’effacement des divergences, elle en est le dépassement ! Et je prétends que cet accord et cette loi aideront ce dépassement en donnant de nouvelles armes aux salariés et à leurs représentants !
Demain, mesdames et messieurs les députés, le dialogue social à la française devra prendre plus encore toute sa place. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a proposé qu’il entre dans notre Constitution. « Du dialogue social préalable à la loi », tel est le Titre que le projet de loi constitutionnelle propose d’ajouter à notre loi fondamentale.
Nous aurons l’occasion de débattre bientôt de cette avancée majeure, qui permettra de reconnaître pleinement le rôle de tous les acteurs qui concourent à la souveraineté de la loi dans le champ du social. Un projet qui fera de la démocratie sociale en quelque sorte la soeur cadette de la démocratie politique, unies par le sang d’une même filiation : la République.
Sans attendre, le texte qui nous occupe aujourd’hui en est une illustration, une préfiguration.
Mesdames et messieurs les députés, la démocratie sociale frappe à notre porte, elle demande la confiance des représentants de la Nation.
Mais donner toute sa place à la démocratie sociale n’est pas renoncer à la démocratie politique.
Nous ne sommes pas un pays scandinave, ni l’Allemagne où la cogestion se pratique presque indépendamment de la politique.
Dans notre France, c’est d’abord une impulsion politique qui a donné l’élan au dialogue social. Je veux parler ici de la grande conférence sociale de juillet dernier, qui a rassemblé -au lendemain d’une alternance politique voulue par les Français- les acteurs sociaux, largement, pour partager des constats et fixer une feuille de route commune.
En introduisant cette conférence sociale le Président de la République a donné le cap : « mobiliser les forces vives de notre pays vers des solutions nouvelles pour l’emploi ».
Il y a eu ensuite un document d’orientation du gouvernement pour cette négociation, acte politique qui engageait les partenaires sociaux à rechercher un accord « gagnant-gagnant » sur tous les sujets à la fois, dans un cahier des charges large et ambitieux, et qui engageait aussi l’Etat dans la mise en oeuvre des changements législatifs et réglementaires qui découleraient d’un accord. Ce double engagement fonde en pratique l’articulation de la démocratie politique et de la démocratie sociale, un pacte de confiance.
Alors est venu le temps du dialogue social. 4 mois de négociation intense, avec ses blocages et ses percées, et ses controverses, et l’accord du 11 janvier.
La balle est ensuite revenue dans notre camp, celui des acteurs politiques pour l’une de nos plus belles missions : écrire la loi.
A cet instant nous avons, gouvernement comme parlement –et je m’adresse à tous d’un bord à l’autre de l’hémicycle- un double devoir politique :
* Un devoir de loyauté vis-à-vis des signataires de l’accord, qui se sont engagés en apposant leur signature sur un compromis négocié, où chaque mot, chaque chiffre, chaque paramètre, a été pesé et équilibré.
Cet équilibre doit être respecté, même si chacun selon sa sensibilité ou son groupe politique peut penser que telle disposition va trop loin ou pas assez. Exactement comme le MEDEF, la CFDT, la CGPME, la CFE-CGC, l’UPA ou la CFTC peuvent chacun regretter que la totalité de son propre cahier revendicatif n’ait pas été repris dans l’accord. C’est cela un compromis social, tous ceux qui ont fait du syndicalisme le savent !
Cet équilibre doit être respecté sous peine de tuer toute démarche fondée sur le dialogue social dans le futur : si l’accord ne vaut rien, si son contenu peut être redéfini, à quoi bon négocier et s’engager par une signature ? Votre responsabilité sur ce point est immense, et dépasse la portée même de ce texte, je suis certain que vous en êtes conscients.
* Second devoir, après celui de la loyauté, l’écoute et la transparence vis-à-vis des non-signataires, CGT et Force Ouvrière, qui ont participé à la négociation et qui dans celle-ci ont apporté leur contribution même s’ils n'adhèrent pas, cette fois-ci, à l’équilibre final. Je dis « cette fois ci » car il y a peu nous avons examiné ici le projet de loi sur le Contrat de Génération issu d’un accord unanime, et je suis certain que nous en examinerons d’autres demain.
Le fait que les non-signataires soient minoritaires –minoritaires au regard des règles actuellement en vigueur, et minoritaires aussi au regard des futures règles de représentativité fondées sur les mesures d’audience dévoilées vendredi dernier- ne change rien à cette écoute.
Mais, pardon de le dire, le fait d’être minoritaire ne confère pas à ces organisations –dont je respecte parfaitement la liberté de choix- une légitimité supérieure à celle des organisations majoritaires qui ont signé ce texte, et qui ont pris le risque du compromis en considérant qu’il faisait avancer les droits des salariés et l’emploi dans notre pays.
Nous savons dans cette enceinte ce que veut dire le respect des minorités mais aussi ce que veut dire la légitimité de la majorité à imprimer ses choix. Je me réjouis, comme vous, que ces principes démocratiques fondent désormais, comme l’avaient voulu dans leur déclaration commune de 2008 la CGT et la CFDT, la représentativité des organisations syndicales. La démocratie sociale n’est est que plus forte.
C’est ce double principe de loyauté et d’écoute qui a animé le Gouvernement dans le passage de l’accord au projet de loi.
Comment aurais-je pu me présenter devant vous, en tant que ministre du dialogue social, avec un projet défaisant ou dénaturant un accord valablement conclu ? Cela aurait été déconsidérer et affaiblir des acteurs qui ont au contraire besoin d’être confortés. Cela aurait été condamner le dialogue social à errer quelque part entre l’inutilité et la perte de temps.
La démocratie sociale n’est pas un « tour de palabres » sans conséquence avant que ne commencent les « choses sérieuses », c'est-à-dire que le gouvernement et le Parlement proposent et décident d’un projet différent.
Pour avoir été parlementaire de longues années, je sais la difficulté de faire la loi. Peut être certains se demandent - pardon d’y revenir encore une fois, mais c’est fondamental à l’ouverture de ce débat - « A quoi sert-il d’avoir un accord quand on peut faire par la loi ? » Ma réponse est la suivante : je suis intimement convaincu que le dialogue social donne une force différente mais considérable à la loi
- parce que l’accord est le mieux à même de trouver le bon point d’équilibre,
- parce que l’accord fait des parties-prenantes non les exécutants d’une loi mais les acteurs d’un changement désiré et décidé par eux-mêmes, un changement qui entrera donc plus sûrement et plus vite dans les faits,
- parce que les compromis que trouve l’accord sont durables, et résisteront au temps et aux alternances,
- mais plus encore que tout parce que l’accord est tout simplement légitime !
L’accord du 11 janvier n’était cependant pas parfait, et c’est normal compte tenu de son ampleur, de la complexité des sujets traités dans des délais courts, et -il faut le dire aussi- de ce que certaines ambiguïtés ont été conservées, parfois à dessein pour ne pas compromettre sa signature, renvoyant de fait au Gouvernement et au Parlement le soin de les lever.
Là où l’accord du 11 janvier laissait des ambiguïtés ou des incertitudes, là où il était silencieux, des choix clairs ont donc été opérés par le Gouvernement. Le Conseil d’Etat a également joué son rôle en alertant le Gouvernement sur des risques, et en validant la pertinence juridique de la quasi-totalité des dispositions du projet. Le Gouvernement, dans une optique de sécurisation maximale pour les entreprises comme pour les salariés, a suivi ses recommandations.
Un certain nombre de précisions ont donc été apportés – sur la complémentaire santé, sur les modalités de désignation des salariés dans les conseils d’administration, sur les accords de mobilité- j’y reviendrai.
Elles ont été apportées en toute transparence avec une seule grille d’analyse : quelle est l’option la plus favorable pour répondre à l’ambition de sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels et la plus conforme à l’intérêt général ?
Vous êtes désormais saisis du projet de loi, et c’est maintenant la souveraineté nationale qui va s’exprimer, dans sa plénitude.
Pas réduite par l’apport du dialogue social, mais au contraire enrichie.
Pas contrainte, mais guidée par cette démarche de loyauté et d’écoute.
Légitime, mais d’autant plus légitime qu’elle aura à coeur de respecter l’accord signé.
Pas moins de pouvoir, mais au contraire un pouvoir plus fort de changer la société, parce qu’appuyé sur les forces mêmes de cette société.
Mesdames et messieurs les députés, je m’en réjouis, vous avez abordé ce texte en commission de la bonne façon, en apportant des précisions utiles sans dénaturer le texte ni modifier son équilibre. Je tiens à rendre hommage au travail
- du rapporteur Jean Marc GERMAIN,
- des députés qui l’ont assisté dans cette tâche,
- de la commission des affaires sociales et de sa présidente Catherine LEMORTON,
- mais aussi de la commission des lois qui s’est emparée de l’article 5 sur la représentation des salariés dans les conseils d’administration, et j’en remercie son président Jean-Jacques URVOAS et son rapporteur Jean-Michel CLEMENT,
- de la délégation des droits des femmes sous l’impulsion de sa présidente Catherine COUTELLE et des rapporteurs Christophe SIRUGUE et Ségolène NEUVILLE
- et des groupes politiques.
Quelque chose s’est produit avec ce texte. Dans chaque groupe, vous avez auditionné l’ensemble des acteurs, vous avez discuté, vous avez confronté les positions, et vous êtes allés au-delà des présupposés.
Nous savons tous qu’il fut un temps – autrefois – où le patronat parlait à la droite seulement et la CGT au seul parti communiste. Ce temps est révolu, et il faut s’en réjouir.
J’en viens maintenant au contenu du projet de loi en lui-même.
Pour le lire posons-nous une question, la seule qui vaille, la seule que se posent et que nous posent nos concitoyens : comment sécuriser l’emploi ?
Le projet de loi apporte trois types de réponses à cette question avec des dispositions :
* Pour faire reculer la précarité ;
** Pour créer des droits nouveaux, individuels et collectifs, pour les salariés;
*** Pour développer des outils de préservation de l’emploi dans un contexte économique difficile.
Mesdames et messieurs les députés, aujourd’hui plus de 8 embauches sur 10 se font sur un contrat précaire. Jamais cette proportion n’a été aussi élevée. Le nombre de CDD très courts, de moins d’un mois, a doublé depuis 10 ans. Le CDI a cessé d’être la norme. Un véritable dualisme s’est installé dans notre marché du travail, dont les premières victimes sont les jeunes, et les femmes.
C’est la première des insécurités de l’emploi, et donc le premier défi d’un projet de loi pour la sécurisation de l’emploi.
Agir contre la précarité, c’est d’abord encourager le recours au CDI en modulant les cotisations d’assurance chômage : augmentation dès le 1er juillet pour les CDD en particulier les CDD courts ; diminution pour les embauches de jeunes en CDI. Ce mécanisme vertueux de modulation était évoqué depuis 20 ans. Il sera enfin réalisé ! Les partenaires sociaux au sein de l’UNEDIC fixeront les taux de cette modulation. L’accord du 11 janvier en donne les paramètres aujourd’hui, et les partenaires auront à coeur d’en mesurer les effets et pourront, sur la base du principe fixé par la loi, les faire évoluer s’ils le souhaitent. De même ils seront attentifs à ce que les négociations dans la branche du travail temporaire pour une meilleure sécurisation portent les fruits attendus, et en tireront les conclusions. Le Gouvernement lui aussi y sera particulièrement attentif et, j’en ai l’intuition, les parlementaires également.
Agir contre la précarité, c’est également instaurer des droits rechargeables à l’assurance chômage qui seront mis en place dans la prochaine convention d’assurance chômage cet automne. Pour les salariés aux parcours heurtés, ceux qui passent trop souvent par la « case » chômage, l’accord permettra une amélioration substantielle de leur prise en charge.
Prenons un exemple. Aujourd’hui, après 10 ans au sein de la même entreprise, un salarié licencié se voit ouvrir un droit à indemnisation de 24 mois. Après 6 mois de recherche, il décroche un CDD de 6 mois, moins bien payé. Que faire ?
L’accepter ? Mais s’il n’est pas reconduit, les 12 mois restants des droits d’indemnisation ouverts par son premier emploi risquent d’être perdus. Demain, ces droits seront conservés.
Agir contre la précarité c’est prendre des mesures relatives au temps partiel, trop souvent subi. Le projet de loi constitue un pas en avant très important, puisqu’il fixe une durée minimale hebdomadaire de 24 heures, limite les horaires dispersés et crée une majoration salariale dès la première heure complémentaire effectuée. C’est une avancée pour le revenu des personnes concernées mais aussi l’accès aux droits sociaux qui obéit à des seuils : indemnités journalières en cas de maladie, couverture chômage, formation professionnelle, validation au titre de la retraite. Désormais le « petit » temps partiel ne sera possible qu’à titre dérogatoire, à la demande du salarié ou par accord de branche si, et seulement si, l’organisation du travail est revue pour éviter les horaires dispersés.
Ce progrès profitera tout particulièrement aux femmes, premières touchées par le temps partiel subi. En ce sens, il est une avancée supplémentaire vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Bien sûr un tel changement n’est pas simple dans un certain nombre de secteurs d’activité qui reposent intrinsèquement sur du temps partiel, nous aurons à en débattre, mais les partenaires sociaux se sont montrés ambitieux, suivons-les.
Au passage, je ne résiste pas à glisser un mot pour souligner les points communs mais aussi les différences avec la reforme du marché du travail en Allemagne il y a quelques années, que d’aucuns aiment à citer en exemple. Aux côtés d’actions de sauvegarde de l’emploi très remarquables et très efficaces dont nous pouvons nous inspirer, nos amis allemands ont développé une stratégie de « petits boulots » précaires et sans droits qui a créé une dualité insupportable socialement, sur laquelle d’ailleurs ils s’efforcent aujourd’hui de revenir. L’accord du 11 janvier et le projet de loi tournent le dos à cette approche de précarisation absolue et au contraire renforcent les droits des précaires, tirant les leçons de l’expérience allemande sur ce point également.
Sécuriser l’emploi, cela passe aussi par des droits nouveaux pour les salariés qui en sont privés, notamment les précaires ou les salariés des petites entreprises. Et le premier de ces droits, c’est le droit à la santé via la généralisation de la couverture complémentaire collective, et sa portabilité.
Les situations de renoncement aux soins pour des raisons financières sont insupportables et nous blessent tous dans nos convictions. 4 millions de salariés n’avaient pas accès à une complémentaire collective cofinancée par leur employeur, et plus de 400 000 salariés se passaient totalement de complémentaire faute de pouvoir y souscrire individuellement. Ce n’était pas admissible !
Ces salariés, qui sont-ils ? Pas des cadres ou des salariés de grandes entreprises, non, ce sont les précaires, les mères célibataires, ceux qui alternent petits boulots et périodes de chômage. C’est pour eux que nous agissons et c’est pour eux que la complémentaire obligatoire – qui n’est ni un gadget ni un luxe – a du sens.
La négociation sera privilégiée pour mettre en place cette complémentaire mais, si aucun accord de branche puis d’entreprise n’est trouvé d’ici là, sa mise en place sera effective au 1er janvier 2016. Elle n’a donc rien de virtuel, pas plus qu’elle ne sera une manne pour les assurances privées : les branches pourront émettre des recommandations sur le choix de l’organisme et, si les partenaires sociaux le souhaitent, ils pourront désigner après une mise en concurrence effective et transparente des organismes assurant un régime mutualisé au sein de la branche. Je sais que nous aurons des débats sur ce point, qui fait partie de ceux sur lesquels le projet de loi a dû clarifier un texte de l’accord parfois contradictoire et donc inapplicable.
Autre avancée très importante : le compte personnel de formation transférable, ce compte qui suivra le salarié tout au long de son parcours, fût-il fait de multiples changements. Aujourd’hui quitter son emploi occasionne souvent une perte de ses droits à la formation, alors que c’est à ce moment que la formation est la plus nécessaire. Voilà une réponse par le haut, en phase avec de nouvelles réalités du travail, la fin de la carrière à vie, « les 40 ans dans la même boîte ».
Cette approche, nous sommes nombreux à en rêver depuis des années. Objet de colloques innombrables, objet de revendication de toutes les organisations syndicales depuis des années, attente de nos concitoyens : ce sera demain, grâce à vous, une réalité.
La loi pose ici les principes fixés par l’accord, mais sur ce socle l’édifice à construire va mobiliser à nouveaux les partenaires sociaux –tous les partenaires-, les régions, l’Etat, pour aller vers ce compte personnel universel qui sera un pilier central de la « sécurité sociale professionnelle ». Un chantier bien engagé grâce à l’accord du 11 janvier et la présente loi. Des amendements déposés à l’article 2 permettront d’aller plus loin dans la précision des principes de ce compte et dans ses modalités de mise en oeuvre.
Dans ce même esprit de sécurisation, le texte crée un droit à la mobilité professionnelle sécurisée, pour pouvoir tenter une expérience dans une autre entreprise et revenir ou rester selon le souhait du salarié, ou encore un conseil en évolution professionnelle.
Voilà le sens d’une loi qui sécurise l’emploi !
Au-delà de ces progrès, que les partenaires sociaux comme le gouvernement ont voulus, la profonde nouveauté de ce texte, est de donner aux acteurs économiques et sociaux, la capacité de préserver ensemble l’emploi.
Aujourd’hui, faute d'anticipation suffisante des évolutions de l'activité et des compétences, faute d'information satisfaisante des salariés, faute aussi de négociations avec les partenaires dans les entreprises, celles-ci n'anticipent pas assez les crises, ou gardent secrète la réalité de leur situation jusqu'à ce qu'il soit trop tard. Alors, au pied du mur, il n'y a plus qu'une seule solution : licencier. On commence par les intérimaires et les CDD, puis on taille ensuite dans la masse.
La faiblesse de notre marché du travail est beaucoup là : l'emploi est trop souvent la variable d'ajustement, la flexibilité externe est privilégiée. C’est ce que j’appelle « la préférence française pour le licenciement ».
Le sens de la loi, c’est de changer cette donne de courte vue qui ne sert personne, ni les entreprises, ni les travailleurs. Le projet de loi donne les moyens d’agir ensemble. Elle offre des alternatives au licenciement. Ce sont les accords de maintien de l’emploi, l’activité partielle, la mobilité interne et externe.
Voilà jetées les bases du nouveau modèle français, un modèle capable de rechercher plus de compétitivité en combattant l’insécurité juridique et la peur d’embaucher, mais qui le fait non pas en précarisant davantage, mais en anticipant davantage, en sécurisant davantage les parcours professionnelles, tout en apportant des garanties collectives nouvelles.
A ceux qui rêvent d’un « big bang » social, d’un grand soir de la flexibilité –j’en parlais au début de mon intervention- je dis que la réalité s’est dérobée sous leurs pieds, ce soir du 11 janvier 2013.
Ils croient incarner la modernité, ils sont en vérité terriblement archaïques, si loin de ce que les acteurs économiques et sociaux eux-mêmes sont capables de construire ensemble. Ils croyaient que notre pays ne pouvait pas se réformer par le dialogue. Ils avaient tort. Leurs appels à « une hyper flexibilité du marché du travail » ont été défaits par les acteurs eux-mêmes, patronat et syndicats.
Tout simplement parce qu’ils n’ont pas compris, ces partisans du « big bang » libéral, ce qu’est la réalité des entreprises aujourd’hui. Les entreprises ne cherchent pas la flexibilité à tout prix, elles ont avant tout besoin de stabilité juridique. Elles ne cherchent pas tant à licencier facilement qu’à gérer leurs talents et leurs compétences avec des capacités d’adaptation et de mobilité. Elles ne cherchent pas une main d’oeuvre taillable et corvéable à merci, mais comprennent l’intérêt d’avoir des salariés mieux formés et protégés. C’est tout cela que nous dit, aussi, l’accord du 11 janvier.
Notre société est fatiguée de la défiance. Avec cet accord, nous ouvrons un cycle de confiance !
C’est de cela dont la société a besoin et non d’une flexibilisation sans contrepartie qui noierait les travailleurs dans la précarité.
Ce que nous recherchons, c’est un véritable accord de société.
Que l'on ne se méprenne pas sur le sens des dispositions dont nous parlons : il ne s’agit pas d’un échange entre la flexibilité pour les entreprises et la sécurité pour les salariés. Ou l’inverse : la flexibilité pour les salariés, la sécurité pour les entreprises. Ce serait une vision trop réductrice. Ici, chacun gagne sur les deux tableaux : la loi apporte aux salariés davantage de protection de leur emploi ou de leur parcours, tout en leur donnant des marges d’évolutions nouvelles (compte personnel de formation, mobilité externe sécurisée…). L’accord donne aux entreprises des marges d’adaptation nouvelles (chômage partiel, maintien de l’emploi) et apporte plus de sécurité juridique sur les délais et les procédures. Il y a pour tous plus de capacité d’adaptation et plus de sécurité.
Je suis foncièrement convaincu que ceux qui prônent la flexibilité poussée à l’extrême n’ont pas compris ce qu’est la France : un pays qui a patiemment construit son modèle social. Il ne s’agit pas là seulement de dispositions sociales ou juridiques, c’est une part de notre identité. On ne raye pas d’un trait de plume un siècle et demi de combats sociaux, pour le dernier terme à la mode. Et on le fait encore moins pour ressembler à un autre pays.
Non, la France doit tracer sa route, affirmer son modèle. Un modèle social « made in France », et la caractéristique de ce modèle, c’est qu’il est négocié. Et j’en viens naturellement aux pouvoirs de négociation qui seront donnés, demain, aux acteurs économiques et sociaux pour anticiper et accompagner les mutations économiques et in fine sauver et développer les emplois.
Pour reprendre la phrase de Jaurès dans un beau discours écrit en 1911 où il décrit « la chaîne qui entrave les esprits », il a fallu de la lucidité et du courage pour « s’arracher à l’ordre des choses » et signer l’accord du 11 janvier 2013.
S’arracher à l’ordre des choses, c’est prendre le pouvoir de négocier. Je le dis aux acteurs : prenez ce pouvoir ! Prenez ce pouvoir d'éviter, par la négociation, que des emplois soient détruits : accords de Gestion Prévisionnelle de l’emploi et des Compétences (GPEC), accords de maintien de l’emploi, entrée des salariés dans les conseils d’administration des grandes entreprises, meilleure information des Institutions Représentatives du Personnel (IRP), possibilité de conclure des accords valant Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE). Voilà les combats qui sont devant nous, pour l’emploi !
C’est sur ces points que se cristallisent les enjeux… et les interpellations aussi. Le débat doit avoir lieu, je le souhaite, pas sur des slogans ou des approximations mais sur le contenu réel de la loi, et sur la logique politique qui l’anime.
Les accords de maintien de l'emploi permettront demain de trouver une alternative au licenciement et au chômage, tout en apportant des garanties solides aux salariés : - D’abord, première garantie, la difficulté conjoncturelle de l’entreprise doit être avérée, appuyée sur un diagnostic dressé avec les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise,
- Ensuite, deuxième garantie, l’accord devra être signé par des syndicats représentant la majorité des salariés. Ce qui veut dire que si le chef d’entreprise veut un accord, il devra convaincre la majorité de s’engager par sa signature. C’est une garantie particulièrement forte.
- Troisième garantie, ces accords auront une durée ne dépassant pas deux ans et, dans ce temps imparti, l’entreprise ne pourra pas licencier.
- Quatrième garantie : les plus bas salaires (tous ceux qui se situent en deçà de 1,2 SMIC) ne pourront pas être concernés, même temporairement, et aucun salaire ne pourra être diminué en-dessous de 1,2 SMIC, la commission a apporté des précisions utiles sur le sujet.
- Cinquième garantie à laquelle je tiens particulièrement : s’ils demandent des efforts aux salariés, les dirigeants et actionnaires devront en faire aussi, notamment en termes de rémunération.
- Enfin, sixième garantie, tout salarié qui refuserait de se voir appliquer personnellement un tel accord collectif ne pourra être considéré comme « démissionnaire » ou licencié pour motif personnel. Il s’agira d’un licenciement économique avec accès aux mesures de reclassement comme le contrat de sécurisation professionnelle.
Voilà qui tranche avec « feu » les accords compétitivité emploi ! Voila qui prouve que ce qui vous est proposé aujourd’hui, l’accord de maintien de l’emploi, n’a rien à voir avec ces accords dit de « compétitivité – emploi » d’autant plus que ceux-ci sont restés à l’état de projet faute de partenaires sociaux pour accepter d’en négocier les termes !
Outre les accords de maintien de l’emploi, l’activité partielle sera simplifiée et fondue dans un dispositif unique et lisible. Nous avons besoin d’utiliser davantage ce type de dispositif pour passer les moments difficiles sans sacrifier les compétences accumulées. D’autres que nous ont su le faire mieux que nous ailleurs en Europe : à notre tour nous pouvons faire mieux !
Autre grande innovation de ce texte, la capacité d’anticipation renforcée dans les Institutions Représentatives du Personnel (IRP) et vis-à-vis des représentants du personnel. Les salariés seront désormais mieux informés et mieux consultés, en disposant d’une base de données qui rassemble et actualise toutes les informations dont ils ont besoin. Et ils débattront des orientations stratégiques de l’entreprise, et pourront ainsi peser par le débat davantage qu’aujourd’hui. Si chacun joue le jeu, et se saisi loyalement de ces nouvelles dispositions, la nature du dialogue social interne en sera changé.
Enfin, des représentants des salariés feront leur entrée dans les conseils d’administration des grandes entreprises, et participeront, pleinement, comme administrateur, à la gouvernance. Cela existe déjà depuis la loi de démocratisation du Service Public de 1983 pour les entreprises publiques, à la satisfaction générale et souvent d’ailleurs cette présence a été conservée après la privatisation, mais désormais toutes les grandes entreprises seront concernées au-delà de 5000 salariés en France ou 10 000 dans le monde. Environ 1 salarié sur 4 travaille dans ces grandes entreprises. Je sais les craintes que génère cette petite révolution pour les Conseils d’Administration ou de Surveillance d’entreprises cotées, avec parfois des actionnaires étrangers à la table du conseil, mais je vous certifie que dans quelques années chacun trouvera cette présence naturelle et utile, comme les lois Auroux apparaissent aujourd’hui à tous comme une évidence.
Il y aura un temps de mise en place, aussi rapide que raisonnablement possible, et il y aura un temps d’apprentissage réciproque, mais voilà un progrès décisif de la gouvernance des entreprises. Je sais l’impatience d’une partie d’entre vous qui souhaiterait aller encore plus vite et déjà encore plus loin, le débat en commission en témoigne. Nous en discuterons mais mesurez d’ores et déjà l’avancée majeure que représente cette entrée des salariés dans les conseils d’administration. Ce n’est pas un modeste premier pas, c’est une percée décisive dont les modalités pourront naturellement évoluer dans le temps après la phase d’appropriation nécessaire.
Après la lutte contre la précarité, après les droits nouveaux, après la mobilité, après les outils de maintien de l’emploi, après l’anticipation et la gouvernance, j’en viens à la façon de gérer les restructurations lorsque, hélas, il n’est plus possible d’éviter des suppressions d’emploi. Et nous allons parler des nouvelles modalités de licenciements collectifs.
L’accord du 11 janvier et le présent projet de loi refondent radicalement la méthode et la procédure de ces licenciements collectifs.
Dans le cas d’un projet de fermeture de site, la recherche d’un repreneur et l’information des représentants du personnel sur cette recherche seront systématique.
Dans tous les cas, demain, pour mettre en place un PSE, deux options et deux options seulement s’ouvriront :
- Soit un accord majoritaire vaudra PSE, ce qui signifie que l’entreprise mettra les moyens nécessaires pour convaincre les organisations représentant plus de 50% des salariés à s’engager sur le plan négocié,
- Soit une homologation par l’Etat du PSE proposé par l’entreprise. L’Etat s’assure alors que l’entreprise consacre les moyens nécessaires, proportionnés à sa situation, au plan social et respecte ses obligations.
D’un côté, toujours cette logique privilégiée du dialogue social, avec la garantie renforcée de l’accord majoritaire. Et en échange bien sûr une plus grande simplicité, rapidité et sécurité du plan.
De l’autre le retour de l’Etat, près de 30 ans après la suppression de l’autorisation administrative de licenciement, un Etat garant qui va s’assurer que les efforts de l’entreprise pour minimiser les impacts du PSE pour les salariés seront bien réalisés.
L’Etat ira vite pour rendre sa décision, parce que dans ce type de situation ce qui compte ce n’est pas de « gagner du temps », de retarder le plus possible les décisions, c’est de peser sur ces décisions pour que celles-ci prennent mieux en compte les possibilités de reclassement, d’accompagnement, de réindustrialisation. C’est cela qu’attendent les salariés, pas des victoires hypothétiques devant un juge 3 ans après quand l’usine a disparu, c’est cela qu’attendent les entreprises qui préfèrent un effort supplémentaire contractualisé à une incertitude totale.
Il est faux de prétendre que le licenciement sera plus facile.
Tout comme l’accord majoritaire, l’homologation administrative est une avancée pour les salariés. L’Etat ne pouvait jusqu’alors que donner un avis. Demain, sans sa décision d’homologation, rien ne pourra se faire. Pour les entreprises, les procédures seront cadrées juridiquement et dans le temps. C’est la condition pour trouver des terrains d’entente car, je le redis, personne ne peut se satisfaire d’une procédure judiciaire longue, complexe, incertaine, qui paralyse l’entreprise sans pour autant apporter une solution en terme d’emploi au salarié licencié.
Je récuse par ailleurs l’expression de « déjudiciarisation » utilisée à propos de ce texte, car elle est trompeuse si elle est assimilée à la suppression de la possibilité de faire appel au juge pour faire valoir ses droits. Ce n’est pas de cela dont il s’agit ici, mais de l’encouragement à trouver par le dialogue social une autre voie, plus sûre et plus équilibrée, qui rende aussi inutile que possible le recours au juge, juge qui restera en toute hypothèse un droit pour chacun qui voudra contester l’accord, l’homologation ou le refus d’homologation, comme pour chaque salarié à l’issue d’un licenciement s’il veut en contester le motif. Dans notre société démocratique chacun, évidement, a droit à un juge !
Voilà pourquoi les nouveaux pouvoirs de négocier ont du sens, à la condition ultime que l’Etat d’une part, notre système judiciaire d’autre part, restent, au final, garants du respect de l’ordre public social et de la faculté de chacun de faire valoir ses droits devant un juge.
Sur ce retour de l’Etat garant dans les procédures de licenciements collectifs, un mot encore. J’entends parfois mis en doute la capacité de mon administration, les Direcctes, à remplir cette nouvelle mission.
Je veux vous rassurer sur ce point, et rendre justice au professionnalisme des hommes et des femmes de ces services, d’ailleurs déjà très mobilisés sur les plans de sauvegarde de l’emploi actuels :
- ils suivront la nouvelle procédure dès son démarrage et pas à la fin,
- ils seront prêts, ils se seront formés, ils se seront organisés,
- ils seront vigilants et exigeants vis-à-vis des projets de PSE qui leur seront soumis.
- Il n’y aura pas d’homologation « tacite » pour non-réponse au bout de 21 jours, chaque demande sera instruite et fera l’objet d’une décision motivée et explicite, en référence à des orientations que je donnerai par voie de circulaire aux Direcctes.
J’aurais pu développer davantage, mettre en lumière encore d’autres avancées de ce texte. Mais je vais conclure ici, et la discussion du texte permettra d’y revenir.
Une nouvelle fois je voudrais saluer le travail du rapporteur Jean Marc GERMAIN, des députés qui l’ont assisté, saluer le travail de la commission des affaires sociales et de sa présidente Catherine LEMORTON qui a apporté au projet du Gouvernement d’ores et déjà des améliorations utiles, dans le strict respect de l’équilibre de l’accord.
Je sais que nous partageons la volonté de poursuivre dans le même état d’esprit, pour qu’ensemble nous apportions aux entreprises et aux acteurs sociaux de notre pays ce dont ils ont besoin : une meilleure sécurisation de l’emploi !
Mesdames et messieurs les députés, vous comprenez maintenant ma détermination farouche à vous demander d’adopter un texte de loi qui porte la sève nouvelle d’une démocratie sociale dans entreprise, un grand texte de progrès social qui bâtit l’avenir mais apporte aussi des réponses concrètes et équilibrées à l’urgence de l’heure : sécuriser l’emploi.
Sécuriser l’emploi ! C’est urgent mesdames et messieurs les députés. Nous avons besoin de cette loi, pour éviter des licenciements, pour anticiper sans drame les mutations, pour être prêts à saisir demain la croissance qui repartira.
Une force est mise en mouvement par ce texte. Elle changera certains aspects essentiels de la vie dans les entreprises, comme d’autres grands accords et grandes lois ont su le faire, des accords Matignon aux accords de Grenelle et aux lois Auroux.
Ce texte, mesdames et messieurs les députés, est dans la ligne de ces grands moments qui ont marqué de grands progrès, qui ont balisé le sens du progrès, qui ont fait le progrès social. Il vous appartient désormais d’y participer !
Je vous remercie.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 3 avril 2013