Texte intégral
Monsieur le préfet,
Mesdames et messieurs les députés,
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Madame la présidente du conseil général,
Monsieur le maire dOradour-sur-Glane,
Mesdames et messieurs les maires des villes françaises et étrangères,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les représentants dassociations du monde combattant,
Monsieur Robert Hébras,
Mesdames, messieurs,
Depuis un an que jexerce les fonctions de ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants, je découvre ou redécouvre lhistoire de notre pays. Je fais la connaissance dhommes et de femmes aux parcours exceptionnels. Je tente de me nourrir de leur histoire, de ce quils font et de ce quils sont.
Revivre en quelques mois des dizaines dannées dhistoire de France, son histoire contemporaine, celle qui coule encore dans nos veines et habite encore les foyers où elle est contée, cest une chance.
Mais parfois le temps sarrête. Il sarrête devant lhorreur. Je sais que dans un instant, quand je me rendrai pour la première fois sur ce champ de ruines, si vide et à la fois si plein de la douleur de ceux qui y perdirent la vie, le temps sarrêtera.
Il y a quelques jours, jétais en Normandie, à loccasion des commémorations du 69ème anniversaire du débarquement. Aux côtés de nos amis américains, canadiens, britanniques et bien dautres, y compris en présence dun représentant de lambassade allemande, nous avons rendu hommage aux milliers dhommes morts sur les plages ce jour-là.
Nous avons vanté leur détermination, leur loyauté, leur courage. Nous avons salué cet incroyable effort qui changea le cours de lhistoire. Au prix du sacrifice de milliers de vies, le chemin souvrait vers la victoire.
Mais tandis que les soldats Alliés marchaient vers lEst, libérant nos villes une par une, sentant au plus profond deux-mêmes que les nuages pesant sur la France depuis 1940 pourraient bientôt être levés, dautres remontaient vers le Nord, animés par une macabre soif de vengeance qui les conduira aux pires atrocités.
Oradour-sur-Glane était sur le chemin de la vengeance. Permettez-moi de rappeler, que parmi les hommes et les femmes massacrés ici, il y avait aussi des habitants du petit village mosellan de Charly, que vous aviez accueillis en 1940. Une tragédie supplémentaire de lhistoire : ils avaient cru se sauver, ils allaient mourir ici.
Le 5 juin, une affiche du général SS Lammerding, commandant les troupes allemandes, était placardée à Tulle et disait ceci :
« Pour chaque soldat allemand qui sera blessé, trois maquis seront pendus. Pour chaque soldat allemand qui sera assassiné, dix maquis ou un nombre égal de leurs complices seront pendus également. »
Que dire des 642 hommes, femmes, enfants, massacrés à Oradour ? Pour qui ont-ils payé ?
Le village est encerclé, méthodiquement, froidement. Il ny a aucune issue. Les malades ou ceux qui ne peuvent se déplacer sont abattus sur place.
Les soldats séparent les hommes des femmes et des enfants. Ils ne peuvent empêcher les derniers adieux. Les familles se déchirent.
Les hommes reçoivent des salves de mitraillettes. Ils sont achevés à bout portant. Puis brûlés.
Les femmes et les enfants, rassemblés dans léglise, assistent impuissants à lorchestration méthodique de leur exécution. Je reprends ici les mots de Marguerite Rouffanche, rescapée, qui apporta maintes fois son témoignage :
« Vers 16 heures, des soldats, âgés dune vingtaine dannées, placèrent dans la nef, près du choeur, une sorte de caisse assez volumineuse de laquelle dépassaient des cordons quils laissèrent traîner sur le sol. Ces cordons ayant été allumés, le feu fut communiqué à lengin dans lequel une forte explosion soudain se produisit, et doù une épaisse fumée noire et suffocante se dégagea. »
Vous connaissez la suite. La panique. Les cris. Lagonie.
Ce 10 juin 1944, Oradour-sur-Glane senfonce dans les ténèbres, emportant avec elle une partie de lâme de la France.
Lorsque je parle avec des jeunes, et ils sont nombreux à participer aux cérémonies commémoratives, je vois dans leurs yeux quels sont les images qui les ont profondément marqués. Oradour en fait partie.
Je pense aux professeurs qui les accompagnent, aux parents qui les aident sur le chemin de la mémoire à passer les obstacles de la brutalité et de la barbarie.
Comment expliquer de tels actes ? Il ny a rien pour lexpliquer.
Cest lincompréhension, face à barbarie portée au-delà de limaginable, au-delà de lhumain.
Cest le désarroi, car aucune réponse rationnelle ne soppose à la folie.
Cest la perte à jamais de linsouciance. Lon ne revient pas indemne dun passage sur ces terres, dont le sol encore brûlant consume nos coeurs et nos esprits.
Une jeune habitante dOradour, qui était en ce 10 juin 1944 à Limoges, eut ces mots que je souhaite partager avec vous :
« Ce massacre symbolise lhorreur absolue des crimes contre lhumanité. Ce nest pas un exemple unique, mais je crois quil ne faut pas oublier car les dangers restent toujours actuels. »
Notre présence ici, votre présence ici, année après année, montre que rien nest oublié. Réunis dans la préservation de cette mémoire commune, nous rendons hommage aux morts. Nous les pleurons comme sils étaient tous et toutes nos fils et nos filles.
Ensemble, nous luttons aussi pour quun tel drame ne se reproduise jamais. Ecraser les graines, si insignifiantes soient-elles, qui seraient les germes dune telle barbarie, demande une extraordinaire énergie. Menons tous ce combat, car cest un combat pour lhumanité.
Je vous remercie.
Source www.haute-vienne.pref.gouv.fr, le 13 juin 2013
Mesdames et messieurs les députés,
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Madame la présidente du conseil général,
Monsieur le maire dOradour-sur-Glane,
Mesdames et messieurs les maires des villes françaises et étrangères,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les représentants dassociations du monde combattant,
Monsieur Robert Hébras,
Mesdames, messieurs,
Depuis un an que jexerce les fonctions de ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants, je découvre ou redécouvre lhistoire de notre pays. Je fais la connaissance dhommes et de femmes aux parcours exceptionnels. Je tente de me nourrir de leur histoire, de ce quils font et de ce quils sont.
Revivre en quelques mois des dizaines dannées dhistoire de France, son histoire contemporaine, celle qui coule encore dans nos veines et habite encore les foyers où elle est contée, cest une chance.
Mais parfois le temps sarrête. Il sarrête devant lhorreur. Je sais que dans un instant, quand je me rendrai pour la première fois sur ce champ de ruines, si vide et à la fois si plein de la douleur de ceux qui y perdirent la vie, le temps sarrêtera.
Il y a quelques jours, jétais en Normandie, à loccasion des commémorations du 69ème anniversaire du débarquement. Aux côtés de nos amis américains, canadiens, britanniques et bien dautres, y compris en présence dun représentant de lambassade allemande, nous avons rendu hommage aux milliers dhommes morts sur les plages ce jour-là.
Nous avons vanté leur détermination, leur loyauté, leur courage. Nous avons salué cet incroyable effort qui changea le cours de lhistoire. Au prix du sacrifice de milliers de vies, le chemin souvrait vers la victoire.
Mais tandis que les soldats Alliés marchaient vers lEst, libérant nos villes une par une, sentant au plus profond deux-mêmes que les nuages pesant sur la France depuis 1940 pourraient bientôt être levés, dautres remontaient vers le Nord, animés par une macabre soif de vengeance qui les conduira aux pires atrocités.
Oradour-sur-Glane était sur le chemin de la vengeance. Permettez-moi de rappeler, que parmi les hommes et les femmes massacrés ici, il y avait aussi des habitants du petit village mosellan de Charly, que vous aviez accueillis en 1940. Une tragédie supplémentaire de lhistoire : ils avaient cru se sauver, ils allaient mourir ici.
Le 5 juin, une affiche du général SS Lammerding, commandant les troupes allemandes, était placardée à Tulle et disait ceci :
« Pour chaque soldat allemand qui sera blessé, trois maquis seront pendus. Pour chaque soldat allemand qui sera assassiné, dix maquis ou un nombre égal de leurs complices seront pendus également. »
Que dire des 642 hommes, femmes, enfants, massacrés à Oradour ? Pour qui ont-ils payé ?
Le village est encerclé, méthodiquement, froidement. Il ny a aucune issue. Les malades ou ceux qui ne peuvent se déplacer sont abattus sur place.
Les soldats séparent les hommes des femmes et des enfants. Ils ne peuvent empêcher les derniers adieux. Les familles se déchirent.
Les hommes reçoivent des salves de mitraillettes. Ils sont achevés à bout portant. Puis brûlés.
Les femmes et les enfants, rassemblés dans léglise, assistent impuissants à lorchestration méthodique de leur exécution. Je reprends ici les mots de Marguerite Rouffanche, rescapée, qui apporta maintes fois son témoignage :
« Vers 16 heures, des soldats, âgés dune vingtaine dannées, placèrent dans la nef, près du choeur, une sorte de caisse assez volumineuse de laquelle dépassaient des cordons quils laissèrent traîner sur le sol. Ces cordons ayant été allumés, le feu fut communiqué à lengin dans lequel une forte explosion soudain se produisit, et doù une épaisse fumée noire et suffocante se dégagea. »
Vous connaissez la suite. La panique. Les cris. Lagonie.
Ce 10 juin 1944, Oradour-sur-Glane senfonce dans les ténèbres, emportant avec elle une partie de lâme de la France.
Lorsque je parle avec des jeunes, et ils sont nombreux à participer aux cérémonies commémoratives, je vois dans leurs yeux quels sont les images qui les ont profondément marqués. Oradour en fait partie.
Je pense aux professeurs qui les accompagnent, aux parents qui les aident sur le chemin de la mémoire à passer les obstacles de la brutalité et de la barbarie.
Comment expliquer de tels actes ? Il ny a rien pour lexpliquer.
Cest lincompréhension, face à barbarie portée au-delà de limaginable, au-delà de lhumain.
Cest le désarroi, car aucune réponse rationnelle ne soppose à la folie.
Cest la perte à jamais de linsouciance. Lon ne revient pas indemne dun passage sur ces terres, dont le sol encore brûlant consume nos coeurs et nos esprits.
Une jeune habitante dOradour, qui était en ce 10 juin 1944 à Limoges, eut ces mots que je souhaite partager avec vous :
« Ce massacre symbolise lhorreur absolue des crimes contre lhumanité. Ce nest pas un exemple unique, mais je crois quil ne faut pas oublier car les dangers restent toujours actuels. »
Notre présence ici, votre présence ici, année après année, montre que rien nest oublié. Réunis dans la préservation de cette mémoire commune, nous rendons hommage aux morts. Nous les pleurons comme sils étaient tous et toutes nos fils et nos filles.
Ensemble, nous luttons aussi pour quun tel drame ne se reproduise jamais. Ecraser les graines, si insignifiantes soient-elles, qui seraient les germes dune telle barbarie, demande une extraordinaire énergie. Menons tous ce combat, car cest un combat pour lhumanité.
Je vous remercie.
Source www.haute-vienne.pref.gouv.fr, le 13 juin 2013