Déclaration de M. Pascal Canfin, ministre du développement, sur le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, à Bruxelles le 9 avril 2013.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion préparatoire de reconstitution des ressources du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, à Bruxelles (Belgique) le 9 avril 2013

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Directeur général du Fonds mondial, Mark Dybul
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux d’être ici aujourd’hui. Je souhaite tout particulièrement remercier la Commission européenne et le Fonds mondial pour l’organisation de cette rencontre.
J’ai tenu à être parmi vous pour cette première étape du processus de reconstitution des ressources du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, pour marquer l’attachement particulier de la France à la lutte contre les grandes pandémies et particulièrement au Fonds mondial.
Vous connaissez le rôle décisif qu’a eu la France dans la création du Fonds mondial. Dès 1998, sous l’impulsion du Président Jacques Chirac et de Bernard Kouchner, ministre de la santé, elle a contribué à lancer le Fonds de solidarité thérapeutique international. Cet outil a préfiguré la création du Fonds mondial. Depuis, notre engagement a été continu.
La France a consacré, depuis 2002, 4 milliards de dollars à la lutte contre les grandes pandémies à travers le Fonds mondial, UNITAID ou ses programmes bilatéraux. Nous sommes, depuis sa création, le second contributeur au Fonds mondial. Le premier contributeur européen.
Le Président de la République, François Hollande, a renouvelé l’engagement de la France à prendre toute sa part dans la lutte contre les grandes pandémies. Il a indiqué a plusieurs reprises le souhait de la France qu’une part significative de la taxe sur les transactions financières qui sera mise en place au niveau européen puisse être affectée au développement. Cela bénéficierait évidemment en particulier à la lutte contre les grandes pandémies. Ce combat est majeur est nous avons besoins de votre soutien.
Mesdames, Messieurs,
Que de chemin parcouru en une décennie : plus de 4 millions de personnes vivant avec le VIH sous traitement antirétroviral, près de 10 millions de cas de tuberculose détectés et traités, 310 millions de moustiquaires imprégnées distribuées pour lutter contre le paludisme. Les résultats du Fonds mondial parlent d’eux-même.
Ces résultats, nous les devons évidemment aux donateurs du fonds mondial, qu’il s’agisse des Etats, des fondations et des partenaires privés. Rares sont les organisations vouées au développement qui ont eu la réactivité de ce partenariat public / privé et ont réuni aussi vite à mobiliser des financements de cette importance pour répondre à l’urgence sanitaire à laquelle nous faisions face. Cet engagement auprès du Fonds mondial, nous pouvons collectivement en être fiers.
Ces résultats, nous les devons aussi aux progrès scientifiques qui permettent d’accéder à des molécules et à des méthodes de diagnostic de plus en plus efficaces. Ils nous donnent aujourd’hui des outils particulièrement puissants pour mieux contrôler les épidémies. En poursuivant les efforts de prévention auprès de tous, en universalisant l’accès aux antirétroviraux et en améliorant l’accompagnement des patients, la perspective d’une « génération sans sida » devient possible. Grâce au diagnostic rapide et la meilleure disponibilité des nouvelles combinaisons thérapeutiques, la mortalité due au paludisme est en baisse croissante.
Ces résultats, nous les devons à l’action collective pour améliorer l’accès aux médicaments et aux outils diagnostics. UNITAID, par son approche catalytique, y a contribué. La mobilisation de la communauté internationale autour des enjeux de propriété intellectuelle a permis de réduire considérablement les barrières à l’accès des traitements pour les plus pauvres. Nous devons veiller à maintenir cet acquis, dans un dialogue constructif avec les industriels. Les prix de certains traitements ont été divisés par un facteur 10 depuis 10 ans. Le défi, maintenant, est que les nouvelles molécules puissent devenir accessibles dans des conditions comparables demain. Je suis convaincu que nous pouvons encore progresser sur les enjeux de propriété intellectuelle. Et la France est disponible pour y travailler.
Ces résultats, enfin, nous les devons à l’approche choisie lors de la création du Fonds mondial. La place fondamentale donnée aux bénéficiaires des subventions d’abord, qui définissent leurs besoins, établissent leurs demandes et mettent en œuvre les programmes. Le caractère partenarial du fonctionnement des programmes ensuite, avec le rôle joué par la société civile et les personnes vivant avec les maladies, toutes deux représentées au Conseil d’administration du Fonds. Enfin, le choix de prendre en compte tous les malades, y compris au sein de populations plus vulnérables ou potentiellement discriminées.
Ces principes sont une condition de l’efficacité du Fonds. Ecarter les populations fragiles des bénéficiaires du Fonds n’aurait par exemple aucun sens, alors que c’est souvent chez les plus vulnérables que le risque d’exposition aux pandémies est le plus fort. Le fonds mondial doit veiller à ce qu’elles accèdent à la prévention et au traitement.
Mais c’est aussi un choix politique. La construction d’un modèle au sein d’une gouvernance mondiale qui se cherche encore. Ces valeurs fondamentales du Fonds mondial, la France y est particulièrement attachée. Elle restera très vigilante sur le respect de ces principes fondateurs.
Mesdames, Messieurs,
Cette réussite du Fonds mondial nous oblige pour l’avenir. Mais elle ne doit pas conduire à occulter les défis qui s’imposent à nous.
Vous le savez, le fonds mondial sort tout juste d’une crise profonde. Une crise de croissance peut-être, après une décennie d’existence. Plusieurs évolutions fondamentales étaient nécessaires : pour rendre le secrétariat du fonds plus efficace et plus adapté à ses missions prioritaires, pour améliorer la qualité et la fiabilité des processus de contrôle interne, pour renforcer la gouvernance globale du fonds. Il était également nécessaire d’adapter les procédures opérationnelles du Fonds, notamment autour d’un nouveau modèle de financement. Ces différents axes ont été engagés en quelques mois et constituent une réforme majeure pour le Fonds. Comme vous le savez, la France s’est très fortement engagée au sein du Conseil d’administration dans ce processus.
Nous sommes aujourd’hui au milieu du gué. Beaucoup a été fait. Davantage sans doute reste à faire. Je voudrais ici souligner deux enjeux, auxquels la France sera particulièrement attentive dans les années à venir.
Le premier enjeu, c’est le modèle de financement qui va progressivement se déployer dans les deux années qui viennent. Cette phase de test conduite dans un certain nombre de pays pilotes sera décisive pour la généralisation à terme de ce modèle. Elle devra permettre l’évaluation des règles que nous avons définies. Et nous devrons, à tout moment, tirer les leçons de cette expérimentation pour adapter le modèle de financement aux réalités qui s’imposeront à nous.
Le dialogue avec les pays récipiendaires devra se faire à partir d’une stratégie nationale qui prenne en compte l’ensemble des besoins et puisse notamment identifier avec précision ceux qui ont été délaissés par le passé. Cette identification des besoins non couverts doit être la première étape du dialogue entre les pays récipiendaires et le Fonds mondial. Ce dialogue contribuera in fine à une plus grande mobilisation d’autres bailleurs agissant dans la lutte contre les trois pandémies.
Ce nouveau modèle devra contribuer à conserver un équilibre satisfaisant de l’allocation des ressources entre les trois pandémies. Je souhaite souligner ici notamment l’enjeu de santé publique que constitue, pour l’Europe, le développement de formes multi-résistantes de tuberculose en Europe de l’est et en Asie centrale.
Le second enjeu, c’est le renforcement des partenariats conduits sur le terrain. Les impacts du Fonds mondial se construisent dans les pays récipiendaires. Notre responsabilité collective est de veiller à ce que toutes les initiatives se complètent, au service de la santé globale dans les pays en développement.
Cela implique de travailler sur la performance des systèmes de santé. Nous avons créé un fonds vertical en raison de l’urgence sanitaire présentée par ces trois pandémies, mais cela n’enlève rien à la nécessité de veiller au renforcement des systèmes de santé des pays bénéficiaires. Ce point devra être systématiquement vérifié par le Fonds lors du dialogue avec les pays, qui devra également maintenir un dialogue étroit avec les autres grands bailleurs internationaux afin d’optimiser les financements alloués au renforcement des systèmes, en évitant les doublons.
Mais, en retour, la responsabilité des bailleurs internationaux est de compléter l’action du Fonds mondial et d’aider les pays récipiendaires dans la conception, la mise en œuvre, le suivi et la mesure de l’impact des subventions allouées par le Fonds mondial, comme vous le savez. La France alloue une partie de sa contribution au Fonds mondial à cet objectif spécifique. C’est une approche qui, je crois, nous permet de mettre à la disposition du Fonds mondial, au-delà des ressources financières, notre expertise spécifique dans un certain nombre de pays où sommes présents à travers notre aide bilatérale.
Mesdames, Messieurs,
Vous le savez, cette quatrième reconstitution du fonds mondial intervient dans un contexte particulier, quatre années après le déclenchement d’une crise économique majeure. Nous sommes à un moment paradoxal, et je le sais frustrant pour beaucoup d’entre nous : alors que nous disposons enfin des connaissances et moyens scientifiques pour combattre efficacement les grandes pandémies, les grands pays donateurs faire face à des contraintes budgétaires sans précédent.
Si je suis venu aujourd’hui, c’est pour marquer ici l’importance que j’accorde personnellement à l’action du Fonds mondial. Vous pouvez compter sur moi pour défendre l’engagement de la France dans la lutte contre les grandes pandémies.
Une génération sans sida. Il y a quelques années, c’était un rêve. La science et les progrès réalisés sur le terrain depuis 10 ans permettant aujourd’hui de l’envisager. Ensemble, relevons le défi pour que ce rêve devienne, demain, une réalité.
Je vous remercie.
Source http://www.pascalcanfin.fr, le 15 mai 2013