Déclaration de Mme Hélène Conway-Mouret, ministre des Français de l'étranger, sur les relations franco-russes et sur les efforts en faveur des Français à l'étranger, à Moscou le 12 juillet 2013.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Déplacement en Russie, du 10 au 12 juillet 2013

Texte intégral

Monsieur l'Ambassadeur,
Chers Compatriotes,
C'est un réel plaisir d'être ici parmi vous à l'ambassade, si proche de la résidence de France, la maison Igoumnov qui a accueilli tant de personnalités prestigieuses et abrité tant d'évènements historiques dans le cadre de la relation franco-russe.
Mesdames, Messieurs,

L'amitié franco-russe, c'est une relation extrêmement vivante qui est héritière de liens historiques qui remontent aussi loin que le 11ème siècle lorsque le roi de France Henri 1er épousait une princesse russe, Anna Iaroslavna. De leur fils couronné en 1059 sous le nom de Philippe 1er, est issue toute la lignée des souverains suivants.
Six siècles plus tard, cette lointaine alliance n'est pas rompue quand Pierre Potemkine se rend en ambassade auprès de Louis XIV pour négocier un traité de commerce. En 1717 enfin, pour la première fois, un tsar se rendait à Paris, un homme d'État pour lequel l'ouverture au monde allait de pair avec la modernisation de son pays. En France aussi, ce voyage de Pierre 1er fut un évènement qui marqua le début d'une véritable fascination pour la Russie.
L'attrait est si fort que les historiens parleront du «mirage russe» des écrivains français, je pense à Voltaire et à Diderot, tandis que l'écrivain Karamazine proclamait, je cite «après la Russie, je ne connais pas de pays plus agréable que la France où un étranger s'oublie, et parfois se croit parmi les siens».
Ainsi aux échanges formels des diplomates s'est ajouté un double mouvement d'influence culturelle, si puissant que les guerres napoléoniennes elles-mêmes n'ont pas interrompu.
Cette relation singulière de nos deux cultures s'est traduite tout au long du XXème siècle, par la venue de nombreux russes dont dans la plupart reposent en France dans les cimetières de Nice, de Saint- Hilaire-le-Grand ou encore de Sainte-Geneviève-des-Bois. Ils témoignent d'une présence ancienne et multiforme, des aristocrates qui inventèrent la côte d'Azur, aux brigades russes qui vinrent combattre aux côtés des soldats français en 1916, sans oublier les exilés qui s'établirent en France après la révolution bolchévique.
En évoquant l'histoire qui nous lie, j'ai aussi à l'esprit, bien entendu, les traumatismes majeurs de la seconde guerre mondiale. Ces événements tragiques ont tissé des liens indéfectibles entre nos deux Nations dont la maison Igoumnov a été le témoin privilégié, quand le général de Gaulle décora en décembre 1944 les as de l'escadron «Normandie Niemen».

Mesdames, Messieurs,
Dans un monde de plus en plus interdépendant et toujours secoué par les crises, la concertation et la coopération franco-russe et russo-européenne sont indispensables.
Nous devons mettre à profit notre mémoire commune pour tisser des liens pour l'avenir en soutenant l'idée que dans un monde que nous pourrions qualifier d'éclaté, où les formes de puissance sont multiples et de plus en plus diffuses à l'échelle planétaire, il faut développer des partenariats au niveau de notre continent. Cela passe par la création d'un espace économique et humain qui doit être commun à l'Union européenne et à la Russie.
La Russie est une puissance qui doit être écoutée ; c'est une puissance qui doit être respectée et c'est une puissance avec laquelle nous devons développer des liens de franchise et d'amitié. Le dialogue entre nous est permanent ; nous travaillons à le renforcer davantage encore.
Unis par un espace commun, nous partageons en réalité un même destin. Nous avons la volonté d'arrimer la Russie à l'espace européen en accroissant la vigueur de nos relations et nouant avec elle une série de partenariats privilégiés. La Russie est pour l'Union européenne un partenaire stratégique naturel. C'est pourquoi nous travaillons à l'approfondissement de la concertation et de la coopération politique et économique entre la Russie et l'Union européenne, sur les crises internationales et les grands enjeux globaux. Nous avons vocation à renforcer toujours plus étroitement nos relations dans tous les secteurs, afin de donner corps à ces espaces communs que nous nous sommes fixés pour horizon au début des années 2000.

Mesdames, Messieurs,
Comme chaque fois que je me déplace à l'étranger, j'ai naturellement à coeur d'aller à la rencontre de la communauté française, c'est-à-dire des citoyens, qui ont décidé par choix, par obligation et parfois par hasard, d'aller vivre dans un autre pays que le leur.
Depuis l'élection du président de la République, le gouvernement, dans un contexte budgétaire contraint qui nous oblige à engager un certain nombre de réformes courageuses destinées à redresser la compétitivité et l'attractivité de notre pays. L'effort doit être collectif et chacun doit pouvoir, à sa mesure, y participer. Il s'agit, grâce en particulier au savoir, à l'innovation, à la recherche, à la qualité du travail, de relever les défis concernant en particulier la place de la France dans une économie globalisée.
Pour réussir, nous devons nous rassembler, nous ouvrir au monde, construire en particulier cet espace européen avec la Russie. Vous-mêmes vous y travaillez, vous faites en sorte de donner à la France toute sa place, dans des conditions qui ne sont pas toujours faciles. Et je m'adresse à vous pour vous exprimer toute notre reconnaissance.
Vous, Français, qui vivez en Russie, vous participez à l'action qui doit être la nôtre. Je pense aux responsables d'entreprises, aux cadres, aux salariés, aux chercheurs et à tous ceux qui, comme la Chambre de commerce et d'industrie franco-russe, participent à ces échanges et permettent à la France de pouvoir accéder au marchés russes pour la réussite commune de nos deux pays. Je voulais aussi vous dire que nous ferons en sorte de convaincre d'autres entreprises françaises, notamment les PME, de venir s'installer en Russie, car les quelques 1000 entreprises déjà implantées ont montré qu'il était possible, dans un environnement très concurrentiel, de réussir, d'investir et de créer de l'activité.
Je pense également aux agents de l'ambassade et des trois consulats généraux et aussi à toutes celles et ceux, Français et Russes, qui contribuent à l'éducation et la culture, les représentants des Instituts français, des Alliances françaises et de nos établissements scolaires.
Engagés dans la vie moscovite, vous êtes en première ligne pour faire évoluer les perceptions que les Français ont de la Russie. Mieux que quiconque, vous pouvez témoigner auprès de nos compatriotes de la complexité de ce pays. Mais je voudrais surtout dire que vous contribuez à faire aimer la France à nos amis russes en leur montrant combien elle mérite l'amitié et l'affection que beaucoup d'entre eux lui portent déjà.

Mes Chers Compatriotes,
La représentation des Français de l'étranger a été modernisée avec l'adoption il y a quelques jours par le Parlement du projet de loi relatif à la représentation des Français de l'étranger.
C'est une avancée démocratique incontestable pour les Français de l'étranger.
C'est une réforme importante de la modernisation de la vie publique.
Elle est une réponse aux recommandations du rapport Jospin sur l'étroitesse du collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France. Surtout, reposant sur la création d'élus de proximité, proches de vos intérêts et de vos préoccupations, cette réforme se veut une réponse à l'abstention record enregistrée lorsque nos compatriotes sont appelés à voter à l'étranger.
Aux côtés des sénateurs et des députés des Français de l'étranger, je suis convaincue que l'élection au suffrage universel direct de conseillers consulaires qui se saisiront des sujets intéressant directement les Français installés l'étranger, vous permettra de vous réapproprier l'exercice d'une expression citoyenne. L'année à venir sera celle de la mise en oeuvre de la réforme dont la réussite est dorénavant de notre responsabilité collective.

Mesdames, Messieurs,
La jeunesse, et en particulier l'éducation, est une priorité du gouvernement. Cette priorité se décline également pour les Français qui vivent à l'étranger. Je salue le proviseur du Lycée Alexandre Dumas ainsi que l'ensemble du personnel, éducatif ou non et tous ceux qui se dévouent pour la diffusion du savoir par nos méthodes pédagogiques, qui sont reconnues de par le monde comme en témoigne l'attractivité de nos écoles à l'étranger. Je sais que parmi vos préoccupations aujourd'hui, il y a l'extension du lycée de Moscou. Ce lycée français, que j'ai visité cet après midi, est reconnu pour la qualité de son enseignement. Heureuse victime de son succès, il connaît une croissance constante de ses effectifs avec 1277 élèves cette année. Pour faire face à cette croissance, les services de l'État se sont mobilisés afin qu'une solution satisfaisante soit rapidement trouvée. Ainsi, le 27 novembre, un accord a officialisé la mise à disposition par la Russie de deux bâtiments et du terrain sur lesquels ils sont construits, puis un contrat de bail a été signé entre l'AEFE et son homologue russe. Dans l'attente de leur livraison, des salles de classes seront louées afin de permettre la scolarisation des élèves dans de bonnes conditions.
Mais je connais également les problèmes qui sont posés par le coût de cet enseignement. Il y a eu la gratuité pour la terminale, la première et la seconde mais qui n'a été en définitive qu'un leurre, puisqu'elle a conduit à renchérir encore le coût de nos écoles et à exonérer un certain nombre d'entreprises qui prenaient en charge ces frais. En fait, la prise en charge (PEC) a mis en difficulté d'autres compatriotes qui ne pouvaient accéder aux bourses.
Nous avons mis en oeuvre une réforme des bourses scolaires dans un but d'équité et de justice sociale. Cette réforme permet également de retrouver une capacité de maîtrise budgétaire qui permettra de financer de façon pérenne le dispositif d'aide à la scolarité.
Dans le domaine de l'éducation, notre ambition est de mettre en place une offre éducative pérenne de qualité pour les Français à l'étranger.

Mes Chers Compatriotes,
Je ne saurais conclure mon propos sans remercier tout particulièrement l'ambassadeur Jean de Gliniasty ainsi que son épouse Catherine pour l'action qu'ils ont menée pendant plus de quatre ans l'un et l'autre en Russie. Ils ont tous deux porté haut nos valeurs pour le renom et la grandeur de notre pays. Je voudrais leur exprimer au nom de la France toute notre estime et toute notre reconnaissance.
Enfin, Chers Compatriotes, c'est un grand plaisir pour moi, le jour de la célébration de notre fête nationale à Moscou, de vous remercier d'être fiers d'être Français, d'être fiers de ce que vous faites pour que prospère la relation franco-russe.
Vive la République, vive la France !

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 juillet 2013