Interview de Mme Najat Vallaud Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement à France-Info le 10 juin 2013, sur les élections législatives partielles et la dissolution des groupes d'extrème droite.

Prononcé le

Média : France Info

Texte intégral


RAPHAËLLE DUCHEMIN
Deux sièges de plus perdus à l’Assemblée, la majorité se réduit beaucoup non ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Elle se réduit de deux sièges par définition…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Oui !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui ! Ecoutez…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Ce n’est pas les deux premiers que vous perdez ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous savez c’est de tradition que, lorsqu’un gouvernement est aux responsabilités, les élections partielles ne lui soient pas nécessaires favorables. Mais, par ailleurs…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Oui ! C’est une sanction ou pas ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais par ailleurs, pardon, mais il s’agit des élections donc des députés des Français de l’étranger, il faut regarder le nombre de participants à ces élections qui est extrêmement faible…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Vous me diriez la même chose si c’était des Socialistes qui étaient élus ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Qui est extrêmement faible. Oui ! Je vous le dirais aussi - il faut être objectif – et donc il faut aussi, je crois, relativiser les choses avec le nombre de participants, je crois que ça doit s’élever à quelques milliers pour ce qui concerne par exemple la circonscription d’Amérique du Nord… Bon ! Voilà, nous allons faire en sorte…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Où c’est Frédéric LEFEBVRE qui a récupéré le…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui ! C’est Frédéric LEFEBVRE.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Le siège socialiste.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Nous allons faire en sorte quant à nous, maintenant, de continuer à convaincre les Français. Les mesures que nous prenons mettent forcément le temps nécessaire à produire leurs effets, mais c’est au terme d’un quinquennat qu’on juge les résultats d’un gouvernement et pas avant.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Et dimanche prochain c’est le siège de Jérôme CAHUZAC qui doit être remplacé, vous craignez le pire, vous craignez de perdre ce siège ou pas ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je n’ai pas à craindre le vote des électeurs ! C’est aux électeurs de se prononcer, aujourd’hui, j’ai le sentiment que le Parti Socialiste a un bon candidat pour cette élection partielle et puis c’est désormais aux Français qu’il appartient de savoir s’ils veulent donner à cette circonscription un membre de la majorité ou un membre de l’opposition. Voilà ! C’est aussi en termes d’intérêt électoral que la question se pose.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Alors il y a un sujet qui évidemment est à la une de l’actualité, c’est la dissolution des Jeunesses nationalistes révolutionnaires, je ne sais pas si vous avez vu mais il y a des faux comptes Clément MERIC qui ont été créés sur Twitter avec des messages pour le moins douteux. Qu’allez-vous faire, que va faire le gouvernement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
D’abord la loi prévoit déjà ce cas de figure puisque vous savez que le fait d’usurper l’identité de quelqu’un, même sur le web, est passible d’un an d’emprisonnement et de 60… Euh ! De 15.000 euros d’amende, pardon, un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende c’est des peines importantes, donc j’invite les proches, la famille en particulier de Clément MERIC – à laquelle je pense beaucoup en ce moment, pour laquelle ça doit être particulièrement insoutenable comme situation – mais à intenter une action en justice pour faire cesser cela et puis, surtout, j’appelle…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Ce n‘est pas le gouvernement qui va s’en saisir pour demander aux réseaux sociaux justement de limiter ou de réguler davantage les contrôles sur Twitter ou sur Facebook par exemple ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Eh bien j’appelle, comme je l’ai déjà fait dans le passé, au moins l’ensemble en effet les acteurs de l’internet à faire preuve aussi de responsabilité. Il y a un minimum de contrôles à avoir, me semble-t-il, même si on est dans un champ vaste de la liberté d’expression il y a des propos qu’on ne peut pas laisser passer et il y a des atteintes au respect de la vie privée aussi qu’on ne peut pas laisser passer - l’usurpation d’identité en est une – et donc aujourd’hui nous avons avec Twitter, avec Facebook pour faire en sorte que ce qui est insupportable, intolérable ne puisse plus produire, mais en même temps vous voyez bien que parfois il faut en passer par la justice pour faire condamner les intéressés. Voilà ! Et j’en appelle surtout à la responsabilité de ceux qui ont eu cette idée du faux compte en question, on parle d’un jeune homme qui vient de disparaître il y a à peine quelques jours, respecter sa mémoire c’est éviter ce type de bêtise oui.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Alors justement, à propos de cette affaire MERIC, Jean-Marc AYRAULT a dit qu’il allait demander la dissolution des JNR – JNR ou du groupe TROISIEME VOIX auxquels appartenaient les personnes mises en examen. Est-ce que justement vous n’êtes pas un peu allés trop vite en besogne en parlant de cette dissolution et en l’annonçant, soit pour mercredi, soit pour le mercredi suivant ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Vous savez la question ce n’est pas d’aller vite ou pas vite en besogne, la question c’est d’apporter une réponse volontariste et ferme à cette idéologie pernicieuse qui est portée par un certain nombre de groupuscules et qui provoque ce qu’elle a pu provoquer la semaine dernière, c'est-à-dire jusqu’à la mort d’un jeune homme. Donc, quelle est la réponse qu’on pouvait apporter ?
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Donc, il y aura dissolution, mais peut-être pas ce mercredi et peut-être pas le mercredi suivant ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Eh bien la dissolution aura lieu dès lors que la procédure dans son intégralité aura été respectée, la procédure étant en trois temps : le premier temps c’est celui de l’information, le Ministère de l’Intérieur a récolté plus les éléments objectifs qui lui permettent d’établir que le groupuscule Jeunesse nationaliste révolutionnaire a pu appeler à la violence, à la haine, etc. ; le deuxième temps c’est celui du contradictoire, qui permet au groupe en question de répondre, donc ça prend dix – quinze jours pour qu’on puisse entendre ses arguments ; et puis le troisième temps c’est celui de la décision, qui se fait en effet en conseil des ministres. Donc, vous voyez que ce temps est à la fois… il peut vous paraître long et il est court en même temps pour mettre fin aux activités d’un groupe.
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Eh bien ce n’est pas moi qui ai annoncé les dates de mercredi ou de mercredi prochain, c’est directement le gouvernement et l’Elysée, donc c’est pour ça que je vous pose la question. Par ailleurs, Manuel VALLS avait aussi annoncé il y a quelques temps – c’était ici sur FRANCE INFO – qu’il allait étudier la possibilité de dissoudre d’autres groupes, on pense au Printemps français notamment – or il ne s’est rien passé depuis ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il s’est passé depuis, bien sûr, le Ministère de l’Intérieur est en train d’étudier la possibilité de dissoudre d’autres groupes qui portent une idéologie haineuse et que…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Donc il n’y a pas que les JNR, tous les groupes qui portent…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Il n’y a pas que les JNR ! Les groupes qui de fait se sont manifestés récemment avec la promotion de la violence dans la rue, de la haine, de la discrimination envers un groupe particulier, eh bien tous ces groupes de fait posent un problème à la République et donc Manuel VALLS est en effet en train d’étudier les conditions dans lesquelles on peut les dissoudre. Mais encore une fois tout cela est encadré par la loi, juste je voudrais le repréciser, parce qu’il n’y a pas d’arbitraire en la matière, une fois que la procédure que j’ai évoquée tout à l’heure…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Mais ce n’était pas une annonce politique ce que... ce qui a été fait ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Une fois la procédure que j’ai évoquée tout à l’heure a été respectée, ensuite - par exemple les groupes concernés peuvent porter l’affaire devant le juge administratif s’ils ne sont pas d’accord – donc, ensuite, le juge administratif tranche. Donc c’est une procédure juridique en droit qui est fondée sur la loi du 10 janvier 36, qui combat les groupes armés ou les milices, qui combat tous ceux qui prônent la violence, la haine et la discrimination et je crois que notre République a besoin d’une procédure comme celle-là, qui, je vous le rappelle Raphaëlle DUCHEMIN…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Donc, vous entendez quand Jean-François COPE dit qu’il faut dissoudre tous les groupes extrémistes, y compris peut-être à l’extrême gauche ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Juste, pour finir, je vous rappelle que cette procédure a déjà été utilisée plus de quatre-vingt fois…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Oui !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Dans le passé, donc ce n’est pas une nouveauté non plus et c’est la preuve que ça peut bien être utilisé. Quant à Jean-François COPE…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Ça peut être utilisé, ça aussi montré ses limites parfois - on pense évidemment au groupe auquel appartenait Maxime BRUNERI – on a bien vu que bien souvent les groupes se reformaient dans l’immédiat sous une autre appellation ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Plusieurs choses ! D’abord, une fois qu’il y a eu dissolution, les individus qui appartiennent aux groupes en question sont généralement particulièrement suivis par la police et donc il y a au moins cet intérêt-là d’une attention, d’une vigilance toute particulière qui est portée sur ces individus ; ensuite, je vous rappelle que la loi dit que tout groupe qui aurait été dissout qui se reconstituerait serait passible de peine pénale, c’est même de l’emprisonnement, donc il y a quand même une sévérité je crois dans cette loi qui est de bon aloi en la matière ; Quant à Jean-François COPE, le problème c’est que Jean-François COPE là encore dans son expression instrumentalise d’une certaine façon l’évènement de la semaine dernière puisque, finalement, il ne cherche pas à apporter des réponses constructives en mettant en parallèle extrême droite et extrême gauche, il cherche simplement à atténuer la responsabilité de l’extrême droite en faisant monter celle de l‘extrême gauche. Mais ce qui s’est passé dans les rues de Paris mardi dernier c’est une agression dont les coupables étaient visiblement, clairement en tout cas – la justice est en train de l’établir – des membres…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Le chef, rappelons-le, est…
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Du dernier groupuscule d’extrême droite…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, c’est important ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui ! Enfin violences volontaires, série de coups de poing pour dire les choses plus précisément, parce que pendant…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
C’est ce que dit la justice !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui ! Parce que pendant un temps il a été envisagé que la mort de Clément MERIC soit due au choc contre une barre de fer, de fait sa mort est due à la série de coups de poing qui lui ont été administrés, peut être sans intention de la donner – ça c‘est à la justice de le dire – mais enfin il y a quand même eu violence de la part d’un groupe de Skinheads pour dire les choses rapidement et donc il y a nécessité à la fois de punir les responsables individuellement – ça c’est à la justice de le faire – et il y a nécessité pour le pouvoir politique d’intervenir pour mettre fin à la promotion de la violence faite par le groupuscule auquel appartenaient ces Skinheads. Et c’est ce que nous comptons bien faire, oui, sans…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Merci !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Sans mélanger et sans amalgamer les responsabilités, je crois que la meilleure façon…
RAPHAËLLE DUCHEMIN
Ça veut dire qu’il y a amalgame du côté de la droite ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Eh bien la meilleure façon de rendre justice à Clément MERIC c’est d’être extrêmement objectif dans la véracité des faits, ce qui s’est passé, qui sont les agresseurs, qui sont les victimes et de ne pas tout mélanger oui.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 juin 2013