Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je suis extrêmement heureux que nous puissions nous retrouver aujourdhui, avec Martin Schulz, pour ce colloque de ceux experts, responsables politiques, représentants syndicaux, membres de la société civile ou simple citoyen de sensibilité socialiste et démocrate qui veulent dessiner une autre Europe. Et je tiens à remercier chaleureusement la Fondation Jean Jaurès et la FEPS, qui ont rendu ce beau rassemblement possible.
Il y a un mot que plus personne, ou presque, ne prononce lorsquon parle dEurope, comme sil était honteux, déplacé ou dépassé, comme sil sétait dissout dans la contrainte économique et les exigences de la realpolitik. Ce mot, cest le rêve. Plus personne, ou presque, ne rêve dEurope. Plus personne, ou presque, na de rêves pour lEurope. Or je crois, moi, que lorsque nous désertons le champ du rêve, nous désertons le champ de lidéal européen que nous voulons construire. Je crois que sinterdire de rêver pour lEurope, cest dinterdire dimaginer lEurope que nous voulons, cest renoncer, cest abandonner le projet européen à sa froide réalité économique ou bureaucratique. Et cela, la grande galaxie socialiste et démocrate à laquelle nous appartenons ne doit pas sy résoudre.
Pour ma part, je veux imaginer et construire une autre Europe, une Europe qui soit pour ses citoyens un triple espace : un espace de croissance, un espace de solidarité, et un espace dunité. Un espace de croissance, car cest la promesse implicite sur laquelle repose ladhésion de ses peuples, et quelle doit tenir : lEurope doit être un véhicule pour le progrès économique et la prospérité des citoyens européens, elle doit apparaître comme une solution, un espoir et non pas comme un problème ou une punition si elle veut retrouver leur soutien. Un espace de solidarité, parce que lEurope nest pas que le terrain de jeu des marchés, une Europe administrative désincarnée, une Europe de la libre circulation des biens, des capitaux et des services : elle est dabord lémanation de peuples qui ont fait le choix de partager un destin. Un espace dunité, enfin, où la politique doit jouer son rôle le plus noble : celui de dire lintérêt commun, et de dessiner un chemin dans ce sens pour nos pays.
Car cest bien de cela dont il sagit, au final. Dune Europe dont le moteur est la définition de lintérêt commun, où le jeu des intérêts nationaux, par ailleurs légitime, nest pas la seule loi. Dune Europe qui reviendrait à lidéal de Jean Monnet : « Lorsquils sont placés dans certaines conditions, [les hommes] voient que leur intérêt est commun et dès lors sont portés à se mettre daccord. Ces conditions sont que lon parle du même problème, avec la volonté et même lobligation de lui donner une solution acceptable pour tous. » Dune Europe où lon redécouvre lurgence de cet intérêt commun. Voilà ce dont je rêve. Cest pourquoi jen reviens où lEurope des trois espaces que jévoquais : espace de croissance, espace de solidarité, espace dunité politique.
LEurope, chers amis socialistes et démocrates, doit dabord être un espace de croissance pour ses citoyens. Cela doit être la toute première de nos priorités. Et je vous parle ici comme Ministre de lEconomie et des Finances, bien sûr, mais aussi comme européen convaincu, viscéral, de toujours, qui fait comme vous le triste constat de limmense déception des citoyens européens à légard dune Europe incapable aujourdhui de leur ouvrir les perspectives de progrès économique quils attendent. Je suis, certains le savent peut-être, élu dune circonscription industrielle, ouvrière, durement touchée par la crise. Une circonscription où lextrême droite est profondément ancrée et en vérité gagne constamment du terrain, une circonscription qui a aussi voté massivement contre le Traité Constitutionnel Européen en 2005. Mes électeurs du Pays de Montbéliard, ces ouvriers, ces paysans, ces personnes âgées, ces jeunes insuffisamment formés, je les connais bien. Ils ne sont pas hostiles par principe à lEurope : ils nen voient pas les bénéfices concrets, pour eux, dans leur vie. Seul le retour de la croissance, non pas en dépit mais grâce à lEurope, constituera une réponse convaincante pour reconquérir leur adhésion.
Faire repartir la croissance : lEurope ne devrait pas avoir dautre obsession aujourdhui. Comment ? Je veux évoquer ici trois initiatives.
La première, cest la fin du règne sans partage de laustérité. Car que nous disent les indicateurs économiques, au final, lorsque lon compare lEurope et les autres économies avancées, comme les Etats-Unis ou le Japon ? Que cest en Europe que les déficits publics sont les plus bas, le chômage le plus haut, la croissance la plus faible, alors que linflation y est basse et que lEurope dégage un excédent commercial. Je nen déduis pas, contrairement à une idée que répand lextrême droite et quil faudra combattre avec vigueur dans lavenir, que cest la faute de leuro. Il ne sagit pas de cela : leuro nous protège, nous unifie, nous renforce, il nest pas la cause de la crise de la finances et des dettes souveraines qui nous frappe depuis 2008. Ce nest pas de moins deuro dont nous avons besoin, mais dun meilleur pilotage politique de leuro. Mais tous ces signes concordent pour nous dire une seule et même réalité : le policy mix actuel en Europe est trop restrictif. Laustérité généralisée qui a prévalu ces dernières années, et dont ce policy mix inadapté est la résultante directe, est un échec. Cest un échec économique la zone euro sera en récession en 2013 et cest un échec politique, puisque lEurope est plus impopulaire que jamais.
Nous avons fait un pas immense dans le bon sens, ces dernières semaines, lorsque la Commission Européenne a publié ses recommandations dans le cadre du semestre européen. En accordant un délai supplémentaire à plusieurs pays de la zone euro, dont la France, pour quils ajustent le rythme de redressement de leurs comptes publics, elle a profondément infléchi son approche pour mieux prendre en compte lobjectif de croissance. Cela ne veut pas dire que la remise en ordre des comptes publics doit sarrêter : cela veut simplement dire quil faut sattacher à définir un rythme plus compatible avec le retour de la croissance.
Reste à transformer cet essai lors du Conseil européen de juin et au-delà. Je plaide pour ma part pour une doctrine du redressement budgétaire qui repose à lavenir en zone euro sur trois principes. Le premier serait de mettre laccent sur le respect de stratégies de réduction du déficit structurel à moyen terme. Le second serait de juger ensemble réduction des déficits et réformes de structure car ces réformes, qui permettent de recréer les conditions de la croissance, de la compétitivité et de la productivité, sont tout aussi importantes que le redressement des comptes. Elles sont mêmes les deux faces dune médaille, les réformes donnent du sens à la réduction des déficits. Le dernier de ces principes doit être la coordination au sein de la zone euro. Nos économies sont dans une situation dinterdépendance totale. Cest lun des grands succès de la construction communautaire, cest aussi une puissante incitation à définir ensemble lintérêt commun et à se coordonner pour latteindre. Réduction des déficits et réformes de structure dun côté dans certains pays, soutien à la demande interne dans dautres : coordonner, cest multiplier nos chances de succès. En tout état de cause, la coloration du débat sur laustérité a profondément changé en Europe. Je men félicite, et je suis fier dy avoir contribué.
Deuxième initiative pour faire de lEurope, de la zone euro en particulier, un espace de croissance : parachever lUnion bancaire, avec une ambition intacte, aussi bien sur le fond que sur le calendrier. Nous avons un programme, il faut le tenir, cest-à-dire trouver un accord dici juin pour une mettre en uvre sans délai linstrument de recapitalisation directe du Mécanisme Européen de Stabilité, parvenir à un accord sur les directives sur la résolution des crises bancaires et la garantie harmonisée des dépôts avant les prochaines élections européennes, et disposer avant lété de la proposition la Commission Européenne pour la création dune autorité intégrée de résolution bancaire.
LUnion bancaire nest pas quun sujet de stabilité financière : cest dabord un enjeu majeur pour la croissance en zone euro. Elle a en effet une dimension profondément économique, puisquelle doit permettre de recoller les morceaux dun système financier européen qui est aujourdhui atomisé, au détriment de léconomie réelle. Comment se traduit, concrètement, cette fragmentation ? Aujourdhui, une PME italienne et jétais jeudi à Rome, où jai rencontré mes amis Giorgio Napolitano et Enrico Letta, qui attendent beaucoup de la France et de linitiative européenne annoncée par François Hollande lors de sa conférence de presse na absolument pas la même capacité de développement quune PME allemande, parce quelle paie beaucoup plus cher son financement. Ainsi, de nombreuses entreprises ne tirent pas bénéfice des taux dintérêt très bas pratiqués aujourdhui en zone euro, qui favorisent linvestissement et donc le développement des entreprises et la croissance, en raison de la fragmentation financière. LUnion bancaire doit remédier à cette situation. Elle est donc un chantier très concret, dabord au bénéfice du financement des entreprises et de la croissance.
Je sais quelle suscite des interrogations chez certains Etats membres, qui veulent en limiter le champ en sabritant derrière la nécessité dune révision des traités. Laissons les juristes de la Commission et du Conseil traiter de cette question, et avançons le plus loin possible à traités constants. Il ne faut pas sen étonner : cest que sous ses abords techniques, lUnion bancaire est aussi un projet profondément politique. Nous avons aujourdhui besoin dune finance maitrisée au service du développement de léconomie réelle. Or elle ne lest pas. Cest pourquoi nous avons besoin dune Union bancaire globale, complète, et non inachevée ou limitée.
Dernière initiative pour faire de lEurope un espace de croissance : la définition par lEurope dune stratégie dinvestissements. Cest ce qua demandé le Président de la République lors de sa conférence de presse du 16 mai. Il faut à présent semparer de cette priorité. Les industries et les technologies davenir doivent en effet se préparer dès maintenant. LEurope dispose déjà datouts puissants dans ce domaine : la Banque Européenne dInvestissement, par exemple, est lun des principaux leviers de cofinancement des investissements publics mais aussi privés dans linnovation, et son augmentation de capital décidée dans le cadre du Pacte de croissance permettra de dégager des ressources conséquentes. Les ressources sont une chose : il revient au politique doit définir leur meilleur emploi. La hiérarchie des priorités et le plan quétablira le Conseil européen en matière de politique industrielle et de recherche et développement sera à cet égard essentielle, afin de disposer dune véritable évaluation des besoins et dune feuille de route, de nature à créer la lisibilité et le climat de confiance nécessaires pour les industriels et linvestissement public.
Mais lEurope doit aussi être un espace de solidarité. La solidarité, cest le corollaire logique et indispensable aux disciplines communes dont nous nous sommes dotés. Cest surtout le cur du projet communautaire, qui repose sur la volonté affirmée, pour des peuples qui ont si longtemps été des ennemis héréditaires, de lier leur destin, et de faire le pari quils réussiront à définir ensemble lintérêt commun. Sans cette dimension, lEurope nest rien de plus quun marché, elle nest rien de plus que la somme des éléments qui la composent, elle se réduit à son incarnation économique. Tous ceux qui se reconnaissent dans la sensibilité socialiste et démocrate ont plus dambition pour elle.
Là encore, je veux décliner cette Europe espace de solidarité en trois volets.
Le premier, cest celui dun plan pour linsertion et la lutte contre le chômage des jeunes, qui sont les plus touchés par la crise, alors que le taux de chômage des jeunes atteint 23,5% dans lUE et en zone euro. Cétait la proposition de François Hollande, dans sa conférence de presse du 16 mai. Une génération complète de jeunes européens a été fauchée par la crise. Une génération complète de jeunes européens voit dabord lEurope comme un ogre qui dévore ses enfants. Cest notre responsabilité de répondre à leur désespérance, et dy répondre vite.
Le président le soulignait : des instruments financiers existent le budget européen a déjà prévu six milliards deuros pour lemploi des jeunes et doivent être remobilisés. Cest la priorité : rechercher la réorientation des fonds programmés mais non utilisés, et surtout laccélération de la mobilisation de ces fonds qui sont dans leur dernière année de programmation, voire la réorientation dune partie des fonds de cohésion vers la croissance et lemploi, comme la autorisé la Commission.
A compter de 2014, toutefois, nous devrons aller au-delà. Nous devrons notamment renforcer linitiative pour lemploi des jeunes, avec lallocation de moyens supplémentaires, par exemple en y affectant une partie des recettes issues de la future taxe sur les transactions financières. Par ailleurs, de nombreux dispositifs à destination des jeunes se limitent aux moins de 25 ans : une extension de ces dispositifs aux moins de 30 ans pourrait être étudiée. Une action renforcée de la Banque Européenne dInvestissement à destination, au moins indirecte, de lemploi des jeunes, constitue une autre piste. La BEI est déjà active dans le financement des infrastructures liées à la formation ; demain, elle pourrait développer ses interventions dans des domaines comme le financement de programmes de formation professionnelle ou de prêts aux étudiants. La souffrance de la jeunesse est européenne : elle doit se voir offrir une réponse européenne, enfin en phase avec lampleur du désarroi de nos jeunes.
Faire de lEurope, de la zone euro en particulier, un espace de solidarité, cest aussi se doter des instruments qui font aujourdhui défaut. Le déficit de compétitivité de ses membres nest pas seul à lorigine de la crise de la zone euro : ce que la crise a crûment mis en lumière, cest que la zone euro ne disposait pas des instruments nécessaires pour faire face à une crise. Cest pourquoi je plaide, comme la proposé François Hollande, pour une capacité budgétaire propre à la zone euro, distincte du budget des 27, financée sur des ressources autonomes, avec une capacité dendettement. Un tel budget aurait une véritable fonction contre-cyclique et stabiliserait les économies de la zone euro en cas de crise : si les finances dun membre plongeaient à cause dune récession, il permettrait démettre de la dette en commun pour continuer à financer le budget et de laisser jouer les stabilisateurs automatiques au niveau de la zone euro.
LEurope de la solidarité, enfin, cest dabord une Europe dont les membres jouent collectif. Or à lheure actuelle, la législation fiscale de certains Etats membres est un acte de prédation sur les finances publiques des autres pays de la zone euro. Oui, le secret bancaire est un but marqué contre son camp, une rupture majeure de la solidarité entre Etats membres, une agression pour nos finances publiques. La France, aiguillon sur ces sujets, demandera donc laccélération des travaux communautaires sur la base consolidée pour limpôt sur les sociétés et mettra tout son poids dans la négociation pour parvenir à un consensus politique ambitieux et rapide sur léchange automatique dinformation.
Enfin, je veux vous inviter à imaginer avec moi lEurope, la zone euro en particulier, comme un espace dunité, cest-à-dire dintégration politique et démocratique.
Le modèle actuel fonctionne mal : nous lavons douloureusement mesuré avec la crise de leuro. Cest vrai, nous avons, tant bien que mal, réussi à préserver la cohésion dune zone euro sur laquelle a tout de même plané, pendant de nombreux mois, un risque réel déclatement. Nous avons réussi, grâce notamment à la Commission Européenne, à lingéniosité et à la détermination de la Banque Centrale Européenne, mais en dépit plutôt que grâce à notre modèle institutionnel actuel. Nous avons empêché la faillite dEtats très en difficulté, mis sur pied de nouveaux instruments, par à-coups successifs. Mais pour autant, si nous avons résolu la crise existentielle de la zone euro, nous sommes toujours confrontés à la crise dans la zone euro, et politiquement encore trop démunis pour y faire face.
Cest pourquoi je crois nécessaire de revoir le fonctionnement des institutions communautaires, en recentrant son cur sur la zone euro. Notre grand voisin dOutre-Rhin, lAllemagne, a dit plusieurs fois sa disponibilité pour aller vers une Union politique, vers une nouvelle étape dintégration. Nous voulons la prendre au mot et donner un contenu à cette Union politique, et nous fixant un délai de deux ans pour y parvenir. Je plaide en particulier pour que le Parlement européen constitue en son sein un comité des membres élus par les citoyens de la zone euro, pour jouer un véritable rôle de co-législateur dans la définition de la politique économique en zone euro, aux côtés de lEurogroupe et ses éventuelles déclinaisons sectorielles, pour ladoption des législations propres à la zone euro, de son budget et des orientations de politique économique commune. Lassociation des parlements nationaux devrait également être renforcée: la conférence des représentants des parlements nationaux, créée par le TSCG, devrait être effectivement réunie, et il revient aux parlements nationaux de se saisir des possibilités daudition qui leur sont offertes à légard des institutions européennes.
Il faudra aussi à moyen terme un exécutif plus structuré pour linitiative et la mise en uvre des mesures propres à la zone euro, mais aussi pour son incarnation et sa lisibilité. Le Président de la République a eu des mots très forts sur ce sujet il y a deux semaines : le modèle vers lequel la France souhaite aller est celui dun gouvernement économique qui se réunirait, tous les mois, autour dun véritable Président, nommé pour une durée longue, et qui serait affecté à cette seule tâche. Pour assurer la lisibilité des institutions de la zone euro, ce Président pourrait aussi assumer la représentation de la zone euro devant les parlements et les instances financières internationales. Le gouvernement économique de la zone euro débattrait pour sa part des principales décisions de politique économique à prendre par les États membres, harmoniserait la fiscalité, commencerait à faire acte de convergence sur le plan social et engagerait un plan de lutte contre la fraude fiscale.
Je propose par ailleurs que les progressistes européens portent en 2014 lambition dun exécutif de la zone euro renforcé dans sa dimension sociale, avec la formation dun « Eurogroupe social ». Cette formation, qui réunirait les ministres des affaires sociales et de lemploi de la zone euro, aurait la charge dune procédure de surveillance des déséquilibres sociaux, en lien avec les partenaires sociaux européens.
Cette impulsion doit donc concerner en premier lieu la zone euro. Cela nexclut pas dêtre ambitieux pour le reste de lEurope. Mais cela implique de lêtre prioritairement pour ceux qui ont déjà, au travers de lUEM, fait le choix daller plus loin dans le partage de leur destin.
Au sein de cette zone euro redynamisée, le couple franco-allemand, indispensable et incontournable, prendra toute sa place. Depuis les débuts de la Vème République française, nos chefs dEtat et de gouvernement ont toujours su entretenir une relation forte et féconde. Charles de Gaulle et Konrad Adenauer ont jeté les bases de la réconciliation de nos pays. Depuis lors, cette relation a été sans cesse validée et approfondie par leurs successeurs. Willy Brandt et Georges Pompidou, saccordèrent, par-delà leurs préférences partisanes, pour donner une impulsion décisive à léducation, avec les premières sections franco-allemandes dans les lycées. Valéry Giscard dEstaing et Helmut Schmidt, aussi issus de formations politiques différentes, ont également dépassé leurs divergences politiques pour poser les bases du Système monétaire européen, ancêtre de leuro, ils ont aussi créé le Conseil européen ou décidé des premières élections du Parlement européen au suffrage universel, en 1979. François Mitterrand et Helmut Kohl ont profondément marqué notre histoire, en lançant la création de lunion économique monétaire. Jacques Chirac et Gerhard Schröder ont, ensemble, accompagné la réunification de lEurope et se sont opposés de concert à la guerre en Irak.
Et cest dans cette continuité que sinscrit aujourdhui la relation franco-allemande. François Hollande, on le sait, a participé aux célébrations du 150ème anniversaire du SPD, à Leipzig. Il y a fait léloge du réformisme, du progrès, du courage. Il sest clairement exprimé en socialiste, devant des sociaux-démocrates. En même temps, il a précisé que « lEurope est une construction qui dépasse les clivages politiques, qui unit les peuples, qui oblige les gouvernements, et notamment les nôtres, à travailler ensemble ». Nous ne devons pas gommer nos divergences, et encore moins renoncer à nos idées réformistes et progressistes, à nos amitiés politiques. Mais nous devons accepter notre responsabilité particulière de formuler, avec lAllemagne, lintérêt commun européen, sans que nos appartenances partisanes puissent servir dexcuse à linaction.
Chers amis, nous vivons à la fois un moment particulier et des conditions particulières. Le moment, cest le compte à rebours, quasiment un an jour pour jour, avant les élections européennes de 2014, alors que les différents partis progressistes européens réfléchissent à ce que doit être leur plateforme électorale. Les conditions, cest cette crise économique, sociale, démocratique qui se prolonge en Europe, et qui mine lidéal européen. Cela nous place, nous, progressistes européens, face une responsabilité claire: définir lUnion dont nous voulons, autour de cet intérêt européen commun que jévoquais, dans une Europe qui soit tout-à-la-fois un espace de croissance, de solidarité et dunité. Est-ce que nous y sommes aujourdhui ? Non, bien sûr. Mais cela ne doit pas nous empêcher dimaginer une autre Europe, et de tout faire pour convaincre les citoyens européens, lors des élections de 2014, que nous devons la construire ensemble. Lidéal, le rêve, limagination, lengagement européen, à la fois économique, social et politique, ne peut venir que de nos rangs. Nous devons, nous pouvons être à la hauteur de cette responsabilité, vraiment historique. Je vous y appelle.
Source http://www.pierremoscovici.fr, le 30 mai 2013