Interview de Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, dans "les Echos" le 15 mai 2013, sur les dispositifs gouvernementaux pour l'aide à l'exportation des entreprises.

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Q - En dix ans, les parts de marché des entreprises françaises ont reculé de 35 % à l'export. Comment expliquez-vous cette baisse ?
R - Les raisons sont à la fois structurelles et culturelles. La France a perdu en compétitivité ces dix dernières années et la conjoncture actuelle n'incite pas les PME à investir dans l'export et à aller chercher la croissance dans d'autres pays. Leurs marges étant faibles, elles préfèrent jouer la carte de la proximité en restant sur le marché national, voire local. Nombre d'entre elles possèdent pourtant les capacités et les compétences mais elles n'osent pas. Ce manque de confiance est symptomatique en France contrairement à d'autres pays comme l'Allemagne, qui sait jouer collectif et présenter des offres groupées. C'est pour cette raison que, sur mes quatre familles prioritaires à l'export (agroalimentaire, santé, communication, urbanisation), j'ai souhaité nommer des fédérateurs issus du monde de l'entreprise pour regrouper les énergies et les talents. Je pense également que les PME manquent d'accompagnement à moyen et long terme. Elles réussissent à exporter une fois, mais ont du mal à reproduire l'opération ensuite et à mettre en place une vraie politique d'internationalisation. 70 % des entreprises qui exportent pour la première fois arrêtent leur activité un an après.
Q - Cette prudence est encouragée dans l'écosystème des PME. On leur conseille même de faire leurs premiers pas dans les pays voisins de la France. Comment voyez-vous les choses ?
R - Je comprends cette réaction de proximité. Les pays frontaliers possèdent des normes européennes communes, la même monnaie et une culture proche de la nôtre. Pour les PME, l'Europe reste le débouché le plus naturel. Mais ces dix dernières années, notre position sur le marché communautaire s'est dégradée et les parts de marché avec le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Allemagne et l'Italie ont considérablement diminué. Il faut rétablir l'équilibre et encourager les entreprises à reconquérir l'Europe, notamment le Danemark, la Suède, la Norvège ou la Finlande. Ces quatre pays, qui comptabilisent 25 millions de consommateurs, devraient bénéficier d'une croissance durablement plus élevée que la moyenne européenne. Il faut aussi les inciter à s'attaquer à des pays plus lointains et plus diversifiés. Le niveau d'importation des BRIC et des pays émergents de taille intermédiaire comme l'Indonésie, le Mexique ou le Chili représentera un tiers de la demande mondiale en 2022.
Q - Comment comptez-vous aider les PME à cibler les «bons pays» ?
R - Avec la Direction générale du Trésor et Ubifrance, nous avons identifié des couples pays-secteur. Dans de nombreux pays, l'émergence de couches moyennes, l'augmentation du pouvoir d'achat et l'urbanisation galopante font apparaître de nouveaux besoins auxquels la France peut répondre grâce à la qualité de ses produits ou de ses services. Par exemple, nos PME agroalimentaires ont une vraie carte à jouer en Chine, notamment sur les produits transformés, les produits laitiers, l'épicerie fine et les vins et spiritueux. Le taux de croissance des importations sur ce secteur devrait dépasser 10 % par an. Cependant, l'accès au marché n'est pas toujours facile : il est indispensable de mettre en place des événements dédiés, de fédérer les acteurs et de faciliter les relations avec la Chine.
Q - Les Salons à l'étranger sont une occasion pour nouer des contacts commerciaux. Quel doit être selon vous le rôle des services publics français autour de ces événements ?
R - Dans les pays émergents, l'État a un rôle à jouer pour établir des liens avec les autorités locales qui conservent souvent des responsabilités importantes en termes de définition des normes, de commandes et de politiques publiques. J'ai pour mission de rencontrer les autorités de plusieurs pays et, lorsque je voyage, j'invite des chefs d'entreprise à m'accompagner. Lors de mon déplacement au Vietnam en avril, 126 PME étaient présentes. Elles ont participé à un forum d'affaires qui leur a permis d'établir des contacts avec la communauté d'affaires vietnamienne. L'organisme Ubifrance est très actif sur ce volet et organise des missions prospection à l'étranger. Avec les missions économiques, il sélectionne les Salons phares qui peuvent intéresser les PME et organise leur présence sur place.
Q - Le développement à l'international est l'un des domaines où les entreprises ont le plus besoin d'aide. Comment comptez-vous simplifier les dispositifs ?
R - La Banque publique d'investissement (bpifrance) va simplifier la situation. Par l'intermédiaire de ses guichets uniques régionaux, elle proposera l'ensemble des soutiens financiers actuellement distribués par Oséo et la Coface. Dans le même temps, elle assurera un rôle de conseil auprès des entreprises qui souhaitent exporter. Des développeurs à l'international issus des effectifs d'Ubifrance en régions guideront les chefs d'entreprise dans leurs démarches. Des parcours de développement personnalisé seront mis en place avec l'objectif d'accompagner 1.000 entreprises par an. Le but est de fédérer dans un lieu unique l'ensemble des organismes dans une logique de coordination et de mutualisation afin de rendre plus lisible l'offre d'accompagnement pour les chefs d'entreprise. Concrètement, un catalogue regroupant les produits proposés par Ubifrance, Oséo et la Coface sera prochainement proposé par les guichets régionaux de la bpifrance. À terme, l'idée est également de simplifier les formulaires de demande d'aides avec des documents préremplis.
Q - Le financement reste l'un des principaux freins à l'export. Comment envisagez-vous que les choses puissent s'améliorer ?
R - Les entreprises françaises, en l'absence de dispositifs comparables à ceux existant dans d'autres pays européens et faute de financements export compétitifs, ne bénéficient pas des mêmes conditions que leurs concurrentes, notamment allemandes. Pour faire face au repli des banques françaises, un mécanisme de refinancement privé des crédits à l'exportation, avec une garantie à 100 % de la Coface en cas de défaillance de la banque privée prêteuse, va être mis en place. Cela allégera la contrainte de bilan des banques et augmentera leurs capacités à financer les exportations. Pour répondre aux problèmes de fonds propres des PME, une enveloppe de 150 millions d'euros a été octroyée à des fonds d'investissement, qui s'engageront à investir dans des PME exportatrices. Dix fonds se sont manifestés et nous étudions leur labellisation.
Q - Quel rôle peuvent jouer les pôles de compétitivité pour aider les PME innovantes à exporter ?
R - Ils ont un rôle important à jouer pour renforcer le nombre de PME à l'export. En effet, l'innovation est un facteur de réussite à l'international : 60 % des entreprises qui innovent exportent. Ces clusters, qui travaillent en réseau, se sont engagés à mettre en place des plans d'action à l'international pour leurs PME innovantes, à identifier les pays cibles et à définir des actions collaboratives à l'étranger. Ils noueront, par exemple, des partenariats avec leurs homologues européens pour accroître l'attractivité de la France. Ils se sont également engagés à faciliter le portage par les grands groupes des VIE recrutés par les PME appartenant aux pôles. Une progression de 25 % des VIE d'ici à 2015 a d'ailleurs été fixée.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 mai 2013