Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
C'est un grand plaisir pour moi de me trouver ce matin à vos côtés, dans cette illustre maison qu'est l'Institut français des relations Internationales. Vous étiez l'an dernier classés parmi les think tanks les plus influents de la planète (22ème rang sur 100), une position méritée et qui oblige l'orateur que je suis.
Je tiens à remercier tout particulièrement M. Thierry de Montbrial de cette invitation. Elle me donne l'occasion, alors que l'Union se trouve confrontée à des interpellations quasi quotidiennes et que d'importantes échéances pour son avenir se préparent, de faire le point sur la politique européenne de la France.
L'Europe ne nous est pas extérieure, elle est consubstantielle à notre identité et donc à notre action politique. En France, la politique européenne fait d'ailleurs partie de ces politiques à l'égard desquelles le président de la République assume, historiquement, une responsabilité particulière. De son côté, le Premier ministre coordonne les positions prises par les autorités françaises dans le cadre des institutions européennes. Il me revient, aux côtés du ministre des affaires étrangères, de porter politiquement les positions de la France dans les institutions européennes et auprès des autres États membres. Je le fais naturellement en lien avec l'ensemble de mes collègues du gouvernement.
Le champ des politiques européennes touche d'innombrables aspects de notre vie quotidienne. Elles irriguent chacune de nos politiques nationales. Je me dois par conséquent de circonscrire mon propos aux grandes orientations et aux priorités de notre action à l'échelon européen.
Le principal défi auquel notre pays, comme l'ensemble des pays européens, est aujourd'hui confronté est celui de la croissance et de l'emploi. Je m'y attacherai donc en priorité. Je m'attacherai à décrire ce que sont les orientations que nous entendons donner aux politiques européennes pour qu'elles puissent amplifier l'action menée au niveau national en matière de relance ; pour qu' avec les leviers dont dispose l'Union européenne, chaque État européen puisse bénéficier de cette action commune, qui nous rend plus forts, qui permet à notre continent d'être compétitif et de garder son rang dans le monde.
Je commencerai si vous le voulez bien par dégager les grandes lignes de ce qu'a été la politique européenne de la France au cours de cette première année du quinquennat. Je présenterai les résultats obtenus avant de dessiner les perspectives de notre action européenne pour les années à venir.
I. D'où partions-nous ?
À notre arrivée au gouvernement, la zone euro était en proie à l'instabilité et le risque d'un effet domino de la crise grecque planait.
Le mode de gouvernance de nos prédécesseurs, fondés sur les «Sommets de la dernière chance» suscitait frustrations et inquiétudes dans un certain nombre d'États membres et d'institutions européennes.
L'Europe que nous avons trouvée est également une Europe marquée par une crise financière, une crise économique et sociale, la plus grave de l'histoire européenne. Face à cette situation, l'Union européenne a tardé à réagir. Et elle a eu tendance à proposer la rigueur budgétaire comme unique horizon. Et quand elle a réagi, ce retard et cette absence de perspectives mobilisatrices ont nourri le sentiment que l'Union n'était pas capable de répondre aux enjeux immenses auxquels elle était confrontée. L'euroscepticisme, voire l'eurohostilité qui se manifestent parfois aujourd'hui sont l'expression de ce doute et de la souffrance de ceux qui subissent les conséquences directes de la crise.
C'est ce constat qui a conduit le président de la République à plaider, dès avant l'élection présidentielle, pour une réorientation de la construction européenne. Nous avons engagé cette réorientation dès mai 2012 et nous la poursuivons, pleinement conscients de l'ampleur de la tâche qu'il nous reste à accomplir. Les questions qui nous sont posées sont extrêmement sensibles : le soutien à la croissance, le renforcement de la légitimité démocratique au sein de la zone euro, le retour à l'emploi - notamment des jeunes -, la place de l'UE dans le monde en tant qu'acteur économique et puissance porteuse d'un modèle de société... Nous en avons pris la mesure, et je tiens à vous redire ici l'engagement du gouvernement pour continuer d'y répondre de la manière la plus rapide possible, la plus efficace et la plus appropriée.
II. Une priorité centrale de notre politique européenne : la réorientation en faveur de la croissance
A- La première de nos priorités a été de mettre l'Europe au service de la croissance.
Sur la scène européenne comme sur la scène nationale, le président de la République a fixé des priorités claires. Ses priorités sont les mêmes, qu'il s'exprime à Paris ou à Bruxelles : rétablir l'équilibre de nos comptes publics, retrouver le chemin de la croissance.
Nous l'avons dit : le sérieux budgétaire est notre règle de conduite. Nous avons d'ailleurs engagé un effort structurel sans précédent en France. Celui-ci a dépassé 1 % du PIB en 2012. Il sera de 1,9 % du PIB en 2013. Mais la responsabilité budgétaire doit aller de pair avec une politique vigoureuse de croissance, car on ne peut rebâtir de solidarités ni renouer avec la confiance en l'avenir quand la société connaît le chômage de masse.
Ce principe, défendu par la France, d'équilibre entre efforts budgétaires et mesures volontaires pour la croissance, est désormais reconnu par les institutions européennes et nos partenaires, comme en témoignent les conclusions du Conseil européen de mars 2013, mais aussi les prises de position d'autres chefs d'État européens, de plus en plus nombreux. Le document franco-allemand agréé hier par le président de la République et la chancelière allemande témoigne de la convergence croissante de Paris et Berlin sur ce sujet.
C'est déjà dans cet esprit que nous avons obtenu, lors du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012, grâce à l'implication personnelle du président de la République, un «pacte pour la croissance et l'emploi», qui prévoit la mobilisation de 120 milliards d'euros en faveur d'investissements de relance. Pour la France, ce sont environ 9 milliards d'euros par an pendant trois ans qui seront injectés dans l'économie.
Ce pacte de croissance a pu être prolongé par un accord sur le cadre financier pluriannuel : face à la logique d'austérité défendue par nombre de gouvernements conservateurs, la France a obtenu des crédits pour la croissance et l'innovation en hausse de près de 40 %, et pour les infrastructures en hausse de 140 %.
B- Une autre de nos priorités est de remettre la finance au service de l'économie
Dans cette perspective, le travail de réorientation de l'Europe entamé par le gouvernement a aussi impliqué un travail important de renforcement de la zone euro.
Ainsi, pour ne pas reproduire les errements du passé, un travail en profondeur de supervision des banques a été engagé. À cet égard, une première étape a été franchie sur la mise en oeuvre de la supervision bancaire unique, qui s'appliquera à l'ensemble des banques de la zone euro et des autres États membres qui en exprimeraient le souhait. La BCE sera ainsi directement responsable de la supervision des plus grandes banques. Cette étape, finalisée à l'ECOFIN d'avril 2013, ouvre la voie à l'intervention des fonds de solidarité européens, tels que le Mécanisme européen de stabilité, pour la recapitalisation directe des banques en difficulté, pour rompre le lien entre dette bancaire et dette souveraine. Les États n'auront plus à supporter des taux d'intérêt très importants qui viennent ruiner leur travail et alourdir un peu plus la contrainte exercée sur les peuples. Voilà un bon exemple de ce que doit être la solidarité européenne, car nous voulons l'intégration dans la solidarité. Une solidarité qui s'inscrit d'ailleurs dans le mandat de la Banque centrale européenne, puisque le soutien à la monnaie et la lutte contre l'instabilité des prix supposent de pouvoir intervenir lorsque des États font l'objet d'attaques spéculatives.
Ces décisions se sont révélées essentielles pour consolider la confiance dans la stabilité de la zone euro à long terme et assurer, aux yeux des citoyens, la lisibilité de nos choix politiques. La croissance peut désormais repartir sur de meilleures bases.
La question à laquelle nous nous attelons désormais est celle de la définition de la façon dont nous allons encore approfondir la solidarité pour surmonter la crise. Un an après notre arrivée aux responsabilités, nous sommes plus convaincus que jamais que la solidarité est désormais aussi inéluctable que la monnaie unique est irréversible. L'intégration solidaire doit nous permettre d'aller plus loin dans l'expression de cette exigence.
Voilà notre approche : celle d'une réorientation économique, appuyée sur une nécessaire responsabilité budgétaire, mais tournée vers la croissance par l'investissement et l'encouragement à la compétitivité ; celle d'une intégration de l'Union économique et monétaire qui se poursuit dans la solidarité.
III. Il faut maintenant prolonger cette dynamique et passer à l'offensive.
Aujourd'hui, que constatons-nous ? Nous constatons que si la crise est encore là, si la souffrance des peuples européens est toujours vive, la crise de l'euro du moins s'est apaisée. Cependant, les effets de cette stabilité financière retrouvée ne sont pas encore sensibles pour les Européens et la récession menace. Nous mesurons l'ampleur de ce qui nous reste à accomplir au niveau national et ce qui relève de notre propre responsabilité : la réduction de nos déficits publics, l'investissement dans la recherche, les réformes ... Mais les meilleures politiques qui peuvent être prises dans chacun de nos pays ne peuvent atteindre leur optimum si elles ne s'intègrent pas dans une dynamique européenne. C'est la raison pour laquelle le président de la République a estimé que le moment était venu de proposer une nouvelle initiative pour l'Europe.
A. Cette nouvelle impulsion consiste avant tout à réunir les conditions pour améliorer les perspectives des générations futures.
Le président de la République et la chancelière allemande l'ont encore réaffirmé hier avec gravité: nous devons agir dans l'urgence pour la jeunesse européenne. 14 millions de jeunes sont sans emploi, ni formation en Europe. Le chômage élevé qu'ils subissent est une menace sociale, économique et politique. Il heurte les valeurs de solidarité qui font la force de l'Europe. Il exerce une pression accrue sur nos finances publiques et érode notre capital humain et notre tissu industriel. Le risque politique n'est pas moins inquiétant : abandonnée, une génération entière risque de tourner le dos à l'Europe, de succomber aux chants de sirènes du populisme et de l'extrémisme. Si nous voulons éviter une rupture, demain, des citoyens avec le projet européen, nous devons agir dès aujourd'hui pour l'emploi des jeunes.
C'est le sens de «l'initiative en faveur des générations futures» évoquée par le président de la République lors de sa conférence de presse du 16 mai. C'est le sens du message d'urgence qu'il a lancé, de son injonction à utiliser les outils mis à disposition par les institutions européennes.
Cette initiative consiste d'abord à venir en aide aux créateurs d'emplois, en particulier de petites et moyennes entreprises, qui se trouvent actuellement privés de financement ou incapables d'emprunter aux taux exigés par leurs banques. Pour ce faire, de nombreux outils existent déjà : la Banque européenne d'investissement (BEI) a mis à disposition 60 milliards d'euros de prêts supplémentaires à taux attractifs d'ici à 2015, dont une partie a vocation à aller vers les PME.
Il s'agit également d'anticiper l'utilisation du fonds de 6 milliards d'euros pour l'emploi des jeunes dans les zones le plus affectées par le chômage, prévu dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020. C'est l'une des raisons pour lesquelles d'ailleurs, il est essentiel que le Parlement européen adopte ce budget au terme de la négociation en cours avec le Conseil. Nous avons proposé dans ce cadre une programmation anticipée de ces fonds («frontloading») qui reçoit un accueil positif.
Nous voulons aussi mettre en oeuvre de façon accélérée la «garantie pour la jeunesse» adoptée par le Conseil européen, pour que tous les jeunes de moins de 25 ans se voient proposer une offre d'emploi de bonne qualité, un complément de formation, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant leur sortie du système scolaire ou la perte d'un emploi. Les services publics de l'emploi des États membres seront en première ligne dans ce projet
Il nous faut enfin ouvrir plus largement l'accès des jeunes à la formation en alternance et encourager leur mobilité en Europe. La aussi les structures existent : l'Erasmus de l'alternance qui sera intégré au programme «Erasmus pour tous», le réseau Eures qui met en relation employeurs et chercheurs d'emplois dans toute l'Europe : utilisons-les !
C'est dans le même esprit que nous voulons voir l'Union se doter d'une stratégie en faveur des investissements d'avenir. Au-delà des axes dégagés par le Conseil européen de mai 2013, sur l'énergie, les échanges prévus lors des prochains conseils européens doivent permettre de dégager des domaines d'investissement prioritaires (par exemple en matière d'énergie propre et de numérique) sur lesquels nous devons concentrer nos efforts. Ce sont les conditions d'une croissance forte et durable.
La communauté européenne de l'énergie évoquée par le président de la République le 16 mai participe de ce même objectif. Il s'agit de garantir des prix de l'énergie abordables pour favoriser la compétitivité de l'économie européenne, mais aussi pour assurer l'accès de tous à l'énergie. Cela implique une action structurée de l'Union dans de nombreux domaines. Le Conseil européen qui s'est tenu le 22 mai nous a permis d'en poser les premiers jalons. C'est sur cette base que nous voulons avancer.
Si nous voulons que les projets créateurs d'emplois puissent émerger sur le terrain, nous ne devons pas abandonner l'objectif de régulation financière et d'achèvement de l'Union bancaire.
B- C'est aussi dans cette optique de création d'emploi et de croissance que le président a affirmé sa détermination à poursuivre l'approfondissement de l'Union économique et monétaire en la dotant d'un gouvernement économique et d'une capacité budgétaire.
Remettre de l'ordre dans la finance et mieux superviser le système bancaire : c'est un élément essentiel pour assurer le financement de l'économie réelle. Le dispositif de supervision désormais adopté devra être complété par des mécanismes de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts.
Mais l'approfondissement de l'Union économique et monétaire sera déséquilibré tant que nous ne nous serons pas dotés d'un véritable gouvernement économique de la zone euro. Cette idée n'est pas nouvelle. Elle avait été lancée au moment même où l'euro était introduit et où il était admis qu'en face de la Banque centrale, il devait y avoir un gouvernement économique, avec une capacité d'action, pour coordonner les politiques économiques, pour faire que les pays qui sont en excédent soutiennent davantage leur demande intérieure, que ceux qui sont en déficit puissent avoir le temps nécessaire mais également la stimulation indispensable pour redresser leurs comptes ou leurs balances commerciales. Aujourd'hui cette idée est encore plus pertinente. Il est grand temps de la mettre en oeuvre. Nous l'avons d'ailleurs précisée. Un gouvernement économique cela signifie pour nous combiner une autorité, une ligne politique et une unité de parole ; mais aussi des procédures de décision, une capacité de préparation, d'action et de mise en oeuvre.
Ce gouvernement doit reposer sur une architecture renforcée, cohérente, qui s'appuiera sur : le sommet de la zone euro, qu'il faut continuer à renforcer ; un Eurogroupe plus fort, doté d'une présidence à temps plein ; une articulation entre les deux, consolidée par des procédures qui permettent de garantir l'unité et la réactivité que nous recherchons ; une instance spécifique au sein du Parlement européen pour traiter de ces questions.
Nous pouvons même aller plus loin. Ce gouvernement économique devrait avoir sa propre capacité budgétaire. Il ne s'agit pas de soustraire du budget européen ce qui serait de la capacité des pays de la zone euro. Il pourrait s'agir de créer des fonds spécifiques pour la zone euro, alimentés, par exemple, par des taxes affectées, éventuellement, la taxe sur les transactions financières. À nous de réfléchir à la meilleure affectation de ce prélèvement, qui pourrait donc être consacré à un certain nombre d'actions et, pourquoi pas, à l'emploi des jeunes.
Ce gouvernement doit traiter de l'ensemble des sujets essentiels au bon fonctionnement de la zone euro, notamment la fiscalité et le social.
En matière de fiscalité, l'action contre la fraude et l'évasion fiscales constitue, vous le savez, une priorité française. De ce point de vue, le Conseil européen du 22 mai a permis d'obtenir des avancées pour mettre en place un système automatique d'échanges d'informations avec des États tiers, lutter contre le blanchiment, l'évasion fiscale et prendre en compte au niveau européen les stratégies d'optimisation fiscale des grandes entreprises.
Quant à l'inclusion d'une dimension sociale forte pour l'UEM, elle est nécessaire économiquement, pour réduire les hétérogénéités et constitue un impératif politique. Nous pouvons imaginer plusieurs voies : la construction d'indicateurs sociaux, la réunion d'un Eurogroupe social, la mise en place d'un socle de garanties sociales pour renforcer les droits et la protection des travailleurs... Nous proposons également, avec l'Allemagne, d'envisager des salaires minima définis au niveau national qui garantiraient un niveau d'emploi élevé et des salaires équitables.
Les travaux doivent bien entendu se poursuivre sur les contours de ce gouvernement économique et sur l'avenir de l'UEM avec l'ensemble de nos partenaires. Mais les principes sont ceux que je viens d'énoncer. Nous devons également leur donner une légitimité démocratique renforcée. Ce renforcement démocratique, c'est d'abord recueillir l'assentiment des citoyens. C'est aussi conjuguer les légitimités du parlement national et du parlement européen. La France souhaite que le rôle des parlements nationaux et européen soit préservé et renforcé.
C- Cette initiative doit s'accompagner de la même impulsion pour assurer, dans nos relations économiques avec nos grands partenaires mondiaux, un juste échange.
Le gouvernement a fait de la conquête des marchés étrangers par nos entreprises, un levier majeur de son Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi. Son objectif est de parvenir à l'équilibre des échanges commerciaux, hors prix de l'énergie, en cinq ans. C'est le sens de la diplomatie économique dont Laurent Fabius a fait une priorité de son action et dans laquelle, dans mon domaine, je m'investis.
Ce gouvernement est donc tout entier mobilisé pour permettre à nos entreprises d'affronter la mondialisation à armes égales. C'est également cet objectif de juste échange que nous portons à l'échelon européen. Le juste échange, cela signifie d'abord le respect d'un principe de réciprocité. Cela signifie aussi que le haut niveau d'exigence sociale et environnementale que nous nous sommes assigné doit s'accompagner, auprès de nos partenaires, d'une invitation à s'y conformer à leur tour.
À cet égard, nous avons progressé dans la mise en place d'un cadre propice au juste échange en matière commerciale. Ainsi, dans le cadre des directives européennes sur les marchés publics, qui ont fait l'objet d'un accord politique en décembre dernier, l'Union européenne a-telle prévu la possibilité d'écarter les offres anormalement basses.
Par ailleurs, la Commission a reçu un mandat de négociation très clair pour les discussions en vue d'un accord de libre-échange avec le Japon, comme cela avait été le cas pour les négociations avec le Canada, pour obtenir une ouverture effective des marchés publics ou encore une réduction effective des barrières tarifaires et non tarifaires.
C'est le sens de la ligne que nous défendons aussi dans le cadre de l'accord de libre-échange avec les États-Unis. Nous voulons nous assurer que de larges champs de nos échanges soient couverts par cet accord : l'accès au marché des biens, services, investissements et marchés publics, ainsi que les «défis globaux» que constituent la propriété intellectuelle, et l'environnement, avec la mise en place de normes d'intérêt commun. Mais nous voulons aussi préserver nos intérêts défensifs. Et c'est la raison pour laquelle nous avons affirmé trois lignes rouges pour le mandat de négociation de la Commission : l'exclusion explicite des services audiovisuels du périmètre de l'accord, qui constitue la pratique constante de l'Union européenne ; le refus de l'ouverture des marchés publics de défense, et la protection des préférences collectives (défense des grands choix de société européens et de la protection des consommateurs).
D- Au-delà, nous souhaitons également donner une nouvelle impulsion à l'action de l'Union européenne dans le monde
L'Europe c'est un continent de paix et de démocratie, qui apporte au reste du monde son héritage, ses valeurs, ses principes. Et donc l'Europe doit prendre sa part du combat pour la démocratie, pour la dignité humaine.
La France est prête et déterminée à s'impliquer pour que l'Europe contribue à la sécurité internationale, au règlement pacifique des conflits, aux progrès des droits de l'Homme dans le monde. La conduite, notamment, d'une politique extérieure et de sécurité commune plus active, y compris à travers une politique de sécurité et de défense commune, devra répondre à cette préoccupation. Il s'agit là aussi d'une priorité européenne du président de la République. Le Conseil européen de décembre 2013 doit être l'occasion d'un débat sur des propositions concrètes pour aller plus loin et travailler activement sur les trois volets précis de la PSDC que sont le partage et la mutualisation des capacités, les opérations (accroître la réactivité et l'efficacité de l'UE sur le terrain, notamment en assurant le déploiement, dès début juin, de la mission de formation pour la surveillance et la gestion des frontières en Libye) et la définition du socle de l'industrie et des technologies de défense européenne.
IV. Nous mènerons à bien cette ambition dans le respect de l'ensemble de nos partenaires et du rôle de chaque institution de l'UE.
Pour ce gouvernement il est important d'investir pleinement l'échelon européen et de redonner à la France un rôle d'impulsion.
Cela passe naturellement par un travail inlassable auprès des institutions européennes, dans le respect du rôle de chacune d'entre elles. L'intervention du président de la République devant le Parlement européen en février, puis devant le collège des commissaires le 15 mai, témoignent de cette volonté de coopérer étroitement avec l'ensemble des institutions
Cela passe aussi par la relation privilégiée, quotidienne et unique que nous entretenons avec l'Allemagne. Sans le dialogue sincère et constructif que nous entretenons avec l'Allemagne et qui se traduit au plus haut niveau de l'État - comme l'ont illustré la chancelière et le président de la République au cours de l'année franco-allemande et des célébrations du Cinquantenaire du Traité de l'Élysée ou encore hier - nous n'aurions pu surmonter cette crise.
L'importance du couple franco-allemand ne saurait cependant se construire au détriment de nos relations avec nos autres partenaires. Les discussions qui ont été conduites ces derniers mois, notamment par le président de la République, avec nos interlocuteurs espagnols, italiens, polonais ou irlandais, illustrent cette ambition. Outre nos voisins immédiats et premiers partenaires commerciaux, avec lesquels il est normal que nous entretenions des relations fortes, mon prédécesseur et moi-même avons effectué de nombreux déplacements, y compris dans des États membres jusqu'ici délaissés. Je me suis pour ma part rendu par exemple en Slovénie et en Finlande. J'entends poursuivre ces prises de contact. Voilà quel est le rôle de la France : non pas celui de porte-parole de telle ou telle région d'Europe, mais celui de trait d'union entre ces différents espaces qui structurent notre Union.
En termes de méthode et de ligne d'action, il s'agit aussi de rompre avec la tendance - à laquelle beaucoup de responsables politiques français ont cédé au cours des dernières années - qui consiste à blâmer Bruxelles des décisions douloureuses pour la France et d'attribuer les réussites de l'UE. Le sentiment - que j'évoquais en introduction - d'impuissance de l'UE face à la crise est repris par toutes sortes de populismes, qui incitent à voir en l'Europe la cause de tous les maux des Européens. C'est un défi dont les acteurs de la construction européenne doivent avoir conscience et qu'ils doivent prendre au sérieux.
Dans la perspective des élections européennes, si nous voulons éviter que ce désarroi ne s'exprime massivement dans les urnes, il nous faut recréer l'adhésion au projet européen et faire la preuve que l'Europe n'est pas un obstacle, mais bien la solution. Or, l'adhésion ne se décrète pas, elle se construit. Une seule voie est possible : montrer que les politiques élaborées au niveau répondent aux préoccupations des Européens. C'est le sens de la réorientation des politiques économiques européennes en faveur de la croissance et de l'emploi, voulue par la France.
Il nous faudra également animer le débat politique européen en mettant en avant de nouvelles propositions concrètes et innovantes de relance de la croissance et de développement des solidarités dans l'Union économique et monétaire. C'est ce que nous avons commencé à faire en évoquant les prochaines étapes de la relance européenne. De ce point de vue, le travail des centres de réflexion comme le votre est essentiel. Vous pourrez, chacun dans vôtre rôle, apprécier ces propositions, les mettre en perspective, confronter les différentes options économiques et politiques qui s'offrent pour le court, moyen et long terme à l'Union européenne et montrer ainsi aux citoyens qu'ils ont le choix, que leur vote a une influence sur l'orientation qui sera donnée à l'Union européenne pour les années à venir.
Voilà les éléments que je souhaitais partager avec vous à l'occasion de cette conférence. L'ampleur de la crise, sa profondeur, les interrogations qu'elle suscite renforcent l'impératif, pour les responsables politiques, de tracer une perspective. La crise que connaît l'Europe est une invitation à l'invention politique, à la formulation d'une vision, à la définition d'un horizon clair et ambitieux. Alors que nous venons de faire le bilan de l'action de ce gouvernement et que l'Europe y a joué une place centrale, c'est cette ambition que je souhaitais partager avec vous. Je vous remercie, et suis prêt à répondre à toutes vos questions.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 juin 2013