Texte intégral
Mesdames, et Messieurs, bonjour,
Je voulais vous voir, ne serait-ce que brièvement avant de repartir à Paris. Je nai pas assisté au débat dhier après-midi parce que - de retour de Roumanie où jétais hier matin -, jai dû repasser par Paris pour des réunions sur le Kosovo. Je ne suis arrivé quà la fin du dîner, mais jai eu un compte-rendu détaillé par la délégation française et par mes homologues. Un des intérêts considérables de ces conférences européennes, cest quelles permettent un nombre très élevé dentretiens bilatéraux, et en particulier avec les partenaires que lon ne voit pas beaucoup. Les ministres européens, je les vois plusieurs fois par semaine, et jai donc plutôt vu mes autres homologues.
Je trouve que cest une bonne réunion qui montre que ce processus de Barcelone commence à sinstaller, et quil est devenu une réalité dans la diplomatie et la géopolitique de cette région du monde. Cest une vraie enceinte. Nous en sommes à la troisième édition de la Conférence ministérielle euro-méditerranéenne. Certes, elle ne peut pas régler comme par miracle des problèmes compliqués qui demeurent. Quand on traite du processus de paix, on se trouve devant les mêmes difficultés, les positions des uns et des autres divergent, et cest un travail délicat que dharmoniser les textes. Mais ce nest pas comme ça quil faut raisonner, car si aujourdhui ce processus de Barcelone disparaissait, et bien, il y aurait un vrai manque. Il ny aurait plus aucune enceinte où lon verrait autour de la table tous les pays européens et tous les pays méditerranéens. Vous savez que la Libye était présente en tant quinvitée spéciale, ceci grâce à la suspension des sanctions, en attendant que leur annulation ait pu être décidée par le Conseil de sécurité. Donc, 15 + 12 + la Libye, il ny a aucune autre enceinte où vous puissiez voir une telle assemblée. Et je crois que cest important que les uns et les autres sentendent, notamment ceux qui se fréquentent peu souvent, et quainsi, petit à petit, sélaborent des références communes aussi bien sur le plan de la coopération économique que sur le plan culturel ou humain.
Les outils qui avaient été mis en place au début, et qui, on le sait, avaient été lents à démarrer, fonctionnent désormais. MEDA est quand même un programme significatif dun milliard deuros par an. Ce nest pas rien. Nous pensons quaprès les décisions prises à Berlin en ce qui concerne lAgenda 2000, pour la période considérée 2000-2006, on devrait pouvoir rester à ces niveaux, ce qui donne beaucoup de possibilités. Les choses prennent corps, les choses avancent. Sur les questions de stabilité, il y a à la fois un accord global sur le besoin pressant de stabilité, que cette région du monde a, et en même temps, on sait que quand on décompose cette question dinstabilité, naturellement, on retombe sur une série de problèmes qui sont toujours là. Mais enfin, on en parle, on exprime des objectifs communs et même quand il y a des divergences, tout le monde est là, autour de la table. Cest cela qui me frappe le plus par rapport à des enceintes auxquelles je participe naturellement beaucoup plus souvent, comme les enceintes européennes. Là on voit bien quil sagit de quelque chose de précieux. Cet assemblage de pays, de représentants, qui ont besoin de parler, de dialoguer.
Nous avons pu proposer, après que je me sois concerté sur ce point avec mon homologue M. Gama ce matin, que Barcelone IV soit sous présidence française lors du 2ème semestre 2000 et ce point a été accepté. Les Portugais envisageant de faire peut-être une réunion ministérielle beaucoup plus légère, sans collaborateurs, une sorte de « brainstorming de ministres » auparavant, pendant leur propre présidence. Ce nest pas tout à fait décidé parce quils ont un calendrier très chargé déjà pour leur présidence. Donc le mouvement se poursuit et voilà les perspectives pour la suite.
Jai donc une très bonne impression. Et cest important que lon sache que, même dans une période où lopinion mondiale regarde en priorité lexistence du Kosovo, il existe des politiques comme celles-ci qui expriment une vraie stratégie, un travail de fond, qui se poursuit.
Voilà mes impressions. Avez-vous des questions ?
Q - LAlgérie est membre de ce forum, peut-on avoir votre réaction sur lélection de M. Bouteflika ?
R - Vous me permettrez dêtre très cursif, parce que je voudrais poursuivre lévaluation de la situation actuelle en Algérie à la fois avec le Premier ministre et le président de la République, et avec nos partenaires des deux côtés de la Méditerranée. Donc je me bornerai à dire que nous sommes préoccupés par la situation créée par les divers événements des derniers jours, que nous continuons despérer que les aspirations à la démocratie du peuple algérien pourront sexprimer dans un cadre pluraliste et troisièmement, je voudrais évidemment réaffirmer notre attachement à lapprofondissement dune relation damitié, de dialogue, de coopération entre les peuples français et algériens. Pour le moment, je men tiendrai là.
Q - A quelles réunions bilatérales avez-vous participé ?
R - Jai vu à peu près toute le monde, mais cela va dun entretien formel dune demi-heure comme avec le Jordanien, en passant par un très grand nombre de discussions de 10 minutes avec les uns et les autres. Donc jai parlé avec le ministre marocain, jai parlé avec le ministre tunisien, jai parlé à plusieurs reprises avec M. Moussa, jai parlé avec Nabil Chaath, jai eu un entretien avec le ministre syrien. Comme vous le voyez, cest très large. Jai quand même eu quelques entretiens avec quelques ministres européens sur le Kosovo, cela dit. En somme, jai à peu près vu tout le monde, plus ou moins longuement.
Q - Est-ce que la Libye va devenir membre à part entière ?
R - Cest la logique pour la suite, mais cela dépend. Vous savez que les sanctions qui frappaient la Libye ont seulement été suspendues. Il y a un délai de 90 jours au terme duquel il peut être proposé de les annuler complètement, donc cest quand même un peu lié. La logique cest que la Libye soit, au bout du compte, membre à part entière.
Q - Est-ce que la Conférence en a décidé ainsi ?
R - Non, parce que cette enceinte nen a pas le pouvoir. Les prochains organisateurs pourront tirer les conséquences logiques de ce qui aura été décidé entre-temps. Mais la possibilité de voir la Libye, à travers les étapes que je viens de rappeler, se joindre à ce travail collectif a été saluée par tout le monde.
Q - Si la réunion Barcelone IV a lieu sous présidence française, elle aura lieu en France ?
R - Non pas forcément. Jai entendu des suggestions ce matin, mais cest trop tôt pour décider, bien sûr. Mais ne négligez pas limportance du pays qui organise.
Q - Avez-vous adressé au ministre syrien une invitation à se rendre à Paris ?
R - Votre question est trop formaliste. Les ministres vont et viennent en fonction des besoins, donc on na pas besoin de sinviter formellement pour voyager. On a travaillé, on a eu une séance où lon a parlé du Proche-Orient, on a parlé du processus de paix, on a parlé des questions israélo-syro-libanaises, on a parlé de lIraq et on va continuer à travailler.
Tous les ministres présents savent quils peuvent venir à Paris quand ils veulent. Moi, je sais que si jai besoin de travailler avec eux, je peux aller dans leur pays, quand ils veulent... Nous ne sommes pas des services du protocole, on na pas besoin de sinviter. On se voit chaque fois que cest utile, on se voit, on se téléphone, on profite des sommets pour parler. Si on a besoin de faire un travail bilatéral approfondi, on va sur place. Donc cest aussi simple que cela.
Q - Est-il vrai que la délégation israélienne sest opposée à linclusion dun passage sur les territoires occupés dans le document final ?
R - Je nai pas entendu parler de ce passage là, mais il y a discussion, comme à chaque fois, sur le communiqué. Je préfère que vous demandiez à M. Fischer, parce quil peut y avoir des épisodes qui mont peut-être échappés quand javais des entretiens bilatéraux.
Vous comprenez bien que cette conférence ne fait pas disparaître les problèmes du processus de paix. Le problème israélo-syro-libanais, à chaque fois, plus ou moins fort, revient à la surface que ce soit à propos des communiqués, à propos des conclusions ou à propos des projets pour la suite. Mais est-ce que cela empêche la conférence de fonctionner ? Il y a eu une réunion antérieure, à Malte, où ce problème avait donné limpression de tout remettre en cause, que tout le processus de Barcelone se cassait le nez là-dessus. Depuis Palerme, on sait que ce nest pas le cas. On sait quon a remis en marche le processus, que cela va mieux, que les projets se montent, que largent commence à venir, etc. On avance. Au sein de cette conférence, on sait quil y a des pays qui ont des désaccords, mais cela ne paralyse pas lexercice, cest cela qui est fondamental.
Q - En tenant compte de ce qua dit hier votre homologue allemand, pensez-vous que lenveloppe financière soit suffisante ?
R - Il y a MEDA I puis MEDA II. Jai fait référence à ce que permet lAgenda 2000. Je crois que cest déjà très important. Il faut mettre en regard les moyens de lUnion européenne et les besoins. Il y a encore très peu de temps, on disait que cela ne marchait pas, que lon narrivait pas à mobiliser les crédits, puisque les projets étaient mal ficelés et que lon ne connaissait pas bien les procédures de décision. On ne va pas brusquement se dire que cest insuffisant. Je crois que cest une enveloppe importante et qui permet de faire beaucoup de choses dans les années qui viennent.
Q - Sur le projet de charte paix et stabilité, y avait-il un projet de ligne directrice sur la table ?
R - Quand jai dû partir, la discussion nétait pas tout à fait terminée sur la façon dont ce projet était annexé. Mais, attention, à ce stade cest un document de travail. On ne peut pas considérer quil sagit dune une charte adoptée, ni même que ce soit une pré-charte adoptée, parce que beaucoup de pays nont aucun problème avec le contenu. Certains autres ont des problèmes. La vraie discussion doit avoir lieu lors de Barcelone IV. Vous avez parlé de ligne directrice, il sagira dun document de travail annexé pour faire le point sur létat des travaux qui ont eu lieu jusquici, mais en attendant la discussion finale qui sera plus compliquée.
Q - Comment voyez-vous maintenant le chemin à suivre après le plan en 5 points sur le Kosovo ? Avez-vous eu des contacts avec M. Fischer ?
R - Oui, comme nous en avons tout le temps sur cette question. On a eu une conversation ce matin. Je crois quen ce qui concerne les perspectives politiques, la position de tous les pays européens et de lAlliance est claire. La solution que nous recherchons est évidemment un Kosovo dans lequel les uns et les autres pourraient vivre en paix. En terme de statut politique, nous continuons à raisonner en terme de Kosovo autonome. Aucun pays occidental na changé de position là-dessus, aucun pays nest passé à lidée dindépendance en raison des conséquences que cela entraînerait. Lidée dune protection internationale gagne du terrain. Elle paraît indispensable aujourdhui plus encore quavant Rambouillet. Lidée que cette protection internationale et cette sécurité doivent être édictée par le Conseil de sécurité gagne encore du terrain, ce qui veut dire que la discussion pour préparer cet ensemble aurait lieu à la fois entre les Occidentaux, membres du Conseil de sécurité et avec les Russes. Je noublie pas les Chinois mais pour le moment le travail a lieu surtout entre Américains, Britanniques, Français et en connexion étroite avec les autres Européens, même quand ils ne sont pas au Conseil de sécurité. On travaille sur ce schéma. Un certain nombre de propositions ont été faites lors du dîner des chefs dEtat et de gouvernement qui a eu lieu mercredi soir. Il y a eu à la fois des propositions allemandes sur un cheminement possible vers la solution, des propositions françaises sur la façon dont on pourrait organiser cette « tutelle », mettons-le entre guillemets, parce que ce sont des mots qui nont pas forcément un sens juridique pour la suite. Donc, on voit se dessiner une solution politique. Simplement, à lheure actuelle les Russes sont daccord avec une partie du raisonnement mais pas jusquau bout, puisque il ny a pas encore daccord entre nous et les Russes sur la question de la force de sécurité au sol. Nous travaillons à une combinaison qui permettrait et la présence de contingents occidentaux dans le cadre de lOTAN et la présence de Russes dans un cadre à définir, qui pourrait être le partenariat OTAN-Russie, qui pourrait être lOSCE, qui pourrait être un mandat direct du Conseil de sécurité, comme les Casques bleus. Nous travaillons à cette combinaison, mais la formule finale nest pas encore fixée.
Q - Ces soldats, auront-ils un mandat comme les Casques bleus ?
R - Ce serait une vraie force de sécurité dans un environnement difficile. Cela ne peut pas être simplement des gens qui observeraient passivement la situation. Cest une vraie force militaire de sécurité internationale. On le comprend aisément dailleurs par rapport à ce qui sest passé, si on veut que les gens puissent revenir, il faut que le Kosovo redevienne une région sûre. La sécurité ne peut pas être assurée par de simples observateurs.
Q - Cette force, quel pourrait en être le nombre ?
R - Oh, nous nen sommes pas là. Ce qui est important, cest de définir le concept politique, le mécanisme juridique et lautorité qui a le pouvoir de définir ce cadre. Leffectif, on verra ensuite, cela dépendra de ce qui se sera passé dici là. A lépoque de Rambouillet, le chiffre avancé dans un contexte tout à fait différent, cétait un peu moins de 30 000.
Q - Etant donné les différences sur ce dossier, êtes-vous optimiste ?
R - Cest une question que je ne me pose jamais. Savoir si je suis optimiste ou pas nest pas la question, ce qui est important cest « quest-ce quon peut faire ? ». Donc on fait ce quon doit faire.
Q - Y a-t-il déjà une date fixée pour le G8 ?
R - Il y a la réunion habituelle du G8 en juin. Mais sur une éventuelle réunion des ministres du G8 sur ce sujet, rien nest encore fixé, parce que nous pensons quil faut très bien préparer les choses. On ne peut pas faire une réunion des ministres du G8, avec les attentes que cela créerait, si on nest pas sûr davoir à la sortie une solution vraiment solide. Nous continuons à travailler.
Q - M. Fischer vous a-t-il donné des précisions sur une visite de M. Tchernomyrdine à Bonn ?
R - Il ny a pas de précisions à demander. LAllemagne en tant que présidente en exercice a dit à M. Tchernomyrdine, que tout naturellement elle serait très heureuse de parler avec lui au nom de lUnion, donc quil pouvait venir à Bonn quand il le voulait. Cest tout à fait simple.
Q - On a parlé dune visite pour les prochains jours.
R - M. Tchernomyrdine a été nommé par le président Eltsine. LAllemagne, en tant que présidente a dit que le dialogue serait souhaitable, et voilà, on en est là.
Q - Est-ce quun contact, un dialogue avec Belgrade peut se faire pendant la phase de préparation ou seulement ultérieurement ?
R - Nous navons pas pris le problème dans ce sens. Nous avons ces derniers temps travaillé à définir le cadre général de la solution politique avec son volet sécurité. Cest pour cela quon a reparlé beaucoup ces derniers temps du rôle de la Russie puisque cest tout à fait lié au rôle que nous voulons voir jouer par le Conseil de sécurité. Pour nous, cest au sein du Conseil quon doit prendre ces décisions. Ce quon attend de Belgrade, cest quoi ? Cest que Belgrade réponde positivement aux cinq questions, cinq interpellations, qui ont été adressées après cette annonce de cessez-le-feu momentané, provisoire. Il y a eu cinq questions posées qui définissent les contours dun règlement, et naturellement, si Belgrade répondait positivement, et par des déclarations et par des actes, aux interpellations qui ont été adressées, cela changerait la situation. Il ny a pas dautres points sur quoi dialoguer en ce moment.
Q - Votre réaction sur loccupation par Israël dun village libanais.
R - Nous nous sommes déjà exprimé là-dessus, je nai rien à rajouter.
Q - Question sur le Kosovo. Il y a les cinq points de la proposition, mais il y a aussi une proposition de cessez-le-feu de 24h. Est-ce vous y souscrivez ?
R - Il ne faut pas détacher tel et tel morceau des idées allemandes du contexte. Les idées allemandes, elles partent des cinq questions. Cest une mise en oeuvre plus détaillée dun calendrier possible à partir du moment où Belgrade aura répondu positivement aux cinq questions, sur le cessez-le-feu vérifiable et larrêt des différentes atrocités, sur le retrait des troupes etc... A partir de là, les Allemands, dans un document intéressant élaboré par M. Fischer, distribué à lOTAN lundi et qui a circulé après, ont essayé de voir comment on pourrait progresser, par quelles étapes. Donc cest une contribution très intéressante, mais il faut le point de départ. On ne peut pas se substituer au point de départ.
Q - Je voudrais vous poser une question sur le débat au Conseil de sécurité sur lIraq. Il paraît quil y a une nouvelle proposition.
R - Je ne la connais pas encore, vous en savez plus que moi. Je ne peux donc pas réagir dessus. Simplement, comme vous le savez, nous avons nos idées, quon a fait connaître en janvier, pour concilier la sécurité régionale par rapport à un régime qui pourrait redevenir dangereux et la nécessité humaine et politique urgente de trouver une issue à ce drame. Pour la question de lembargo, on essaye de concilier tous ces éléments. Nous pensons que nos idées sont équilibrées, elles nont pas été adoptées, mais elles nont pas été rejetées non plus, elles continuent dêtre là et à nos yeux dêtre dactualité. Nous allons intervenir dans tous les débats au sein du Conseil de sécurité à partir de ces idées. Nous appuierons évidemment ce qui va dans le sens de ce schéma. Si on a affaire à des propositions très différentes, alors on ny sera peut-être pas très favorable, en tout cas, on discutera. Je ne peux pas vous en dire plus. Voilà, merci.
(Source http ://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 avril 1999)
Je voulais vous voir, ne serait-ce que brièvement avant de repartir à Paris. Je nai pas assisté au débat dhier après-midi parce que - de retour de Roumanie où jétais hier matin -, jai dû repasser par Paris pour des réunions sur le Kosovo. Je ne suis arrivé quà la fin du dîner, mais jai eu un compte-rendu détaillé par la délégation française et par mes homologues. Un des intérêts considérables de ces conférences européennes, cest quelles permettent un nombre très élevé dentretiens bilatéraux, et en particulier avec les partenaires que lon ne voit pas beaucoup. Les ministres européens, je les vois plusieurs fois par semaine, et jai donc plutôt vu mes autres homologues.
Je trouve que cest une bonne réunion qui montre que ce processus de Barcelone commence à sinstaller, et quil est devenu une réalité dans la diplomatie et la géopolitique de cette région du monde. Cest une vraie enceinte. Nous en sommes à la troisième édition de la Conférence ministérielle euro-méditerranéenne. Certes, elle ne peut pas régler comme par miracle des problèmes compliqués qui demeurent. Quand on traite du processus de paix, on se trouve devant les mêmes difficultés, les positions des uns et des autres divergent, et cest un travail délicat que dharmoniser les textes. Mais ce nest pas comme ça quil faut raisonner, car si aujourdhui ce processus de Barcelone disparaissait, et bien, il y aurait un vrai manque. Il ny aurait plus aucune enceinte où lon verrait autour de la table tous les pays européens et tous les pays méditerranéens. Vous savez que la Libye était présente en tant quinvitée spéciale, ceci grâce à la suspension des sanctions, en attendant que leur annulation ait pu être décidée par le Conseil de sécurité. Donc, 15 + 12 + la Libye, il ny a aucune autre enceinte où vous puissiez voir une telle assemblée. Et je crois que cest important que les uns et les autres sentendent, notamment ceux qui se fréquentent peu souvent, et quainsi, petit à petit, sélaborent des références communes aussi bien sur le plan de la coopération économique que sur le plan culturel ou humain.
Les outils qui avaient été mis en place au début, et qui, on le sait, avaient été lents à démarrer, fonctionnent désormais. MEDA est quand même un programme significatif dun milliard deuros par an. Ce nest pas rien. Nous pensons quaprès les décisions prises à Berlin en ce qui concerne lAgenda 2000, pour la période considérée 2000-2006, on devrait pouvoir rester à ces niveaux, ce qui donne beaucoup de possibilités. Les choses prennent corps, les choses avancent. Sur les questions de stabilité, il y a à la fois un accord global sur le besoin pressant de stabilité, que cette région du monde a, et en même temps, on sait que quand on décompose cette question dinstabilité, naturellement, on retombe sur une série de problèmes qui sont toujours là. Mais enfin, on en parle, on exprime des objectifs communs et même quand il y a des divergences, tout le monde est là, autour de la table. Cest cela qui me frappe le plus par rapport à des enceintes auxquelles je participe naturellement beaucoup plus souvent, comme les enceintes européennes. Là on voit bien quil sagit de quelque chose de précieux. Cet assemblage de pays, de représentants, qui ont besoin de parler, de dialoguer.
Nous avons pu proposer, après que je me sois concerté sur ce point avec mon homologue M. Gama ce matin, que Barcelone IV soit sous présidence française lors du 2ème semestre 2000 et ce point a été accepté. Les Portugais envisageant de faire peut-être une réunion ministérielle beaucoup plus légère, sans collaborateurs, une sorte de « brainstorming de ministres » auparavant, pendant leur propre présidence. Ce nest pas tout à fait décidé parce quils ont un calendrier très chargé déjà pour leur présidence. Donc le mouvement se poursuit et voilà les perspectives pour la suite.
Jai donc une très bonne impression. Et cest important que lon sache que, même dans une période où lopinion mondiale regarde en priorité lexistence du Kosovo, il existe des politiques comme celles-ci qui expriment une vraie stratégie, un travail de fond, qui se poursuit.
Voilà mes impressions. Avez-vous des questions ?
Q - LAlgérie est membre de ce forum, peut-on avoir votre réaction sur lélection de M. Bouteflika ?
R - Vous me permettrez dêtre très cursif, parce que je voudrais poursuivre lévaluation de la situation actuelle en Algérie à la fois avec le Premier ministre et le président de la République, et avec nos partenaires des deux côtés de la Méditerranée. Donc je me bornerai à dire que nous sommes préoccupés par la situation créée par les divers événements des derniers jours, que nous continuons despérer que les aspirations à la démocratie du peuple algérien pourront sexprimer dans un cadre pluraliste et troisièmement, je voudrais évidemment réaffirmer notre attachement à lapprofondissement dune relation damitié, de dialogue, de coopération entre les peuples français et algériens. Pour le moment, je men tiendrai là.
Q - A quelles réunions bilatérales avez-vous participé ?
R - Jai vu à peu près toute le monde, mais cela va dun entretien formel dune demi-heure comme avec le Jordanien, en passant par un très grand nombre de discussions de 10 minutes avec les uns et les autres. Donc jai parlé avec le ministre marocain, jai parlé avec le ministre tunisien, jai parlé à plusieurs reprises avec M. Moussa, jai parlé avec Nabil Chaath, jai eu un entretien avec le ministre syrien. Comme vous le voyez, cest très large. Jai quand même eu quelques entretiens avec quelques ministres européens sur le Kosovo, cela dit. En somme, jai à peu près vu tout le monde, plus ou moins longuement.
Q - Est-ce que la Libye va devenir membre à part entière ?
R - Cest la logique pour la suite, mais cela dépend. Vous savez que les sanctions qui frappaient la Libye ont seulement été suspendues. Il y a un délai de 90 jours au terme duquel il peut être proposé de les annuler complètement, donc cest quand même un peu lié. La logique cest que la Libye soit, au bout du compte, membre à part entière.
Q - Est-ce que la Conférence en a décidé ainsi ?
R - Non, parce que cette enceinte nen a pas le pouvoir. Les prochains organisateurs pourront tirer les conséquences logiques de ce qui aura été décidé entre-temps. Mais la possibilité de voir la Libye, à travers les étapes que je viens de rappeler, se joindre à ce travail collectif a été saluée par tout le monde.
Q - Si la réunion Barcelone IV a lieu sous présidence française, elle aura lieu en France ?
R - Non pas forcément. Jai entendu des suggestions ce matin, mais cest trop tôt pour décider, bien sûr. Mais ne négligez pas limportance du pays qui organise.
Q - Avez-vous adressé au ministre syrien une invitation à se rendre à Paris ?
R - Votre question est trop formaliste. Les ministres vont et viennent en fonction des besoins, donc on na pas besoin de sinviter formellement pour voyager. On a travaillé, on a eu une séance où lon a parlé du Proche-Orient, on a parlé du processus de paix, on a parlé des questions israélo-syro-libanaises, on a parlé de lIraq et on va continuer à travailler.
Tous les ministres présents savent quils peuvent venir à Paris quand ils veulent. Moi, je sais que si jai besoin de travailler avec eux, je peux aller dans leur pays, quand ils veulent... Nous ne sommes pas des services du protocole, on na pas besoin de sinviter. On se voit chaque fois que cest utile, on se voit, on se téléphone, on profite des sommets pour parler. Si on a besoin de faire un travail bilatéral approfondi, on va sur place. Donc cest aussi simple que cela.
Q - Est-il vrai que la délégation israélienne sest opposée à linclusion dun passage sur les territoires occupés dans le document final ?
R - Je nai pas entendu parler de ce passage là, mais il y a discussion, comme à chaque fois, sur le communiqué. Je préfère que vous demandiez à M. Fischer, parce quil peut y avoir des épisodes qui mont peut-être échappés quand javais des entretiens bilatéraux.
Vous comprenez bien que cette conférence ne fait pas disparaître les problèmes du processus de paix. Le problème israélo-syro-libanais, à chaque fois, plus ou moins fort, revient à la surface que ce soit à propos des communiqués, à propos des conclusions ou à propos des projets pour la suite. Mais est-ce que cela empêche la conférence de fonctionner ? Il y a eu une réunion antérieure, à Malte, où ce problème avait donné limpression de tout remettre en cause, que tout le processus de Barcelone se cassait le nez là-dessus. Depuis Palerme, on sait que ce nest pas le cas. On sait quon a remis en marche le processus, que cela va mieux, que les projets se montent, que largent commence à venir, etc. On avance. Au sein de cette conférence, on sait quil y a des pays qui ont des désaccords, mais cela ne paralyse pas lexercice, cest cela qui est fondamental.
Q - En tenant compte de ce qua dit hier votre homologue allemand, pensez-vous que lenveloppe financière soit suffisante ?
R - Il y a MEDA I puis MEDA II. Jai fait référence à ce que permet lAgenda 2000. Je crois que cest déjà très important. Il faut mettre en regard les moyens de lUnion européenne et les besoins. Il y a encore très peu de temps, on disait que cela ne marchait pas, que lon narrivait pas à mobiliser les crédits, puisque les projets étaient mal ficelés et que lon ne connaissait pas bien les procédures de décision. On ne va pas brusquement se dire que cest insuffisant. Je crois que cest une enveloppe importante et qui permet de faire beaucoup de choses dans les années qui viennent.
Q - Sur le projet de charte paix et stabilité, y avait-il un projet de ligne directrice sur la table ?
R - Quand jai dû partir, la discussion nétait pas tout à fait terminée sur la façon dont ce projet était annexé. Mais, attention, à ce stade cest un document de travail. On ne peut pas considérer quil sagit dune une charte adoptée, ni même que ce soit une pré-charte adoptée, parce que beaucoup de pays nont aucun problème avec le contenu. Certains autres ont des problèmes. La vraie discussion doit avoir lieu lors de Barcelone IV. Vous avez parlé de ligne directrice, il sagira dun document de travail annexé pour faire le point sur létat des travaux qui ont eu lieu jusquici, mais en attendant la discussion finale qui sera plus compliquée.
Q - Comment voyez-vous maintenant le chemin à suivre après le plan en 5 points sur le Kosovo ? Avez-vous eu des contacts avec M. Fischer ?
R - Oui, comme nous en avons tout le temps sur cette question. On a eu une conversation ce matin. Je crois quen ce qui concerne les perspectives politiques, la position de tous les pays européens et de lAlliance est claire. La solution que nous recherchons est évidemment un Kosovo dans lequel les uns et les autres pourraient vivre en paix. En terme de statut politique, nous continuons à raisonner en terme de Kosovo autonome. Aucun pays occidental na changé de position là-dessus, aucun pays nest passé à lidée dindépendance en raison des conséquences que cela entraînerait. Lidée dune protection internationale gagne du terrain. Elle paraît indispensable aujourdhui plus encore quavant Rambouillet. Lidée que cette protection internationale et cette sécurité doivent être édictée par le Conseil de sécurité gagne encore du terrain, ce qui veut dire que la discussion pour préparer cet ensemble aurait lieu à la fois entre les Occidentaux, membres du Conseil de sécurité et avec les Russes. Je noublie pas les Chinois mais pour le moment le travail a lieu surtout entre Américains, Britanniques, Français et en connexion étroite avec les autres Européens, même quand ils ne sont pas au Conseil de sécurité. On travaille sur ce schéma. Un certain nombre de propositions ont été faites lors du dîner des chefs dEtat et de gouvernement qui a eu lieu mercredi soir. Il y a eu à la fois des propositions allemandes sur un cheminement possible vers la solution, des propositions françaises sur la façon dont on pourrait organiser cette « tutelle », mettons-le entre guillemets, parce que ce sont des mots qui nont pas forcément un sens juridique pour la suite. Donc, on voit se dessiner une solution politique. Simplement, à lheure actuelle les Russes sont daccord avec une partie du raisonnement mais pas jusquau bout, puisque il ny a pas encore daccord entre nous et les Russes sur la question de la force de sécurité au sol. Nous travaillons à une combinaison qui permettrait et la présence de contingents occidentaux dans le cadre de lOTAN et la présence de Russes dans un cadre à définir, qui pourrait être le partenariat OTAN-Russie, qui pourrait être lOSCE, qui pourrait être un mandat direct du Conseil de sécurité, comme les Casques bleus. Nous travaillons à cette combinaison, mais la formule finale nest pas encore fixée.
Q - Ces soldats, auront-ils un mandat comme les Casques bleus ?
R - Ce serait une vraie force de sécurité dans un environnement difficile. Cela ne peut pas être simplement des gens qui observeraient passivement la situation. Cest une vraie force militaire de sécurité internationale. On le comprend aisément dailleurs par rapport à ce qui sest passé, si on veut que les gens puissent revenir, il faut que le Kosovo redevienne une région sûre. La sécurité ne peut pas être assurée par de simples observateurs.
Q - Cette force, quel pourrait en être le nombre ?
R - Oh, nous nen sommes pas là. Ce qui est important, cest de définir le concept politique, le mécanisme juridique et lautorité qui a le pouvoir de définir ce cadre. Leffectif, on verra ensuite, cela dépendra de ce qui se sera passé dici là. A lépoque de Rambouillet, le chiffre avancé dans un contexte tout à fait différent, cétait un peu moins de 30 000.
Q - Etant donné les différences sur ce dossier, êtes-vous optimiste ?
R - Cest une question que je ne me pose jamais. Savoir si je suis optimiste ou pas nest pas la question, ce qui est important cest « quest-ce quon peut faire ? ». Donc on fait ce quon doit faire.
Q - Y a-t-il déjà une date fixée pour le G8 ?
R - Il y a la réunion habituelle du G8 en juin. Mais sur une éventuelle réunion des ministres du G8 sur ce sujet, rien nest encore fixé, parce que nous pensons quil faut très bien préparer les choses. On ne peut pas faire une réunion des ministres du G8, avec les attentes que cela créerait, si on nest pas sûr davoir à la sortie une solution vraiment solide. Nous continuons à travailler.
Q - M. Fischer vous a-t-il donné des précisions sur une visite de M. Tchernomyrdine à Bonn ?
R - Il ny a pas de précisions à demander. LAllemagne en tant que présidente en exercice a dit à M. Tchernomyrdine, que tout naturellement elle serait très heureuse de parler avec lui au nom de lUnion, donc quil pouvait venir à Bonn quand il le voulait. Cest tout à fait simple.
Q - On a parlé dune visite pour les prochains jours.
R - M. Tchernomyrdine a été nommé par le président Eltsine. LAllemagne, en tant que présidente a dit que le dialogue serait souhaitable, et voilà, on en est là.
Q - Est-ce quun contact, un dialogue avec Belgrade peut se faire pendant la phase de préparation ou seulement ultérieurement ?
R - Nous navons pas pris le problème dans ce sens. Nous avons ces derniers temps travaillé à définir le cadre général de la solution politique avec son volet sécurité. Cest pour cela quon a reparlé beaucoup ces derniers temps du rôle de la Russie puisque cest tout à fait lié au rôle que nous voulons voir jouer par le Conseil de sécurité. Pour nous, cest au sein du Conseil quon doit prendre ces décisions. Ce quon attend de Belgrade, cest quoi ? Cest que Belgrade réponde positivement aux cinq questions, cinq interpellations, qui ont été adressées après cette annonce de cessez-le-feu momentané, provisoire. Il y a eu cinq questions posées qui définissent les contours dun règlement, et naturellement, si Belgrade répondait positivement, et par des déclarations et par des actes, aux interpellations qui ont été adressées, cela changerait la situation. Il ny a pas dautres points sur quoi dialoguer en ce moment.
Q - Votre réaction sur loccupation par Israël dun village libanais.
R - Nous nous sommes déjà exprimé là-dessus, je nai rien à rajouter.
Q - Question sur le Kosovo. Il y a les cinq points de la proposition, mais il y a aussi une proposition de cessez-le-feu de 24h. Est-ce vous y souscrivez ?
R - Il ne faut pas détacher tel et tel morceau des idées allemandes du contexte. Les idées allemandes, elles partent des cinq questions. Cest une mise en oeuvre plus détaillée dun calendrier possible à partir du moment où Belgrade aura répondu positivement aux cinq questions, sur le cessez-le-feu vérifiable et larrêt des différentes atrocités, sur le retrait des troupes etc... A partir de là, les Allemands, dans un document intéressant élaboré par M. Fischer, distribué à lOTAN lundi et qui a circulé après, ont essayé de voir comment on pourrait progresser, par quelles étapes. Donc cest une contribution très intéressante, mais il faut le point de départ. On ne peut pas se substituer au point de départ.
Q - Je voudrais vous poser une question sur le débat au Conseil de sécurité sur lIraq. Il paraît quil y a une nouvelle proposition.
R - Je ne la connais pas encore, vous en savez plus que moi. Je ne peux donc pas réagir dessus. Simplement, comme vous le savez, nous avons nos idées, quon a fait connaître en janvier, pour concilier la sécurité régionale par rapport à un régime qui pourrait redevenir dangereux et la nécessité humaine et politique urgente de trouver une issue à ce drame. Pour la question de lembargo, on essaye de concilier tous ces éléments. Nous pensons que nos idées sont équilibrées, elles nont pas été adoptées, mais elles nont pas été rejetées non plus, elles continuent dêtre là et à nos yeux dêtre dactualité. Nous allons intervenir dans tous les débats au sein du Conseil de sécurité à partir de ces idées. Nous appuierons évidemment ce qui va dans le sens de ce schéma. Si on a affaire à des propositions très différentes, alors on ny sera peut-être pas très favorable, en tout cas, on discutera. Je ne peux pas vous en dire plus. Voilà, merci.
(Source http ://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 avril 1999)