Interview de M. Guillaume Garot, ministre de l'agroalimentaire, à "France Info" le 14 juin 2013, sur les mesures de prévention du gaspillage alimentaire.

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Média : France Info

Texte intégral

ERSIN LEIBOWITCH
Vous êtes ministre délégué à l’Agroalimentaire et vous allez donc signer tout à l’heure – Hedwige nous le disait à l’instant – un pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire, par ailleurs cet après-midi débat avec le magazine « MARIANNE » et FRANCE INFO sur le thème : mange-t-on encore de la viande dans nos assiettes ? On peut peut-être d’ailleurs commencer par-là ! Je ne sais pas si vous regardiez la télévision hier soir, une enquête du magazine « ENVOYE SPECIAL » pas rassurante du tout après l’affaire SPANGHERO de la viande de cheval vendue pour du boeuf, du cheval semble-t-il arrive encore en France, d’où vient-il, où va-t-il ? Mystère.

GUILLAUME GAROT
Il arrive en France mais il est stoppé et c’est ça la leçon principale de ce reportage que FRANCE 2 a diffusé hier soir, ça signifie que notre système de contrôle fonctionne et il fonctionne bien. Mais ça signifie aussi qu’il faut évidemment aller plus loin pour traquer toujours et encore les fraudeurs, il y en a toujours qui cherchent à passer au travers des mailles du filet bien évidemment…

ERSIN LEIBOWITCH
Vous voulez dire qu’aujourd’hui, quand vous dites : le système fonctionne, il n’y a plus de viande de cheval vendue pour du boeuf nulle part en France ?

GUILLAUME GAROT
Eh bien, écoutez, nous avons procédé à de multiples contrôles. Vous savez, depuis le début de l’affaire de la viande de cheval, nous avons pratiqué plus de 4.000 contrôles et engagé 200 tests ADN - donc vous savez c’est un contrôle systématique qui est mené au plan français mais aussi au plan européen - et nous avons vu la chose suivante c’est que, au fur et à mesure que ces contrôles se sont déroulés, eh bien nous avons constaté de moins en moins de viande de cheval dans les tests que nous avons pratiqués.

ERSIN LEIBOWITCH
Il y a donc d’après vous beaucoup moins de scandales sanitaires en prévision à ce niveau-là, ce n’était pas la thèse des reportages qu’on a vus hier soir ?

GUILLAUME GAROT
Oui ! Mais ça veut dire surtout une chose, ça veut dire qu’il faut continuer à se battre au plan européen comme au plan français pour faire reculer la fraude, pour encadrer la profession des traders – on l’a bien vu encore dans le reportage hier soir – et pour faire en sorte qu’on améliore la qualité en particulier de ces pains de viande dont on a vu la composition dans le reportage.

ERSIN LEIBOWITCH
Ca, tout le monde sera d’accord là-dessus.

GUILLAUME GAROT
Oui ! Mais c’est un immense travail que nous avons engagé avec Stéphane LE FOLL et Benoît HAMON.

ERSIN LEIBOWITCH
Le gaspillage alimentaire maintenant ! Quelle est la première source de ce gaspillage ? Est-ce que c’est nous simples citoyens sachant que nous jetons en moyenne 20 kilos de nourriture par an ?

GUILLAUME GAROT
Vingt à 30 kilos de nourriture chaque année, chaque consommateur, chaque citoyen, mais c’est toute la chaîne alimentaire - des producteurs jusqu’aux grandes surfaces - qui sont aujourd’hui concernés, et c’est ça l’enjeu de ce pacte que nous allons signer ce matin, c’est un engagement partagé, c’est une mobilisation de tous. Et ce qui est très important avec le gaspillage alimentaire c‘est que c’est bien l’affaire de chacun, chacun peut agir, chacun peut en responsabilité - comme citoyen finalement – traquer son propre gaspillage et ça concerne les consommateurs que nous sommes et ça concerne aussi les entreprises, ça concerne les producteurs, ça concerne les grandes surfaces, la grande distribution, chacun est concerné.

ERSIN LEIBOWITCH
Oui ! Parce qu’on a quand même l’impression qu’une fois de plus, j’allais dire, on culpabilise un peu les citoyens en leur disant : chacun doit agir, mais on a aussi ces images en tête de la grande distribution qui jette chaque jour des tonnes et des tonnes d’aliments…

GUILLAUME GAROT
Eh bien justement !

ERSIN LEIBOWITCH
Cette viande passée à la Javel pour ne pas qu’elle soit récupérée. Pour quelles raisons, expliquez-nous Guillaume GAROT…

GUILLAUME GAROT
Chacun…

ERSIN LEIBOWITCH
Expliquez-nous, s’il vous plait, pour quelles raisons un distributeur préfère détruire des aliments plutôt que de les donner ?

GUILLAUME GAROT
Aujourd’hui le système du don n’est pas au point et donc c’est un enjeu de ce pacte que nous allons essayer de faire en sorte qu’on puisse faciliter le don par des accords entre une grande surface et une association de solidarité, c’est comme ça que les choses…

ERSIN LEIBOWITCH
Mais qu’est-ce qui coince, on a du mal à le comprendre, on a du mal à comprendre pourquoi ça revient moins cher – puisque c’est sans doute de cela qu’il s’agit – de détruire un aliment plutôt que d’en faire cadeau à quelqu’un qui en a besoin ?

GUILLAUME GAROT
Parce que tout simplement, concrètement, les circuits du don, les circuits logistiques de transports vous savez de conservation et de don n’étaient pas suffisamment au point aujourd’hui, eh bien là-dessus nous avons travaillé et là-dessus nous proposons des solutions. Mais vous savez ce pacte il est très concret, il concerne en effet la vie de chacun, par exemple la mention DLUO – date limite d’utilisation optimale – que vous trouvez sur un paquet de gâteaux ou sur un paquet de pâtes, aujourd’hui on n’y comprend pas grand-chose parce qu’on se dit : date limite ça veut dire que, au-delà de la limite, ce ne sera plus bon, donc on jette. Là on gaspille, pourquoi ? Parce que dans ce paquet de gâteaux, eh bien, même si vous dépassez la date limite, il est toujours consommable, certes le biscuit sera peut-être moins croustillant mais il a gardé ses qualités nutritionnelles.

ERSIN LEIBOWITCH
Mais ces dates ne sont pas…

GUILLAUME GAROT
Donc, nous...

ERSIN LEIBOWITCH
Ne sont pas à prendre à la lettre ?

GUILLAUME GAROT
Donc, nous remplacerons la mention DLUO par une mention beaucoup plus simple « à consommer de préférence avant », voilà ça c’est du concret.

ERSIN LEIBOWITCH
Revenons un instant, Guillaume GAROT, à la grande distribution. Quelles mesures allez-vous prendre ? Vous dites : nous allons prendre des mesures précises, concrètes, pour qu’il soit plus avantageux de donner de la nourriture plutôt que de la détruire, comment allez-vous procéder ?

GUILLAUME GAROT
Oui ! Eh bien les grandes surfaces vont s’engager, elles vont le dire ce matin. Par exemple sur le vrac, parce qu’on sait très bien que lorsqu’on peut distribuer un produit en vrac – ça peut être des pâtes, ça peut être de la semoule - eh bien ça permet de lutter contre le gaspillage, donc nous allons étendre, généraliser la vente en vrac ; Nous allons faire aussi en sorte, je vous le disais, que des accords puissent être passés entre une grande surface et à proximité une association de solidarité pour faire en sorte qu’on anticipe le fait de jeter, de gaspiller, pour, au contraire, pouvoir donner directement à ces associations de solidarité qui en ont aujourd’hui bien besoin.

ERSIN LEIBOWITCH
Guillaume GAROT ! La difficulté de ce pacte c’est qu’il constitue un engagement moral certes mais il n’y a aucune sanction à la clé, on peut donc imaginer que le système ne changera pas puisque les acteurs principaux n’y ont aucun intérêt, pourquoi ne pas envisager des sanctions contre ceux qui ne joueraient pas le jeu ?

GUILLAUME GAROT
Je ne suis pas d’accord avec votre analyse ! Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de sanction que ce sera inefficace. Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui ce qui compte c’est la mobilisation de tous les partenaires, de tous ces acteurs - des producteurs jusqu’aux grandes surfaces - et surtout ce qui compte c’est la pression citoyenne, parce qu’aujourd’hui je vais vous dire les citoyens veulent que ça change. Les citoyennes, les citoyens…

ERSIN LEIBOWITCH
Et la pression citoyenne par rapport à la pression des grandes surfaces…

GUILLAUME GAROT
Les citoyens veulent que ça changent.

ERSIN LEIBOWITCH
Ca fait quoi ?

GUILLAUME GAROT
Ca veut dire concrètement qu’une entreprise, une grande surface qui ne jouerait pas le jeu serait directement sanctionnée finalement, mais par les citoyens eux-mêmes.

ERSIN LEIBOWITCH
De quelle façon ?

GUILLAUME GAROT
Parce qu’on sait très bien qu’un citoyen n’adhère pas à la politique d’une entreprise, à la politique d’une grande surface, eh bien il se détourne de cette grande surface et donc aujourd’hui les grandes surfaces elles-mêmes ont intérêt à jouer le jeu avec nous. C’est une vraie mobilisation citoyenne, c’est un vrai engagement, c’est un élan partagé…

ERSIN LEIBOWITCH
Mais si…

GUILLAUME GAROT
Pour réduire le gaspillage, et c’est ça qui va marcher.

ERSIN LEIBOWITCH
Qu’elles y aient intérêt, certes, mais si elles ne le font pas et qu’il n’y a pas de sanction à la clé, comment les choses peuvent-elles changer ?

GUILLAUME GAROT
Mais je vais vous donner rendez-vous dans un an ! Mais pourquoi ?

ERSIN LEIBOWITCH
Eh bien très bien !

GUILLAUME GAROT
Pourquoi ? Parce que chaque année nous allons évaluer justement l’efficacité de ce pacte et, comme nous sommes dans un engagement collectif, dans un élan partagé, eh bien nous ferons en sorte évidemment d’obtenir des résultats concrets. Je vous rappelle l’objectif : 2025 diviser par deux le gaspillage alimentaire en France, c’est aussi l’objectif européen. Et je vais dire une chose quand même, pour terminer, vous savez que le gaspillage c’est vrai pour les pays développés mais c’est vrai aussi pour les pays en voie de développement, c’est un combat qui est mondial, c’est un des plus grands défis du siècle : lutter contre le gâchis, lutter contre le gaspillage, parce que c’est le défi alimentaire, c’est le défi que nous devons relever, c’est l’un des plus grands défis qui nous attend.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 juin 2013