Interview de Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, à "LCI" le 28 juin 2013, sur les aides au renforcement de la compétitivité des entreprises, notamment des PME sur la scène économique internationale, sur le mandat de José Manuel Barroso à la Commission européenne.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

JULIEN ARNAUD
Comment se portent les exportations françaises, est-ce que ça va un petit peu mieux, est-ce qu’on a une tendance pour le mois de mai ?
NICOLE BRICQ
Non, les derniers chiffres que nous avons sont ceux du mois d’avril, qui marquaient une légère reprise après un mois de mars…
JULIEN ARNAUD
Difficile…
NICOLE BRICQ
Janvier, février mauvais, parce que l’économie…
JULIEN ARNAUD
Ça reste négatif, on rappelle le chiffre d’avril, -4,5 milliards en gros.
NICOLE BRICQ
Voilà, bravo ! L’économie ne va pas très bien, le commerce extérieur ne va pas mieux. Mais on observe quand même une reprise, les entreprises – notamment les PME – se portent davantage à l’exportation, leur nombre augmente, notamment vers l’Asie bien sûr, vers les pays en croissance, mais aussi une certaine reprise en Europe.
JULIEN ARNAUD
S’il n’y avait pas l’aéronautique, les exportations françaises seraient à quel niveau ?
NICOLE BRICQ
Ah !
JULIEN ARNAUD
Ça serait bien, bien pire !
NICOLE BRICQ
L’aéronautique c’est formidable, j’ai passé une journée formidable au Salon du Bourget, on a engrangé des contrats, elle est dans un cycle haut, elle nous rapporte… c’est une bannière…
JULIEN ARNAUD
Heureusement qu’elle est là quoi !
NICOLE BRICQ
Non parce que les grands contrats, ça fait 7 % du commerce extérieur, tout le reste c’est du commerce courant et c’est le travail…
JULIEN ARNAUD
Le travail des PME.
NICOLE BRICQ
Des PME.
JULIEN ARNAUD
Alors justement pour aider ce travail des PME, on dit beaucoup qu’il faut essayer de renforcer la compétitivité de ces entreprises. Est-ce qu’il ne faut pas baisser les charges, aller largement plus loin que le crédit compétitivité ?
NICOLE BRICQ
Déjà 20 milliards, ce n’est pas mal, maintenant…
JULIEN ARNAUD
Mais oui mais les entreprises ne s’en servent pas.
NICOLE BRICQ
Si, on a simplifié le crédit d’impôt et ça marche plutôt pas mal. Maintenant, c’est qu’est-ce qu’elles vont en faire ? Et l’objectif, c’est qu’elles investissent, qu’elles innovent et qu’elles exportent.
JULIEN ARNAUD
Mais est-ce qu’il ne faut pas aller plus loin, les aider encore plus ?
NICOLE BRICQ
Mais…
JULIEN ARNAUD
C’est ce que recommande la COUR DES COMPTES !
NICOLE BRICQ
Oui, sauf que bien sûr qu’il faut faire une politique de l’offre, moi j’en suis partisan depuis le début, c’est ce que nous faisons du reste. Mais en même temps, il ne faut pas casser les moteurs de croissance et il faut aussi que la demande soit là, la demande intérieure et la demande extérieure. Et nous savons qu’en Europe, il y a une crise assez profonde, on voit quelques clignotants, quelques bonnes nouvelles de Bruxelles quand même qui arrivent. On se met d’accord sur la résolution des faillites bancaires, c’est déjà pas mal parce que ça fait un moment que ça traîne. Et en même temps…
JULIEN ARNAUD
Il y a aussi un nouveau prélèvement qui est à 46,5 %, un record, comment les entreprises peuvent faire pour être compétitives avec un niveau de prélèvement qui est aussi haut ? C’est difficile honnêtement, l’équation…
NICOLE BRICQ
Mais quand on regarde…
JULIEN ARNAUD
Elle est insoluble !
NICOLE BRICQ
Quand on regarde… on fait des comparaisons avec des pays partenaires et quelques fois concurrents, je crois qu’on n’est pas à la traine. Mais nous savons bien…
JULIEN ARNAUD
Ah bon ! Par rapport à l’Allemagne, on n’est pas à la traine ?
NICOLE BRICQ
Nous savons bien… mais je vais vous le dire, ça fait quand même quelques dizaines d’années qu’on a perdu de la compétitivité…
JULIEN ARNAUD
Ah ben oui ! C’est sûr, ce n’est pas nouveau.
NICOLE BRICQ
Et qu’on a perdu des maillons essentiels de l’industrie. Et quand je regarde les usines en Chine ou ailleurs, je vois souvent des machines-outils allemandes, suédoises, quelques fois italiennes aussi, japonaises, je ne vois pas de machines-outils françaises. Cherchez l’erreur.
JULIEN ARNAUD
Vous parlez du crédit impôt compétitivité, vous savez quelle est la première entreprise qui va… l’entreprise qui va le plus en bénéficier ? C’est La POSTE. Ce n’est pas une entreprise très exportatrice quand même !
NICOLE BRICQ
Oui, mais La POSTE est extrêmement utile, elle a…
JULIEN ARNAUD
Ça c’est sûr mais bon !
NICOLE BRICQ
Attendez, non mais attendez ! La POSTE c’est La POSTE, quand vous parlez… regardez les filiales de La POSTE qui ont fait énormément de productivité, de gains de productivité, c’est une entreprise très performante…
JULIEN ARNAUD
Non mais bien sûr mais je dis ça par rapport à l’objectif initial, on sent bien que voilà !
NICOLE BRICQ
Non ! Il y a beaucoup…
JULIEN ARNAUD
L’ensemble des secteurs.
NICOLE BRICQ
Il y a beaucoup de PME qui ont recours au crédit impôt compétitivité, je ne fais pas que prendre l’avion, je vais aussi dans les régions françaises, je vois les entreprises, je vois les PME qui se battent et qui innovent.
JULIEN ARNAUD
Vous avez lu le rapport de la COUR DES COMPTES, donc on n’en parlera…
NICOLE BRICQ
Ah non ! Je ne l’ai pas lu, non ! Pas encore.
JULIEN ARNAUD
Vous avez vu en tout cas le compte rendu…
NICOLE BRICQ
Mais j’en ai entendu parler.
JULIEN ARNAUD
Oui, vaguement. La COUR DES COMPTES dit que le déficit sera sûrement, vraisemblablement plus élevé que prévu, François HOLLANDE lui-même est en train de préparer un petit peu le terrain. On sera au-delà de 3,7 %, vous pensez ?
NICOLE BRICQ
Non, je ne sais pas, c’est une hypothèse que fait la COUR, 3,7 ou 4,3 maximum. Ce n’est pas vraiment une surprise parce que les rentrées fiscales sont évidemment moins fortes que celles qui étaient prévues. Donc à partir de là, le président comme le Premier ministre ont fixé la ligne, il faut faire des économies. Je peux vous dire que c’est ce que nous faisons quand même depuis 3 budgets au niveau de l’Etat.
JULIEN ARNAUD
Mais la COUR DES COMPTES dit qu’il faut aller beaucoup plus loin et propose quelques pistes. Qu’est-ce que vous pensez par exemple du fait de désindexer les prestations sociales ?
NICOLE BRICQ
Dans la période, je pense que ce n’est pas forcément une très bonne solution, ce n’est même pas une bonne solution parce qu’il faut quand même faire jouer ce qu’on appelle dans notre jargon économique « les stabilisateurs automatiques ».Si vous ajoutez forcément à la demande…
JULIEN ARNAUD
Ben oui ! Mais où on va chercher de l’argent alors, la COUR DES COMPTES dit « il faut trouver 28 milliards en 2 ans », on va les trouver où ?
NICOLE BRICQ
Ecoutez ! Il y a un ministre du Budget, de l’Economie et des Finances…
JULIEN ARNAUD
…Commerce extérieur.
NICOLE BRICQ
Non mais… moi, je suis… vous savez, le commerce extérieur c’est le juge de paix, de l’économie, donc j’ai intérêt à ce que l’économie française aille mieux. Et j’ai intérêt aussi bien sûr à ce que le moteur de la consommation ne s’effondre pas. Donc c’est un tout l’économie, ce sont des indicateurs mais ce sont aussi des gens, donc il faut faire attention concernant les prestations sociales.
JULIEN ARNAUD
Et vous avez aussi intérêt à ce qu’évidemment, l’image de la France soit bonne. Vous avez rendez-vous avec Arnaud MONTEBOURG pour parler de la marque « France » dans les heures qui viennent. Vous êtes d’accord avec Arnaud MONTEBOURG sur José Manuel BARROSO ?
NICOLE BRICQ
Je ne parlerai pas comme ça parce que c’est improductif. C’est une Commission finissante qui n’a pas fait grand-chose de son mandat, mais si monsieur BARROSO était là c‘est parce que des chefs d’Etat avaient accepté qu’il le fut. Et je considère…
JULIEN ARNAUD
Mais c’est un problème monsieur BARROSO…
NICOLE BRICQ
Je considère…
JULIEN ARNAUD
On a l’impression que vraiment, tous les problèmes mènent à lui.
NICOLE BRICQ
Je considère que le choix qu’avaient fait madame MERKEL et monsieur SARKOZY, il y a 4 ans, n’était pas forcément le bon. Donc…
JULIEN ARNAUD
Monsieur BARROSO était un mauvais choix !
NICOLE BRICQ
Je pense oui, je pense qu’il n’a rien fait de son mandat, il a voulu terminer sur l’engagement de la négociation d’un traité de libre-échange avec les Etats-Unis, en faisant miroiter aux Européens des croissances extraordinaires à 2027. Eh bien ! Ce n’est pas tout à fait comme ça que ça se passe.
JULIEN ARNAUD
Il a dit… vous avez défendu, vous, le principe de l’exception culturelle, vous avez été au front sur cette question-là. José Manuel BARROSO a dit : mais moi, j’ai toujours été pour l’exception culturelle.
NICOLE BRICQ
Tant mieux, tant mieux…
JULIEN ARNAUD
Mais c’est vrai ou pas ?
NICOLE BRICQ
Mais les 27 Etats membres ont été pour puisque nous avons à l’unanimité décidé d’engager la négociation. Mais on voulait le faire sur des bonnes bases.
JULIEN ARNAUD
Comment on fait pour remettre à plat la marque « France » ?
NICOLE BRICQ
La marque « France », ce n’est pas… c’est très bien… on est connus pour le bien vivre, la culture, c’est formidable, c’est un atout majeur…
JULIEN ARNAUD
Pour la taxe à 75 % aussi...
NICOLE BRICQ
Mais en même temps, ce que nous voulons au travers de cela, c’est montrer que la France est une terre d’innovation, de créativité. Ce n’est pas par hasard que toutes les grandes puissances économiques et commerciales veulent faire un accord de libre-échange avec la France et les Etats-Unis, tout le monde veut, tout le monde veut, alors c’est qu’on fait envie.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 juin 2013