Déclaration de M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, sur sa vision de l'Europe, Paris le 25 mai 2013.

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Circonstance : Colloque de la Fondation Jean Jaurès "Quelle intrégation politique et économique dans la zone euro ?" à Paris le 25 mai 2013

Texte intégral


Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je suis extrêmement heureux que nous puissions nous retrouver aujourd’hui, avec Martin Schulz, pour ce colloque de ceux – experts, responsables politiques, représentants syndicaux, membres de la société civile ou simple citoyen de sensibilité socialiste et démocrate – qui veulent dessiner une autre Europe. Et je tiens à remercier chaleureusement la Fondation Jean Jaurès et la FEPS, qui ont rendu ce beau rassemblement possible.
Il y a un mot que plus personne, ou presque, ne prononce lorsqu’on parle d’Europe, comme s’il était honteux, déplacé ou dépassé, comme s’il s’était dissout dans la contrainte économique et les exigences de la realpolitik. Ce mot, c’est le rêve. Plus personne, ou presque, ne rêve d’Europe. Plus personne, ou presque, n’a de rêves pour l’Europe. Or je crois, moi, que lorsque nous désertons le champ du rêve, nous désertons le champ de l’idéal européen que nous voulons construire. Je crois que s’interdire de rêver pour l’Europe, c’est d’interdire d’imaginer l’Europe que nous voulons, c’est renoncer, c’est abandonner le projet européen à sa froide réalité économique ou bureaucratique. Et cela, la grande galaxie socialiste et démocrate à laquelle nous appartenons ne doit pas s’y résoudre.
Pour ma part, je veux imaginer et construire une autre Europe, une Europe qui soit pour ses citoyens un triple espace : un espace de croissance, un espace de solidarité, et un espace d’unité. Un espace de croissance, car c’est la promesse implicite sur laquelle repose l’adhésion de ses peuples, et qu’elle doit tenir : l’Europe doit être un véhicule pour le progrès économique et la prospérité des citoyens européens, elle doit apparaître comme une solution, un espoir et non pas comme un problème ou une punition si elle veut retrouver leur soutien. Un espace de solidarité, parce que l’Europe n’est pas que le terrain de jeu des marchés, une Europe administrative désincarnée, une Europe de la libre circulation des biens, des capitaux et des services : elle est d’abord l’émanation de peuples qui ont fait le choix de partager un destin. Un espace d’unité, enfin, où la politique doit jouer son rôle le plus noble : celui de dire l’intérêt commun, et de dessiner un chemin dans ce sens pour nos pays.
Car c’est bien de cela dont il s’agit, au final. D’une Europe dont le moteur est la définition de l’intérêt commun, où le jeu des intérêts nationaux, par ailleurs légitime, n’est pas la seule loi. D’une Europe qui reviendrait à l’idéal de Jean Monnet : « Lorsqu’ils sont placés dans certaines conditions, [les hommes] voient que leur intérêt est commun et dès lors sont portés à se mettre d’accord. Ces conditions sont que l’on parle du même problème, avec la volonté et même l’obligation de lui donner une solution acceptable pour tous. » D’une Europe où l’on redécouvre l’urgence de cet intérêt commun. Voilà ce dont je rêve. C’est pourquoi j’en reviens où l’Europe des trois espaces que j’évoquais : espace de croissance, espace de solidarité, espace d’unité politique.
L’Europe, chers amis socialistes et démocrates, doit d’abord être un espace de croissance pour ses citoyens. Cela doit être la toute première de nos priorités. Et je vous parle ici comme Ministre de l’Economie et des Finances, bien sûr, mais aussi comme européen convaincu, viscéral, de toujours, qui fait comme vous le triste constat de l’immense déception des citoyens européens à l’égard d’une Europe incapable aujourd’hui de leur ouvrir les perspectives de progrès économique qu’ils attendent. Je suis, certains le savent peut-être, élu d’une circonscription industrielle, ouvrière, durement touchée par la crise. Une circonscription où l’extrême droite est profondément ancrée et en vérité gagne constamment du terrain, une circonscription qui a aussi voté massivement contre le Traité Constitutionnel Européen en 2005. Mes électeurs du Pays de Montbéliard, ces ouvriers, ces paysans, ces personnes âgées, ces jeunes insuffisamment formés, je les connais bien. Ils ne sont pas hostiles par principe à l’Europe : ils n’en voient pas les bénéfices concrets, pour eux, dans leur vie. Seul le retour de la croissance, non pas en dépit mais grâce à l’Europe, constituera une réponse convaincante pour reconquérir leur adhésion.
Faire repartir la croissance : l’Europe ne devrait pas avoir d’autre obsession aujourd’hui. Comment ? Je veux évoquer ici trois initiatives.
La première, c’est la fin du règne sans partage de l’austérité. Car que nous disent les indicateurs économiques, au final, lorsque l’on compare l’Europe et les autres économies avancées, comme les Etats-Unis ou le Japon ? Que c’est en Europe que les déficits publics sont les plus bas, le chômage le plus haut, la croissance la plus faible, alors que l’inflation y est basse et que l’Europe dégage un excédent commercial. Je n’en déduis pas, contrairement à une idée que répand l’extrême droite et qu’il faudra combattre avec vigueur dans l’avenir, que c’est la faute de l’euro. Il ne s’agit pas de cela : l’euro nous protège, nous unifie, nous renforce, il n’est pas la cause de la crise de la finances et des dettes souveraines qui nous frappe depuis 2008. Ce n’est pas de moins d’euro dont nous avons besoin, mais d’un meilleur pilotage politique de l’euro. Mais tous ces signes concordent pour nous dire une seule et même réalité : le policy mix actuel en Europe est trop restrictif. L’austérité généralisée qui a prévalu ces dernières années, et dont ce policy mix inadapté est la résultante directe, est un échec. C’est un échec économique – la zone euro sera en récession en 2013 – et c’est un échec politique, puisque l’Europe est plus impopulaire que jamais.
Nous avons fait un pas immense dans le bon sens, ces dernières semaines, lorsque la Commission Européenne a publié ses recommandations dans le cadre du semestre européen. En accordant un délai supplémentaire à plusieurs pays de la zone euro, dont la France, pour qu’ils ajustent le rythme de redressement de leurs comptes publics, elle a profondément infléchi son approche pour mieux prendre en compte l’objectif de croissance. Cela ne veut pas dire que la remise en ordre des comptes publics doit s’arrêter : cela veut simplement dire qu’il faut s’attacher à définir un rythme plus compatible avec le retour de la croissance.
Reste à transformer cet essai lors du Conseil européen de juin et au-delà. Je plaide pour ma part pour une doctrine du redressement budgétaire qui repose à l’avenir en zone euro sur trois principes. Le premier serait de mettre l’accent sur le respect de stratégies de réduction du déficit structurel à moyen terme. Le second serait de juger ensemble réduction des déficits et réformes de structure car ces réformes, qui permettent de recréer les conditions de la croissance, de la compétitivité et de la productivité, sont tout aussi importantes que le redressement des comptes. Elles sont mêmes les deux faces d’une médaille, les réformes donnent du sens à la réduction des déficits. Le dernier de ces principes doit être la coordination au sein de la zone euro. Nos économies sont dans une situation d’interdépendance totale. C’est l’un des grands succès de la construction communautaire, c’est aussi une puissante incitation à définir ensemble l’intérêt commun et à se coordonner pour l’atteindre. Réduction des déficits et réformes de structure d’un côté dans certains pays, soutien à la demande interne dans d’autres : coordonner, c’est multiplier nos chances de succès. En tout état de cause, la coloration du débat sur l’austérité a profondément changé en Europe. Je m’en félicite, et je suis fier d’y avoir contribué.
Deuxième initiative pour faire de l’Europe, de la zone euro en particulier, un espace de croissance : parachever l’Union bancaire, avec une ambition intacte, aussi bien sur le fond que sur le calendrier. Nous avons un programme, il faut le tenir, c’est-à-dire trouver un accord d’ici juin pour une mettre en œuvre sans délai l’instrument de recapitalisation directe du Mécanisme Européen de Stabilité, parvenir à un accord sur les directives sur la résolution des crises bancaires et la garantie harmonisée des dépôts avant les prochaines élections européennes, et disposer avant l’été de la proposition la Commission Européenne pour la création d’une autorité intégrée de résolution bancaire.
L’Union bancaire n’est pas qu’un sujet de stabilité financière : c’est d’abord un enjeu majeur pour la croissance en zone euro. Elle a en effet une dimension profondément économique, puisqu’elle doit permettre de recoller les morceaux d’un système financier européen qui est aujourd’hui atomisé, au détriment de l’économie réelle. Comment se traduit, concrètement, cette fragmentation ? Aujourd’hui, une PME italienne – et j’étais jeudi à Rome, où j’ai rencontré mes amis Giorgio Napolitano et Enrico Letta, qui attendent beaucoup de la France et de l’initiative européenne annoncée par François Hollande lors de sa conférence de presse – n’a absolument pas la même capacité de développement qu’une PME allemande, parce qu’elle paie beaucoup plus cher son financement. Ainsi, de nombreuses entreprises ne tirent pas bénéfice des taux d’intérêt très bas pratiqués aujourd’hui en zone euro, qui favorisent l’investissement et donc le développement des entreprises et la croissance, en raison de la fragmentation financière. L’Union bancaire doit remédier à cette situation. Elle est donc un chantier très concret, d’abord au bénéfice du financement des entreprises et de la croissance.
Je sais qu’elle suscite des interrogations chez certains Etats membres, qui veulent en limiter le champ en s’abritant derrière la nécessité d’une révision des traités. Laissons les juristes de la Commission et du Conseil traiter de cette question, et avançons le plus loin possible à traités constants. Il ne faut pas s’en étonner : c’est que sous ses abords techniques, l’Union bancaire est aussi un projet profondément politique. Nous avons aujourd’hui besoin d’une finance maitrisée au service du développement de l’économie réelle. Or elle ne l’est pas. C’est pourquoi nous avons besoin d’une Union bancaire globale, complète, et non inachevée ou limitée.
Dernière initiative pour faire de l’Europe un espace de croissance : la définition par l’Europe d’une stratégie d’investissements. C’est ce qu’a demandé le Président de la République lors de sa conférence de presse du 16 mai. Il faut à présent s’emparer de cette priorité. Les industries et les technologies d’avenir doivent en effet se préparer dès maintenant. L’Europe dispose déjà d’atouts puissants dans ce domaine : la Banque Européenne d’Investissement, par exemple, est l’un des principaux leviers de cofinancement des investissements publics mais aussi privés dans l’innovation, et son augmentation de capital décidée dans le cadre du Pacte de croissance permettra de dégager des ressources conséquentes. Les ressources sont une chose : il revient au politique doit définir leur meilleur emploi. La hiérarchie des priorités et le plan qu’établira le Conseil européen en matière de politique industrielle et de recherche et développement sera à cet égard essentielle, afin de disposer d’une véritable évaluation des besoins et d’une feuille de route, de nature à créer la lisibilité et le climat de confiance nécessaires pour les industriels et l’investissement public.
Mais l’Europe doit aussi être un espace de solidarité. La solidarité, c’est le corollaire logique et indispensable aux disciplines communes dont nous nous sommes dotés. C’est surtout le cœur du projet communautaire, qui repose sur la volonté affirmée, pour des peuples qui ont si longtemps été des ennemis héréditaires, de lier leur destin, et de faire le pari qu’ils réussiront à définir ensemble l’intérêt commun. Sans cette dimension, l’Europe n’est rien de plus qu’un marché, elle n’est rien de plus que la somme des éléments qui la composent, elle se réduit à son incarnation économique. Tous ceux qui se reconnaissent dans la sensibilité socialiste et démocrate ont plus d’ambition pour elle.
Là encore, je veux décliner cette Europe espace de solidarité en trois volets.
Le premier, c’est celui d’un plan pour l’insertion et la lutte contre le chômage des jeunes, qui sont les plus touchés par la crise, alors que le taux de chômage des jeunes atteint 23,5% dans l’UE et en zone euro. C’était la proposition de François Hollande, dans sa conférence de presse du 16 mai. Une génération complète de jeunes européens a été fauchée par la crise. Une génération complète de jeunes européens voit d’abord l’Europe comme un ogre qui dévore ses enfants. C’est notre responsabilité de répondre à leur désespérance, et d’y répondre vite.
Le président le soulignait : des instruments financiers existent – le budget européen a déjà prévu six milliards d’euros pour l’emploi des jeunes – et doivent être remobilisés. C’est la priorité : rechercher la réorientation des fonds programmés mais non utilisés, et surtout l’accélération de la mobilisation de ces fonds qui sont dans leur dernière année de programmation, voire la réorientation d’une partie des fonds de cohésion vers la croissance et l’emploi, comme l’a autorisé la Commission.
A compter de 2014, toutefois, nous devrons aller au-delà. Nous devrons notamment renforcer l’initiative pour l’emploi des jeunes, avec l’allocation de moyens supplémentaires, par exemple en y affectant une partie des recettes issues de la future taxe sur les transactions financières. Par ailleurs, de nombreux dispositifs à destination des jeunes se limitent aux moins de 25 ans : une extension de ces dispositifs aux moins de 30 ans pourrait être étudiée. Une action renforcée de la Banque Européenne d’Investissement à destination, au moins indirecte, de l’emploi des jeunes, constitue une autre piste. La BEI est déjà active dans le financement des infrastructures liées à la formation ; demain, elle pourrait développer ses interventions dans des domaines comme le financement de programmes de formation professionnelle ou de prêts aux étudiants. La souffrance de la jeunesse est européenne : elle doit se voir offrir une réponse européenne, enfin en phase avec l’ampleur du désarroi de nos jeunes.
Faire de l’Europe, de la zone euro en particulier, un espace de solidarité, c’est aussi se doter des instruments qui font aujourd’hui défaut. Le déficit de compétitivité de ses membres n’est pas seul à l’origine de la crise de la zone euro : ce que la crise a crûment mis en lumière, c’est que la zone euro ne disposait pas des instruments nécessaires pour faire face à une crise. C’est pourquoi je plaide, comme l’a proposé François Hollande, pour une capacité budgétaire propre à la zone euro, distincte du budget des 27, financée sur des ressources autonomes, avec une capacité d’endettement. Un tel budget aurait une véritable fonction contre-cyclique et stabiliserait les économies de la zone euro en cas de crise : si les finances d’un membre plongeaient à cause d’une récession, il permettrait d’émettre de la dette en commun pour continuer à financer le budget et de laisser jouer les stabilisateurs automatiques au niveau de la zone euro.
L’Europe de la solidarité, enfin, c’est d’abord une Europe dont les membres jouent collectif. Or à l’heure actuelle, la législation fiscale de certains Etats membres est un acte de prédation sur les finances publiques des autres pays de la zone euro. Oui, le secret bancaire est un but marqué contre son camp, une rupture majeure de la solidarité entre Etats membres, une agression pour nos finances publiques. La France, aiguillon sur ces sujets, demandera donc l’accélération des travaux communautaires sur la base consolidée pour l’impôt sur les sociétés et mettra tout son poids dans la négociation pour parvenir à un consensus politique ambitieux et rapide sur l’échange automatique d’information.
Enfin, je veux vous inviter à imaginer avec moi l’Europe, la zone euro en particulier, comme un espace d’unité, c’est-à-dire d’intégration politique et démocratique.
Le modèle actuel fonctionne mal : nous l’avons douloureusement mesuré avec la crise de l’euro. C’est vrai, nous avons, tant bien que mal, réussi à préserver la cohésion d’une zone euro sur laquelle a tout de même plané, pendant de nombreux mois, un risque réel d’éclatement. Nous avons réussi, grâce notamment à la Commission Européenne, à l’ingéniosité et à la détermination de la Banque Centrale Européenne, mais en dépit plutôt que grâce à notre modèle institutionnel actuel. Nous avons empêché la faillite d’Etats très en difficulté, mis sur pied de nouveaux instruments, par à-coups successifs. Mais pour autant, si nous avons résolu la crise existentielle de la zone euro, nous sommes toujours confrontés à la crise dans la zone euro, et politiquement encore trop démunis pour y faire face.
C’est pourquoi je crois nécessaire de revoir le fonctionnement des institutions communautaires, en recentrant son cœur sur la zone euro. Notre grand voisin d’Outre-Rhin, l’Allemagne, a dit plusieurs fois sa disponibilité pour aller vers une Union politique, vers une nouvelle étape d’intégration. Nous voulons la prendre au mot et donner un contenu à cette Union politique, et nous fixant un délai de deux ans pour y parvenir. Je plaide en particulier pour que le Parlement européen constitue en son sein un comité des membres élus par les citoyens de la zone euro, pour jouer un véritable rôle de co-législateur dans la définition de la politique économique en zone euro, aux côtés de l’Eurogroupe et ses éventuelles déclinaisons sectorielles, pour l’adoption des législations propres à la zone euro, de son budget et des orientations de politique économique commune. L’association des parlements nationaux devrait également être renforcée: la conférence des représentants des parlements nationaux, créée par le TSCG, devrait être effectivement réunie, et il revient aux parlements nationaux de se saisir des possibilités d’audition qui leur sont offertes à l’égard des institutions européennes.
Il faudra aussi à moyen terme un exécutif plus structuré pour l’initiative et la mise en œuvre des mesures propres à la zone euro, mais aussi pour son incarnation et sa lisibilité. Le Président de la République a eu des mots très forts sur ce sujet il y a deux semaines : le modèle vers lequel la France souhaite aller est celui d’un gouvernement économique qui se réunirait, tous les mois, autour d’un véritable Président, nommé pour une durée longue, et qui serait affecté à cette seule tâche. Pour assurer la lisibilité des institutions de la zone euro, ce Président pourrait aussi assumer la représentation de la zone euro devant les parlements et les instances financières internationales. Le gouvernement économique de la zone euro débattrait pour sa part des principales décisions de politique économique à prendre par les États membres, harmoniserait la fiscalité, commencerait à faire acte de convergence sur le plan social et engagerait un plan de lutte contre la fraude fiscale.
Je propose par ailleurs que les progressistes européens portent en 2014 l’ambition d’un exécutif de la zone euro renforcé dans sa dimension sociale, avec la formation d’un « Eurogroupe social ». Cette formation, qui réunirait les ministres des affaires sociales et de l’emploi de la zone euro, aurait la charge d’une procédure de surveillance des déséquilibres sociaux, en lien avec les partenaires sociaux européens.
Cette impulsion doit donc concerner en premier lieu la zone euro. Cela n’exclut pas d’être ambitieux pour le reste de l’Europe. Mais cela implique de l’être prioritairement pour ceux qui ont déjà, au travers de l’UEM, fait le choix d’aller plus loin dans le partage de leur destin.
Au sein de cette zone euro redynamisée, le couple franco-allemand, indispensable et incontournable, prendra toute sa place. Depuis les débuts de la Vème République française, nos chefs d’Etat et de gouvernement ont toujours su entretenir une relation forte et féconde. Charles de Gaulle et Konrad Adenauer ont jeté les bases de la réconciliation de nos pays. Depuis lors, cette relation a été sans cesse validée et approfondie par leurs successeurs. Willy Brandt et Georges Pompidou, s’accordèrent, par-delà leurs préférences partisanes, pour donner une impulsion décisive à l’éducation, avec les premières sections franco-allemandes dans les lycées. Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt, aussi issus de formations politiques différentes, ont également dépassé leurs divergences politiques pour poser les bases du Système monétaire européen, ancêtre de l’euro, ils ont aussi créé le Conseil européen ou décidé des premières élections du Parlement européen au suffrage universel, en 1979. François Mitterrand et Helmut Kohl ont profondément marqué notre histoire, en lançant la création de l’union économique monétaire. Jacques Chirac et Gerhard Schröder ont, ensemble, accompagné la réunification de l’Europe et se sont opposés de concert à la guerre en Irak.
Et c’est dans cette continuité que s’inscrit aujourd’hui la relation franco-allemande. François Hollande, on le sait, a participé aux célébrations du 150ème anniversaire du SPD, à Leipzig. Il y a fait l’éloge du réformisme, du progrès, du courage. Il s’est clairement exprimé en socialiste, devant des sociaux-démocrates. En même temps, il a précisé que « l’Europe est une construction qui dépasse les clivages politiques, qui unit les peuples, qui oblige les gouvernements, et notamment les nôtres, à travailler ensemble ». Nous ne devons pas gommer nos divergences, et encore moins renoncer à nos idées réformistes et progressistes, à nos amitiés politiques. Mais nous devons accepter notre responsabilité particulière de formuler, avec l’Allemagne, l’intérêt commun européen, sans que nos appartenances partisanes puissent servir d’excuse à l’inaction.
Chers amis, nous vivons à la fois un moment particulier et des conditions particulières. Le moment, c’est le compte à rebours, quasiment un an jour pour jour, avant les élections européennes de 2014, alors que les différents partis progressistes européens réfléchissent à ce que doit être leur plateforme électorale. Les conditions, c’est cette crise économique, sociale, démocratique qui se prolonge en Europe, et qui mine l’idéal européen. Cela nous place, nous, progressistes européens, face une responsabilité claire: définir l’Union dont nous voulons, autour de cet intérêt européen commun que j’évoquais, dans une Europe qui soit tout-à-la-fois un espace de croissance, de solidarité et d’unité. Est-ce que nous y sommes aujourd’hui ? Non, bien sûr. Mais cela ne doit pas nous empêcher d’imaginer une autre Europe, et de tout faire pour convaincre les citoyens européens, lors des élections de 2014, que nous devons la construire ensemble. L’idéal, le rêve, l’imagination, l’engagement européen, à la fois économique, social et politique, ne peut venir que de nos rangs. Nous devons, nous pouvons être à la hauteur de cette responsabilité, vraiment historique. Je vous y appelle.
Source http://www.pierremoscovici.fr, le 30 mai 2013