Interview de Mme Fleur Pellerin, ministre des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, à "RMC" le 28 juin 2013, sur les perspectives budgétaires, sur les bonnes pratiques en matière d'utilisation des données personnelles sur les réseaux sociaux.

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Intervenant(s) : 

Texte intégral

JEAN JACQUES BOURDIN
Vous êtes donc ministre en charge des PME, très important, ici nous défendons les PME, on va en parler. Vous êtes ministre en charge de l’Economie numérique, très important, on va aussi beaucoup en parler. Mais je voudrais commencer avec l’avertissement de la COUR DES COMPTES qui vous dit… au gouvernement, qui dit au président de la République : attention, attention ! Le déficit en 2013 sera plus important que prévu ; et attention ! Il va falloir redoubler d’effort et redoubler d’effort notamment pour maîtriser les dépenses en 2014 et 2015. Qu’est-ce que vous dites à la COUR DES COMPTES ?
FLEUR PELLERIN
Vous savez que je suis aussi magistrate de la COUR DES COMPTES !
JEAN JACQUES BOURDIN
Ben oui, ben oui ! C’est pour ça.
FLEUR PELLERIN
C’est un peu ma maison, donc j’écoute avec beaucoup d’attention.
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui, ce que dit la COUR DES COMPTES…
FLEUR PELLERIN
Ce que dit cette maison. Je crois que le président de la République et le Premier ministre ont déjà indiqué la position du gouvernement. Bien sûr, nous entendons cet avertissement…
JEAN JACQUES BOURDIN
La COUR DES COMPTES a raison ?
FLEUR PELLERIN
La COUR DES COMPTES a raison de faire des recommandations, elle est dans son rôle, son rôle c’est bien…
JEAN JACQUES BOURDIN
Mais elle fait des constats aussi !
FLEUR PELLERIN
De faire des constats et de faire des recommandations. Et il est vrai, le Premier ministre comme le président de la République l’ont dit, que si la croissance ne repart pas au second semestre, mais nous avons quand même un certain nombre de signes qui sont plutôt annonciateurs de redressement, de meilleures nouvelles…
JEAN JACQUES BOURDIN
Il va y avoir une reprise de la croissance ?
FLEUR PELLERIN
Il est possible que nous ayons une reprise de la croissance légère, modérée, mais au second semestre…
JEAN JACQUES BOURDIN
Ça veut dire quoi, 0,1, 0,2, 0,3 ?
FLEUR PELLERIN
Je ne suis pas prévisionniste, mais s’il n’y a pas de retour de la croissance, il est fort possible que les recettes soient moins bonnes que prévues. Et dans ce cas-là, il faudra revoir nos hypothèses de croissance budgétaires.
JEAN JACQUES BOURDIN
3,7, on était à 3,7…
FLEUR PELLERIN
Mais ce sera au pire à l’automne, on verra ça à l’automne.
JEAN JACQUES BOURDIN
On était à 3,7, c’est bien ça ?
FLEUR PELLERIN
3,7 oui.
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui, 3,7 et on sera autour de 4.
FLEUR PELLERIN
Vous savez, je crois que l’important c’est vraiment la trajectoire de redressement des finances publiques.
JEAN JACQUES BOURDIN
Mais vous savez ce qui est important, ce n’est pas 3,7, ce n’est pas 4, ce n’est pas…
FLEUR PELLERIN
Oui, c’est ça !
JEAN JACQUES BOURDIN
Ce qui est important c’est le ressenti, c’est la vérité Fleur PELLERIN, la vérité c’est qu’il va falloir encore une fois faire encore plus d’effort pour redresser nos finances et les finances de la France, la vérité c’est qu’il va falloir être encore plus rigoureux dans les dépenses de l’Etat, vous êtes d’accord avec moi ?
FLEUR PELLERIN
Absolument !
JEAN JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que pendant 2 ans ou 3 ans, non seulement il va y avoir de la rigueur mais une rigueur multipliée par deux !
FLEUR PELLERIN
La réelle vérité c’est que pendant 10 ans, on a quand même laissé filer les dépenses, on a laissé filer le déficit public, la dette et c’est bien la raison pour laquelle on en est là aujourd’hui. Mais quand on présente la vérité, il faut resituer la vérité dans son contexte.
JEAN JACQUES BOURDIN
Non mais Fleur PELLERIN, on est encore plus endettés aujourd’hui qu’il y a 5-6 ans !
FLEUR PELLERIN
On était endettés à hauteur de 800 milliards en 2002, 800 milliards, 900 milliards même, on était endettés à hauteur de 1.800 milliards en 2012.
JEAN JACQUES BOURDIN
Et on est à combien là ?
FLEUR PELLERIN
On est à 94 % à peu près…
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui, record absolu.
FLEUR PELLERIN
C’est le record absolu mais parce qu’on était dans une trajectoire d’augmentation permanente des dépenses et de baisse des recettes, et ça c’est… enfin ce n’est pas la gestion du Parti socialiste ou du gouvernement socialiste qui nous a amenés dans cette situation…
JEAN JACQUES BOURDIN
Non mais je…
FLEUR PELLERIN
Donc nous, on gère quand même… je sais bien qu’on ne peut plus parler d’héritage maintenant, ce n’est plus légitime, mais on gère quand même une situation qui est le résultat…
JEAN JACQUES BOURDIN
Attendez ! Ça fait un peu plus d’un an que vous êtes là, ça va l’héritage, on ne va pas en parler pendant 6 mois, 6 ans, 10 ans…
FLEUR PELLERIN
On est là depuis un an… non mais il y a quand même eu 10 ans… Jean-Jacques BOURDIN, il y a quand même eu 10 ans de très mauvaise gestion. Et j’étais à la COUR DES COMPTES à l’époque, donc je sais très bien qu’il y a eu une dégradation de la situation…
JEAN JACQUES BOURDIN
Bon ! Admettons, admettons, admettons.
FLEUR PELLERIN
Donc ça, c’est la vérité…
JEAN JACQUES BOURDIN
Mais vous gérez bien vous ?
FLEUR PELLERIN
Et la vérité, c’est que nous faisons un effort qui est sans précédent, un effort sans précédent en termes de réduction ou de maîtrise de la dépense publique qui n’a jamais été fait auparavant. Donc ceux-là même qui, aujourd’hui, nous disent « vous dépensez trop d’argent, vous laissez filer les dépenses » sont des gens qui ont laissé, eux, filer les dépenses.
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui, alors moi je veux regarder ce qui va se passer en 2014 et 2015.
FLEUR PELLERIN
Donc aujourd’hui, je vais vous dire ce qui va se passer, cette année nous allons stabiliser…
JEAN JACQUES BOURDIN
Alors qu’est-ce qui va se passer ?
FLEUR PELLERIN
La dépense qui a toujours été sur une trajectoire d’augmentation sous les gouvernements précédents. Et l’année prochaine, cette dépense va diminuer, la dépense va diminuer et ça sera la première fois depuis une quinzaine d’années, donc ça sera une première.
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui, mais il va falloir... il va falloir qu’elle diminue beaucoup plus que prévu.
FLEUR PELLERIN
Elle diminue, je peux vous assurer que dans les négociations budgétaires avec mon collègue du Budget que j’aime beaucoup, Bernard CAZENEUVE, je peux vous assurer que ces dépenses… la baisse des dépenses, on la sent réellement.
JEAN JACQUES BOURDIN
Votre budget va diminuer, vous ?
FLEUR PELLERIN
Mais le budget de tout le monde diminue, le budget de tout le monde diminue. Mais je ne parlerai pas pour autant de politique d’austérité pour la bonne raison que nous ne remettons…
JEAN JACQUES BOURDIN
Ce mot fait peur !
FLEUR PELLERIN
Non, ce mot peut faire peur mais nous ne remettons pas en cause des dépenses d’avenir. Le Premier ministre… le 9 juillet prochain annonce un plan d’investissement, un plan d’investissement, et donc l’austérité ce n’est pas ça. L’austérité c’est on coupe toutes les dépenses et on n’investit plus dans l’avenir.
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui, mais l’austérité…
FLEUR PELLERIN
Nous, nous investissons dans l’avenir. Et ça me paraît important, vous avez dit que je suis ministre de l’Economie numérique, on investit dans les infrastructures, on va dépenser 20 milliards pour déployer le très haut débit, ça c’est un facteur de compétitivité pour l’économie française…
JEAN JACQUES BOURDIN
Ça fait 20 ans que j’entends ça, le déploiement du très haut débit.
FLEUR PELLERIN
Ah non !
JEAN JACQUES BOURDIN
Comment Fleur PELLERIN !
FLEUR PELLERIN
Vous avez employé… le déploiement du haut débit.
JEAN JACQUES BOURDIN
Du haut débit oui, maintenant c’est le très haut débit.
FLEUR PELLERIN
Ben ! Oui, mais il faut rester dans la course mondiale.
JEAN JACQUES BOURDIN
Encore faut-il que tout le territoire soit couvert.
FLEUR PELLERIN
C’est justement, le président de la République s’est engagé à ce que tout le territoire soit couvert en 10 ans. C’est un investissement de 20 milliards, ce n’est pas de l’austérité.
JEAN JACQUES BOURDIN
Bon ! Fleur PELLERIN, je voudrais encore terminer avec ça, après on va passer avec autre chose, mais ça veut dire quoi, ça veut dire qu’il va falloir être encore plus rigoureux, on est d’accord…
FLEUR PELLERIN
Mais nous sommes très rigoureux, nous sommes très rigoureux.
JEAN JACQUES BOURDIN
Non, non mais encore plus, c’est ce que dit la COUR DES COMPTES : l’effort reste à concrétiser, c’est ce qu’elle dit. Alors elle dit : il faut poursuivre le gel du point d’indice de la fonction publique, il faut sous-indexer… terminer avec l’indexation de certaines prestations sociales, je pense aux retraites et je pense à d’autres prestations sociales, ça veut dire quoi ? Une baisse des prestations sociales, c’est inévitable !
FLEUR PELLERIN
Vous savez bien que ce sont des décisions qui se prennent en concertation avec les partenaires sociaux. Il y a actuellement…
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui, d’accord mais enfin c’est inévitable, est-ce inévitable ?
FLEUR PELLERIN
Il y a actuellement… ce qui est inévitable c’est de réduire la dépense ou de maîtriser la dépense…
JEAN JACQUES BOURDIN
Mais je vous pose la question, est-ce inévitable ?
FLEUR PELLERIN
Mais c’est inévitable de réduire la dépense, je ne vais pas vous dire que cette mesure-là est inévitable ou une autre. Il y aura forcément… le gel du point d’indice, c’est déjà le cas, les fonctionnaires ont perdu 9…
JEAN JACQUES BOURDIN
Mais il faudra poursuivre, 2014, 2015 !
FLEUR PELLERIN
Mais les fonctionnaires ont perdu 9 % de pouvoir d’achat au cours des dernières années, donc il y a un effort qui est réalisé aujourd’hui.
JEAN JACQUES BOURDIN
Il y a trop de fonctionnaires en France, j’entends ça ici ou là !
FLEUR PELLERIN
Oui, vous entendez ça, moi aussi j’entends ça…
JEAN JACQUES BOURDIN
Est-ce qu’il y a trop de fonctionnaires en France ?
FLEUR PELLERIN
J’entends aussi beaucoup que les gens attendent énormément du service public.
JEAN JACQUES BOURDIN
Je vous pose la question, est-ce qu’il y a trop de fonctionnaires en France ?
FLEUR PELLERIN
Je ne sais pas s’il y a trop de fonctionnaires, l’important c’est…
JEAN JACQUES BOURDIN
Mais pourquoi vous ne me répondez pas en disant « il y a trop » ou « pas trop » ?
FLEUR PELLERIN
Mais parce que ça n’a pas de sens de poser cette question comme ça. Les gens attendent énormément du service public, les gens… enfin en France, nos concitoyens sont attachés à un service de haute qualité en matière de santé, en matière d’infrastructures, en matière d’enseignement supérieur de recherche et d’éducation. Et donc, on ne peut pas à la fois vouloir un service public de grande qualité et diminuer en permanence ou être en permanence haro sur les fonctionnaires…
JEAN JACQUES BOURDIN
Il faudra faire des choix, mais il ne s’agit pas d’être haro sur les fonctionnaires…
FLEUR PELLERIN
Mais bien sûr, mais bien sûr, le nombre de…
JEAN JACQUES BOURDIN
Il s’agit de trouver des endroits où on fait des économies.
FLEUR PELLERIN
Il y a des départs à la retraite et vous savez très bien que le nombre de fonctionnaires décroit. L’Etat est en train de se recentrer sur des fonctions régaliennes, un certain nombre de fonctions ont été confiées aux collectivités territoriales, et il est normal que pour les fonctions qui ont été décentralisées, confiées aux collectivités territoriales, eh bien ! Il y ait moins de fonctionnaires de l’Etat central qui s’en occupe.
JEAN JACQUES BOURDIN
Donc si j’ai bien compris, les Français…
FLEUR PELLERIN
Donc il y a une tendance à la baisse…
JEAN JACQUES BOURDIN
Vont devoir faire des efforts, et de gros efforts encore pendant 2-3 ans, quoi !
FLEUR PELLERIN
Mais tout le monde fait des efforts mais nous les répartissons de manière juste.
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui mais nous allons devoir faire des efforts pendant encore 2-3 ans, on est d’accord ?
FLEUR PELLERIN
Mais nous avons déjà fait beaucoup d’efforts cette année.
JEAN JACQUES BOURDIN
Non mais…
FLEUR PELLERIN
Oui, bien sûr mais comme les Espagnols, comme les Italiens, comme les Anglais…
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui, comme les pays qui ne vont pas très bien.
FLEUR PELLERIN
Mais comme les Anglais, comme beaucoup de pays dans la zone euro.
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui, comme les pays qui ne vont pas très bien.
FLEUR PELLERIN
Et les Allemands aussi ont fait beaucoup d’efforts, je vous le rappelle, au cours des 10 dernières années.
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui, bien avant nous. Taxe sur les Smartphones et les tablettes, c’est vrai ça, avant la fin 2013 ?
FLEUR PELLERIN
Pour l’instant, rien n’est arbitré.
JEAN JACQUES BOURDIN
Aurélie FILIPPETTI, il y a une semaine, me disait : oui, oui, ça y est, ça va voir le jour avant la fin de l’année.
FLEUR PELLERIN
Ça fait partie… vous savez, au moment où nous discutons du projet de budget, il y a un certain nombre de propositions qui sont faites, certaines sont adoptées, d’autres ne sont pas adoptées…
JEAN JACQUES BOURDIN
Elle parle de contribution indolore, c’est amusant d’ailleurs mais bon ! Ça, vous fait rire, moi aussi.
FLEUR PELLERIN
Non, non mais il y a…
JEAN JACQUES BOURDIN
Contribution indolore, une taxe contribution indolore.
FLEUR PELLERIN
Non mais vous savez bien qu’il y a…
JEAN JACQUES BOURDIN
Ça, ça me fait toujours sourire, pas vous ?
FLEUR PELLERIN
Il y a des taxes qui sont répercutées ou non dans le prix final payé par le consommateur, c’est ça qu’elle a voulu dire, je pense qu’elle a voulu dire que c’était les constructeurs qui allaient payer cette taxe, et qui ne la répercuterait pas…
JEAN JACQUES BOURDIN
Pardon ! C’est le consommateur qui va débourser…
FLEUR PELLERIN
Non…
JEAN JACQUES BOURDIN
3 supplémentaires pour un appareil de 300 €, 1 %...
FLEUR PELLERIN
Le constructeur… le redevable sera le fabricant ou l’importateur de tablettes. Mais encore une fois…
JEAN JACQUES BOURDIN
Mais cette taxe verra le jour ?
FLEUR PELLERIN
Encore une fois, c’est une taxe qui a été proposée dans un rapport, le rapport Lescure…
JEAN JACQUES BOURDIN
Vous y êtes favorable ?
FLEUR PELLERIN
Le rapport Lescure… moi, je suis favorable à ce que… et le président de la République a dit qu’on n’augmentait pas la pression fiscale sur les opérateurs télécoms, je suis ministre en charge des Télécommunications…
JEAN JACQUES BOURDIN
Eh oui !
FLEUR PELLERIN
Et donc, il s’est engagé devant les Français à ne pas augmenter les taxes sur le secteur des télécoms. Pourquoi ? Parce que c’est un secteur qui est fortement mis à contribution actuellement, pour déployer le très haut débit dont nous parlions tout à l’heure, qui est un facteur important de compétitivité des entreprises mais aussi une demande très forte de nos concitoyens ; et parce qu’il y a un certain nombre de nouvelles licences à acquérir pour déployer le très haut débit mobile. Et ça aussi c’est une demande forte de nos concitoyens qui veulent regarder la télé sur leur téléphone, etc.
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui.
FLEUR PELLERIN
Alors après, s’il y a des sujets de financement de l’audiovisuel, il faut avoir une vision d’ensemble de cette question. Aujourd’hui, il y a toute une série de contributions, certaines sont des contributions, d’autres sont vraiment des taxes, vous avez la contribution à la rémunération pour copie privée, qui n’est pas vraiment un prélèvement obligatoire, qui compense un dommage ou…
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui.
FLEUR PELLERIN
Considère comme un dommage qu’est la copie privée. Donc il y a déjà un certain nombre de dispositifs, moi je suis favorable à ce qu’on regarde l’ensemble de ces contributions, taxes et autres, et qu’on ait un système plus cohérent, plus lisible pour le consommateur, et qui fasse en sorte de répartir correctement l’effort sur l’ensemble de la chaine.
JEAN JACQUES BOURDIN
Je me méfie quand un responsable gouvernemental, de droite, de gauche ou d‘ailleurs nous dire « quelque chose de plus lisible pour le consommateur ». Je me méfie parce que souvent, c’est plus lisible mais ça coûte plus cher.
FLEUR PELLERIN
Mais non, regardez les écotaxes par exemple, c’est quelque chose de lisible, vous achetez un frigo, vous savez combien vous payez d’écotaxe.
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui, c’est vrai, ça c’est vrai.
FLEUR PELLERIN
Là, il y a des progrès à faire en la matière.
JEAN JACQUES BOURDIN
Alors avant de parler de la marque France Fleur PELLERIN, je voudrais parler des PME. Je suis patron de PME, je m’y perds dans toutes les aides, je regardais… est-ce que vous… vous savez ça mieux que moi, les aides à la création d’entreprise par exemple, avant de créer une PME, je regardais, plus de 20 dispositifs différents. Mais comment voulez-vous qu’on s’y retrouve dans ce maquis ? Et alors, et alors les niches fiscales crées en faveur des PME, qui peuvent bénéficier aux PME, 107 crées entre 2002 et 2010 niches fiscales, et puis alors… alors les aides pour réduire les cotisations, 750 aides différentes, non mais !
FLEUR PELLERIN
Je crois même en fait que vous sous-estimez la complexité…
JEAN JACQUES BOURDIN
Je sous-estime, ah bon !
FLEUR PELLERIN
Parce que quand on ajoute à ces aides – qui sont des aides de l’Etat – les aides des collectivités territoriales, mais qui ont leur utilité aussi, là on arrive à des milliers en réalité de dispositifs…
JEAN JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que la grande entreprise qui est équipée en personnel, en bon comptable, elle arrive à bénéficier de ces aides, mais les PME beaucoup moins !
FLEUR PELLERIN
C’est extrêmement compliqué de s’y retrouver dans le maquis. Quand vous avez effectivement plusieurs milliers de dispositifs qui vous sont offertes, selon que vous êtes en Midi-Pyrénées ou ailleurs, ça sera un système différent, c’est extrêmement compliqué. Et donc ce que nous sommes en train de faire actuellement, nous sommes en train de réfléchir à plusieurs mesures de simplification. Alors vous allez me dire « ça ne va pas assez vite », etc., mais simplifier c’est compliqué, voilà.
JEAN JACQUES BOURDIN
Ah bon !
FLEUR PELLERIN
Simplifier c’est compliqué…
JEAN JACQUES BOURDIN
Alors ça c’est extraordinaire.
FLEUR PELLERIN
Simplifier c’est compliqué parce que vous avez affaire à des empilements…
JEAN JACQUES BOURDIN
C’est moins compliqué de compliquer quoi, si j’ai bien compris ?
FLEUR PELLERIN
De dispositifs… non mais ça serait plus facile de créer un système à partir de rien plutôt que de simplifier un dispositif qui existe déjà. Et nous avons affaire à un dispositif qui s’est empilé au fur et à mesure du temps…
JEAN JACQUES BOURDIN
Alors pour les PME, qu’est-ce que vous allez…
FLEUR PELLERIN
Et c’est extrêmement compliqué.
JEAN JACQUES BOURDIN
Qu’est-ce que vous allez leur offrir ?
FLEUR PELLERIN
Alors pour les PME, ça fait déjà un an que nous leur offrons un certain nombre de choses. Déjà, nous avons annoncé l’année dernière que nous garantissons un certain nombre de dispositifs qui sont favorables au fait de drainer l’épargne des Français vers les PME. Aujourd’hui, il y a un problème de financement des PME, vous le savez bien, elles vous le disent, elles ont des problèmes d’accès au crédit, avec le renforcement des contrôles prudentiels ou des normes pour des ratios prudentiels des banques. Elles ont très peu accès au financement obligataire ou au financement de marché en bourse, par exemple. Donc qu’est-ce que nous avons fait depuis un an déjà ? Nous avons encouragé la création d’un compartiment boursier réservé aux PME, EnterNext qui a été annoncé la semaine dernière. Donc ça, c’est déjà une première chose. Nous avons mis en place un certain nombre de dispositifs pour aider…
JEAN JACQUES BOURDIN
Et maintenant, qu’est-ce qu’on pourrait faire ?
FLEUR PELLERIN
Pour aider leur trésorerie. Non mais je vous explique ce que nous sommes en train de faire.
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui, la trésorerie.
FLEUR PELLERIN
C’est un gros sujet la trésorerie, il y a un gros problème de délais de paiement et de trésorerie.
JEAN JACQUES BOURDIN
Ça c’est sûr.
FLEUR PELLERIN
Donc nous avons mis 500 millions d’euros à la banque, qui sont gérés par la Banque publique d’investissement, pour aider les PME à gérer leurs problèmes de trésorerie. Nous avons mis en place le préfinancement du crédit impôt compétitivité emploi et du crédit impôt recherche pour les PME…
JEAN JACQUES BOURDIN
Ça, ce n’est pas facile.
FLEUR PELLERIN
Donc ça, elles sont en train massivement d’y recourir, aujourd’hui il y a 100 demandes par jour de préfinancement du crédit impôt recherche…
JEAN JACQUES BOURDIN
Il ne séduit pas ce crédit compétitivité…
FLEUR PELLERIN
Ce n’est pas vrai, il y a 100 demandes par jour qui arrivent aujourd’hui sur le site pour avoir accès au préfinancement du crédit impôt compétitivité emploi. Donc ça, c’est un premier train de mesures qui s’attache au financement. On développe le financement participatif, le président de la République a annoncé beaucoup de mesures au moment des assises de l’entrepreneuriat pour les PME justement. Et puis par ailleurs, nous développons un certain nombre de mesures pour les aider à davantage innover, puisque vous l’avez oublié tout à l’heure, je suis aussi ministre de…
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui, de l’Innovation.
FLEUR PELLERIN
De l’Innovation, et nos PME n’investissent pas suffisamment. Quand on regarde le montant de dépenses des PME en matière d’innovation par rapport aux dépenses des PME allemandes par exemple, il y en a beaucoup moins. Et donc nous encourageons aussi par des prêts, par des incitations fiscales, nous encourageons l’innovation dans les entreprises, dans les PME parce que ça garantit la montée en gamme et la meilleure qualité des produits et la meilleure créativité des produits qui sont fabriqués en France.
JEAN JACQUES BOURDIN
La marque « France »…
FLEUR PELLERIN
Alors précisément, la marque « France »…
JEAN JACQUES BOURDIN
Annoncée tout à l’heure précisément, la transition est toute trouvée.
FLEUR PELLERIN
Précisément…
JEAN JACQUES BOURDIN
Alors ça va être quoi cette marque « France » ?
FLEUR PELLERIN
La marque « France », ça va être révélé tout à l’heure, donc je ne vais pas non plus…
JEAN JACQUES BOURDIN
Non mais attendez ! Vous n’avez qu’à m’en parler.
FLEUR PELLERIN
Je ne vais pas anticiper bien sûr. Mais l’idée qui a présidé au lancement de cette mission, qui a été confiée à Philippe LENTSCHENER et puis à d’autres personnalités, qui viennent d’horizons très différents d’ailleurs puisque vous trouvez aussi bien des industriels ou Agnès B, donc des personnalités très différentes, c’était l’idée de dire : regardez les autres pays, regardez la Grande Bretagne avec Cool Britannia, les Américains avec l’American Dream, il y a beaucoup de pays qui font ce qu’on appelle du nation brandling, c'est-à-dire du marketing en fait de leur pays. Et nous la France, il y a forcément quelque chose qui fait l’essence de notre pays, qui fait la fierté de notre pays, qui fait qu’on est singuliers, et on n’arrive pas tellement à le mettre en avant.
JEAN JACQUES BOURDIN
Alors concrètement…
FLEUR PELLERIN
Et donc l’idée, c’était de demander à ces personnes de réfléchir à… voilà, décrivez-nous ce que c’est que la France aujourd’hui et comment on projette la France à l’international.
JEAN JACQUES BOURDIN
Alors concrètement, comment ça va se traduire ?
FLEUR PELLERIN
Et donc ça va se traduire par une série de recommandations sur comment on valorise mieux l’image de la France à l’international et comment on…
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui mais concrètement, pour l’instant comment on valorise… mais moi je… concrètement, comment on va mieux valoriser ?
FLEUR PELLERIN
Mais concrètement, il y aura des mesures sur déjà la façon dont on s’approprie notre histoire, ça peut paraître anecdotique mais c’est assez important, c'est-à-dire que il y a une façon aussi d’enseigner l’histoire qui fait qu’on ne s’approprie pas forcément une histoire économique de notre pays. Or c’est important…
JEAN JACQUES BOURDIN
Il y aura une marque « France », c’est la marque « France »…
FLEUR PELLERIN
Et après, il y aura…
JEAN JACQUES BOURDIN
Ça n’a rien à voir avec le « made in France » tout ça, non ?
FLEUR PELLERIN
Le « made in France » c’est plus la façon dont sont fabriqués les produits, c’est quelque chose… Arnaud MONTEBOURG s’en est fait un peu le porte-parole, c’est l’idée d’encourager l’économie de proximité…
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui, le « fabriqué en France ».
FLEUR PELLERIN
D’encourager les Français à consommer français, à mettre en valeur les produits fabriqués, dont une grande partie est fabriquée en France. Là, l’idée ce n’est pas exactement la même chose…
JEAN JACQUES BOURDIN
C’est le savoir-faire français, la marque « France »…
FLEUR PELLERIN
C’est de faire valoir ce qu’est la « french touch » à l’international. Aujourd’hui, vous avez un groupe comme Daft Punk par exemple, ça, ça parle aux jeunes, qui est mondialement connu…
JEAN JACQUES BOURDIN
C’est la marque française la plus célèbre, Daft Punk…
FLEUR PELLERIN
C’est une marque… mais ce n’est pas que la marque française, Amélie POULAIN c’est une marque française connue, Marion COTILLARD c’est la France, mais de la même façon Xavier NIEL c’est la France aussi, Joël ROBUCHON c’est la France aussi. Il y a quelque chose qui fait la synthèse de tout ça, et ce que nous avons cherché à trouver c’est ce qui fait la synthèse de tout ça et ce qui parle au monde et qui fait la singularité de la France. Et donc c’est une démarche un peu marketing de communication, mais c’est extrêmement important et c’est ça que nous voulons porter. Moi, je suis chargée de l’attractivité de la France à l’international, avec Nicole BRICQ nous travaillons là-dessus, et c’est important d’avoir cette démarche-là parce que tout le monde y va un peu de son côté. Et ça, on l’a remarqué dans des salons, vous allez dans les salons de tourisme ou d’affaires, il y a la Bretagne, il y a la Provence, etc., mais il n’y a pas tellement cette idée d’une équipe de France qui porte une sorte d’esprit « made in France », marque « France » à l’international.
JEAN JACQUES BOURDIN
Fleur PELLERIN, que dites-vous ce matin, que dites-vous aux réseaux sociaux, aux grands réseaux sociaux, les Facebook, les Twitter, les Google qui utilisent nos données personnelles ?
FLEUR PELLERIN
Alors pour l’instant, vous savez bien que la Commission européenne a demandé un certain nombre d’informations au gouvernement américain pour savoir exactement ce qu’il en était. Ce qu’on sait aujourd’hui, c’est qu’un certain nombre de sites, pas tous, ont donné sur requête judiciaire ou sur requête de l’administration américaine un certain nombre d’informations, mais à la demande des autorités, il n’était pas question d’une surveillance généralisée des réseaux.
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui mais je parle de l’utilisation commerciale moi.
FLEUR PELLERIN
Ah ! C’est différent parce que je croyais que vous me parliez du programme…
JEAN JACQUES BOURDIN
Je parlais de l’utilisation commerciale.
FLEUR PELLERIN
L’utilisation commerciale, ce que je dis c’est quand même aussi la liberté de chacun de faire ce qu’il veut de ses données personnelles. Vous vous inscrivez aujourd’hui sur Facebook…
JEAN JACQUES BOURDIN
…Qu’est-ce que vous pouvez faire contre ça ?
FLEUR PELLERIN
C’est déjà de faire prendre conscience aux utilisateurs…
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui, aux internautes oui.
FLEUR PELLERIN
Des conditions d’utilisation de leurs données sur internet. Là pour le coup, on est dans des relations qui sont d’ordre privé…
JEAN JACQUES BOURDIN
Mais vous ne pouvez rien faire, vous ne pouvez rien faire contre…
FLEUR PELLERIN
Mais si, on peut travailler, moi ce que je fais aujourd’hui… vous voyez aujourd’hui qu’il y a quelque chose de paradoxal, c’est que les Français adorent les réseaux sociaux, ils sont plus de 80 % sur les réseaux sociaux, et en même temps ils se méfient et ils disent « moi, je me méfie de la manière dont sont utilisées mes données personnelles » à 70 %, donc il y a cette ambiguïté très intéressante. Alors qu’est-ce qu’on peut faire ? Nous, on travaille beaucoup avec les réseaux sociaux mais sans forcément rentrer dans des querelles judiciaires, on n’en est pas là, sur la manière dont on peut rendre plus transparent et informer davantage le consommateur ou l’utilisateur sur la manière dont seront utilisées ces données personnelles. Est-ce que vous allez être traqué, est-ce que vous voulez bien recevoir des publicités sur votre boîte mail ? Et à tout ça, vous pouvez consentir ou ne pas consentir. Et je pense que ce qui est important, c’est de savoir ce qui va être fait des données personnelles…
JEAN JACQUES BOURDIN
Mais vous allez passer par une loi, vous allez passer… non, ce n’est pas possible…
FLEUR PELLERIN
Mais il n’y a pas besoin de passer par des lois, je pense qu’il faut travailler sur des bonnes pratiques… il faut travailler sur des bonnes pratiques avec… et puis on travaille d’ailleurs avec la CNIL, l’autorité qui est en charge de la protection de la vie privée des Français, on travaille avec la CNIL sur ces questions-là. Mais je crois qu’il faut établir des normes de bonnes pratiques avec ces réseaux sociaux, qui sont tout à fait bien déterminés d’ailleurs à coopérer avec les gouvernements et à montrer…
JEAN JACQUES BOURDIN
A ces grandes entreprises, Amazon, Google qui ne sont pas vraiment déterminées à payer des impôts en France.
FLEUR PELLERIN
Alors ça, c’est un autre sujet…
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui, je sais…
FLEUR PELLERIN
Non mais il ne faut pas mélanger les sujets…
JEAN JACQUES BOURDIN
Je sais, non mais d’accord, il ne faut pas mélanger mais enfin ils sont…
FLEUR PELLERIN
Non, mais on peut avoir une discussion…
JEAN JACQUES BOURDIN
Coopératifs oui, jusqu’à un certain point.
FLEUR PELLERIN
On peut avoir une discussion pour que les gens soient mieux informés sur ce qui est fait de leurs données personnelles, et ça moi…
JEAN JACQUES BOURDIN
Ça, on est d’accord, ça c’est indispensable
FLEUR PELLERIN
Je trouve ça tout à fait normal, et c’est une discussion qu’on peut avoir…
JEAN JACQUES BOURDIN
Mais il est aussi indispensable que ces grandes entreprises paient des impôts en France.
FLEUR PELLERIN
Bien entendu, mais ça moi, j’ai vu encore des représentants de Facebook hier dans mon bureau, et je leur ai dit : vous savez nous, nous poursuivons aussi notre travail dans le cadre de l’OCDE, c’est un travail qu’on a lancé… enfin objectivement, ce travail était complètement enterré jusqu’à il y a à peu près 1 an, 1 an et demi, et franchement ce sont la France, le Royaume Uni, l’Allemagne – et les Etats-Unis aussi d’ailleurs – qui ont relancé les travaux sur ces pratiques d’optimisation fiscale des grands groupes qui ne sont pas que ceux du numérique, il ne faut pas non plus diaboliser…
JEAN JACQUES BOURDIN
Oui, ça c’est vrai, vous avez raison.
FLEUR PELLERIN
Les entreprises du numérique. C’est plus facile dans le commerce numérique parce que c’est plus facile de dématérialiser les échanges et d’avoir des échanges qui se jouent un peu des frontières parce que voilà, vous vendez des services qui sont immatériels. Mais ce ne sont pas que les entreprises du numérique. Mais ce travail-là, on le fait bien entendu, quand vous voyez aujourd’hui des entreprises qui paient 2 % d’impôts sur les sociétés à l’échelle mondiale, ce n’est acceptable ni pour la France ni pour l’Allemagne ni pour la Grande Bretagne ni pour les Etats-Unis. Et donc c’est bien la raison pour laquelle, un travail concerté a lieu en ce moment et surtout dans une période, vous l’avez rappelé en début d’émission, qui est difficile pour tout le monde, je crois qu’il est absolument inacceptable que certains s’imaginent pouvoir échapper à leur contribution à l’impôt.
Source :Service d'information du Gouvernement, le 28 juin 2013