Texte intégral
Merci de votre accueil. Comme vous le savez, dès vendredi, je présenterai la position de la France aux 26 autres ministres du commerce extérieur des pays de l'Union européenne. Ces négociations entre l'Union européenne et les États-Unis, qui concernent 40 % du commerce mondial et les deux tiers des investissements innovants du monde, pourraient être plus longues et difficiles que certains l'envisagent. Je fais observer que, dans les négociations avec le Canada, nous étions partis d'un mandat relativement imprécis et les discussions se poursuivent encore au bout de cinq ans avec de nombreuses questions nouvelles.
Je rappelle également que les États-Unis sont organisés selon un mode fédéral et plusieurs États ne sont juridiquement pas liés par les choix du gouvernement central et, d'après les rencontres que j'ai pu faire lors de mon déplacement aux États-Unis, nous aurons affaire à forte partie. En parallèle, les États-Unis négocient l'accord de partenariat transpacifique et leur intérêt pour cette zone mérite d'être souligné. J'observe que le succès de l'accord transatlantique serait de nature à faire réfléchir les grands pays émergents : la Chine et le Brésil, pour ne pas se trouver exclus de certaines normes, pourraient alors être tentés d'affermir leur position dans le multilatéralisme, lequel serait indirectement favorisé par ces accords.
La France a un intérêt global à la réussite de ce partenariat et la majorité de nos entreprises y sont favorables. Celles de l'agro-alimentaire sont cependant partagées, car les perspectives diffèrent selon les types de produits envisagés et nous devrons peut-être invoquer une clause de sauvegarde pour certains d'entre eux. Nous avons des intérêts offensifs dans des secteurs tels que la chimie, la pharmacie, le textile et l'habillement, les marchés publics, les transports maritimes et aériens. S'agissant de l'accès aux marchés publics, le règlement européen en cours d'élaboration vise à inclure une clause de réciprocité dans ce domaine ; je regrette que l'Allemagne s'oppose à l'introduction d'un tel mécanisme, qu'elle estime à tort protectionniste, alors qu'il pourrait nous être très utile dans nos négociations avec les États-Unis. Je remercie, à cet égard, le Sénat d'avoir adopté une résolution qui soutient l'introduction de cette réciprocité.
Nous avons également des intérêts défensifs. Nous souhaitons d'abord protéger les indications géographiques mais nous ne sommes pas les seuls dans ce cas, comme en témoigne, du reste, mon récent déplacement en Malaisie et en Indonésie. S'agissant de l'industrie de la défense, avec le soutien du Royaume-Uni et de la Suède, la Commission a accepté de ne pas inclure ce secteur dans le mandat de négociation. Avec l'Allemagne, nous avons demandé que le mandat de négociation encadre le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États : si le contentieux des relations commerciales est étendu aux entreprises contre les États, nous craignons que les avocats et les compagnies américaines ne s'en emparent, comme on l'a observé dans le cadre de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), à l'encontre du Mexique. En ce qui concerne nos préférences collectives, la France réaffirme son refus des OGM ainsi que du boeuf aux hormones et de la décontamination des carcasses : sur ces points nous avons obtenu des avancées.
Nous maintenons une position très ferme sur les services audiovisuels et culturels : ils doivent être exclus du mandat de négociation, conformément à la pratique constamment suivie. De nombreux pays nous indiquent qu'ils sont d'accord avec nous, mais ils craignent, si ces services étaient exclus du mandat de négociation, que les États-Unis ne demandent eux aussi l'exclusion de certains secteurs. Je crois cependant qu'ils pourraient plaider, de toute manière, pour l'exclusion de certains services. La France doit prendre l'initiative sur cette question, même si elle peut paraître un peu isolée au début des négociations : je ne veux pas que la culture fasse l'objet d'un marchandage.
L'actualité m'amène aussi à évoquer la politique commerciale à l'égard de la Chine. La France est favorable aux mesures de défense commerciale. Elles relèvent cependant de la compétence exclusive de la Commission européenne qui a proposé le lancement d'une procédure anti-dumping à l'encontre de la Chine sur les ventes de panneaux photovoltaïques ; je rappelle qu'elle avait été saisie par des entreprises françaises et allemandes, pour un intérêt qui concerne surtout ces dernières. Des taxes sont instituées de manière provisoire, pour une durée d'un an, en attendant les résultats de l'enquête. La Commission s'est également autosaisie dans le domaine des télécommunications, sur le cas des subventions versées aux deux entreprises qui dominent ce secteur en Chine. La Commission se met ainsi en position de négocier avec ce pays et, en réalité, ni l'Union européenne, ni la Chine n'ont intérêt à une guerre commerciale. Les différents contentieux ne représentent d'ailleurs que 1 % de nos échanges et nous soutenons la Commission pour parvenir à un compromis. Par un «effet miroir», la Chine a annoncé l'ouverture d'une enquête sur le vin.
Je conclus sur les responsabilités du commerce mondial en matière de respect des normes sociales et environnementales. L'accident survenu dans une usine au Bangladesh a fait plus de 1.000 victimes et des entreprises européennes et nord-américaines ont été indirectement impliquées en tant que clientes à travers des chaînes d'approvisionnement complexes. J'ai récemment attiré l'attention de l'OCDE sur l'importance du respect des normes sociales et environnementales et des entreprises françaises se sont ralliées à la charte sur la sécurité des bâtiments au Bangladesh élaborées par des ONG. J'ai également sensibilisé à cet égard le commissaire Karel De Gucht, qui m'a indiqué qu'il prendrait des initiatives au mois de juillet, et le Premier ministre m'a confié la promotion de la responsabilité sociale et environnementale dans le commerce international. Le commerce international a besoin de règles et de normes environnementales et sociales : c'est le devoir de la France de les promouvoir.
(Interventions des parlementaires)
Beaucoup de questions ont été posées sur le vin et je reconnais bien là notre tradition française et sénatoriale. Je serai à Vinexpo le 17 juin et m'exprimerai à ce sujet pour rappeler que je soutiens les producteurs français. Le commissaire Karel De Gucht lui-même a reconnu qu'il n'y avait pas de vin subventionné en France - pas plus qu'ailleurs. Mais la Chine va suivre la même procédure que la Commission : engager une enquête qui peut durer jusqu'à 18 mois et peut-être prendre des mesures provisoires. Ce que vous évoquez, le blocage en douane, est hélas une pratique courante. J'étais à Cognac il y a quelques semaines et j'ai appris que la Chine bloquait des caisses de Cognac. Cela fait partie des aléas du commerce : c'est une mesure préventive et une forme de patriotisme.
Je souligne que les produits haut de gamme n'ont rien à craindre : ils sont hors marché, et en Chine, il n'y a pas de moyenne gamme. Le secteur qui va souffrir, c'est le vin en vrac. La Chine, aujourd'hui, prétend que le dumping s'élèverait à 21 % sur ces produits, en incluant dans le calcul les aides octroyées dans le cadre de l'Organisation commune de marché (OCM), l'aide à la distillation, les aides à la promotion, les assurances agricoles, les aides au développement rural, et les aides régionales. Quoi qu'il en soit, je suis résolument au côté des producteurs dans cette affaire.
Nous ne discutons pas en position de faiblesse. Au contraire, nous sommes 500 millions de consommateurs européens, ce qui renforce notre pouvoir de négociation.
M. Bourquin a bien illustré le concept de réciprocité en évoquant les marchés publics. Les marchés publics sont plus fermés aux États-Unis qu'en Europe et nous souhaitons simplement demander que les éventuels assouplissements soient réciproques. C'est l'objet de la négociation et c'est l'idée que j'ai défendue auprès de nos amis allemands. La parité dollar/euro a été aussi évoquée, mais la monnaie ne fait pas partie des négociations puisque, dans l'Union européenne, tous les États ne sont pas dans la zone euro. Rappelons que les dévaluations monétaires peuvent influencer la demande intérieure mais on ne doit pas les utiliser pour faire de la dévaluation compétitive vis-à-vis des autres partenaires commerciaux.
Pour les transferts de technologie, je vous confirme qu'ils ne sont pas couverts par cet accord. Quant à la problématique du «ticket d'entrée» : effectivement, nous ne sommes plus dans cette ancienne relation vis-à-vis des grands émergents qui consistait à arriver dans un pays avec l'idée que la seule qualité de nos produits permet de les exporter facilement. Aujourd'hui, soit nous avons un produit de niche et alors la question ne se pose pas, soit le marché est concurrentiel, ce qui est le cas le plus fréquent, et alors les pays acheteurs nous demandent de nous internationaliser et de produire localement. En même temps, ces pays demandent des transferts de compétences, de savoir-faire et de technologie. Il faut désormais admettre que l'acheteur de nos produits doit être aussi un partenaire. Dans certains secteurs, l'État aura naturellement son mot à dire : il s'agit des secteurs stratégiques comme le nucléaire où il faut encadrer les transferts. Mais ce partenaire émergent peut devenir un concurrent, ce qui nous incite à garder une longueur d'avance pour conserver une attractivité suffisante.
Pour les chiffres du commerce extérieur et très précisément en référence aux dernières statistiques douanières. Il est vrai que le déficit s'élevait à environ 67 milliards en 2012, ce qui s'explique essentiellement par le poids de notre facture énergétique. J'ai pour objectif de rééquilibrer nos échanges hors énergie, car il est impossible de maîtriser le coût de cette dernière : tout ce que nous pouvons faire, c'est favoriser l'efficacité énergétique. Les chiffres de notre commerce extérieur s'améliorent, mais nous avons toujours un problème avec notre marché de proximité, c'est-à-dire l'Europe et plus particulièrement l'Espagne et l'Italie, comme en témoigne la chute des ventes d'automobiles dans ces deux pays du sud de l'Europe. En avril, nos exportations ont progressé de 4 %, mais nos importations repartent aussi à la hausse.
La question des normes sociales a été évoquée. J'ai reçu les neuf candidats à la succession de Pascal Lamy et j'ai posé à chacun d'entre eux la même question sur le rapprochement de l'OMC des autres organisations internationales comme l'OIT. Ce sont des domaines différents, mais les normes sociales sont une source de concurrence déloyale, au-delà de la problématique essentielle des droits de l'Homme.
Je souligne que le commerce Sud-Sud mondial, représente aujourd'hui un tiers du commerce international. Les règles traditionnelles sont mises à mal et certains considèrent que le multilatéralisme est en panne. Certes, plusieurs échéances se profilent pour remédier à cette situation et tenter de relancer le cycle de Doha. Cependant, les grands émergents ont bouleversé les règles habituelles du commerce mondial parce qu'ils sont devenus des puissances de premier ordre mais ils n'assument pas leurs responsabilités de puissance commerciale vis-à-vis du reste du monde, et c'est cela qui crée de la distorsion. Les accords de libre-échange qui se négocient aujourd'hui dans le Pacifique et l'Atlantique vont mettre ces nouvelles puissances au pied du mur. Le Brésil se présente tantôt comme un pays riche avec les pauvres et tantôt un pays pauvre avec des riches : en jouant sur les deux tableaux, il parvient à rendre son marché très difficile d'accès. La qualité essentielle d'un bon directeur de l'OMC réside dans sa capacité à rallier les États-Unis et les grands émergents au multilatéralisme.
Le sénateur César, administrateur d'Ubifrance, exerce sa vigilance et je l'en remercie. En 2008, le gouvernement a pratiqué la «dévolution» : les services compétents pour les grands contrats, qui sont des services du Trésor, sont implantés dans les ambassades sans pour autant relever du ministère des affaires étrangères. Ubifrance se consacre à l'essentiel du commerce, assuré par les PME, PMI et ETI. Le commerce extérieur de la France s'élève à 440 milliards dont 8 % sont assurés par les grands contrats comme l'aéronautique. Tout le reste correspond au commerce courant dont le «navire amiral» que constitue le luxe. Quant à la question des visas, j'y vois le signe que les PME se mobilisent de plus en plus pour conquérir les marchés lointains. Nous réorganisons nos services sur le territoire et à l'étranger pour soutenir cet effort. Dans le cadre de la modernisation de l'action publique, je suis chargée d'évaluer notre dispositif à l'exportation pour le rendre plus lisible.
Quant au nombre d'opérateurs, il faudrait s'organiser comme les Allemands et les Italiens, mais les acteurs concernés ne souhaitent pas toujours se fédérer. Aujourd'hui, l'État doit faire des économies. Le budget d'Ubifrance est modeste, mais ma ligne est claire : il s'agit de privilégier l'accompagnement des entreprises dans la durée. Je vais donc privilégier la montée en gamme du personnel par rapport aux dépenses d'intervention. Ma proposition de réforme consiste en des économies de structure importantes pour mieux servir les entreprises.
C'est évidemment très important de conserver les VIE (Volontaires internationaux en entreprise) et je reviendrai devant vous sur ce sujet.
Pour les visas, nous avons très vite identifié le problème et le Gouvernement travaille à la création d'un «visa entrepreneur» de longue durée qui renforcera l'attractivité du territoire. En tout état de cause, un délai de six mois d'attente me semble inadmissible. Je pense aussi à une labellisation des entreprises françaises exportatrices afin qu'elles bénéficient d'un traitement particulier. Après expertise, ce dispositif, s'il est concluant, pourrait être opérationnel en 2014.
Je précise à M. Yung que les brevets ne font pas partie de la négociation. J'observe que certaines entreprises, très innovantes, ne déposent plus de brevets parce qu'elles considèrent qu'elles seront inéluctablement copiées : en conséquence, elles s'efforcent de maintenir une avance technique constante.
Nous devons aussi faire des progrès dans l'Union douanière européenne : M. Yung est chargé par le Premier ministre de cette mission. Il s'agit de faire avancer la lutte contre la contrefaçon qui nous cause un préjudice d'un montant de 6 milliards par an. Juridiquement, la jurisprudence Nokia nous empêche de contrôler les marchandises en transit sur le territoire de l'Union. Je rends à cette occasion hommage aux douaniers qui font d'énormes efforts de productivité depuis plusieurs années. Je souligne enfin la nécessité d'améliorer notre logistique portuaire et aéroportuaire.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 juin 2013
Je rappelle également que les États-Unis sont organisés selon un mode fédéral et plusieurs États ne sont juridiquement pas liés par les choix du gouvernement central et, d'après les rencontres que j'ai pu faire lors de mon déplacement aux États-Unis, nous aurons affaire à forte partie. En parallèle, les États-Unis négocient l'accord de partenariat transpacifique et leur intérêt pour cette zone mérite d'être souligné. J'observe que le succès de l'accord transatlantique serait de nature à faire réfléchir les grands pays émergents : la Chine et le Brésil, pour ne pas se trouver exclus de certaines normes, pourraient alors être tentés d'affermir leur position dans le multilatéralisme, lequel serait indirectement favorisé par ces accords.
La France a un intérêt global à la réussite de ce partenariat et la majorité de nos entreprises y sont favorables. Celles de l'agro-alimentaire sont cependant partagées, car les perspectives diffèrent selon les types de produits envisagés et nous devrons peut-être invoquer une clause de sauvegarde pour certains d'entre eux. Nous avons des intérêts offensifs dans des secteurs tels que la chimie, la pharmacie, le textile et l'habillement, les marchés publics, les transports maritimes et aériens. S'agissant de l'accès aux marchés publics, le règlement européen en cours d'élaboration vise à inclure une clause de réciprocité dans ce domaine ; je regrette que l'Allemagne s'oppose à l'introduction d'un tel mécanisme, qu'elle estime à tort protectionniste, alors qu'il pourrait nous être très utile dans nos négociations avec les États-Unis. Je remercie, à cet égard, le Sénat d'avoir adopté une résolution qui soutient l'introduction de cette réciprocité.
Nous avons également des intérêts défensifs. Nous souhaitons d'abord protéger les indications géographiques mais nous ne sommes pas les seuls dans ce cas, comme en témoigne, du reste, mon récent déplacement en Malaisie et en Indonésie. S'agissant de l'industrie de la défense, avec le soutien du Royaume-Uni et de la Suède, la Commission a accepté de ne pas inclure ce secteur dans le mandat de négociation. Avec l'Allemagne, nous avons demandé que le mandat de négociation encadre le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États : si le contentieux des relations commerciales est étendu aux entreprises contre les États, nous craignons que les avocats et les compagnies américaines ne s'en emparent, comme on l'a observé dans le cadre de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), à l'encontre du Mexique. En ce qui concerne nos préférences collectives, la France réaffirme son refus des OGM ainsi que du boeuf aux hormones et de la décontamination des carcasses : sur ces points nous avons obtenu des avancées.
Nous maintenons une position très ferme sur les services audiovisuels et culturels : ils doivent être exclus du mandat de négociation, conformément à la pratique constamment suivie. De nombreux pays nous indiquent qu'ils sont d'accord avec nous, mais ils craignent, si ces services étaient exclus du mandat de négociation, que les États-Unis ne demandent eux aussi l'exclusion de certains secteurs. Je crois cependant qu'ils pourraient plaider, de toute manière, pour l'exclusion de certains services. La France doit prendre l'initiative sur cette question, même si elle peut paraître un peu isolée au début des négociations : je ne veux pas que la culture fasse l'objet d'un marchandage.
L'actualité m'amène aussi à évoquer la politique commerciale à l'égard de la Chine. La France est favorable aux mesures de défense commerciale. Elles relèvent cependant de la compétence exclusive de la Commission européenne qui a proposé le lancement d'une procédure anti-dumping à l'encontre de la Chine sur les ventes de panneaux photovoltaïques ; je rappelle qu'elle avait été saisie par des entreprises françaises et allemandes, pour un intérêt qui concerne surtout ces dernières. Des taxes sont instituées de manière provisoire, pour une durée d'un an, en attendant les résultats de l'enquête. La Commission s'est également autosaisie dans le domaine des télécommunications, sur le cas des subventions versées aux deux entreprises qui dominent ce secteur en Chine. La Commission se met ainsi en position de négocier avec ce pays et, en réalité, ni l'Union européenne, ni la Chine n'ont intérêt à une guerre commerciale. Les différents contentieux ne représentent d'ailleurs que 1 % de nos échanges et nous soutenons la Commission pour parvenir à un compromis. Par un «effet miroir», la Chine a annoncé l'ouverture d'une enquête sur le vin.
Je conclus sur les responsabilités du commerce mondial en matière de respect des normes sociales et environnementales. L'accident survenu dans une usine au Bangladesh a fait plus de 1.000 victimes et des entreprises européennes et nord-américaines ont été indirectement impliquées en tant que clientes à travers des chaînes d'approvisionnement complexes. J'ai récemment attiré l'attention de l'OCDE sur l'importance du respect des normes sociales et environnementales et des entreprises françaises se sont ralliées à la charte sur la sécurité des bâtiments au Bangladesh élaborées par des ONG. J'ai également sensibilisé à cet égard le commissaire Karel De Gucht, qui m'a indiqué qu'il prendrait des initiatives au mois de juillet, et le Premier ministre m'a confié la promotion de la responsabilité sociale et environnementale dans le commerce international. Le commerce international a besoin de règles et de normes environnementales et sociales : c'est le devoir de la France de les promouvoir.
(Interventions des parlementaires)
Beaucoup de questions ont été posées sur le vin et je reconnais bien là notre tradition française et sénatoriale. Je serai à Vinexpo le 17 juin et m'exprimerai à ce sujet pour rappeler que je soutiens les producteurs français. Le commissaire Karel De Gucht lui-même a reconnu qu'il n'y avait pas de vin subventionné en France - pas plus qu'ailleurs. Mais la Chine va suivre la même procédure que la Commission : engager une enquête qui peut durer jusqu'à 18 mois et peut-être prendre des mesures provisoires. Ce que vous évoquez, le blocage en douane, est hélas une pratique courante. J'étais à Cognac il y a quelques semaines et j'ai appris que la Chine bloquait des caisses de Cognac. Cela fait partie des aléas du commerce : c'est une mesure préventive et une forme de patriotisme.
Je souligne que les produits haut de gamme n'ont rien à craindre : ils sont hors marché, et en Chine, il n'y a pas de moyenne gamme. Le secteur qui va souffrir, c'est le vin en vrac. La Chine, aujourd'hui, prétend que le dumping s'élèverait à 21 % sur ces produits, en incluant dans le calcul les aides octroyées dans le cadre de l'Organisation commune de marché (OCM), l'aide à la distillation, les aides à la promotion, les assurances agricoles, les aides au développement rural, et les aides régionales. Quoi qu'il en soit, je suis résolument au côté des producteurs dans cette affaire.
Nous ne discutons pas en position de faiblesse. Au contraire, nous sommes 500 millions de consommateurs européens, ce qui renforce notre pouvoir de négociation.
M. Bourquin a bien illustré le concept de réciprocité en évoquant les marchés publics. Les marchés publics sont plus fermés aux États-Unis qu'en Europe et nous souhaitons simplement demander que les éventuels assouplissements soient réciproques. C'est l'objet de la négociation et c'est l'idée que j'ai défendue auprès de nos amis allemands. La parité dollar/euro a été aussi évoquée, mais la monnaie ne fait pas partie des négociations puisque, dans l'Union européenne, tous les États ne sont pas dans la zone euro. Rappelons que les dévaluations monétaires peuvent influencer la demande intérieure mais on ne doit pas les utiliser pour faire de la dévaluation compétitive vis-à-vis des autres partenaires commerciaux.
Pour les transferts de technologie, je vous confirme qu'ils ne sont pas couverts par cet accord. Quant à la problématique du «ticket d'entrée» : effectivement, nous ne sommes plus dans cette ancienne relation vis-à-vis des grands émergents qui consistait à arriver dans un pays avec l'idée que la seule qualité de nos produits permet de les exporter facilement. Aujourd'hui, soit nous avons un produit de niche et alors la question ne se pose pas, soit le marché est concurrentiel, ce qui est le cas le plus fréquent, et alors les pays acheteurs nous demandent de nous internationaliser et de produire localement. En même temps, ces pays demandent des transferts de compétences, de savoir-faire et de technologie. Il faut désormais admettre que l'acheteur de nos produits doit être aussi un partenaire. Dans certains secteurs, l'État aura naturellement son mot à dire : il s'agit des secteurs stratégiques comme le nucléaire où il faut encadrer les transferts. Mais ce partenaire émergent peut devenir un concurrent, ce qui nous incite à garder une longueur d'avance pour conserver une attractivité suffisante.
Pour les chiffres du commerce extérieur et très précisément en référence aux dernières statistiques douanières. Il est vrai que le déficit s'élevait à environ 67 milliards en 2012, ce qui s'explique essentiellement par le poids de notre facture énergétique. J'ai pour objectif de rééquilibrer nos échanges hors énergie, car il est impossible de maîtriser le coût de cette dernière : tout ce que nous pouvons faire, c'est favoriser l'efficacité énergétique. Les chiffres de notre commerce extérieur s'améliorent, mais nous avons toujours un problème avec notre marché de proximité, c'est-à-dire l'Europe et plus particulièrement l'Espagne et l'Italie, comme en témoigne la chute des ventes d'automobiles dans ces deux pays du sud de l'Europe. En avril, nos exportations ont progressé de 4 %, mais nos importations repartent aussi à la hausse.
La question des normes sociales a été évoquée. J'ai reçu les neuf candidats à la succession de Pascal Lamy et j'ai posé à chacun d'entre eux la même question sur le rapprochement de l'OMC des autres organisations internationales comme l'OIT. Ce sont des domaines différents, mais les normes sociales sont une source de concurrence déloyale, au-delà de la problématique essentielle des droits de l'Homme.
Je souligne que le commerce Sud-Sud mondial, représente aujourd'hui un tiers du commerce international. Les règles traditionnelles sont mises à mal et certains considèrent que le multilatéralisme est en panne. Certes, plusieurs échéances se profilent pour remédier à cette situation et tenter de relancer le cycle de Doha. Cependant, les grands émergents ont bouleversé les règles habituelles du commerce mondial parce qu'ils sont devenus des puissances de premier ordre mais ils n'assument pas leurs responsabilités de puissance commerciale vis-à-vis du reste du monde, et c'est cela qui crée de la distorsion. Les accords de libre-échange qui se négocient aujourd'hui dans le Pacifique et l'Atlantique vont mettre ces nouvelles puissances au pied du mur. Le Brésil se présente tantôt comme un pays riche avec les pauvres et tantôt un pays pauvre avec des riches : en jouant sur les deux tableaux, il parvient à rendre son marché très difficile d'accès. La qualité essentielle d'un bon directeur de l'OMC réside dans sa capacité à rallier les États-Unis et les grands émergents au multilatéralisme.
Le sénateur César, administrateur d'Ubifrance, exerce sa vigilance et je l'en remercie. En 2008, le gouvernement a pratiqué la «dévolution» : les services compétents pour les grands contrats, qui sont des services du Trésor, sont implantés dans les ambassades sans pour autant relever du ministère des affaires étrangères. Ubifrance se consacre à l'essentiel du commerce, assuré par les PME, PMI et ETI. Le commerce extérieur de la France s'élève à 440 milliards dont 8 % sont assurés par les grands contrats comme l'aéronautique. Tout le reste correspond au commerce courant dont le «navire amiral» que constitue le luxe. Quant à la question des visas, j'y vois le signe que les PME se mobilisent de plus en plus pour conquérir les marchés lointains. Nous réorganisons nos services sur le territoire et à l'étranger pour soutenir cet effort. Dans le cadre de la modernisation de l'action publique, je suis chargée d'évaluer notre dispositif à l'exportation pour le rendre plus lisible.
Quant au nombre d'opérateurs, il faudrait s'organiser comme les Allemands et les Italiens, mais les acteurs concernés ne souhaitent pas toujours se fédérer. Aujourd'hui, l'État doit faire des économies. Le budget d'Ubifrance est modeste, mais ma ligne est claire : il s'agit de privilégier l'accompagnement des entreprises dans la durée. Je vais donc privilégier la montée en gamme du personnel par rapport aux dépenses d'intervention. Ma proposition de réforme consiste en des économies de structure importantes pour mieux servir les entreprises.
C'est évidemment très important de conserver les VIE (Volontaires internationaux en entreprise) et je reviendrai devant vous sur ce sujet.
Pour les visas, nous avons très vite identifié le problème et le Gouvernement travaille à la création d'un «visa entrepreneur» de longue durée qui renforcera l'attractivité du territoire. En tout état de cause, un délai de six mois d'attente me semble inadmissible. Je pense aussi à une labellisation des entreprises françaises exportatrices afin qu'elles bénéficient d'un traitement particulier. Après expertise, ce dispositif, s'il est concluant, pourrait être opérationnel en 2014.
Je précise à M. Yung que les brevets ne font pas partie de la négociation. J'observe que certaines entreprises, très innovantes, ne déposent plus de brevets parce qu'elles considèrent qu'elles seront inéluctablement copiées : en conséquence, elles s'efforcent de maintenir une avance technique constante.
Nous devons aussi faire des progrès dans l'Union douanière européenne : M. Yung est chargé par le Premier ministre de cette mission. Il s'agit de faire avancer la lutte contre la contrefaçon qui nous cause un préjudice d'un montant de 6 milliards par an. Juridiquement, la jurisprudence Nokia nous empêche de contrôler les marchandises en transit sur le territoire de l'Union. Je rends à cette occasion hommage aux douaniers qui font d'énormes efforts de productivité depuis plusieurs années. Je souligne enfin la nécessité d'améliorer notre logistique portuaire et aéroportuaire.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 juin 2013