Déclaration de Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, sur la prévention et la lutte contre le dopage, Paris le 5 avril 2013.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral


Permettez-moi, au moment où s’ouvre le 13ème colloque national de lutte et de prévention du dopage, qu’accueille avec fidélité le CNOSF, de revenir quelques instants sur l’actualité récente. Une actualité qui a rarement été aussi dense, nous le savons tous. Permettez-moi aussi de profiter de cette ouverture pour rappeler quelques unes des convictions qui m’animent dans cette lutte difficile et sans relâche que nous menons collectivement.
On ne peut parler de dopage en 2013 sans évoquer l’affaire Armstrong.
Je tiens à féliciter ici publiquement William BOCK, collaborateur le plus proche de Travis Tygart, pour l’extraordinaire travail réalisé par l’USADA. C’est un modèle d’investigation, d’intégrité, de ténacité, que l’USADA a montré aux yeux du monde entier. William Bock a été reçu hier par mon cabinet ainsi qu’à l’AFLD, les échanges ont été riches, les pistes de travail évoquées nombreuses. Je souhaite à tous les pays d’avoir des agences de lutte contre le dopage aussi indépendantes, hermétiques aux pressions et pugnaces !
Sur cette affaire Armstrong, donc, tout a été dit, ou presque. J’aimerais néanmoins rappeler deux éléments :
* Grâce à l’USADA, preuve a été apportée que celui qui se prétendait le plus grand des champions était en réalité le plus grand des tricheurs. L’affaire Armstrong est la meilleure démonstration pour ceux qui en doutaient qu’il n’y a pas d’impunité en matière de dopage. Aujourd’hui ou demain, ceux qui trichent seront rattrapés et ils seront condamnés.
Ces condamnations a posteriori ne rendent pas aux sportifs, arrivés au pied des podiums, la joie de ces moments de communion avec leur public dont ils ont été spoliés. Elles ne sont pas la solution pour ramener plus d’éthique dans le sport. Mais elles envoient des messages forts, et je suis certaine que les sportifs les entendent.
* Le 2ème enseignement de l’affaire Armstrong, que nous ne devons pas occulter par fatalisme ou par angélisme, c’est s’il y a un Avant et un Après affaire Armstrong dans l’opinion publique mondiale, il doit aussi y avoir un avant et un après dans les politiques de lutte contre le dopage. C’est notre devoir, nous ne pouvons pas nous dérober. Je soutiens donc pleinement l’AMA dans son exigence de transparence pour établir toute la transparence sur l’ensemble des complicités qui ont bénéficié au « système Lance Armstrong ».
Le dopage en 2013, c’est aussi la commission d’enquête sénatoriale sur l’efficacité de la lutte contre le dopage. Et je salue ici l’initiative des sénateurs qui vont permettre de nourrir la réflexion sur ce sujet et qui ne manqueront pas de proposer des évolutions législatives, des évolutions organisationnelles, qui seront prises en compte dans le cadre du projet de loi d’orientation sur le sport, qui aboutira en juillet prochain.
La commission d’enquête du Sénat permet aussi d’apporter un éclairage sur le passé, d’apprendre de nos erreurs. Elle déclenche parfois des réactions vives et légitimes, quand des chiffres ou pourcentages sont exprimés sans discernement involontairement.
Dernier élément d’actualité, les discussions entre l’AFLD et l’UCI pour l’organisation des contrôles lors des compétitions cyclistes qu’accueille la France.
Suite aux révélations de l’affaire Armstrong et aux soupçons légitimes (je dis bien légitimes) qui ont pesé sur l’UCI, nous avions travaillé, avec l’AFLD, la FFC et ASO sur les conditions qui nous paraissaient nécessaires pour que les contrôles soient efficients : je pense notamment à la transparence totale de l’UCI envers l’AFLD sur les passeports biologiques et sur les géolocalisations des sportifs pendant la préparation du Tour. Et je félicite l’AFLD d’avoir eu une attitude ferme qui devrait déboucher dans les semaines qui viennent, je l’espère, sur une convention remplissant toutes les conditions requises.
L’actualité est si riche que mon intervention de ce matin n’aurait pu être qu’un long éditorial. Mais il y a beaucoup d’autres choses à dire. La lutte contre le dopage ne se résume pas à l’actualité, elle doit s’en nourrir pour progresser. Parce que l’actualité renforce nos convictions, parce que l’actualité renforce notre détermination.
Et le ministère dont j’ai la responsabilité joue au quotidien un rôle majeur dans la lutte contre le dopage. Il n’est pas vain de rappeler quel est ce rôle et quelles sont les nombreuses actions conduites.
- Avec les actions de la direction des sports en matière de prévention notamment ;
- Au travers du financement de l’AFLD, autorité indépendante qui gère les contrôles ;
- Au travers du rôle de législateur qui est le nôtre, et nous savons que la législation est un outil indispensable.
Les actions de la Direction des Sports en matière de prévention
Depuis plusieurs années, donc, la direction des sports travaille activement sur ce sujet. Ces actions se décomposent en trois volets :
- Le volet grand public, tout d’abord
* La direction des sports est associée aux travaux du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel pour la diffusion des programmes de prévention concernant la lutte contre le dopage (un groupe de travail se mettra en place dans quelques jours) ;
* Avec la sensibilisation des usagers des clubs de remise en forme, portée avec l’implication de la Fédération Française d’Haltérophilie ;
* Avec la mise en place d’un Numéro Vert Ecoute Dopage, porté par Dopage info service ;
* Avec les Antennes Médicales de Prévention du Dopage dans les régions ;
* Avec la mise à disposition d’outils de sensibilisation et de communication.
- Deuxième volet, ensuite : notre action à destination du mouvement sportif.
* Nous soutenons les fédérations qui s’engagent dans des programmes de prévention du dopage par le biais des conventions d’objectifs ou d’appels à projets. Sur ce chapitre, en dépit de contraintes budgétaires que chacun connaît, j’ai tenu à ce que les moyens soient préservés dans le budget 2013.
* Les projets de clubs intégrant dans leur volet éducatif des actions de sensibilisation à la prévention du dopage ;
* Nous avons défini une norme AFNOR qui garantit aux sportifs la qualité et la composition des compléments alimentaires.
- Dernier volet – mais non des moindres - la lutte contre le trafic de produits dopants.
* La DS suit les actions des commissions régionales de lutte contre le trafic des produits dopants en place dans les DRJSCS ;
* Une instance nationale interministérielle a été mise en place, co-présidée par le directeur des sports et l’OCLAESP afin de dégager des synergies autour de l’action des commissions régionales et de proposer des actions nationales concertées ;
* Le ministère collabore enfin activement avec les acteurs européens de la lutte contre le dopage et l’industrie pharmaceutique. La France a organisé à ce sujet un symposium déterminant en octobre dernier, qui réunissait pour la première fois l’ensemble des instances qui luttent contre le dopage (l’AMA, le CIO, le Conseil de l’Europe, l’UNESCO, les gouvernements) et les acteurs de l’industrie pharmaceutique.
Vous le voyez, les actions de mon ministère sont nombreuses, elles sont complètes et elles ne cessent d’être approfondies et améliorées.
L’AFLD
L’autre acteur majeur, au niveau de la puissance publique, de la lutte contre le dopage, est, bien sûr, l’AFLD, dont je salue le président genevois ici présent. Je ne peux que souligner les avancées importantes qui ont été faites ces dernières années, et qui ont permis, comme lors du Tour de France 2008, de dépister les tricheurs.
Mais ne nous gargarisons pas de nos succès : une agence comme l’AFLD ne peut fonctionner correctement sans un secteur des contrôles efficient et une recherche de pointe.
Afin de préserver la pertinence et le caractère inopiné des contrôles, le secteur qui en a la charge doit, conformément à l’esprit de la loi, jouir d’une totale indépendance. Je tiens à réaffirmer l’attachement du gouvernement à ce principe essentiel, qui doit s’exercer dans le cadre du plan stratégique annuel et du budget qui est imparti à l’agence, après adoption par son Collège.
Pour accroître son efficacité, je suis convaincue que le secteur chargé des contrôles doit pouvoir s’appuyer, outre sur une démarche d’investigation qui lui est propre, sur une collaboration étroite avec la gendarmerie, la police et les douanes. Au sein de l’Agence, le secteur des contrôles doit pouvoir collaborer avec le secteur ayant en charge l’instruction des dossiers et le secteur scientifique qui, notamment, aura la mission d’assurer le suivi du profilage biologique.
Le rôle de législateur
Le rôle du gouvernement, mon rôle dans le domaine du dopage, c’est aussi de faire progresser l’environnement législatif. Et la loi d’orientation sur le sport qui sera présentée en Conseil des ministres en fin d’année, marquera un certain nombre d’évolutions pour renforcer la lutte contre le dopage. Parmi les sujets qui devront être traités, il y a celui de la meilleure répartition des rôles au niveau des sanctions, entre l’AFLD et les fédérations.
Il y a aussi cette volonté ensemble de continuer à impliquer les fédérations sportives coûte que coûte dans cette lutte.
Enfin, les propositions que ne manquera pas de formuler l’enquête sénatoriale seront entendues.
Sur ce volet législatif, le sujet de la pénalisation de l’usage de produits dopants ne manquera pas d’être à nouveau posé. Mais ma conviction est claire sur ce sujet, ma conviction est ferme. Je suis opposée à la pénalisation de l’usage.
J’y suis opposée car, de concert avec le mouvement sportif, je suis convaincue que le sportif doit être protégé et non condamné. Le problème du dopage est un enjeu de santé publique, avant d’être un enjeu pénal. Quand un sportif se dope pour gagner, il se met en danger, il joue le cobaye humain en s’injectant des produits dont les effets à terme sont inconnus. C’est aussi sous cet aspect aussi qu’il faut considérer la lutte contre le dopage.
Se contenter de condamner pénalement les tricheurs, c’est se mettre en position de défiance envers les sportifs, c’est se mettre en position de défiance envers les fédérations. Le rôle du ministère des sports n’est pas de créer un climat pénal autour du sport, mais bien de protéger les sportifs et, ce faisant, de protéger le sport ! La loi pénale est là pour les trafiquants.
Et cette conviction n’enlève rien à ma détermination, rien à la lutte que je veux mener contre le dopage.
Si le rôle du ministère est majeur dans la politique contre le dopage en France, nous ne pouvons évoquer ce sujet sans parler de l’international. Car à dérive mondiale, vous le savez, il faut une réponse mondiale.
Historiquement, la France a toujours eu un rôle moteur, grâce à certains de ceux qui m’ont précédée : pour signer la convention de l’UNESCO, pour mettre en place l’AMA, ou au sein des instances de concertation du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne.
Depuis le 1er janvier 2013, ces engagements ont trouvé une application concrète et forte pour la France, puisque le Conseil de l’Europe m’a fait l’honneur de me désigner à l’unanimité comme représentante du continent européen au Comité exécutif de l’AMA.
Si ma position au sein de l’AMA est effective depuis le 1er janvier (1er Comex aura lieu en mai à Montréal), je n’ai pas attendu cette date pour rencontrer l’ensemble des acteurs mobilisés sur la scène internationale :
- Aux Jeux Olympiques de Londres, j’ai longuement échangé avec Craig Reedie et Francesco Ricci Bitti, deux membres du CIO siégeant au COMEX de l’AMA.
- Je me suis entretenue avec John Fahey à plusieurs reprises, qui est d’ailleurs venu dès le mois de septembre au Ministère des sports pour une réunion de travail.
- Dès mon élection, je me suis rendue au Conseil de l’Europe pour présenter mes intentions et mes ambitions à mes 47 homologues et recueillir leur soutien.
- J’avais rencontré à cette occasion mon homologue russe élu au conseil de fondation, et j’ai par ailleurs profité de la dernière rencontre des ministres des sports de l’UE pour échanger avec mes homologues portugais et luxembourgeois, eux-aussi représentants de l’Europe au conseil de fondation
- Enfin, j’ai profité de mon séjour au Canada avec le Premier ministre pour rencontrer Dick Pound, ancien président de l’AMA et toujours membre de l’institution.
Ce sont ces rencontres qui permettent à la France d’exister au niveau international – nous en parlions hier, ici-même, à l’occasion du lancement du Comité Français du Sport International. Ce sont ces rencontres qui permettent d’exister, de prendre la température, de fédérer, d’impulser, de proposer, d’influer.
Car les enjeux au niveau international sont nombreux. Je pense à la révision du code mondial antidopage qui est engagée, un enjeu majeur dans lequel la voix de l’Europe doit enfin peser.
Je pense également à la responsabilité des fédérations internationales.
Car je porte une conviction, que l’actualité récente ne fait que confirmer et que je sais partagée par nombre de mes homologues en Europe et ailleurs, et par des acteurs du monde sportif. Cette conviction, c’est qu’on ne peut pas laisser la charge aux seules fédérations sportives de la responsabilité de lutter contre le dopage et de mener la politique de contrôle.
Il faut impérativement, avec l’AMA, avec les Agences nationales de lutte contre le dopage, aider les fédérations dans leur combat – que je sais important - contre ce fléau. Il est toujours difficile et compliqué à la fois de promouvoir un sport et de devoir le contrôler. Il n’est pas sain d’être en même temps juge et parti.
Et ce n’est pas faire injure au mouvement sportif, bien au contraire, de lui dire qu’il doit travailler encore plus étroitement avec les agences indépendantes et s’appuyer sur leur expertise, pour préserver la sincérité des résultats et lever les suspicions qui tuent l’âme du sport. La révision du code mondial antidopage doit prévoir de renforcer les obligations des fédérations internationales envers les agences nationales de lutte contre le dopage, notamment quant à la diffusion des données de localisation et des données de passeport biologique. Nous y travaillons activement.
Voilà, les axes de travail que j’entends mener au cours des prochains mois et j’espère avoir l’occasion de revenir devant vous prochainement pour faire part de nos avancées.
Je laisse la parole à Alain CALMAT que je félicite chaleureusement pour l’organisation de ce colloque, et j’en profite pour saluer l’ensemble des intervenants nombreux, variés et de qualité qui feront de cette journée une réussite, dont je ne manquerai pas de lire attentivement le verbatim.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.sports.gouv.fr, le 10 avril 2013