Déclaration de Mme Hélène Conway-Mouret, ministre des Français de l'étranger, sur les relations entre la France et le Guatemala, à Guatemala le 18 mai 2013.

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Circonstance : Déplacement en Amérique centrale du 16 au 22 mai-intervention devant la communauté française, à Guatemala le 18 mai 2013

Texte intégral


Monsieur l’Ambassadeur,
Monsieur le conseiller à l’AFE
Mesdames, Messieurs,
Mes amis,
Je suis heureuse de m’exprimer devant vous ce soir à Guatemala, où je commence une tournée en Amérique centrale, qui me conduira ensuite au Salvador et au Costa Rica. Cela fait trop longtemps qu’un Ministre ne s’était pas déplacé dans ce pays qui a été au coeur de l’épanouissement de la grande civilisation maya. Il compte tant pour la région. J’ajoute qu’en tant que Ministre déléguée aux Français de l’étranger, j’ai le devoir et l’honneur de vous écouter. Ce peut aussi être, comme ce soir, un plaisir sincère. Juste un plaisir.
Venir au Guatemala ce pourrait être un voyage dans le temps. C’est aussi, curieusement, y trouver un écho à notre propre histoire.
Quelques années avant l’indépendance centraméricaine, la municipalité de Guatemala proclamait en effet déjà une Déclaration des Droits de l’Homme, directement inspirée de la déclaration française de 1789 et d’une Révolution qui fit le tour du Monde. Les grandes idées philosophiques de la France des Lumières ont eu une profonde influence sur les mouvements qui ont conduit ce territoire à se séparer de l’Empire espagnol en 1821. C’est peut-être cette mémoire commune qui a amené le Guatemala à entretenir des relations diplomatiques avec la France dès 1831. Il n’aura de cesse de désirer les enrichir au travers notamment de la signature d’un traité d’amitié et de commerce en 1848. Les Français auront ainsi eu un rôle important dans l’essor d’une activité essentielle pour l’économie de ce pays, la caféiculture.
Nos liens diplomatiques se sont resserrés depuis.
Durant la guerre civile qui déchira le Guatemala de 1960 à 1996, la France fut l’un des pays européens à l’origine du Dialogue de San José, à travers lequel les pays d’Amérique centrale et l’Union européenne s’engagèrent à promouvoir la paix dans la région, jusqu’à la signature des Accords de paix en 1996.
Le président Jacques Chirac, lors de sa visite d’Etat en 1998, déclarait que « Guatémaltèques et Français, partageons l’essentiel : l’aspiration à la démocratie et l’attachement aux valeurs qui ont fondé, il y a deux siècles, votre lutte pour la liberté ». L’année suivante, c’est Alvaro Arzú, président de la République du Guatemala et signataire des Accords de paix, qui effectuera une visite officielle en France, parcourant les Champs Elysées pavoisés aux couleurs du Guatemala.
Les racines du passé continuent aujourd’hui d’irriguer quelques branches solides, si l’on en juge par la richesse de la coopération culturelle et artistique entre nos deux pays. La passion pour le patrimoine culturel et naturel nous est commune. Elle est à la fois au coeur des traditions intellectuelles de la France et de l’identité du Guatemala. Depuis les recherches sur le patrimoine maya du Guatemala conduites par le prêtre Charles-Etienne Brasseur de Bourbourg dans les années 1860, jusqu’à la création de la Mission archéologique franco-guatémaltèque, remplacée par le Centre d’études mexicaines et centraméricaines -CEMCA- en 1987, notre coopération est demeurée dense et vive.
Elle s’est même élargie à la formation de générations d’archéologues. J’ai pris par ailleurs connaissance des activités conduites par des équipes d’archéologues français sur certains sites du Petén, tels ceux de La Joyanca ou Naachtún. Ces équipes sont soutenues par le Ministère des Affaires étrangères, par une entreprise française implantée au Guatemala, la société Perenco, ainsi que par la Fondation Pacunam. Le Fonds français pour l’environnement mondial - le FFEM - apporte quant à lui sa contribution à la préservation du patrimoine naturel. J’ajoute que les fouilles conduites sur le site de Naachtún constituent le premier projet archéologique sur le continent américain.
C’est ce souci commun que nous avons de valoriser ce patrimoine qui a conduit à l’organisation d’une grande exposition au musée du Quai Branly en 2011, intitulée « Les Mayas, de l’aube au crépuscule ». Plus de 220.000 visiteurs l’ont admiré. Ils ont compris ce que les communautés indigènes ont apporté au développement de ce pays ; leur irremplaçable présence.
L’universitaire, la linguiste que je suis se plait à constater que les relations franco-guatémaltèques se sont également épanouies dans un autre domaine, la littérature.
Je pense au romancier et poète Miguel Angel Asturias, prix Nobel en 1967, ancien ambassadeur en France et qui aujourd’hui enterré au cimetière du Père Lachaise à Paris. Je sais également qu’Antoine de Saint-Exupéry a connu dans ce pays l’un des accidents les plus graves de sa carrière d’aviateur et les volcans du ‘’Petit Prince’’ doivent sans doute beaucoup à ceux du Guatemala, l’un des traits d’union entre nos deux pays étant la traduction en cakchikel de cette oeuvre, 1ère traduction d’une fiction étrangère en langue maya. C’est donc bien de façon méritée qu’il a donné son nom en 2012 à un club regroupant des Guatémaltèques francophones que l’ambassade et l’Alliance française venaient de créer.
L’Alliance française de Guatemala, lancée en 1920 et qui a reçu 1354 élèves en 2012, est un lieu irremplaçable de rayonnement et de diffusion du français et de notre culture. Il en va de même des deux autres Alliances d’Antigua et de Quetzaltenango qui comptent respectivement 346 et 327 élèves.
Le Lycée français, que j’ai visité ce matin, remplit une mission comparable. Au total, les familles de près de 800 élèves - dont une centaine de Français - à majorité binationale, ont choisi cet établissement d’enseignement. Le lycée Jules Verne a vocation à promouvoir notre langue, notre pédagogie et à travers elles nos valeurs. Je salue au passage une nouvelle fois son équipe de direction, ses enseignants ainsi que l’ensemble de ses personnels.
Je sais en effet toute l’importance que vous accordez, fort justement, à l’éducation en français de vos enfants. Ce désir, l’Etat l’accompagne et ce faisant il le partage.
Avec près de 600 millions d'euros par an, aucun pays dans le monde n’investit autant que la France dans un réseau d'enseignement à l'étranger. Nos établissements scolaires scolarisent les enfants de nos expatriés ; ils sont également un outil de rayonnement irremplaçable.
Ils témoignent de la présence de notre pays sur la scène intellectuelle mondiale, ils participent à la diversité linguistique et culturelle dans un monde globalisé.
Pour autant, nous devons réfléchir à l’avenir de ce réseau, à la façon de le préserver et aussi de le développer dans un contexte que l’on sait difficile pour nos finances publiques. C’est dans ce cadre qu’un comité de pilotage travaille actuellement en s’appuyant sur les résultats d’une large consultation qui a permis d’entendre l’ensemble des partenaires de ce réseau. Ce comité me remettra à l’été ses recommandations. Elles devraient nous permettre de répondre aux défis qui sont lancés à notre réseau d’enseignement.
Vous le savez, j’ai tenu à réorganiser le système de bourses scolaires, après qu’ai été supprimé la prise en charge des frais de scolarité. Cet engagement du Chef de l’Etat était légitime. Ce système était en effet devenu injuste avec le temps et, par ailleurs, impossible à financer à court terme. L’argent affecté à cette prise en charge a cependant été intégralement réorienté sur les bourses. J’en ai eu l’assurance. Cela sera fait. Dans quelques semaines se tiendront d’ailleurs les premières commissions locales de bourses. Je compte sur l’implication de chacun pour faire de cette réforme un succès.
Notre diplomatie doit aujourd’hui plus que jamais développer sa dimension économique et commerciale. C’est un volet essentiel du pacte de compétitivité qui est l’une des priorités du gouvernement et en particulier du Ministre des Affaires étrangères. Laurent Fabius a eu l’occasion de le rappeler lors de son 1er déplacement en Amérique latine en février dernier. Le Guatemala, pays le plus peuplé d’Amérique centrale, offre de ce fait à nos entreprises un terrain qui mérite d’être exploré. La France, en devenant en 2012 observateur au sein du système d’intégration centraméricain (le SICA), a montré qu’elle était très attentive aux perspectives de développement de la région. Elle entend y prendre toute sa part. Le Conseil économique France-Guatemala - dont je suis heureuse d’avoir présidé à la mise en place aujourd’hui en présence notamment des conseillers du commerce extérieur – en est une manifestation symbolique et heureuse. Je forme des voeux pour qu’il soit un outil efficace de structuration de nos échanges.
Je n’oublie pas, chers amis, qu’en tant que Ministre déléguée chargée des Français de l’Etranger, c’est bien à vous tous, à la fois individuellement et collectivement, que j’ai ce soir le plaisir de m’adresser. Je sais que votre communauté est très bien intégrée au Guatemala. A travers notre ambassade, vos associations, à travers votre député récemment élu et vos représentants à l’Assemblée des Français de l’étranger qui résident au Mexique, vos activités et vos préoccupations ne me sont pas inconnues. Mais en m’exprimant ce soir devant vous, je suis avant tout heureuse de cette occasion qui m’est offerte de venir à votre rencontre.
Les Français de l’étranger sont des citoyens à part entière. Ils ont désormais une représentation complète au Parlement avec onze députés et douze sénateurs. Une réforme de la représentation des Français établis hors de France est également en cours. Elle contribuera à renforcer la présence des élus au plus près de chacun de vous et de vos préoccupations au travers de la création de conseils consulaires. Ils seront composés de conseillers consulaires que vous élirez au suffrage universel direct.
Cette évolution correspond à la réalité d’une mobilité accrue de nos compatriotes dans le monde. Nous avons enregistré un quasi doublement de ce mouvement en 15 ans et une augmentation moyenne de 4% sur les 5 dernières années. Nous avons une population jeune, active, mobile mais aussi une population binationale, très intégrée dans le pays dans lequel elle est installée de longue date et où elle a fondé une famille.
C’est pour prendre en compte cette réalité multiple et cette richesse que le gouvernement a souhaité moderniser la représentation des Français de l’étranger. Les Français qui vivent à l’étranger constituent un atout incontestable pour la France. Ils doivent pouvoir en retour exercer leur pleine citoyenneté.
Je mesure par ailleurs fort bien les problèmes de sécurité que vous pouvez rencontrer dans votre vie quotidienne. Pour y faire face dans les meilleures conditions possibles, notre ambassade a établi et mis en ligne sur son site internet un memento de sécurité complet. Il vous permet d’obtenir des consignes précises à suivre en cas de crise. Il vous indique également quels sont vos chefs d’îlot. Vous les connaissez. Je tiens à leur rendre hommage.
La coopération judiciaire est par ailleurs étroite entre nos deux pays. Nous sommes à cet égard particulièrement attentifs à ce que justice soit rendue dans deux affaires concernant le meurtre de compatriotes, Florence Denèfle et Martial Caratis, sur lesquelles j’ai eu l’occasion d’appeler l’attention des autorités.
Monsieur l’ambassadeur,
Mes amis,
Je vous remercie des actions que vous menez en faveur de notre rayonnement, en faveur de la France. Je vous souhaite le plus grand succès et le plus grand bonheur dans leur conduite.
Je vous remercie de votre attention.
Vive le Guatemala
Vive la République Française
source http://www.helene-conway.com, le 28 mai 2013