Conférence de presse de M. Thierry repentin, ministre des affaires européennes, sur le budget, la fiscalité et la politique énergétique de l'Union européenne, à Bruxelles le 21 mai 2013.

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Circonstance : Conseil affaires générales, à Bruxelles (Belgique) le 21 mai 2013

Texte intégral

Je pense que vous avez suivi les travaux du CAG ce matin. Je vais peut-être en dire quand même quelques mots puis ensuite répondre à certaines de vos questions, sachant que l'actualité est assez chargée et que le point d'orgue, c'est demain avec le Conseil européen. Ceci étant, je voudrais revenir sur le CAG pour dire quelques mots sur l'intervention que j'ai pu faire ce matin, par exemple sur le CFP, la fiscalité puis l'énergie, qui sont les 3 points importants.
Sur le cadre financier pluriannuel (CFP), évidemment, la France comme d'autres est déterminée à trouver un accord d'ici la fin de la présidence irlandaise, donc ça veut dire d'ici effectivement la fin de ce semestre, en saluant d'ailleurs les travaux de nos amis irlandais qui sont dans une situation pas très simple. La France est dans cette perspective de l'accord, pour dire que nous avançons. L'étape de l'accord politique trouvé sur le budget rectificatif à hauteur de 7 milliards 300 millions d'euros lors du Conseil ECOFIN récent est importante.
Nous avons été constructifs car c'est un effort non négligeable pour la France, même sur 7 milliards 300 millions d'euros, puisque ça doit faire une contribution de la France de mémoire de 960 millions d'euros, dans une période où on concilie et on doit travailler à la fois sur l'aspect du semestre européen mais aussi la gestion avec un grand sérieux budgétaire à l'échelle nationale et 960 millions d'euros, c'est une aide, un accompagnement qui est très important, mais c'est un effort qui est justifié au regard du fléchage des dépenses vers des actions favorables à la croissance et l'emploi et notamment à destination des jeunes, puisqu'une grande part de cette avancée budgétaire bénéficierait au fonds social européen. Alors je sais que le fait que le Conseil lie l'accord formel sur ce budget rectificatif à l'issue favorable des négociations sur le CFP a pu créer quelques irritations au Parlement européen. Je l'ai moi-même ressenti avec quelques discussions avec des parlementaires européens français. Alors que le Parlement a lui-même lié politiquement les deux sujets, les déclarations du Conseil ne font que traduire ce principe habituel à Bruxelles qu'il n'y a l'accord sur rien tant qu'il n'y a pas d'accord sur tout, ce qui veut dire aussi que la réunion du trilogue du 28 mai prochain sera importante.
Chacun doit faire des pas vers l'autre, le Conseil est prêt à trouver des solutions sur les autres demandes du Parlement. La France a toujours été dans cette discussion avec le Parlement très ouverte, que ce soit sur la clause de la flexibilité d'une année sur l'autre, au sein même des rubriques, entre rubriques. Elle l'a été aussi sur la clause de rendez-vous, en quelque sorte, de révision à mi-mandat, nous l'avons toujours indiqué. On est aussi ouvert sur l'idée qu'on puisse travailler à terme sur des ressources propres. On est encore optimistes pour qu'on puisse trouver une solution d'ici l'été avec le Parlement européen. Une absence de solution serait, financièrement parlant, une solution qui pour la France ne serait pas difficile. Mais ce serait très gênant pour des avancées, notamment sur des programmes nouveaux, type «Erasmus pour tous» ou aussi pour le plan d'aide alimentaire aux démunis, donc ce n'est pas que d'un point de vue comptable qu'il faut regarder les choses, mais d'un point de vue aussi politique, pour faire l'Union européenne.
Sur la fiscalité, les sujets qui seront abordés demain au Sommet sont importants : la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale. Le gouvernement auquel j'ai l'honneur d'appartenir mène un combat au niveau européen depuis qu'il a été mis en place il y a désormais une année. On a ré-insisté ce matin sur notre volonté de l'échange systématique d'informations fiscales entre les États membres, pour mettre fin évidemment au secret bancaire et à la dissimulation des avoirs, qui sont des réalités qui coûtent beaucoup à l'UE, puisque la Commission fait des estimations assez importantes, je ne sais pas si elles ont toutes été vérifiées, mais quand on voyait que ça portait sur des sommes de l'ordre de milliards d'euros qui échappaient finalement à des bases fiscales, pour les États, on voit que c'est important, à un moment où nous avons besoin effectivement de sécuriser justement les bases fiscales.
Vous le savez, au sein de l'Union, il y a eu une démarche début avril entre la France, le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Allemagne et l'Italie qui ont saisi la Commission en disant leur volonté de développer un projet multilatéral d'échange, de renseignement, suivant le modèle américain des accords dits FATCA, ce qui passe en outre par l'adoption de nouveaux textes législatifs, relatifs à la coopération administrative et à la fiscalité de l'épargne Il s'agit évidement non seulement d'assurer le paiement de l'impôt mais je l'ai dit ce matin, c'est aussi assurer l'équité fiscale. À un moment où nous demandons des efforts à nos concitoyens partout, nous devons nous assurer qu'il y ait une évolution législative à l'échelle européenne qui assure de la fiscalité à l'égard de la ressource venant notamment des personnes morales et des entreprises.
Alors il y a des réticences qui existent encore mais il y a une pression à l'égard des pays qui appliquent le secret bancaire, mais j'ai le sentiment que les lignes sont en train de bouger, le moment est donc venu d'enregistrer des avancées et le projet de conclusion qui nous est soumis à cet égard est assez conforme à nos objectifs, reprenant des points agréés lors du Conseil ECOFIN du 14 mai dernier, avec, par exemple, des accords sur les mandats de négociation d'accord d'échange avec les pays tiers, ou l'idée de liste noire européenne. Il fixe aussi des échéances pour l'adoption de certains textes, comme la directive taxation de l'épargne, le paquet TVA Il précise aussi la présentation de nouvelles propositions par la Commission. Donc même si ça ne va jamais suffisamment assez vite, mais le poids de l'histoire, la spécificité des économies l'expliquent, nous avançons dans le bon sens et nous avons tenu à réaffirmer ce matin notre niveau d'ambition, chercher même à accélérer les travaux.
Sur le dernier sujet à l'ordre du jour demain, c'est un sujet qui a une très grande importance y compris pour la France, l'énergie, puisque le Sommet de cette semaine doit fournir les premiers éléments, sur la base desquels on veut bâtir la communauté européenne de l'énergie qui a été évoquée d'ailleurs par le président lors de sa conférence de presse la semaine dernière. Là aussi, la France est à l'initiative, elle agit comme force de proposition. Le projet de conclusion qui nous a été soumis, d'ailleurs, reflète dans une large mesure nos priorités, c'est-à-dire souligner la nécessité d'un prix de l'énergie qui soit abordable, pour que notre économie soit compétitive mais également pour garantir l'accès de tous à l'énergie ; j'ai ré-insisté, car il me semble que d'ici demain, on peut l'écrire encore plus précisément que ça ne l'est dans le texte qui nous a été présenté. C'est tout le problème de la précarité énergétique de nos concitoyens qui doit être un élément pris en compte à l'échelle européenne, puisqu'on estime qu'il y a environ 4 millions de nos concitoyens en France qui sont face à cette précarité énergétique, environ une cinquantaine de millions à l'échelle européenne. Ca suppose quoi ? Ca suppose évidemment d'accroître la diversité de nos approvisionnements, d'avoir des réseaux qui fonctionnent bien, c'est les sujets d'interconnexion entre les différents États, c'est mettre en place les financements adéquats, aussi, pour le développement des capacités de production, notamment dans le domaine des énergies renouvelables, d'où la question de la mobilisation des fonds structurels, des prêts de la banque européenne d'investissement ou des project bonds et aussi la mise en place d'un cadre stable et sûr pour les aides au renouvelable.
D'ailleurs, quand je dis que cela pose la question de la mobilisation des fonds structurels, ça renvoie à la première question dont je parlais tout à l'heure, du CFP, puisque dans le CFP, vous savez qu'il y a effectivement une ligne sur les mécanismes d'interconnexion à une hauteur intéressante, effectivement, pour permettre des travaux conséquents dans les années qui viennent, et ce sont des travaux qui sont aussi très créateurs d'emplois non délocalisables sur nos économies respectives. L'enjeu de la compétitivité aussi implique également de prêter attention au potentiel industriel dans cette question de l'énergie, puisque le secteur de l'énergie a aussi de l'activité industrielle très présente. Je le dis d'ailleurs aujourd'hui où mon collègue Arnaud Montebourg est en Allemagne, justement sur un cas de reprise d'une entreprise électro-intensive, donc vous voyez, on est en pleine actualité réelle avec la reprise éventuelle de Rio Tinto, qui est une très grande entreprise française, ex du groupe Pechiney, par une électro-intensive allemande qui est le groupe Trimet, qui veut dire qu'il faut que nous nous assurions que, dans les textes législatifs, dans les décisions qui sont prises à l'échelle européenne, on prenne bien en compte aussi la spécificité de ces grandes entreprises qui consomment énormément d'électricité, pour lesquelles en quelque sorte l'électricité c'est la première matière première pour la production de leur bien. C'est notamment le secteur de la production d'aluminium ou du silicium, pour ne citer que les plus consommatrices d'électricité.
Et puis, dernier sujet sur l'énergie, c'est évidemment d'inscrire la politique énergétique de l'Union dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, en favorisant l'énergie dé-carbonée, au moment où la France a déposé sa candidature pour accueillir la COP 21, grand sommet international en matière d'énergie en 2015. Voilà les éléments qui nous ont en quelques sorte beaucoup mobilisés ce matin à l'occasion de ce CAG préalable à demain, un Sommet qui je n'en doute pas vous mobilisera les uns et les autres, c'est en tout cas la règle, me semble-t-il ...
Q - Voilà un ordre du jour bien chargé : 4 heures, est-ce que vous pensez que c'est réaliste pour avoir un vrai débat sur des sujets aussi importants que la lutte contre l'évasion fiscale et l'énergie, avec tous les problèmes que vous avez soulevés ? Sur le budget, je voudrais savoir qui ment à qui ? Aujourd'hui, ce n'est pas une question qui est adressée à la France mais plutôt en général, puisque j'ai suivi le débat ce matin ; il y a encore des États membres qui considèrent que 11,2 milliards, c'est une somme astronomique et qui n'est pas justifiée ... Je pense notamment au Royaume-Uni, à la Finlande et à la Suède. Or, on sait très bien que le Parlement européen en a fait une espèce de casus belli, et considère que s'il n'y a pas 11,2 milliards avec des engagements qui seront payés, il n'y aura pas d'accord sur le budget 2014-2020. Je voudrais savoir ensuite, puisque vous avez mis l'accent là-dessus : vous voulez faire une avance, une anticipation sur les 6 milliards du fonds pour l'emploi des jeunes, je voudrais déjà savoir combien vous vouliez mettre sur la table et savoir comment vous allez les financer, sachant que comme dit M. Lamassoure, en novembre, il n'y aura plus d'argent dans le fonds social européen.
R - La première question, c'est le timing, en quelque sorte, le délai, enfin vous savez que ces réunions des sommets sont précédées par beaucoup de réunions multilatérales, voire même d'ailleurs des réunions bilatérales pour trouver des accords qui permettent ensuite d'asseoir un accord plus large.
Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a eu énormément de travail, à la fois des représentations permanentes de nos pays respectifs ici à Bruxelles, que ce sont des questions que nous avions déjà vues pour partie au CAG de Luxembourg le mois dernier, je m'en souviens, puisque c'était le premier auquel je participais. Demain, c'est un point d'orgue, en quelque sorte, pour les derniers arbitrages, sur des textes qui je l'espère d'ailleurs, seront amendés par rapport au travail qui a été fait ce matin, tout particulièrement sur la question fiscale et sur la question énergétique, puisque j'ai comme d'autres fait ce matin des propositions très précises, si vous avez suivi les choses, je n'en doute pas, en citant des paragraphes, des lignes de paragraphes, en demandant à ce qu'il y ait des amendements qui puissent être repris, donc tout ça se fait sur plusieurs semaines voire mois de travail.
Il y a l'analyse, je crois, de demandes quelque fois qui peuvent s'apparenter à des exigences, effectivement de part et d'autre. Nous, nous avons une exigence, en tout cas, de transparence : à partir du moment où la Commission indique que pour solder les comptes passés, il faut apporter 11 milliards 200 millions d'euros sur la table, il me semble assez légitime que nous disions «dites nous précisément pour quel type d'action engagées dans les pays pour que nous puissions faire le chèque qui correspond à notre quote-part», c'est bien légitime. Et par ailleurs, à un moment où, et je le dis comme ancien ministre dans un domaine qui n'était pas les affaires européennes, où donc j'avais à gérer aussi un budget, dans un moment où on demande à chacun des ministres de gérer au plus serré, c'est légitime aussi que le chef du gouvernement, le président de la République demande que chaque somme soit effectivement justifiée et que y compris on nous dise le moment où il faut appeler cette somme, car vous savez que les problèmes de trésorerie sont aussi importants. On se rend compte qu'à l'ECOFIN, on a affiné les choses, on a dit qu'on pouvait partir sur 7 milliards 300 millions dans un premier temps, avec un engagement à terme de couvrir le reste des 3 milliards 900 millions. On ne ment pas, on cherche à bien gérer les choses.
J'ai compris ce matin que certains pays trouvaient que la facture était encore chère, je note que la France n'est pas la plus fermée pour répondre aux demandes du Parlement, mais la France demande à être sûre que le chèque qu'elle fera corresponde effectivement à des actions engagées et que par ailleurs, nous puissions mesurer quel est aussi le retour pour la France de ces actions sur son propre territoire, sur des actions notamment d'accompagnement sur la relance de l'emploi et la part qui revient à la France sur ces 7 milliards 300 millions d'euros qui je le répète devrait se traduire par un paiement à proportion de ce que représente la partie française, de 960 millions d'euros. Il y a des pays qui sont très fermés aujourd'hui, mais ils peuvent s'ouvrir aux demandes du Parlement, d'autant plus que je pense que chacun, in fine, va mesurer le poids d'un non accord avec le Parlement européen. S'il y avait une reconduction du budget passé, chacun va regarder d'une façon proche ce que cela aura comme répercussion pour lui-même.
Alors votre dernière question, c'est en quelque sorte comment anticiper les actions de demain. Premièrement, je veux me réjouir d'avoir entendu ce matin plusieurs de mes collègues, qui ont effectivement fait écho à l'expression du président de la République François Hollande la semaine dernière de dire l'échelon européen doit être aussi l'échelon qui envoie des signes à nos concitoyens, à nos pays respectifs de relance de l'emploi, notamment à destination d'un public prioritaire pour nous, qui est celui de la jeunesse, et faisant écho à cette disposition nouvelle dans l'accord des 7 et 8 février dernier, de cette ligne des 6 milliards d'euros d'accompagnement des jeunes dans les régions où le taux de chômage des moins de 25 ans est élevé En disant comme il y a urgence, c'est une impérieuse nécessité de voir comment en quelque sorte on peut engager d'ores et déjà des actions dès l'accord que nous aurons avec le Parlement, sans attendre le 1er janvier 2014.
Il y a une demande du président français, elle est aujourd'hui relayée par d'autres États membres, on peut déjà s'en réjouir. Et maintenant, aussi, c'est à la Commission de dire comment répondre à cette demande dès lors qu'elle est exprimée par les gouvernements. Voilà, alors il y a plein de solutions ...
Q - Le Président, dans sa conférence de presse, a fixé un calendrier en termes d'union politique, deux ans, pour mettre un petit peu de contenu dans cette union politique, et pour laisser de temps, un peu la main à Berlin ; vous commencez par quoi ?
R - On peut faire beaucoup de choses y compris dans le cadre du traité existant, c'est-à-dire que nous nous inscrivons dans la pleine utilisation de tout ce que permettent aujourd'hui les traités de fonctionnement de l'UE. Alors, j'allais vous dire, on commence par quoi ? Je pense qu'on pourrait avancer sur plusieurs fronts. Sur les deux années qui viennent, des décisions urgentes dont la nécessité est identifiée, c'est les avancées en termes d'union bancaire, ce sont des avancées en matière de lutte contre la fraude, dès demain. Ce sont des décisions en matière énergétique, dès demain.
Je veux ré-insister sur ces aspects sur lesquels la France a vraiment exprimé une forte attente politique d'avancées concrètes et opérationnelles sur l'union bancaire, sur la lutte contre la fraude, sur l'énergie, sur des plans d'investissement, aussi, sur de grandes infrastructures, ainsi que de mettre en oeuvre des améliorations de gouvernance possibles immédiatement. Voilà, c'est la notion d'union politique actuellement en débat, elle peut trouver des décisions concrètes au cours des deux années qui viennent et je le dis sans forcément attendre à terme une évolution des traités.
Q - En terme de démocratisation, vous avez des pistes ?
R - Je n'ai pas de piste spécifique en termes de démocratisation. Je crois qu'il y a une vraie attente aujourd'hui de nos concitoyens, sur des actions qui correspondent à des attentes de la vie quotidienne, de la relance de l'économie, c'est aussi cela l'évolution de l'union politique, c'est-à-dire répondre dans le cadre des traités à des choses concrètes, car il faut redonner du sens aussi à l'UE.
Ce n'est pas à vous que je dirai qu'il y a une échéance importante dans un an. Beaucoup de nos concitoyens aujourd'hui perçoivent l'UE à travers la résolution de crise, et ils ont en tête des crises liées à des pays. Mais il faut qu'on parle aussi de l'UE à travers des décisions qui sont prises par le Conseil, par les chefs d'État réunis sur des aspects opérationnels de la vie quotidienne de nos concitoyens. C'est aussi ça, donner de la consistance politique à des institutions qui paraissent trop éloignées, et il y a beaucoup de marges aujourd'hui qui sont permises par les traités.
Q - Sur la fiscalité, et pas simplement la directive de l'épargne, est-ce qu'on attend des nouveaux engagements de la part des Autrichiens et des Luxembourgeois ? Est-ce qu'il faut trancher, en fait, à ce sommet ?
R - Il faut avancer, en tous cas, si ce n'est trancher. Je pense qu'il faut que nous fassions des avancées pour disjoindre, en quelque sorte, les avancées que nous pouvons avoir ensemble à 27, c'est-à-dire faire comprendre à nos amis Autrichiens et Luxembourgeois qu'il y a eu beaucoup de temps et que maintenant, il faut avancer d'une façon concrète. Et disjoindre de cela des accords que nous pouvons et que nous devons trouver avec des pays tiers, les cinq pays tiers qui sont régulièrement cités comme devant être dans la discussion, en quelque sorte - vous les connaissez, Suisse, Andorre, le Liechtenstein, Monaco, Saint Marin - ne pas attendre que nous trouvions un accord avec les cinq autres pour dire : «Maintenant nous pouvons le faire entre nous». Ce serait trouver un argument à l'extérieur pour ne pas avancer concrètement à l'intérieur, donc il faut réfuter cette idée qu'on ne peut rien faire si on n'a pas trouvé d'abord un accord avec les cinq autres. Il faut qu'il y ait une pression.
Q - Est ce que vous renoncez à obtenir l'accord de l'Autriche et du Luxembourg sur la directive sur les revenus de l'épargne, alors que la décision a été prise sur le mandat pour les pays tiers, puisque les conclusions prévoient de le faire avant la fin de l'année .... ?
R - Aucun sommet n'est joué d'avance. Vous avez entendu depuis plusieurs mois une parole forte de la France. Je note qu'il y a quand même une tonalité d'ambiance qui a substantiellement changée au cours des derniers mois sur cette question, qu'il y a aujourd'hui des ouvertures qui n'étaient pas pensables il y a une douzaine de mois et que d'ailleurs la parole de la France sur cette question n'est plus une parole isolée, c'est plutôt une parole qui est reprise. Je ne sous-estime pas les efforts ou les difficultés que cela procure pour les deux États qui vous avez cités, je vois aussi en relation bilatérale que ces deux pays cherchent à savoir comment ils peuvent y aller, demandant quelques mois pour l'un ou pour l'autre vis-à-vis d'éléments de calendrier politique par rapport à leurs propres échéances. Voilà, vous êtes suffisamment informé, observateur, pour comprendre qu'eux-mêmes ont à gérer, à l'intérieur de leurs propres frontières, des opinions publiques, des intérêts économiques. Donc je sens aujourd'hui qu'on est proche de la solution. Est-ce que ce sera demain ? Je ne peux pas vous le dire, ce n'est jamais joué d'avance, un sommet.
Q - Vis-à-vis de l'Autriche, comment agir, qu'est ce que le levier, qu'est-ce qu'on peut offrir au Luxembourg, en terme de compromis acceptable pour que chacun y trouve son compte ?
R - Ce sont deux pays qui ont eu du temps pour prendre en compte, effectivement, cette demande, cette exigence que personne n'échappe à la solidarité en quelque sorte financière, qui est due à chacun de nos États. Donc faut-il qu'il y ait des compensations ? Elles peuvent se trouver dans des discussions plus générales. Honnêtement, je pense pouvoir vous dire que nous faisons preuve d'une grande - je ne veux pas dire fermeté, capacité de conviction, à l'égard de ces deux pays qui comprennent effectivement que dans le jeu institutionnel, à aujourd'hui 27, demain au 1er juillet à 28 qu'il faut qu'il y ait des règles communes qui deviennent la norme internationale.
Et la perspective que cela devienne la norme internationale est quelque chose qui est rassurant pour ces deux pays. Alors je ne dis qu'il faut les disjoindre, ce qui ne veut pas dire que parallèlement, nous ne devons pas avoir un dialogue exigeant à l'égard des cinq autres États qui aujourd'hui font partie du dispositif, mais je ne veux pas que l'on dise «tant qu'on n'a pas trouvé une solution avec les cinq autres États, on n'est pas capable de la trouver entre nous». Ce n'est pas possible, d'autant plus que dans les relations avec les États-Unis, certains jouent la transparence. Donc si elle est jouée à l'égard d'un État tiers, ce n'est pas compréhensible, y compris pour nos opinions publiques qui attendent une solidarité à l'intérieur des frontières, ce n'est pas possible qu'il n'y ait pas la même exigence de transparence qu'on donne à l'égard d'un État tiers, fut-il aussi puissant que le sont les États-Unis.
Q - Est-ce que vous avez eu un retour de vos collègues, un peu, sur les propositions de François Hollande la semaine dernière ? Est-ce qu'ils ont été contents de le voir parler d'Europe pour la 1ère fois depuis un an ?
R - Ce que j'ai noté - mais ce sont plutôt des échanges bilatéraux, ce n'est pas effectivement à l'ordre du jour - c'est que chacun a conscience que les mois passés ont été des mois assez difficiles pour l'UE, où je le répète, on en a surtout parlé en termes de résolution de crise. D'ailleurs y compris quand l'Europe apporte une solution positive à un État qui a besoin d'une solidarité communautaire, on dissèque surtout les répercussions douloureuses pour une partie des habitants des pays concernés. C'est-à-dire que lorsque vous avez une solution très positive, on ne s'attache pas aux côtés positifs, mais on s'attache effectivement à la difficulté que cela va poser pour une partie de la population. Et chacun voit hélas monter de l'euroscepticisme.
Donc oui, j'ai une bonne douzaine de collègues qui m'ont dit «enfin, on a des perspectives pour que l'on parle positivement de l'UE, qu'on en parle sur des projets nouveaux, qui ont du sens politique, qui ont un écho qui n'est pas un écho larmoyant, qui n'est pas un écho en défensive, mais un écho en offensive». Je l'ai noté à l'occasion de différents échanges. Je peux vous citer, parce que c'est la réalité, un long échange avec le président de la République slovène, pourtant qui est dans une situation pas forcément très simple, mais qui m'a dit «c'est bien qu'il y ait un chef d'État de premier plan dans l'UE qui trace des perspectives de relance, de croissance, on a besoin aussi de redonner à l'égard de notre population un sens de ceux qui ont porté sur les fonts baptismaux il y a plusieurs décennies l'UE.» Je l'ai entendu aussi du Premier ministre maltais à l'occasion d'un échange à l'Élysée à l'occasion de son accueil par le président de la République que j'accompagnais, qui disait «mon premier déplacement, je le fais ici, pour vous dire que je m'inscris dans le discours que vous portez, on a besoin d'une Europe qui aille de l'avant», ce qui ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de difficultés. Je l'ai entendu aussi de la part de mon collègue italien, encore ce matin, qui m'a dit «vraiment, Enrico Letta a eu une très bon feeling avec le président. On souhaite vraiment s'inscrire dans cette perspective, il faut que je vienne te voir pour qu'on porte ensemble des discours sur les créations d'emploi, sur les grandes infrastructures qu'on va pouvoir faire ensemble».
Donc il y a aujourd'hui, une ambiance plus propice à l'écoute de ce type de discours qu'il n'y en avait il y a quelques mois. Peut-être aussi que le déplacement du président Hollande devant le collège des commissaires la semaine dernière, contribue à tout cela.
En tous cas, je souhaite que cela soit durable, car d'ici le 25 mai 2014, il faut qu'on parle aussi positivement de l'Europe sur des avancées concrètes. C'est pourquoi je porte aussi beaucoup d'espoir sur des choses qui parlent à nos concitoyens dans la vie du quotidien. Je souhaite aussi qu'on trouve un accord sur le CFP, parce que dans le CFP, il y a des choses... par exemple, s'assurer que le plan d'aide alimentaire aux plus démunis perdure. C'est aussi un marqueur d'une évolution, j'en ai discuté avec un ministre ce matin qui n'était pas complètement convaincu, parce qu'il n'a pas encore fait son deuil. Je ne vous dirais pas lequel.
Q - C'est l'allemand ou le suédois ?
R - Je ne démens pas, je ne peux pas faire plus.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 mai 2013