Déclaration de Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme, sur la politique en faveur du développement économique de la montagne, Foix le 29 avril 2013.

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Circonstance : Conseil national de la Montagne, à Foix le 29 avril 2013

Texte intégral

Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Président du Sénat,
Mesdames et Messieurs les Ministres, chers collègues,
Monsieur le Délégué Interministériel,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Président du Conseil Régional,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil National de la Montagne,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse et honorée d'intervenir ici aujourd'hui, à l'heure où le Conseil National de la Montagne fait peau neuve, pour définir son programme de travail 2013 - 2015.
Je tiens à saluer des membres, et en particulier le nouveau président de la commission permanente, Cher Joël, ainsi que, bien sûr, tous ceux dont le travail alimente depuis longtemps l'action de ce Conseil qui est l'incarnation de la prise en compte spécifique du fait montagnard dans l'aménagement du territoire ainsi que dans le développement économique et l'attractivité de notre pays.
Cette approche spécifique des massifs est particulièrement importante pour le développement équilibré et efficace des commerces, de l'artisanat et du tourisme. Ces secteurs sont au cœur de la problématique de développement économique des territoires, des villes et des villages qui doivent y faire face.
La montagne française a su développer ses infrastructures touristiques et transformer ces contraintes en levier de développement. 15% du chiffre d'affaire du secteur a été réalisé en montagne l'année passée. Et la saison d'hiver de cette année a dans l'ensemble été particulièrement bonne, voire exceptionnelle. La France a reconquis sa place de première destination mondiale pour les sports d'hiver.
Ce succès est un facteur de fierté pour la montagne française. Mais aussi, bien sûr, il nous oblige et il est de notre devoir de pérenniser cette attractivité, de mettre à niveau les services et les équipements, et de permettre aux communes de tirer le plus entièrement parti de l'activité touristique tout au long de l'année. Ce doit être une de nos priorités.
Car nos stations sont aujourd'hui confrontées à d'importants défis qu'il est indispensable de relever si nous voulons qu'elles puissent nécessairement se moderniser pour faire face durablement à l'augmentation du flux mondial de touristes, s'adapter aux mutations de la clientèle et à la reconfiguration des séjours.
Le premier défi, nous le savons tous, c'est l'hébergement, qui doit en permanence s'adapter et se moderniser pour rester conformes aux normes, aux attentes et aux besoins des clients.
Et je veille tout particulièrement à la préservation de l'hôtellerie familiale, car elle est source de diversité, nous permet de lutter contre l'uniformisation, et reste un garant de l'identité si marquées de la culture et des traditions des massifs.
Le parc immobilier doit aussi faire face à la sous-occupation chronique des résidences secondaires.
Ce phénomène a placé bon nombre de stations dans une situation de dégradation du bâti et de verrouillage des hébergements, fragilisant ainsi toute l'économie des stations. La perte d'activité touche les services touristiques proprement dit, mais par ricochet l'ensemble des secteurs, notamment l'artisanat et le commerce, avec des répercussions sur l'emploi.
Diverses initiatives ont déjà été prises pour augmenter la part des « lits chauds », c'est à dire l'occupation des logements. Mais elles se sont heurtées à deux freins majeurs : d'abord la détention morcelée des biens entre plusieurs propriétaires, parfois eux-mêmes en indivision , ensuite la rétention des logements par les propriétaires, qui, ayant souvent bénéficié d'incitation fiscales à l'achat, sont peu enclins à céder leur bien, le mettre en location, ou même le moderniser, et se satisfont volontiers d'un bien de qualité médiocre utilisés seulement quelques semaines par an.
Je crois qu'il est indispensable aujourd'hui de remettre sur le marché locatif professionnel ces biens, par des mesures fortes de réhabilitation du parc immobilier, adaptées aux situations locales, en réorientant en partie les dispositifs d'incitation du neuf vers l'ancien. Des expérimentations ont été menées avec 10 stations candidates, et un plan de réhabilitation est en cours d'élaboration.
La rénovation du bâti est une alternative crédible à la construction neuve, et j'ajoute qu'elle est respectueuse de l'impératif de préservation du foncier (et de ralentissement de l'artificialisation). Elle améliore l'impact environnemental des constructions existantes et permet une meilleure maîtrise des coûts.
Et la réhabilitation des hébergements touristiques ne sera vraiment efficace que si nous menons en parallèle une politique active pour le développement d'activités multiples pendant les deux saisons et l'intersaison.
Je sais que, à l'échelle nationale, la saison d'été en montagne n'a rien à envier en matière de recettes touristiques à la saison d'hiver. Mais cela ne traduit pas la réalité de nombreuses stations dont l'activité repose majoritairement sur l'une des deux. Et chaque massif connaît une situation propre. Si la majorité des emplois salariés dans le tourisme sont liés à la saison d'hiver dans les Alpes, c'est tout à fait le contraire dans le Massif Central.
Il est donc nécessaire de développer une attractivité touristique tout au long de l'année, été comme hiver, en diversifiant les activités offertes. De nombreuses stations se sont déjà engagées dans cette voie, leur succès témoigne de la pertinence de ce modèle économique. Les contrats de destinations que je mets en place sont des outils qui permettent de rassembler les acteurs publics et privés, pour développer les territoires autours de destinations clairement identifiées et de thématiques spécifiques afin d'avoir une activité tout au long de l'année. Je suis sure que les territoires de montagne sauront s'emparer de cet outil au service de leur attractivité touristique.
Mais ces changements ne seront véritablement efficaces que si nous trouvons un cadre à la fois souple mais plus protecteur pour le travail saisonnier. Les professionnels ont recours chaque année à environ 400 000 emplois saisonniers (100 000 en hiver et 300 000 en été). Il serait réducteur d'en avoir une image uniquement négative. Cette situation représente pour beaucoup de salariés un choix de rythme de vie et de salaire.
Pour faire face à la question de la saisonnalité tout en garantissant le travail des saisonniers, la pluriactivité doit être encouragée, et sécurisée sur le plan professionnel et social.
Des dispositifs de formation existent, pour l'intersaison notamment, nous devons les renforcer. Surtout, je souhaite développer les groupements d'employeurs permettant aux professionnels de l'hiver et de l'été d'embaucher les mêmes personnes. Cette évolution doit favoriser la stabilité des saisonniers.
Ces emplois sont aussi nombreux dans les commerces et les services. Aujourd'hui, les commerçants se regroupent encore peu et leurs besoins peuvent parfois être mal entendus. Les chambres de commerce des territoires concernés doivent développer des actions d'accompagnement pour répondre à ces problématiques spécifiques.
Afin de disposer d'un diagnostic exact de l'emploi dans le tourisme, j'ai confié, avec Michel Sapin, une mission sur ce sujet à François Nogue, Président de Pôle Emploi. Nous lui avons demandé d'intégrer les préoccupations particulières liées à l'emploi saisonnier dans ses travaux qui concerne plus globalement les 50 000 emplois non pourvus dans le secteur, et de formuler des recommandations.
Le développement des territoires, c'est aussi rendre la montagne accessible. Non seulement en matière d'aménagement, mais aussi pour des millions de Français qui ne s'y rendent jamais.
46% des Français n'ont pas pu s'offrir le moindre séjour de vacances en 2011. Près de la moitié , c'est donc un enjeu majeur pour notre société que de permettre aux citoyens d'exercer ce qui constitue un droit. (Offrir à tous les Français un accès aux vacances et aux loisirs est un objectif national inscrit dans la loi, depuis 1998, et c'est à l'honneur de la France de l'avoir fait).
J'ai demandé en novembre dernier à Claudie Buisson de monter des opérations pilotes innovantes en matière d'accès aux vacances, afin que nos concitoyens, plus nombreux chaque année depuis 10 ans, qui y avaient renoncé, retrouvent le chemin des vacances. Les aides, jusqu'ici, ne couvrent qu'une petite partie du public et pas nécessairement celui qui permettrait de libérer le départ en vacances. Les jeunes, étudiants et nouveaux actifs, ainsi que les familles monoparentales doivent être notre coeur de cible. Ce sont eux qui souffrent le plus de l'impossibilité de partir.
L'offre de tourisme dans sa diversité n'est pas rendue suffisamment accessible à ces populations, confortant une image stéréotypée d'un tourisme dit « social » qui ne reflète en rien la réalité.
La montagne est naturellement concernée, et appelée à jouer un rôle d'importance dans la politique que j'entends mener. Elle peut répondre présent non seulement grâce à une offre de séjours hors ski très diversifiée, et particulièrement adaptée à tous les publics mais également grâce au développement de partenariats destinés à rendre l'offre de ski plus abordable, tel que celui conclu entre l'Association des maires des stations de ski, Domaines skiables de France et l'Ecole du Ski Français.
En outre, quand 56% des dépenses touristiques en montagne proviennent de la clientèle française, l'aide au départ constitue aussi un choc de demande potentiel très positif.
Les premières expérimentations de cette mission sur l'accès aux vacances ont d'ailleurs été menées dans les Pyrénées et dans les Alpes, pour les vacances d'hiver. Je tiens d'ailleurs à remercier Martin Malvy pour le soutien qu'il a apporté à cette opération. Et elles ont démontré qu'en réunissant tous les acteurs, publics, privés et associatifs, on pouvait rendre possible le départ en vacances de jeunes qui n'avaient jamais vu la montagne. Et, j'y insiste, sans engager de dépense nouvelle, mais en réunissant des financements jusqu'ici éparpillés et la contribution des personnes qui partent.
D'autres expérimentations se préparent pour l'été, à l'issue desquelles, à l'automne prochain, nous proposerons des dispositifs généralisés au niveau national, ainsi qu'une modernisation du fonctionnement du tourisme social. Et l'aide au départ sera toujours basée, c'est une condition de sa réussite, sur l'association de tous les acteurs autour d'une destination.
Mesdames et Messieurs, initié par la loi Montagne de 1985, le Conseil National de la Montagne représente le meilleur exemple de cette combinaison entre une approche spécifique des enjeux de la montagne, par massifs, et une approche transversale réunissant tous les acteurs. J'espère qu'il se saisira aussi de ces enjeux pour nous permettre de réussir ces changements engagés.
Car la réussite des territoires de montagne repose sur notre mobilisation collective pour défendre son attractivité et son dynamisme économique tout au long de l'année.
Je vous remercie.
Source http://www.anem.org, le 11 juin 2013