Texte intégral
FREDERIC RIVIERE
Le tout premier mariage homosexuel de France va avoir lieu aujourd'hui à Montpellier. Votre présence y avait été annoncée, vous avez indiqué hier que finalement vous n'y seriez pas. Est-ce que c'est une dérobade ? Est-ce que c'est un renoncement ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Non pas du tout. Je voudrais simplement insister sur l'importance que peut représenter cette journée, mais non pas pour savoir si je vais ou je ne vais pas à ce mariage, mais le fait que c'est la concrétisation d'un engagement qui a été pris lors de la campagne présidentielle. Et moi j'avais eu l'occasion de mener une interview il y a un an où j'avais dit qu'au mois de juin 2013 il y aurait les premiers mariages homosexuels. Et là nous allons avoir aujourd'hui la concrétisation de ces mariages. Ce qui veut dire que maintenant les couples homosexuels ne vont plus être clandestins. Et le fait justement qu'ils ne soient plus clandestins, je pense que cela va contribuer à faire évoluer l'ensemble de la société. Nous avons des jeunes homosexuels pour qui quelquefois la vie est absolument très dure parce que leur famille n'arrive pas à entendre simplement le fait qu'ils sont homosexuels. Et le fait que la société aujourd'hui à travers cette loi reconnaisse, et reconnaisse de façon très officielle, leur homosexualité et permettre de vivre leur amour est un moment positif.
FREDERIC RIVIERE
Donc on voit bien toute la dimension symbolique qu'a ce premier mariage, vous l'avez souligné. A ce titre vous êtes ministre de la famille ou ministre des familles, dites-nous souvent, pourquoi n'y allez-vous pas ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Parce que je pense que le mariage est avant tout un acte privé. On peut être 20 pour se marier ou 30 ou 50 ou 200 ou 500, il n'en reste pas moins que c'est un acte privé. Et que voilà je pense que comme ministre je n'ai pas à intervenir, je l'ai dit hier, et je le répète, dans ce qui est de l'ordre de l'intime.
FREDERIC RIVIERE
Et pourtant ce que va faire Najat VALLAUD-BELKACEM, ministre des Droits des femmes, porte-parole du gouvernement qui elle sera présente à ce mariage. Est-ce que c'est une erreur alors ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Elle y va tout simplement, elle l'a dit, elle connaît très bien ce couple. Elle y va à titre personnel et il faut effectivement respecter sa décision.
FREDERIC RIVIERE
Compte tenu de la valeur symbolique, enfin de la dimension symbolique dont on parlait, il est difficile de penser que Najat VALLAUD-BELKACEM y va simplement à titre privé. Elle sait bien que sa présence représente quelque chose.
DOMINIQUE BERTINOTTI
Mais je pense, je le répète, ce qui est le plus important aujourd'hui dans cette journée c'est la valeur plus que symbolique que représente la concrétisation de cette loi. Et vraiment, je le répète, aujourd'hui nos concitoyens quels qu'ils soient, quelles que soient leur orientation sexuelle ont les mêmes droits, les mêmes devoirs, la même lisibilité, la même visibilité, et c'est cela qui est important. Nous allons ensuite entrer dans une banalisation. Et je le répète j'ai beaucoup plaidé et j'y ai passé beaucoup d'heures avec Christiane TAUBIRA pour qu'il y ait égalité de toutes les familles. Mais je suis en même temps ministre de toutes les familles, il y a d'autres sujets qu'il faut aborder.
FREDERIC RIVIERE
On va en parler dans quelques instants. Que va devenir selon vous le mouvement de protestation qui s'est constitué par l'opposition au mariage homosexuel ? Est-ce que vous croyez qu'il va, puisque vous parlez de banalisation, s'éteindre de lui-même ou se relancer ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
En tout cas moi je les appelle à respecter ce qui constitue les fondements de notre démocratie. La loi a été discutée, votée, promulguée, validée, donc je respecte tout à fait que l'on puisse avoir des visions de la famille très différentes, mais à un moment donné la démocratie s'est exprimée. Donc il faut savoir respecter la loi de la démocratie, les lois républicaines, c'est ça qui est important.
FREDERIC RIVIERE
LE FIGARO fait sa une ce matin sur un nouveau sujet qui pourrait diviser à l'occasion du projet de loi sur l'école de Vincent PEILLON. La députée socialiste Julie SOMMARUGA a proposé un amendement prévoyant que l'école, je cite, assure les conditions d'une éducation à l'égalité de genre, la fameuse théorie du genre pour faire schématique l'indifférenciation sexuelle. Est-ce que vous êtes favorable à ce que ce soit enseigné à l'école ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Mais je suis d'abord favorable, et au fond c'est une façon de répondre à votre précédente question, sur le fait qu'à l'école on puisse aussi déjà parler d'orientation sexuelle. Je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup d'heures de débat qui soient consacrés à l'homosexualité, à ce que cela signifie, représente. Et on a toujours eu quand même il y a eu des progrès sur l'apprentissage, pas l'apprentissage mais enfin sur l'éducation sexuelle. Et je crois qu'il y a déjà beaucoup à faire en la matière sur l'homosexualité pour éviter toute forme de discrimination.
FREDERIC RIVIERE
Il faut plus d'heures aujourd'hui, il faut consacrer plus de temps à ces sujets-là ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Je pense mais qu'il faut toujours au sein de l'Education Nationale réfléchir à tout ce qui est lutte contre toute forme de discrimination. Les discriminations elles naissent de l'ignorance. Et c'est justement le rôle de l'éducation de combattre l'ignorance. Si on combat l'ignorance alors on combat les discriminations, alors on permet à nos concitoyens de pouvoir assumer pleinement leur vie et ce qu'ils sont. Il y a encore déjà beaucoup de progrès à faire avant de s'engager sur j'ai envie de dire des débats qui pourraient créer de fausses polémiques. La France a besoin d'apaisement et que l'on traite des sujets aussi importants que la croissance, que l'emploi, que l'avenir de la jeunesse.
FREDERIC RIVIERE
Alors Jean-Marc AYRAULT pourrait annoncer dès lundi prochain ses arbitrages sur les Allocations familiales devant le Haut Conseil à la Famille, c'est également un sujet très sensible. Est-ce que les Allocations Familiales vont diminuer pour les ménages les plus aisés d'une manière ou d'une autre, est-ce que ça on en est sûr ?
DOMINIQUE BERTINOTTI
Les arbitrages ne sont pas encore rendus puisqu'il y a eu un rapport du président du haut conseil à la famille qui a présenté plusieurs scénarii donc le scénario final n'est pas encore arbitré. Mais ce que je veux dire surtout, le sens de cette réforme, c'est d'avoir une politique familiale plus juste, plus redistributive. Aujourd'hui nous avons, lorsque l'on regarde justement en matière de prestation financière, on s'aperçoit que pratiquement un enfant de milieu modeste perçoit moins, je veux dire, le terme percevoir entre guillemets perçoit moins qu'un enfant de milieu aisé parce qu'après ajustement fiscal c'est plus intéressant effectivement dans les familles aisées. Il s'agit de remettre de la justice dans la politique familiale. Et je tiens à dire que lorsque le Premier ministre annoncera le scénario retenu il annoncera aussi toutes les mesures très dynamiques et très fortes en matière de services aux familles et je pense en particulier aux crèches, au soutien à la parentalité.
FREDERIC RIVIERE
Il nous reste 20 secondes, mais donc les modalités sont à définir mais l'issue c'est tout de même que les prestations vont baisser pour les ménages les plus aisés. Là-dessus a priori il n'y a pas de doute.
DOMINIQUE BERTINOTTI
Quelle que soit l'hypothèse effectivement retenue on peut penser que ce sont peut-être les 15% de familles les plus aisées qui seront concernées. Je rappelle que le revenu médian est de 1 620 euros.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 31 mai 2013