Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement à BFM le 16 avril 2013, sur les déclarations de patrimoine des hommes politiques et les mesures préconisées par la Haute autorité de déontologie.

Prononcé le

Média : BFM TV

Texte intégral


JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d’être avec nous. Est-ce qu’on peut être de gauche et riche ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, tout comme on peut être de droite et pauvre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, sans aucun souci.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Sans aucun souci, la seule question qui se pose, et celle d’ailleurs à laquelle, il faut que les responsables politiques répondent, c’est celle du rapport éthique à l’argent, au pouvoir. Et donc la question qui se pose, c’est d’une part évidemment, comment est-ce que cet argent, ces biens, ont été acquis, et en faisant en sorte que ça ne soit pas de façon malhonnête, indu et donc tout cela vérifier par la Haute Autorité de Déontologie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais y revenir oui.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et puis la deuxième question qui se pose et c’est l’intérêt de la publication des déclarations de patrimoine, en début comme en fin de mandat ou de responsabilité, c’est : y a-t-il eu enrichissement au cours du mandat qui serait là encore inexpliqué, inexplicable, et dû à des privilèges qu’on aurait tiré de sa fonction.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, cela dit on peut ne pas s’être enrichi mais avoir beaucoup dépensé aussi pendant son mandat Najat VALLAUD-BELKACEM. Mais je…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, mais votre remarque est juste, d’où je reviens à ce que je disais, ce qui compte ce n’est pas l’argent que l’on possède, c’est d’une part, comment on l’a obtenu et le rapport éthique que l’on a avec cet argent. Et quand on est de gauche, ce qui est importe, c’est le projet de société que l’on a. C’est une certaine idée de la redistribution du fait, que la société doit être plus juste, pour permettre à ceux qui n’ont rien à la base de s’en sortir tout de même et d’avoir accès à des opportunités. Et vous savez, ceux qui parmi nous, ont quelques bien, quelques richesses et bien, pour le coup, paient leurs impôts, participent à un gouvernement dans lequel…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, Laurent FABIUS, Michèle DELAUNAY, Michel SAPIN, qui sont les ministres les plus riches du gouvernement, oui…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Auxquels on a augmenté la pression fiscale sur les plus aisés. Donc sur eux-mêmes, donc je crois que c’est ça qu’il faut avoir en considération avant tout.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Cette déclaration du patrimoine, c’est irréversible, Najat VALLAUD-BELKACEM ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C’est un moment important, en effet, je crois qu’il vient de se passer quelque chose d’extrêmement important, une espèce de renouveau de notre vie politique, par cet acte, qui n’est acte…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez loin quand même !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Parmi d’autres. Je vais vous expliquer qui n’est qu’un acte parmi d’autres, mais il ne faut pas oublier l’ensemble du paquet présenté par le président de la République, qui vise à recréer un lien de confiance indispensable avec les Français, qui s’était lentement miné, décomposé, ces dernières années.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous croyez que c’est cette mesure-là qui va recréer un lien de confiance avec les Français, franchement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Encore ce n’est qu’une mesure parmi d’autres, mais c’est le premier pas, c’est le premier pas. Quelles sont les autres mesures ? C’est évidemment la vérification des déclarations en question par une Haute Autorité de Déontologie qui aura les moyens de son fonctionnement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Arrêtons-nous, arrêtons-nous, ces déclarations de patrimoine sont maintenant rendues publiques, une Haute Autorité va les examiner de près ces déclarations ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Absolument, avec la possibilité, le pouvoir de saisir les services fiscaux, pour procéder à toutes les vérifications nécessaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si cette Haute Autorité constate qu’il y a une question vraiment et qu’il y a peut-être une forme de tricherie, automatiquement, les services fiscaux seront saisis et pourquoi pas la justice ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bien sûr ! Bien sûr ! D’ailleurs je vous rappelle que d’autres mesures sont prévues dans le pacte en question…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors lesquelles ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Notamment la création d’un Parquet spécifique, consacré à la question de la fraude fiscale complexe, du blanchiment d’argent, avec des moyens importants, avec 50 enquêteurs, policiers-enquêteurs, avec 50 magistrats, avec 50 administrateurs fiscaux qui vont pouvoir procéder à des vérifications, aller très loin, avec des méthodes d’enquête notamment au sein d’un office central de répression de la fraude et de la corruption qui va être mis en place là encore de façon totalement inédite. Et donc ce Parquet, cet Office Central, vont être de nouveaux outils au service de la lutte contre la fraude fiscale, contre le blanchiment, contre le blanchiment contre la corruption. Ca c’est une chose. Vous avez ensuite, tout ce que nous allons faire contre les conflits d’intérêt pour non pas attendre, que ces conflits d’intérêt aient eu lieu pour sévir, mais les prévenir en amont.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors justement, justement, est-il vrai, est-ce que vous allez aller jusqu’au bout ? Est-ce que vous allez interdire à un parlementaire, par exemple d’exercer la profession d’avocat ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Que les choses soient claires, il est extrêmement problématique, pour un parlementaire d’être en même temps avocat, prenons un exemple au hasard, avocat d’affaires et de mettre donc…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, essentiellement avocat d’affaires. Vous n’avez pas de parlementaires qui soient avocat pénaliste, vous n’en avez pas, pratiquement pas.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et donc de monnayer son carnet d’adresses ou son influence, qu’il a acquise du fait d’être parlementaire, au service d’intérêt privé, qui par ailleurs pourrait remettre en cause son impartialité de responsable politique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vous allez l’interdire ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
En revanche, il ne faudrait pas se mettre dans un système où on interdise à tout jamais à tous les avocats de faire de la politique, et ça vaut, avec évidemment, les médecins, ça vaut avec les pharmaciens etc.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, évidemment !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Donc ce qu’il faut, c’est établir une règle, dans laquelle on a une liste de métiers problématiques…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous allez dresser une liste de métiers…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Introduisant le doute, oui. Introduisant le doute et la suspicion légitime, lorsqu’ils sont exercés en même temps que la fonction de parlementaire, seront incompatibles désormais de part la loi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il sera interdit à tous parlementaires d’exercer certains métiers ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, qui seront listés par la loi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui seront listés. Ça, ça sera inscrit dans la loi ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Absolument ! Parce que et qui seront listés par la loi, comme devant être mis entre parenthèse pendant la durée du mandat de parlementaire ou de ministre d’ailleurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc c’est clair.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà, C’est très clair. Ça ne veut pas dire qu’on va interdire d’exercer toutes fonctions dans le privé, tout métier, parce qu’il est des métiers, je ne sais pas moi, prenez une activité agricole ou commerçante, qui si vous les interrompez pendant la durée d’un mandat parlementaire, sont mis carrément en péril, comme activité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc une liste noire des métiers ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D’une certaine façon voilà ! Une liste des métiers dont on considère qu’exercer en même temps qu’un mandat parlementaire, il risque de porter atteinte à l’impartialité de la décision politique prise par ce responsable parlementaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Concernant les ministres, est-ce qu’il faut aller plus loin ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Concernant les ministres, de fait nous allons plus loin. Il y a des choses qui sont passées un petit peu inaperçues, mais je peux revenir…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous irez plus loin ? Parce que j’ai l’impression que par exemple, le patrimoine du conjoint n’est pas…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Attendez, il y a des choses qui sont passées un peu inaperçues, mais c’est vrai que le projet de loi en tant que tel sera présenté le 24 avril au conseil des ministres et que vous verrez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous verrez que dans le souci d’exemplarité, nous avons par exemple, prévu que les règles qui s’appliquent aujourd’hui, en terme de délit d’initié aux Hauts Fonctionnaires de la Fonction publique, puissent s’appliquer également aux ministres. C'est-à-dire qu’au terme de leurs responsabilités, il est un certain nombre de fonctions dans le privé, à la tête d’entreprise ou dans les entreprises qu’ils ne pourront pas plus exercer que ne le peuvent les hauts fonctionnaires. Parce qu’on considère qu’ils ont eu à en connaître dans leurs responsabilités politiques. Vous verrez que nous avons prévu, par exemple, de mettre fin à cette règle qui voulait que 6 mois, après la fin des responsabilités d’un ministre, puisse lui être versé son salaire chaque mois, tout de même. Eh bien, il y sera mis fin. Donc…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Eh bien qu’on arrête de verser le salaire du ministre pendant 6 mois après la fin de ses responsabilités. Ce qui était le cas jusqu’à présent. Vous verrez, que des mesures sont prévues notamment pour les collaborateurs, donc qui devront, les collaborateurs de cabinet qui devront eux aussi, transmettre leurs déclarations de patrimoine à la Haute Autorité de Déontologie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tous les élus, les collaborateurs et les directeurs d’administration centrale ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Tout à fait, ainsi que toutes ces personnalités qui sont nommées en conseil des ministres, les préfets, les ambassadeurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les préfets, les ambassadeurs aussi, oui.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C’est pour ça que je vous disais tout à l’heure, c’est un acte fort que nous posons. La question de la transparence, la question de la publication pour les ministres de la déclaration de patrimoine, ce n’est pas anodin, ce n’est pas anecdotique, ça nous fait passer dans une ère que nous ne voulons plus être l’ère du soupçon. La meilleure façon de lever les soupçons, c’est de dire la vérité, et c’est de la montrer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pourquoi ne pas pouvoir consulter sur Internet, la déclaration de revenus de tel ou tel responsable politique, ça existe dans les pays nordiques ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Qu’est-ce que vous entendez par déclaration de revenus ? Vous voulez dire déclaration d’impôts ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, bien sûr.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Alors il existe d’abord un certain nombre de règles s’agissant des déclarations d’impôts en France. Vous savez que vous pouvez aller consulter une liste avec un nom…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, si vous habitez dans la même circonscription…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Voilà, si vous habitez le même arrondissement…Donc voilà ! Objectivement, aujourd’hui, entre cette règle-là que vous semblez connaître…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu’il faudrait aller jusque-là ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Entre cette règle-là que vous semblez connaître, et puis la publication des déclarations de patrimoine plus la publication des déclarations d’intérêt parce qu’on oublie souvent de le dire, mais les déclarations d’intérêt des membres du gouvernement, sont d’ores et déjà…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais on ne sait rien du conjoint ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Consultables sur le site Internet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On ne sait rien du conjoint ? Est-ce que le conjoint devrait aussi, le conjoint d’un ministre devrait aussi faire une déclaration de patrimoine ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous avez, le conjoint dès lorsqu’il n’a pas choisi d’exercer des responsabilités politiques, de ministre ou de parlementaire, pourquoi devrait-il s’astreindre à ce type de règles ? On parle de quoi là ? On parle de l’argent public au fond, au fond, rappelons-nous de quoi on parle ? On parle de l’argent public. Ce qu’on cherche à vérifier, c’est si par hasard, l’argent public qui a été versé à des responsables politiques, n’a pas été utilisé à mon mauvais escient. C’est si les responsabilités publiques et politiques qui ont été confiées à un élu, un ministre, un parlementaire, n’ont pas été utilisé à mauvais escient pour s’enrichir personnellement. Ce que fait votre famille, au fond, est-ce que ça a un rapport avec l’argent public ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors j’ai vu que vous n’étiez pas propriétaire, j’ai vu que vous étiez la ministre la plus modeste du gouvernement Najat VALLAUD-BELKACEM ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je n’en tire aucune fierté et aucune honte non plus. Chacun son parcours, chacun son âge aussi. Vous avez remarqué que je n’étais pas la plus âgée du gouvernement non plus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, oui, alors vous avez un scooter, alors j’ai vu… bah ! Vous êtes allée jusqu’à déclarer votre scooter 500 euros je crois.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, c’était demandé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ca ne vous paraît pas un peu ridicule non ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Le problème c’est que quand on s’engage dans la transparence, il faut tout dire, ou alors on vous accuse d’omission.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors il parait que beaucoup veulent vous aider. Vous avez reçu… c’est vrai ça ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Du coup comme c’est un scooter qui est joli par ailleurs, un scooter PIAGGIO, j’ai reçu un certain nombre de messages en effet, d’internaute me proposant de le racheter et me proposant parfois même de le racheter plus cher. Ce qui est très sympathique, je tiens à les en remercier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le site du gouvernement, c’est le boncoin.fr quoi !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais il est hors de question que je fasse une plus-value. Oui, mais le côté cocasse des choses, c’est que ça finit par ressembler à ça, évidemment oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c’est du voyeurisme a dit Claude BARTOLONE. Ce n’est pas moi, je…démagogie, une société du soupçon et de la suspicion et de la suspicion dit Henri GUAINO.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais en fait, dire que c’est du voyeurisme, c’est déjà porter un jugement sur les Français. Moi, je veux croire que les Français sont bien plus intelligents que ce qu’on en dit. Je veux croire qu’ils feront la part des choses et qu’ils sauront distinguer évidemment pour le coup, pour répondre à votre question d’introduction, ce qui relève du vice et de la vertu, par exemple y a-t-il un vice à être riche et de gauche ? Non, aucun ! Ils sauront distinguer ce qui relève du public et du privé, typiquement la question de conjoints que vous posiez tout à l’heure, c’est la vie privée. Je crois que les Français au fond, n’ont pas pardon, de curiosité mal placée, ils veulent simplement être rassurés sur le fait que ce qui guident leurs élus, c’est d’abord l’intérêt général et pas l’appât du gain et pas la recherche de privilèges pour eux-mêmes et pas la recherche de l’enrichissement pour l’enrichissement. Et de ce point de vue, moi, cette transparence me paraît bienvenue, d’abord parce que ça va les rassurer sur ce sujet, même si encore, une fois, je le dis, la déclaration de patrimoine rendue publique ce n’est qu’une photo. Ce qui importe c’est le film, c’est quand on aura rendu nos responsabilités de vérifier qu’il n’y a pas eu de corruption, de conflit d’intérêt, enrichissement sans cause. Mais ça va les rassurer aussi sur autre chose, c’est que certes les responsables vivent confortablement, je ne vais pas dire le contraire. Franchement, on n’a pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, parce que vous vivez aussi avec l’argent de l’Etat ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, enfin on n’a pas à se plaindre par rapport aux salaires moyens des Français et je ne parle même pas de ceux qui sont chômeurs. Donc c’est pour ça que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne dépensez rien, vous ne dépensez rien ? Quand on est ministre on ne dépense rien, Najat VALLAUD-BELKACEM ? On est logé…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Donc c’est pour ça que je vous dis…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est véhiculé, on est nourri…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Les responsables politiques vivent confortablement, les ministres en particulier évidemment. Mais en même temps, je pense que tout ce qui est fantasme n’a pas lieu d’être. C'est-à-dire qu’il y a quelques ministres qui ont des richesses et des biens tant mieux pour eux, mais en même temps, il y a une véritable diversité dans les membres du gouvernement qui n’ont pas le même âge, qui n’ont pas le même parcours et qui n’ont donc pas non plus les mêmes biens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors regardons maintenant, la politique globale du président de la République et du gouvernement, Najat VALLAUD-BELKACEM. C’est clair, est-ce que vous remettez, je vous pose une question directe, est-ce que vous remettez en cause la politique de rigueur budgétaire ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D’abord nous ne faisons pas de rigueur budgétaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Pour remettre en cause une politique de rigueur budgétaire, il faudrait qu’on en a fasse une. Nous ne faisons aucunement une politique de rigueur budgétaire, nous faisons une politique de sérieux budgétaire. Et ça n’a rien à voir. Une politique de rigueur ou d’austérité, pour reprendre les termes de quelques-uns aurait voulu que malgré des prévisions de croissance revues à la baisse, qui passaient de 0,8 % où on les voyait il y a quelques mois à 0,1 % pour l’année 2013. Nous ayons maintenu un objectif de déficit à 3 % pour l’année 2013. Ce n’est pas ce que nous avons fait on est bien d’accord ! Nous sommes en train de dire que nous ferons vraisemblablement 3,7 %. Donc nous avons revu notre objectif de déficit, pourquoi ? Parce que nous estimons qu’il ne faut pas rajouter encore des efforts aux efforts, car nous risquerions d’accroître pour le coup la crise et d’avoir un effet récessif, sur l’activité économique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et donc une politique de sérieux budgétaire ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et d’avoir un effet récessif sur l’activité économique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n’est pas ce que me disait Benoît HAMON la semaine dernière…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Eh bien moi je vous le dis…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui me disait : « l’austérité nous est imposée par l’Allemagne et par nos partenaires européens ». Là, vous n’êtes pas d’accord ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non ! Je ne suis pas d’accord. Moi j’estime d’abord que ce n’est pas l’Europe qui nous impose des choses, nous sommes dans une négociation…8
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n’est pas l’Europe qui impose ce sérieux budgétaire à la France ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je vais vous expliquer ! Je vais vous expliquer une chose. Non ! Ce n’est pas l’Europe qui impose ce sérieux budgétaire à la France, c’est nous-mêmes qui nous l’imposons…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon ! Alors...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et moi je suis la première à le réclamer ce sérieux budgétaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien 2 discours bien différents !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non ! Mais, attendez, pardonnez-moi…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pardon ! Arnaud MONTEBOURG, Benoît HAMON, Cécile DUFLOT disent la même chose, pas la même chose...
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Attendez ! Moi je… est-ce que je peux me permettre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pardon ! Le contraire de ce que vous dites.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Est-ce que je peux me permettre de vous expliquer les choses ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moi j’ai 35 ans, je suis engagée en politique depuis 10 ans…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Allez-y.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
J’ai l’impression que ça fait 25 ans qu’on nous parle de la nécessité de réduire les déficits publics, du niveau de notre endettement, du fait que ce n’est pas normal que le remboursement des intérêts de la dette soit le premier budget de l’Etat, devant même l’Education nationale, eh bien maintenant on est aux responsabilités et moi je veux que ça change, et donc pour que ça change, pour récupérer des marges de manoeuvres, pour mettre plus de moyens dans l’école, dans la justice, dans la justice sociale…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut faire des économies !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il faut éviter d’avoir à rembourser des intérêts de la dette insupportables.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc augmenter les impôts ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Donc il faut faire ce que nous avons fait depuis que nous sommes là, c'est-à-dire le redressement des comptes publics…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et donc augmenter les impôts.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Comment on redresse les comptes publics ? On augmente les impôts des plus aisés en particulier, des plus aisés, des plus grandes entreprises, on fait des efforts sur les dépenses de l’Etat car elles sont trop importantes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Elles sont importantes dans notre pays, c’est une évidence, j’entends certains dirent : « on est à l’os, etc. », mais nous avons la part des dépenses publiques…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a encore des réductions… Oui !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
L’une des parts des dépenses publiques la plus importante dans notre économie par rapport aux économies qui nous entourent, donc il y a forcément une façon de mieux fonctionner, d’où la nécessité de moderniser l’action publique et d’où la nécessité de mutualiser, d’en finir avec les doublons…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais j’ai lu Pierre MOSCOVICI, qui le dit en 2014 : « pas de nouveaux impôts mais plus d’impôts », alors là je n’ai pas très bien compris.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il n’a pas tout à fait dit ça !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah ! Comment ? J’ai lu ça dans « LES ECHOS », c’est un journal sérieux ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non ! Il n’a pas tout à fait dit ça. Il a dit : « qu’en 2014…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D’abord, deux choses…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
2014 donc ça va être une année où il va falloir continuer à faire des efforts puisque, comme vous le savez, nous avons fait glisser l’objectif de déficit public de 2013 à 214…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc de sérieux budgétaire !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Donc le 3% c’est en 2014 qu’il nous faudra l’atteindre, c’est ce que nous allons écrire dans le programme de stabilité qui sera présenté demain.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Demain vous écrirez 3% ou 2,9% ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
2,9 d’ailleurs, merci oui, plus exactement 2,9 oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
2,9 précisément.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moins de 3%, vous avez raison.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Moins de 3%.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Donc, pour faire glisser cet objectif-là…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec un endettement qui sera quoi, 94% du PIB ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
On verra ! Pour faire glisser cet objectif donc…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ! Mais pas on verra, c'est-à-dire un record absolu, on n’a jamais vu ça 94% du PIB.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui ! Est-ce que je peux finir ma phrase simplement sur le raisonnement ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Finissez, finissez, finissez.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Donc pour faire glisser cet objectif, c'est-à-dire pour nous donner les marges de manoeuvre que je viens d’évoquer en particulier, eh bien il faut poursuivre les efforts. En 2013 les efforts se sont répartis aux 2/3, en gros 20 milliards d’euros, sur les recettes, c'est-à-dire les prélèvements obligatoires des entreprises et des ménagères et pour 1/3, 10 milliards d’euros, sur les économies en dépense de la part de l’Etat, de la Sécurité Sociale, etc. Eh bien, en 2014, nous voulons inverser ce rapport et donc ça veut dire que c’est essentiellement nous qui….
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les 2/3 !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Les 2/3 ! Qui allons faire des efforts pour à peu près 15 milliards.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire les 2/3 porteront sur quoi ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Porteront sur, pour le coup, l’augmentation du budget de l’Etat qui connaitra une règle du zéro valeur, donc… voilà ! Et un certain nombre de réformes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les aides sociales, gel des aides sociales…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Un certain nombre de réformes structurelles…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Gel du traitement des fonctionnaires en 2014 ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Un certain nombre de réformes structurelles puisque vous savez que nous avons engagé notamment des réflexions sur les allocations…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ! Mais je pose une question : est-ce que vous continuerez à geler le traitement des fonctionnaires en 2014 ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais ces décisions ne sont pas prises aujourd’hui !
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ! Mais d’accord, mais enfin vous avez besoin de faire des économies, donc…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Donc, comme elles ne sont pas prises, je ne vais pas vous annoncer ce qu’il en est. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il y a en effet des réformes structurelles qui vont être menées, notamment sur les prestations familiales, les retraites, les aides aux entreprises et que tout cela a vocation évidemment à servir cet objectif, tout comme - et c’est vrai, c’est ce qu’a précisé Pierre MOSCOVICI – eh bien 2014 ce sera l’augmentation de la TVA, augmentation mesurée quand même, on passera de 19,6 à 20 pour ce qui est du taux normal, de 7 à 10 pour ce qui est du taux intermédiaire, en revanche baisse sur les taux de TVA des produits de première nécessité, donc ces produits auxquels ont recours le plus souvent les Français. Donc oui il y aura des efforts, il y aura des efforts, il ne faut pas dire le contraire, ce serait mentir. En revanche, tout comme en 2013, tout comme depuis que nous sommes aux responsabilités, ces efforts seront justement répartis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien ! Dernière chose sur le mariage pour tous, vous avez accéléré le débat parlementaire, ça suffit, ça n’a que trop duré ce débat ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui ! Moi je pense oui. Ecoutez ! On a eu 6 mois de débats, on a eu mon Dieu des centaines d’heures d’argumentation, on a tout entendu, donc aujourd’hui il faut que le Parlement puisse prendre ses responsabilités et voter.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C’est une provocation cette accélération du débat parlementaire ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Aucunement ! C’est une gestion intelligente du calendrier parlementaire, c’est une gestion efficace.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites ça suffit maintenant, ça suffit maintenant ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ecoutez ! Moi, à partir du moment – encore une fois – où... Qu’est-ce qui s’est passé vendredi dernier ? Le Sénat a adopté en quasiment conforme, c’est comme ça qu’on dit, le texte qui avait été voté par l’Assemblée nationale, c'est-à-dire qu’il y a apporté très peu de modifications, d’amendements, donc on estime que ce texte a été vu par l’Assemblée, a été vu par le Sénat et il repasse parce que c’est la règle à l’Assemblée nationale. Est-ce qu’on a besoin qu’on rediscute encore pendant une centaine d’heures ? Des milliers d’amendements…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, vous dites ça suffit.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non ! Puisque les amendements en question qui sont déposés par l’opposition sont les mêmes que ceux que nous avons déjà vus il y a 3 mois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une semaine encore ça suffit ? Une semaine encore ça suffit ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moi j’estime qu‘il faut en finir avec ce débat, il faut l’adopter. Regardez ce qui s’est passé en grande Bretagne, ça a pris une demi-journée, allez une journée de débat en Grande Bretagne avec le flegme qu’on leur connait, on n’a pas vu les dérapages inadmissibles que l’on connait dans le débat politique français sur ce sujet, donc je crois que notre démocratie est suffisamment mature en effet pour pouvoir se permettre d’accélérer la conclusion de ce débat oui.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 avril 2013