Interview de Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, à BFM le 29 mai 2013, sur l'autonomie des universités et la réusssite étudiante.

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Média : BFM

Texte intégral

STEPHANE SOUMIER
289 voix contre 248 pour votre loi hier à l'Assemblée…
GENEVIEVE FIORASO
C'est passé !
STEPHANE SOUMIER
Oui c'est passé, mais coalition alors totalement hétéroclite, écologistes, front de gauche, droite, centristes, c'est l'illustration de la difficulté du pays à se réformer ça madame FIORASO ?
GENEVIEVE FIORASO
Tout pays a du mal à se réformer, on se réforme quand on est contraint de le faire, on ne change jamais, on ne bouscule jamais des habitudes par plaisir. Moi je prends le vote tel qu'il est, j'espère qu'au Sénat on arrivera à faire évoluer les choses parce que c'est toujours plus agréable que l'ensemble des partenaires votent. Je trouve ça dommage qu'il n'y ait pas eu un vote davantage unanime parce que c'est une loi qui a comme priorité la réussite des étudiants et je trouve que pour la réussite des étudiants, de davantage d'étudiants, ça vaut la peine qu'on se mobilise.
STEPHANE SOUMIER
En gros, la gauche vous reproche d'organiser l'autonomie des universités mise au point par Nicolas SARKOZY, la droite vous reproche au contraire, de la casser, de la briser et de recentraliser l'ensemble de ces éléments et vous êtes au milieu madame FIORASO.
GENEVIEVE FIORASO
C'est toute la difficulté d'un positionnement réformiste…
STEPHANE SOUMIER
Oui mais en même temps quand on dit autonomie des universités, ça s'incarne bien dans une logique aujourd'hui d'autonomie des universités et de pourvoir fort à la tête de ces universités ?
GENEVIEVE FIORASO
Alors le premier qui a lancé l'autonomie des universités c'est Edgar FAURE il y a 45 ans…
STEPHANE SOUMIER
Ce qui ne nous rajeunis pas oui.
GENEVIEVE FIORASO
Ce qui ne nous rajeunis pas, mais …
STEPHANE SOUMIER
Il était quoi ? Radical d'ailleurs Edgar FAURE ?
GENEVIEVE FIORASO
Oui, mais je crois qu'il a eu raison, l'autonomie des universités c'est important, mais l'Etat ne doit pas être absent. C'est ce que le gouvernement reproche à la loi LRU, c'est qu'elle a transféré la masse salariale sans donner les moyens réels d'une organisation et d'une autonomie aux universités. Donc la véritable autonomie c'est leur donner les moyens, le cadre de leurs initiatives. Mais l'Etat doit rester stratège parce que tout de même, il s'agit d'argent public, près de 25 milliards d'euros, c'est un budget important, c'est le troisième budget de l'Etat si on exclut la dette et le budget de la Sécurité sociale, donc ce n'est pas rien, ça pèse.
STEPHANE SOUMIER
C'est le troisième budget de l'Etat si vous prenez l'ensemble de l'éducation madame FIORASO, pas si on est sur les universités et la recherche, pas si on est sur l'enseignement supérieur et la recherche.
GENEVIEVE FIORASO
L'université et la recherche, 25 milliards d'euros, c'est un gros budget.
STEPHANE SOUMIER
Oui, c'est un gros budget.
GENEVIEVE FIORASO
Oui c'est un gros budget donc il faut l'utiliser au mieux, il faut donner des moyens nouveaux. Ce budget a été une priorité puisqu'il y a 1.000 créations d'emplois par an…
STEPHANE SOUMIER
Ça c'est la réponse à ceux qui vous disent, c'est une question de moyens et pas une question de loi ?
GENEVIEVE FIORASO
Ceux qui… front de gauche et le PC disons-le, voulaient une loi de programmation, c'est-à-dire une programmation financière dans le temps de la recherche et de l'enseignement supérieur. C'est une loi d'orientation parce que les 5.000 emplois ont été intégrés dans les emplois pour l'éducation avec la loi sur la refondation de l'école. Voilà la déception, vous parliez tout à l'heure du champ politique, voilà la déception. Quant à nos partenaires, je crois qu'il faudra leur poser la question, moi je constate tout de même que j'ai le soutien des organisations étudiantes, donc eux ont bien compris, les jeunes ont bien compris…
STEPHANE SOUMIER
Et le soutien des patrons d'universités d'ailleurs, c'est un peu hétéroclite mais en tout cas un certain nombre…
GENEVIEVE FIORASO
Oui, mais les présidents d'universités sont proches de leurs étudiants, ils voient bien quels sont les besoins des étudiants. Moi je pense que, quand on a une classe d'âge qui est à 25% au chômage, il est temps tout de même d'avoir une priorité concernant les jeunes. Je me réjouis d'ailleurs de l'initiative franco-allemande concernant les jeunes qui ne font pas d'études pour les amener aux études. Je crois que la priorité jeune c'est essentiel, pas parce que ça fait bien de s'intéresser aux jeunes mais parce que c'est notre avenir.
STEPHANE SOUMIER
Juste une minute parce qu'en fait j'ai lu l'enquête hier et vous avez dû, vous vous êtes consciente de ça aussi, enfin je dois dire que j'ai découvert ça, un certain nombre faux boursiers qui, parce qu'ils veulent lutter contre la précarité, se mettent finalement à l'abri à l'université sans suivre aucun des cursus, juste ils vont assister… visiblement le chiffre est assez significatif, question simple mais est-ce que c'est un sujet donc vous voulez vous saisir madame FIORASO ?
GENEVIEVE FIORASO
On s'en est déjà saisi, alors là je pense que c'est vraiment les sujets, comme l'anglais etc, c'est des sujets sur lesquels il ne faut quand même pas se focaliser, ce n'est pas l'essentiel. 30.000 étudiants sur 700.000 boursiers, franchement ce n'est pas important et il y a un remboursement de 30.000 boursiers par an, donc il y a une vérification de l'assiduité des boursiers. Donc tout ça c'est contrôlé, ce n'est pas nouveau, ce genre de sujets qu'on fait semblant de découvrir de temps en temps, c'est une constante comme dans tous les dispositifs, ce n'est pas un vrai sujet.
STEPHANE SOUMIER
Revenons à l'essentiel, c'est vous qui avez donné le chiffre essentiel, nous sommes sixième en matière de publication scientifique, à l'arrivée nous sommes 15ème en terme d'innovation directement productif.
GENEVIEVE FIORASO
Et 16ème pour les PMI, PME innovantes.
STEPHANE SOUMIER
Voilà, alors la place des entreprises dans cette réforme madame FIORASO.
GENEVIEVE FIORASO
Alors on va doubler l'alternance, ce qui veut dire que toutes les universités vont devoir dialoguer davantage avec les entreprises puisque l'alternance ça signifie qu'on dialogue avec les entreprises et c'est possible. On est à 4% dans les universités, 8% en moyenne, en Allemagne ils sont à plus de 20%. L'université de Marne-la-Vallée…
STEPHANE SOUMIER
Je vous avoue, je ne sais pas ce que c'est l'alternance, concrètement.
GENEVIEVE FIORASO
C'est l'apprentissage à l'université, c'est-à-dire que c'est une innovation pédagogique parce que c'est une autre façon d'apprendre. Vous êtes immergé dans un milieu professionnel, vous avez un contrat d'apprentissage mais vous avez une semaine par mois ou un peu plus, ça dépend des contrats d'apprentissage, de formation à l'université. Donc c'est une relation étroite entre l'université et le monde socioprofessionnel, parce que vous pouvez aussi être en alternance dans une administration, ça peut être le secteur public, le secteur de l'économie sociale et solidaire et l'économie plus traditionnelle.
STEPHANE SOUMIER
Les entreprises sont en demande de …
GENEVIEVE FIORASO
Bien entendu, parce qu'elles ont des étudiants qui sont davantage familiarisés avec le monde de l'entreprise, les étudiants en alternance ont une bien meilleure insertion professionnelle.
STEPHANE SOUMIER
Et les universités elles-mêmes ont les moyens de développer…
GENEVIEVE FIORASO
L'université de Marne-la-Vallée est à 27% en alternance, ce qui prouve qu'une université quand elle est implantée dans une ville nouvelle, qu'elle doit se débrouiller avec son éco système, quand elle se tourne vers son éco système, eh bien elle arrive à développer l'alternance. Alors il n'y a pas seulement l'alternance, il y a également une meilleure relation avec les universités qui … entre universités et entreprises, puisque les entreprises seront vraiment intégrées à part entière, aussi bien les représentants des salariés que les représentants des directeurs, dans les conseils d'administration. Jusqu'à présent elles ne votaient par exemple pour le président d'université, comment peut-on admettre qu'il y ait des administrateurs à plusieurs vitesses autour d'une table ? Désormais elles voteront, elles seront également davantage impliquées avec les étudiants et les enseignants pour la formation. Je crois qu'il est nécessaire d'ouvrir les universités sur leur éco système, certaines l'ont déjà fait mais il faut les aider à le faire. L'université ce n'est pas un monde à part, l'université elle est au coeur du redressement du pays, c'est ce que font tous les pays développés, tous les pays émergeants. La France le fait sur certains sites, de fait les universités le font, mais l'image qu'on a de l'université ne correspond pas à ce que fait l'université. On va aussi mieux orienter…
STEPHANE SOUMIER
Bon, sacrée promesse ça madame, sacrée promesse.
GENEVIEVE FIORASO
Mais c'est un travail de long terme, la rupture avec le passé c'est qu'on ne fait pas d'effet d'annonce, on n'est pas dans les effets d'annonces, dans la cosmétique, on est dans le travail de long terme et dans une évolution du milieu des universités et de la relation avec les éco systèmes. Mais les universités sont prêtes, les étudiants le demandent. Pourquoi les étudiants soutiennent cette réforme ? Parce qu'ils voient bien que ça les concerne, l'insertion professionnelle, une bonne orientation, une bonne information sur les métiers, ça les concerne.
STEPHANE SOUMIER
Une question sur un effet d'annonce : crédit d'impôt recherche. François HOLLANDE a semblé dire qu'il fallait une sorte de confiance a priori, une sorte de bienveillance a priori dans l'ensemble des contrôles de l'administration fiscale, même si ce n'est pas votre administration évidemment madame FIORASO, mais est-ce qu'effectivement…
GENEVIEVE FIORASO
Les start-up, ça me concerne puisque nous avons inscrit dans la loi et ça coinçait un peu chez certains mais pas chez les socialistes, ni chez les radicaux, nous avons inscrit dans la loi le transfert. Pourquoi ? Parce que l'invention ne se transforme pas suffisamment en innovation, donc en emploi dans notre pays au contraire de l'Allemagne, au contraire de la Corée, du Japon, des Etats-Unis, d'Israël. Donc il faut absolument changer ça parce que l'emploi c'est de la solidarité, l'emploi ce n'est pas faire plaisir au capital. L'emploi c'est de la solidarité nationale. Donc nous avons inscrit le transfert. Pour le crédit impôt recherche, il y a 200 millions d'euros pour l'innovation et puis il faut arrêter d'embêter les start-up avec un contrôle fiscal dès la première année. J'ai travaillé 6 ans dans une start-up, j'ai vécu le contrôle fiscal. Concentrons-nous sur les contrôles fiscaux qui valent la peine.Source : Service d'information du Gouvernement, le 31 mai 2013