Interview de M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, à "RTL" le 18 avril 2013, sur la fermeture de la raffinerie Petroplus, sur la nécessité de redresser les comptes publics.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour, Arnaud MONTEBOURG.
ARNAUD MONTEBOURG
Bonjour, Jean-Michel APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
PETROPLUS c’est fini, la raffinerie de Petit Couronne va fermer, 470 emplois étaient en jeu. C’est un échec pour vous, Arnaud MONTEBOURG ?
ARNAUD MONTEBOURG
C’est un échec pour la France, parce que nous n’avons pas réussi collectivement, les juges du tribunal de commerce, les administrateurs judiciaires, le gouvernement, les organisations syndicales qui ont travaillé ensemble, j’allais dire, coller/serrer dans ce dossier, avec beaucoup de fiabilité et de confiance mutuelle, à trouver un repreneur. La clé de ce dossier, c’est d’avoir un repreneur qui mette 1 milliard sur la table et qui accepte 50 millions de pertes par an, à surmonter. Nous avons eu et nous avons partagé beaucoup d’espoir les uns, les autres, on s’est battu, moi-même, je me suis rendu deux fois à l’étranger pour y chercher un repreneur. Parce qu’une raffinerie…
JEAN-MICHEL APHATIE
La Libye ?
ARNAUD MONTEBOURG
La Libye, non, la Libye et les émirats. Parce que la raffinerie, c’est une activité que nous ne voulons pas finalement importer.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais la réalité économique est plus forte ? S’il n’y a pas de repreneur, ça veut dire que la politique ne peut pas tout ?
ARNAUD MONTEBOURG
Non, je pense, d’abord elle peut beaucoup !
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais pas tout ?
ARNAUD MONTEBOURG
Nous nous sommes battus pendant un an, et si c’était à refaire, je le referais et je le fais dans beaucoup d’autres dossiers. Parce que nous avons des dossiers où nous obtenons des succès par cette méthode. STX, 2100 salariés, MREAL 200 salariés, SEALINK 520 salariés, GM Strasbourg 900 salariés. Ce sont là des victoires dont on parle peu, à tort d’ailleurs, mais qui montrent qu’en associant, tout le monde, c’est la méthode que nous utilisons, j’ai 1900 dossiers d’entreprises en difficultés sur mon bureau. C’est la même méthode, on associe tout le monde et on se bat ensemble. Et on est tous dans la responsabilité économique. Parfois et vous l’avez compris le redressement industriel de notre pays, c’est un sport de combat, tant que le match n’est pas terminé, nous espérons toujours marquer le but et là, nous avons encaissé un but, voilà !
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez encaissé un but. La Banque Publique d’Investissement son directeur général, disait hier : Non, PETROPLUS ce n’était pas possible d’investir. Même la Banque Publique d’Investissement, que vous avez crée, n’est pas un outil pour surmonter ce genre de difficultés ?
ARNAUD MONTEBOURG
J’ai réprimandé le directeur général, en lui faisant observer qu’il n’a pas à déclarer que la banque qui est une oeuvre collective et qui est une banque pas comme les autres, qui a pour but justement, d’essayer de financer là où le secteur financier ne veut pas financer, et dans PETROPLUS, il fallait trouver des disponibilités financières importantes. Et avec le Premier ministre nous avions décidé de mettre en minoritaire l’Etat au côté d’un repreneur. S’il y avait eu un repreneur, nous aurions pu parfaitement construire une alliance capitalistique pour faire repartir cette raffinerie. Mais s’il n’y a pas de repreneur, l’Etat ne peut pas de substituer à la défaillance financière d’un repreneur inexistant.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà, ce que veut dire la formule, l’Etat ne peut pas tout !
ARNAUD MONTEBOURG
Non, l’Etat peut beaucoup, il ne fait pas des miracles.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais pas tout.
ARNAUD MONTEBOURG
Voilà ! Ca c’est comme ça, qu’on peut équilibrer les choses.
JEAN-MICHEL APHATIE
La croissance sera nulle en France cette année, faible sans doute l’année prochaine. Pour atteindre les 3 % de déficits en 2014, des coupes sont annoncées, dans les dépenses publiques, les prélèvements vont augmenter. Cette politique vous convient-elle, Arnaud MONTEBOURG ?
ARNAUD MONTEBOURG
C’est une politique de rétablissement de nos comptes publics. Nous vivons au-dessus de nos moyens. Nous dépensons plus que ce que nous avons comme recettes. A tel point que pendant ces dernières années, la dette est passée, a augmenté de 600 milliards. Nous empruntons 180 milliards chaque année.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc une autre politique n’est pas possible ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ah ! Bah ! Non, nous sommes obligés de rétablir nos comptes, sinon nous finirons dépendants du système financier. En revanche, nous avons besoin de l’aide de l’Europe. L’Europe ne peut pas organiser l’austérité dans tous les pays…
JEAN-MICHEL APHATIE
L’Allemagne vous voulez dire ?
ARNAUD MONTEBOURG
La Commission européenne, l’Europe c’est la Commission européenne, évidemment.
JEAN-MICHEL APHATIE
L’Europe c’est l’Allemagne aujourd’hui ?
ARNAUD MONTEBOURG
Mais vous pouvez le dire, c’est vrai !
JEAN-MICHEL APHATIE
Moi, je peux le dire, mais pas vous !
ARNAUD MONTEBOURG
Je peux aussi le dire, pour une raison simple, c’est que tout le monde le dit. D’ailleurs, il y a une clameur mondiale, qui s’élève, demandant à l’Allemagne de prendre le relais de la croissance, demandant des hausses de salaires pour relancer l’économie européenne. Hier, j’ai noté que le gouvernement australien après le gouvernement américain qui a demandé à l’Allemagne et aux Européens de créer les conditions de la croissance, a dit : cette austérité stupide pèse sur la relance de l’économie mondiale et donc austérité stupide, ce n’est pas un gouvernement bolchévique qui est à la tête de l’Australie. Et pourtant, tout le monde, les Américains, le FMI, le reste du monde, l’Asie demandent à l’Europe, qui est la première puissance mondiale, la France et l’Allemagne, c’est 92 % du PIB chinois. Tous les deux, donc nous sommes très puissants à 27 décident d’organiser, non pas l’austérité stupide, comme dit le ministre australien des finances, mais la croissance. Donc ça suppose en effet, comme l’a dit Jean-Marc AYRAULT hier, il est allé le dire à Munich, je suis allé le dire à Düsseldorf, les Allemands doivent augmenter leurs salaires, ça a déjà commencé avec la revendication syndicale, dans certains secteurs, augmenter leurs salaires, c’est le débat des élections générales allemandes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous souhaitez la défaite d’Angela MERKEL à ces élections ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je souhaite l’augmentation des salaires…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous souhaitez la défaite d’Angela MERKEL à ces élections ? Ca changera quelque chose ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je crois que les socio-démocrates aujourd’hui, sont sur une attitude très offensive, demandant la remontée du pouvoir d’achat en Allemagne, pour stimuler à nouveau, puisqu’il dispose d’excédents considérables toute la zone euro. Nous ne pouvons pas avoir 10 pays sur 17 dans la zone euro, en récession !? Et si nous-mêmes, nous sommes obligés de rétablir nos comptes parce qu’on nous a légués quand même des comptes en catastrophe, très abîmés, nous ne pouvons pas accumuler à côté de notre politique de sérieux budgétaires des politiques d’austérité partout ailleurs. Parce que nous allons collectivement, y compris l’Allemagne nous enfoncer. Donc c’est l’intérêt de l’Allemagne que d’assumer son leadership économique.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et l’intérêt de l’Allemagne et de l’Europe, passent donc par la défaite d’Angela MERKEL ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je crois que vous…
JEAN-MICHEL APHATIE
Selon votre point de vue ?
ARNAUD MONTEBOURG
Non, mais nous travaillons avec madame MERKEL, mais nous avons un accord politique socio-démocrate, voilà ! Et je pense que ces deux coalisations peuvent parfaitement aujourd’hui, faire une politique favorable à l’Europe.
JEAN-MICHEL APHATIE
Nous avons entendu, c’est un autre sujet, à 7 heures 30 tout à l’heure, u micro de Mathieu DELAHOUSSE, Hervé FALCIANI, un ancien salarié d’HSBC, je vais y arriver, HSBC qui a donné des documents dit-il à la France, concernant des fraudeurs fiscaux et la France, dit-il, n’en fait pas grand-chose. La France, la justice française, n’est pas assez active pour traquer les fraudeurs. Vous le ressentez comme ça Arnaud MONTEBOURG ?
ARNAUD MONTEBOURG
Il y a 4 ans, en effet, 3 ans, monsieur FALCIANI a en effet, transmis à la justice, la preuve d’un système de blanchiment généralisé de la part de HSBC Genève, et donc la justice a été saisie, moi-même j’avais été alerté par les avocats de monsieur FALCIANI en disant : il y a un risque d’enterrement de première classe, et ça n’a pas manqué. J’ai moi-même transmis un certain nombre d’informations que monsieur FALCIANI m’avait transmis, j’étais à l’époque député de l’opposition, à monsieur de MONTGOLFIER, le procureur qui a été immédiatement dessaisi. Et maintenant, cette affaire dort tranquillement, chez le procureur de Paris. D’ailleurs j’en ai alerté la Garde des Sceaux.
JEAN-MICHEL APHATIE
Actuelle, Christiane TAUBIRA.
ARNAUD MONTEBOURG
Voilà ! Le Premier ministre…
JEAN-MICHEL APHATIE
Et ça bouge ou pas ?
ARNAUD MONTEBOURG
Eh bien, il va falloir que le Procureur de Paris se réveille. Je vais vous dire pourquoi ? Les Américains en deux ans, ont obtenu les excuses d’HSBC Etats-Unis d’Amérique et une amende d’1,9 milliards de réparation pour les caisses publiques américaines pour cause de blanchiment. Ils ont obtenu 52 000 noms dans l’affaire UBS. Nous sommes beaucoup moins performants dans la traque, donc je sais que Bernard CAZENEUVE a pris les dispositions et le ministère de la Justice pour que nous accélérions ces dossiers qui dorment gentiment. Et je vais vous dire, ça correspondait à la politique de nos prédécesseurs monsieur WOERTH, qui organisait des cellules de régularisation et de dégrisement qui ressemblaient à de l’amnistie organisé, sur grande échelle.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc le procureur de la République nous a sans doute entendus. ARMOR LUX a perdu le marché de la police nationale, vous en avez porté la marinière avec fierté. Vous devez être triste ce matin, Arnaud MONTEBOURG ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ce sont d’autres entreprises qui font du made in France, en France qui ont gagné, coalisées par SUEZ. J’ai appelé monsieur MESTRALLET, je lui ai dit, vous devez faire attention que des grands groupes même coalisant des petites PME, n’écrasent pas des PME aussi conquérantes et importantes qu’ARMOR LUX. Donc monsieur MESTRALLET m’a dit, je chercherai à l’avenir, un accord avec ARMOR LUX. C’est mieux de se donner la main et de s’entraider plutôt que de se piétiner les uns, les autres.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce sera le mot de la fin d’Arnaud MONTEBOURG, ministre du Redressement productif, invité de RTL, ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 avril 2013