Texte intégral
Monsieur le Directeur,
Cher Jean-Marc,
Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec beaucoup de plaisir que je m'adresse à vous aujourd'hui pour faire le point sur les engagements qui ont été pris, il y a un an, lors de la constitution du nouveau gouvernement. Il s'agira également de tracer les perspectives pour les mois à venir, avec notamment une perspective qui va même bien au-delà des mois qui viennent, à savoir la Conférence sur le climat, dont je vais parler assez longuement, puisque ce sera la plus grande Conférence internationale que la France ait jamais organisée, et qui mérite donc que l'on s'y intéresse de près.
J'aurais voulu aussi être avec vous demain, à Lille, mais je serai avec le Premier ministre, pour recevoir le président Birman.
En un an, avec Laurent Fabius, nous avons enclenché ce qu'on appelle «la rénovation de notre politique de développement». Cette rénovation a pour objectif de faire en sorte que cette politique soit totalement tournée vers le futur, vers le XXIème siècle, et ne soit plus d'abord un héritage du passé. Bien évidemment cette rénovation se fait à travers un certain nombre d'initiatives qui sont prises ici à Paris, mais elle n'a de sens que si elle est mise en oeuvre par vous, sur le terrain, là où vous êtes, avec les acteurs qui sont ceux de la société civile, avec les gouvernements, qui font que les grandes orientations que nous pouvons prendre ici se déploient dans le monde réel.
J'ai en effet pu constater lors de mes déplacements que vous étiez acteurs de cette rénovation, que vous étiez engagés au service de cette rénovation et, à ce titre, je vous en remercie.
En premier lieu, je voulais naturellement commencer ce retour sur les douze derniers mois écoulés, par le Mali. Le Mali est un terrain sur lequel nous développons une stratégie avec trois piliers : pilier sécuritaire, pilier politique et pilier du développement.
- Le pilier sécuritaire ne fait pas parti de mes prérogatives. Il a avancé, chacun l'a en tête. Même si nous sommes loin d'avoir réglé la situation sécuritaire au Sahel, sur la question malienne, les choses ont considérablement avancé depuis le 11 janvier.
- Sur la question politique, nous sommes à quelques jours du premier tour des élections présidentielles. Et, avec l'accord de Ouagadougou, avec les principaux messages qui sont passés, nous avons aussi avancé de manière considérable.
- Il y a enfin le troisième pilier, qui est celui du développement. L'équation est simple. C'est la même depuis le tout début de l'intervention : pas de sécurité sans développement, pas de développement sans sécurité.
C'est pour cela qu'il y a un continuum entre les trois piliers que j'évoquais : le militaire, le politique, et le développement. C'est pour cela que nous agissons ensemble, avec Laurent Fabius, avec Jean-Yves Le Drian, avec l'opération Serval sur le terrain, pour réussir sur tous les fronts. Car il ne s'agit pas de séquencer, de dire «d'abord, réussissons le militaire, puis ensuite réussissons le politique, puis ensuite, on verra le développement». Au contraire, nous avons une stratégie intégrée, et c'est cette stratégie intégrée qui commence à porter ses fruits.
J'ai été quatre fois au Mali depuis le début de l'opération Serval. La France a évidemment un rôle fondamental à jouer, un rôle de catalyseur, qui lui est reconnu par l'ensemble des autorités. Ma responsabilité a d'abord été de mobiliser l'aide internationale, à la hauteur des demandes des Maliens pour les deux prochaines années. Cela a été fait, le 15 Mai, à Bruxelles, où nous avons mobilisé 3,2 milliards d'euros pour les deux prochaines années. Cette conférence était un succès à la fois pour la France et pour le Mali, mais elle était également un succès dans son organisation elle-même, puisque c'était la première fois qu'une conférence internationale était co-organisée par la France et l'Union européenne, ou même par un État membre, quel qu'il soit, et l'Union européenne. Nous avons ainsi écrit une nouvelle histoire des conférences internationales. Nous avons réussi grâce à la mobilisation de la communauté internationale sur le plan financier. Charge maintenant à nous de faire en sorte que ces 3,2 milliards soient effectifs et soient bien utilisés.
Et c'est la deuxième priorité de mon action au Mali, qui à côté de la mobilisation, est d'assurer la bonne utilisation de l'aide. C'est quelque chose que nous devons aux citoyens maliens, c'est aussi quelque chose que nous devons aux contribuables français. C'est donc pour cela que j'ai demandé à l'ambassadeur de mettre en place un site Internet, sur lequel sera référencé l'ensemble des projets aidés par la France, avec les dates de réalisation des projets, prévisionnelles, et une sorte de hotline par sms - chacun sait qu'il y a 10 millions de téléphones portables au Mali. Il y a ainsi de quoi construire, avec un accès internet, et des hotlines par téléphone portable, la possibilité d'avoir un contrôle citoyen totalement décentralisé de la bonne effectivité de notre aide. Il ne s'agit pas de juger de la pertinence d'un projet, il s'agit de suivre et de tracer sa mise en oeuvre.
S'il apparait alors que telle école devait être refinancée, telle station de pompage, telle station électrique, devait être financée, réhabilitée ou reconstruite à tel moment, et que rien ne se passe, le message remonte, et ensuite charge à nous de regarder concrètement la cause de ce retard - cause qui peut être anodine ou qui peut ne pas l'être. Nous allons donc faire avec le Mali cette opération pilote qui permettra d'améliorer la redevabilité, la traçabilité, et le contrôle citoyen de notre aide. Pour ce faire, des crédits vont être débloqués, afin que le site soit opérationnel le plus tôt possible - probablement au début du mois de septembre.
Laissez-moi maintenant dire quelques mots sur le budget. Vous connaissez la situation en 2013, sur le budget de la solidarité internationale et du développement. Laissez-moi vous dire quelques mots sur 2014, et notamment sur ce qui vous concerne le plus, à savoir l'aide projet bilatérale.
Nous avons décidé de sanctuariser les montants de l'aide projet bilatérale. Vous aurez donc les mêmes moyens l'année prochaine pour fonctionner, que ceux que vous aviez cette année. Dans le contexte budgétaire que vous connaissez, c'est un choix fort du gouvernement, c'est un choix fort sur le plan budgétaire, c'est aussi un choix de confiance vis-à-vis de vous, puisque nous considérons que la sanctuarisation de l'aide projet bilatérale est la sanctuarisation du coeur de notre aide. Nous allons donc sanctuariser, et nous allons aussi continuer à faire évoluer d'autres dispositifs - vous savez que nous avions déjà pris des engagements concernant les financements innovants ; la taxe sur transactions financières continuera d'être en partie allouée au développement ; il y a bien évidemment la grande bataille qui est devant nous sur la taxe européenne sur les transactions financières ; il y a la réactualisation de la taxe de solidarité sur les billets d'avions, qui a été actée et qui sera traduite dès le prochain budget 2014 ; et il y a enfin le doublement continu de la part de l'aide qui passe par les organisations non gouvernementales sur l'ensemble du quinquennat, ce qui nous amène à la deuxième tranche dans le projet de loi de finance 2014.
Ces financements innovants, affectés pour partie au développement, nous ont déjà permis de prendre une initiative financée intégralement par la taxe sur les transactions financières afin de financer l'accès aux soins de deux millions d'enfants supplémentaires au Sahel. Cela permet d'opérationnaliser en quelque sorte un plaidoyer de la France, de manière générale, pour renforcer l'accès aux soins, la fameuse couverture sanitaire ou santé universelle, qui est un des enjeux de la négociation des objectifs du développement.
Mais cette sanctuarisation de l'aide projet bilatérale, dont je viens de vous parler, ne signifie pas glaciation des dispositifs, des modes opératoires et des finalités. C'est pour cela que nous allons continuer à faire évoluer nos modes d'interventions. C'est pour cela que nous avons souhaité progressivement transformer le Fonds social de développement, le FSD, en un Fonds d'appui aux sociétés civiles du Sud ; et faire en sorte que la finalité principale, la modalité principale d'action, soit le renforcement des capacités, le renforcement des acteurs, le renforcement du plaidoyer, des organisations de la société civile, des sociétés civiles des pays du Sud.
C'est un engagement qui est totalement cohérent avec la façon dont nous pensons notre rôle vis-à-vis de grandes valeurs, et notamment les valeurs de démocratie. La démocratie, c'est un État qui fonctionne, c'est aussi une société civile vivante, c'est un pouvoir qui fonctionne, et un contre pouvoir qui fonctionne. C'est donc pour cela que nous allons transformer progressivement - nous allons rendre cette réforme opérationnelle à partir de 2014 - le FSD en un Fonds d'appui aux sociétés civiles du Sud.
Je compte aussi sur vous, pour mieux articuler encore qu'aujourd'hui, - je sais que le défi est important, notre action bilatérale et notre action multilatérale. Je me refuse ; je me suis refusé, je me refuse et je me refuserai, à opposer le bilatéral et le multilatéral. La question est comment articule-t-on, comment pèse-t-on, comment fait-on levier, à travers notre aide bilatérale, à travers notre présence, grâce aux financements dans les institutions multilatérales, pour faire en sorte que notre vision du monde, partagée avec nos partenaires, que nos priorités, soient entendues et déployées sur le terrain. D'autres le font, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas y parvenir encore davantage qu'aujourd'hui. Que ce soit sur le Fonds européen de développement, que ce soit à la Banque mondiale, que ce soit sur le Fonds Mondial de lutte contre le sida, nous avons cette responsabilité. Je le fais, j'essaie de le faire, depuis un an, à Bruxelles, à Washington et ailleurs, à vous de le faire aussi sur le terrain avec les équipes de ces institutions multilatérales.
La politique de développement, je le disais, a connu une rénovation. Cette rénovation passe aussi par des changements institutionnels. Ces changements institutionnels sont, je dirais, de deux ordres : c'est la création, dans les prochains jours, du conseil national du développement et de la solidarité internationale, conseil qui sera entériné par le Comité interministériel de la Coopération internationale et du développement, le CICID, qui ne s'est pas tenu depuis plus de quatre ans et demi, et qui va se tenir à la fin Juillet, présidé par le Premier ministre.
En effet, cela fait plus de cinq ans qu'il n'y a plus de dispositif pérenne, de discussions avec l'ensemble des acteurs sur notre politique de développement. Ces acteurs sont les ONG bien entendu, mais ce sont aussi les collectivités locales, les entreprises, les fondations, les syndicats, ainsi que des partenaires du Sud et certains de leurs représentants. Nous allons donc mettre en place ce conseil national du développement, qui est un débouché des assises du développement et de la solidarité internationale, qui se sont tenues de novembre 2012 à mars 2013.
Ce conseil est le premier débouché institutionnel des assises. Le deuxième débouché correspond à la loi sur le développement et la solidarité internationale. C'est la première fois dans l'histoire de la République qu'il y aura, en 2014, au Parlement, une loi sur le développement et la solidarité internationale. Nous allons ainsi réaliser un progrès important, qui nous est demandé à la fois par les parlementaires, mais aussi par les institutions internationales, comme l'OCDE, pour renforcer la redevabilité, le contrôle démocratique, la transparence, de nos dispositifs d'aide et de solidarité internationale. Cet engagement fort du président de la République, là aussi, sera tenu. La loi sera présentée au Conseil des ministres en octobre, pour être discutée au Parlement tout début Janvier.
Ce renouveau institutionnel, cette rénovation, s'inscrit évidemment dans une vision. Nous ne faisons pas des procédures pour faire des procédures, des comités pour faire des comités, mais bien pour mener une politique qui est au service d'une vision. Cette vision, je pense que vous la connaissez, est celle de l'agenda post-2015. Certains disent avec justesse que «nous sommes face à une nouvelle donne, face à un new deal, face à un monde qui a changé» ; nous devons donc adapter notre politique de développement et de solidarité internationale à cette nouvelle donne.
C'est évidemment le plaidoyer sur lequel je ne reviendrai pas dans le cadre des grandes discussions onusiennes, mais qui vont vous impliquer tous, pas seulement vous qui êtes en poste dans les pays en développement, mais aussi dans les pays émergents, aussi dans les pays dits «développés», qui vont contribuer à cette négociation. Il existe un plaidoyer français, qui devra être influent, partout, de façon à ce que l'on aille le plus loin possible, dans ce que l'on appelle «la convergence des agendas», à savoir : il n'y a plus d'un côté la lutte contre la pauvreté, l'éradication de la pauvreté, et de l'autre côté, l'agenda de la soutenabilité ; mais au contraire une fusion des deux. Je crois que les récents rapports de la Banque mondiale sont tout à fait éclairants de ce point de vue, puisque la Banque mondiale dit, «la première menace sur la mortalité infantile, la première menace sur la sécurité alimentaire, qui sont bien des objectifs du millénaire fondamentaux, c'est le changement climatique». Un monde avec un changement climatique non maîtrisé, à +4 degrés, est donc un monde où plus d'enfants de moins de cinq ans mourront. Car l'insécurité alimentaire croissante connecte ces deux agendas, qui auparavant pouvaient paraître déconnectés et séparés.
Voici le grand défi qui est devant nous : gagner cette bataille diplomatique. Beaucoup de choses ont avancé ces derniers mois, le Haut-Panel a rendu ses conclusions, mais maintenant nous rentrons, si j'ose dire, dans le dur, et ce dur, je compte bien m'y impliquer personnellement.
Toutefois, le plaidoyer international, onusien est une chose. Mais, puisqu'il y a une forme de cohérence à avoir entre notre plaidoyer et notre action, il y a également ce que nous faisons dans nos relations bilatérales. C'est pour cela que nous modifions progressivement les doctrines de l'Agence française de développement, de façon à ce que cette nouvelle vision, celle, pour simplifier, de l'agenda post-2015, soit d'ores et déjà l'action de la France. Nous avons changé la doctrine en matière énergétique, c'était en octobre dernier ; nous l'avons fait en matière agricole, en mai ; nous le ferons avant la fin de l'année dans le domaine des investissements urbains, de façon à ce que, sur ces trois secteurs, il y ait une priorité qui soit donnée à la question de la soutenabilité et de la lutte contre la pauvreté.
Ainsi, par exemple, dans le domaine énergétique, la priorité de l'AFD, ce sont les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique. Je rappelle d'ailleurs que le président de la République a annoncé le 1er mars dernier, en clôture des assises, que nous ne financerons plus de projets charbon au Sud sans dispositif de stockage ou de filtrage de Co2. Nous révisons donc ces priorités d'action, ces doctrines, en bilatéral. Il y a en outre ce que vous pouvez faire sur le terrain, en termes de relais du plaidoyer français. Vous pouvez le faire dans les pays en développement, vous pouvez le faire partout dans le monde, du plaidoyer français, dans au moins deux domaines :
- Le premier domaine, c'est la question des principes volontaires de la FAO et du comité de sécurité alimentaire dans les investissements agricoles. Vous savez que l'un des grands acquis des discussions internationales - qui est passé un peu en dessous du radar médiatique - est le fait que la communauté internationale se soit mise d'accord sur des principes volontaires pour guider les investissements agricoles, notamment en faisant référence à tout ce qu'on appelle «accaparement des terres». C'est un enjeu majeur puisqu'il nous faut effectivement plus d'investissements agricoles pour accroître la sécurité alimentaire mondiale - nous connaissons tous les perspectives démographiques, mais il faut le faire de manière à ce que cela serve la sécurité alimentaire mondiale, et non pas à ce que cela la desserve. D'où l'importance de ces principes, et j'ai constaté, trop souvent, que ces principes n'étaient pas encore complètement connus de tous. Nous ferons donc en sorte qu'ils le soient ; mais une fois que vous connaissez l'ensemble de ces principes, encore faut-il que vous puissiez vous en saisir, pour renforcer la connaissance de ces principes, à la fois par les autorités, et par la société civile ou par les organisations de la société civile, qui peuvent être à même de les porter.
- Le deuxième sujet sur lequel je voulais marquer et souligner notre intérêt, c'est la question de la transparence, et notamment de la transparence dans le domaine fiscal, et dans le domaine des industries extractives. La France a beaucoup et bien travaillé avec la présidence britannique du G8 sur cette question. Nous avons fait ensemble avancer, de manière considérable, l'agenda de la transparence. L'agenda de la transparence est fondamental ! Pourquoi ? Vous connaissez tous ce chiffre : les flux financiers qui repartent des pays du Sud vers les pays du Nord, en passant par des contrées parfois exotiques, parfois moins, correspondent à dix fois l'aide publique au développement ! Il faut certes se battre pour maintenir l'aide publique au développement, pour l'améliorer, pour la rendre plus efficace, plus transparente. Mais, il faut également se battre pour faire en sorte qu'il y ait moins de fuites, moins d'évasion, moins de pertes, qui privent les États du Sud de leur capacité à mener leur propre politique.
Voici donc un agenda fondamental, dans lequel nous avons marqué énormément de points, et sur lesquels je ne vais pas revenir en détail. Vous avez maintenant la responsabilité de vous saisir aussi localement de cet agenda, de façon à le faire avancer. Nous allons par exemple signer avec le Burkina Faso, dans le cadre du G8, une convention pour aller au-delà de ce qu'ils ont déjà fait en matière de transparence de l'industrie extractive. Nous allons mettre en place la transparence des contrats, nous allons renforcer davantage la capacité de contrôle de la société civile locale. Autant de choses qui vont donc permettre - parce qu'il y a une volonté politique partagée - d'avancer.
Permettez-moi de croire que la France a un rôle à jouer, partout dans le monde, pour faire avancer, tant dans les pays en développement, que dans les pays développés, cet agenda de la transparence.
Nous avons effectivement gagné des choses au G8 : l'Union européenne, les États-Unis et le Canada se sont engagés, sur des textes réglementaires, législatifs. La bataille se situe désormais au niveau du G20. C'est la question de l'implication dans ces processus, de l'Australie, évidemment, demain la Chine et l'Afrique du Sud, qui est posée. Nous voyons bien que c'est un agenda mondial, qui est extrêmement fondamental si l'on veut gagner la bataille du développement et de la lutte contre ce que l'on appelle «la malédiction des matières premières».
Laissez-moi maintenant, en conclusion, vous parler du changement climatique, et de l'accord climat, en tout cas, celui que nous souhaitons pouvoir obtenir à Paris en 2015, avec l'ambassadeur Jacques Lapouge, ici présent.
Comme je le disais, cette conférence constituera probablement la grande conférence internationale du quinquennat de François Hollande. Il s'agit de la plus grande conférence internationale que la France ait jamais accueillie en termes quantitatifs et peut-être aussi en termes d'enjeux. Nous avons ainsi quelques atouts pour réussir cette responsabilité, puisque le président de la République a fait ce choix d'héberger la conférence climat en 2015 à Paris.
Notre premier atout est que nous avons un peu de temps : deux ans et demi, pour travailler. Nous avons commencé d'ores et déjà bien évidemment à travailler, avec trois ministres qui sont à la manoeuvre : le ministre de l'environnement, Philippe Martin, Laurent Fabius et moi-même. Avec une forme de répartition qui est que les sujets intra-européens sont évidemment davantage pilotés depuis le ministère de l'écologie et du développement durable, et les relations avec la Chine, les États-Unis, le Brésil et le continent africain, davantage par le ministère des affaires étrangères.
Nous devons notamment impliquer l'ensemble de notre réseau, ce qui correspond à notre deuxième atout car ce réseau est mondial et nous donne la capacité de passer de nombreuses alliances. Cet atout ne fait sens que si vous vous mobilisez avec vos ambassadeurs sur cette question. Ces derniers auront d'ailleurs un moment dédié lors de la Conférence des ambassadeurs fin août sur ce sujet. Il ne s'agit nullement d'une question qui devrait être réservée aux correspondants environnement. On voit bien que derrière les questions de la négociation climatique, il y a des enjeux économiques, des enjeux géopolitiques, des enjeux de développement, qui vont bien au-delà de la stricte question environnementale.
Nous avons pris quelques décisions d'ores et déjà, en ce qui concerne la vision que nous voulons porter d'ici 2015. Le premier élément, c'est de transformer ce qui aujourd'hui est «un agenda de partage du fardeau», en «un agenda de partage des solutions et des opportunités». Vous le savez bien, la capacité de l'humanité à se mettre d'accord, à 193 pays, autour d'une table, pour dire «On va se partager un fardeau de manière pacifique, coopérative et négociée» est à peu près nulle. Ce n'est pas à des diplomates comme vous que je vais l'apprendre.
Il faut donc passer à autre chose, car si on écrit la même histoire à Paris que celle écrite à Copenhague, nous échouerons à Paris, comme nous avons échoué collectivement à Copenhague. Cette nouvelle histoire, c'est d'abord un nouveau récit. Ce nouveau récit doit être celui des solutions et des opportunités. Charge à nous, et c'est le travail que nous avons commencé à faire avec Laurent Fabius et Philippe Martin, de travailler de manière formelle et informelle avec un certain nombre de pays, un certain nombre d'institutions internationales, pour crédibiliser progressivement cet agenda des solutions et des opportunités. C'est ce travail qui est devant nous, et qui, à un moment donné, vous impliquera.
J'étais par exemple la semaine dernière en Éthiopie, à la fois pour l'Union africaine, et pour rencontrer les autorités éthiopiennes, le Premier ministre sur ces questions. Nous avons besoin de vous pour comprendre et anticiper les positions des pays clés dans cette négociation, de façon à ce que nous soyons en capacité d'avoir une vision pertinente des évolutions des uns et des autres sur cette question. Et cela va bien évidemment largement au-delà des seuls pays en développement, même si, on le sait, l'accord avec les pays africains sera fondamental.
Voilà quelques éléments que je voulais partager avec vous, voilà les grandes priorités des prochains mois : la loi, l'instauration des dispositifs de concertation, la modification progressive du FSD, qui vous concerne directement, dans un contexte budgétaire sanctuarisé en ce qui concerne l'aide-projet, et enfin, la montée en puissance progressive de cette conférence sur le climat, et quelques plaidoyers très forts, de la diplomatie française, qui sont très loin de concerner uniquement les pays en développement, mais qui portent sur les investissements agricoles, et la transparence.
Vous savez qu'il y a deux mots auxquels je suis très attaché : c'est l'innovation et le partage. Je crois que nous avons besoin d'innover parce que nous sommes dans un monde nouveau. Et qui dit «monde nouveau», dit «nouveaux défis». Nouveaux défis, nouvelles solutions, nouvelles recherches, nouvelles pratiques, nouvelles politiques, nouvelle vision. Cette nouvelle vision ne trouvera les compromis nécessaires entre les intérêts divergents des uns et des autres, que si nous associons l'innovation - technique, organisationnelle, politique, et le partage - partage des technologies, des ressources et des informations.
C'est ce double agenda que je porte et que je vous demande de porter aussi, et j'ai, pour les déplacements que j'ai pu faire dans les pays du monde, pu constater que vous le portiez.
Vous pouvez compter sur moi, et je sais que je peux aussi compter sur vous.
Merci beaucoup.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 juillet 2013
Cher Jean-Marc,
Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec beaucoup de plaisir que je m'adresse à vous aujourd'hui pour faire le point sur les engagements qui ont été pris, il y a un an, lors de la constitution du nouveau gouvernement. Il s'agira également de tracer les perspectives pour les mois à venir, avec notamment une perspective qui va même bien au-delà des mois qui viennent, à savoir la Conférence sur le climat, dont je vais parler assez longuement, puisque ce sera la plus grande Conférence internationale que la France ait jamais organisée, et qui mérite donc que l'on s'y intéresse de près.
J'aurais voulu aussi être avec vous demain, à Lille, mais je serai avec le Premier ministre, pour recevoir le président Birman.
En un an, avec Laurent Fabius, nous avons enclenché ce qu'on appelle «la rénovation de notre politique de développement». Cette rénovation a pour objectif de faire en sorte que cette politique soit totalement tournée vers le futur, vers le XXIème siècle, et ne soit plus d'abord un héritage du passé. Bien évidemment cette rénovation se fait à travers un certain nombre d'initiatives qui sont prises ici à Paris, mais elle n'a de sens que si elle est mise en oeuvre par vous, sur le terrain, là où vous êtes, avec les acteurs qui sont ceux de la société civile, avec les gouvernements, qui font que les grandes orientations que nous pouvons prendre ici se déploient dans le monde réel.
J'ai en effet pu constater lors de mes déplacements que vous étiez acteurs de cette rénovation, que vous étiez engagés au service de cette rénovation et, à ce titre, je vous en remercie.
En premier lieu, je voulais naturellement commencer ce retour sur les douze derniers mois écoulés, par le Mali. Le Mali est un terrain sur lequel nous développons une stratégie avec trois piliers : pilier sécuritaire, pilier politique et pilier du développement.
- Le pilier sécuritaire ne fait pas parti de mes prérogatives. Il a avancé, chacun l'a en tête. Même si nous sommes loin d'avoir réglé la situation sécuritaire au Sahel, sur la question malienne, les choses ont considérablement avancé depuis le 11 janvier.
- Sur la question politique, nous sommes à quelques jours du premier tour des élections présidentielles. Et, avec l'accord de Ouagadougou, avec les principaux messages qui sont passés, nous avons aussi avancé de manière considérable.
- Il y a enfin le troisième pilier, qui est celui du développement. L'équation est simple. C'est la même depuis le tout début de l'intervention : pas de sécurité sans développement, pas de développement sans sécurité.
C'est pour cela qu'il y a un continuum entre les trois piliers que j'évoquais : le militaire, le politique, et le développement. C'est pour cela que nous agissons ensemble, avec Laurent Fabius, avec Jean-Yves Le Drian, avec l'opération Serval sur le terrain, pour réussir sur tous les fronts. Car il ne s'agit pas de séquencer, de dire «d'abord, réussissons le militaire, puis ensuite réussissons le politique, puis ensuite, on verra le développement». Au contraire, nous avons une stratégie intégrée, et c'est cette stratégie intégrée qui commence à porter ses fruits.
J'ai été quatre fois au Mali depuis le début de l'opération Serval. La France a évidemment un rôle fondamental à jouer, un rôle de catalyseur, qui lui est reconnu par l'ensemble des autorités. Ma responsabilité a d'abord été de mobiliser l'aide internationale, à la hauteur des demandes des Maliens pour les deux prochaines années. Cela a été fait, le 15 Mai, à Bruxelles, où nous avons mobilisé 3,2 milliards d'euros pour les deux prochaines années. Cette conférence était un succès à la fois pour la France et pour le Mali, mais elle était également un succès dans son organisation elle-même, puisque c'était la première fois qu'une conférence internationale était co-organisée par la France et l'Union européenne, ou même par un État membre, quel qu'il soit, et l'Union européenne. Nous avons ainsi écrit une nouvelle histoire des conférences internationales. Nous avons réussi grâce à la mobilisation de la communauté internationale sur le plan financier. Charge maintenant à nous de faire en sorte que ces 3,2 milliards soient effectifs et soient bien utilisés.
Et c'est la deuxième priorité de mon action au Mali, qui à côté de la mobilisation, est d'assurer la bonne utilisation de l'aide. C'est quelque chose que nous devons aux citoyens maliens, c'est aussi quelque chose que nous devons aux contribuables français. C'est donc pour cela que j'ai demandé à l'ambassadeur de mettre en place un site Internet, sur lequel sera référencé l'ensemble des projets aidés par la France, avec les dates de réalisation des projets, prévisionnelles, et une sorte de hotline par sms - chacun sait qu'il y a 10 millions de téléphones portables au Mali. Il y a ainsi de quoi construire, avec un accès internet, et des hotlines par téléphone portable, la possibilité d'avoir un contrôle citoyen totalement décentralisé de la bonne effectivité de notre aide. Il ne s'agit pas de juger de la pertinence d'un projet, il s'agit de suivre et de tracer sa mise en oeuvre.
S'il apparait alors que telle école devait être refinancée, telle station de pompage, telle station électrique, devait être financée, réhabilitée ou reconstruite à tel moment, et que rien ne se passe, le message remonte, et ensuite charge à nous de regarder concrètement la cause de ce retard - cause qui peut être anodine ou qui peut ne pas l'être. Nous allons donc faire avec le Mali cette opération pilote qui permettra d'améliorer la redevabilité, la traçabilité, et le contrôle citoyen de notre aide. Pour ce faire, des crédits vont être débloqués, afin que le site soit opérationnel le plus tôt possible - probablement au début du mois de septembre.
Laissez-moi maintenant dire quelques mots sur le budget. Vous connaissez la situation en 2013, sur le budget de la solidarité internationale et du développement. Laissez-moi vous dire quelques mots sur 2014, et notamment sur ce qui vous concerne le plus, à savoir l'aide projet bilatérale.
Nous avons décidé de sanctuariser les montants de l'aide projet bilatérale. Vous aurez donc les mêmes moyens l'année prochaine pour fonctionner, que ceux que vous aviez cette année. Dans le contexte budgétaire que vous connaissez, c'est un choix fort du gouvernement, c'est un choix fort sur le plan budgétaire, c'est aussi un choix de confiance vis-à-vis de vous, puisque nous considérons que la sanctuarisation de l'aide projet bilatérale est la sanctuarisation du coeur de notre aide. Nous allons donc sanctuariser, et nous allons aussi continuer à faire évoluer d'autres dispositifs - vous savez que nous avions déjà pris des engagements concernant les financements innovants ; la taxe sur transactions financières continuera d'être en partie allouée au développement ; il y a bien évidemment la grande bataille qui est devant nous sur la taxe européenne sur les transactions financières ; il y a la réactualisation de la taxe de solidarité sur les billets d'avions, qui a été actée et qui sera traduite dès le prochain budget 2014 ; et il y a enfin le doublement continu de la part de l'aide qui passe par les organisations non gouvernementales sur l'ensemble du quinquennat, ce qui nous amène à la deuxième tranche dans le projet de loi de finance 2014.
Ces financements innovants, affectés pour partie au développement, nous ont déjà permis de prendre une initiative financée intégralement par la taxe sur les transactions financières afin de financer l'accès aux soins de deux millions d'enfants supplémentaires au Sahel. Cela permet d'opérationnaliser en quelque sorte un plaidoyer de la France, de manière générale, pour renforcer l'accès aux soins, la fameuse couverture sanitaire ou santé universelle, qui est un des enjeux de la négociation des objectifs du développement.
Mais cette sanctuarisation de l'aide projet bilatérale, dont je viens de vous parler, ne signifie pas glaciation des dispositifs, des modes opératoires et des finalités. C'est pour cela que nous allons continuer à faire évoluer nos modes d'interventions. C'est pour cela que nous avons souhaité progressivement transformer le Fonds social de développement, le FSD, en un Fonds d'appui aux sociétés civiles du Sud ; et faire en sorte que la finalité principale, la modalité principale d'action, soit le renforcement des capacités, le renforcement des acteurs, le renforcement du plaidoyer, des organisations de la société civile, des sociétés civiles des pays du Sud.
C'est un engagement qui est totalement cohérent avec la façon dont nous pensons notre rôle vis-à-vis de grandes valeurs, et notamment les valeurs de démocratie. La démocratie, c'est un État qui fonctionne, c'est aussi une société civile vivante, c'est un pouvoir qui fonctionne, et un contre pouvoir qui fonctionne. C'est donc pour cela que nous allons transformer progressivement - nous allons rendre cette réforme opérationnelle à partir de 2014 - le FSD en un Fonds d'appui aux sociétés civiles du Sud.
Je compte aussi sur vous, pour mieux articuler encore qu'aujourd'hui, - je sais que le défi est important, notre action bilatérale et notre action multilatérale. Je me refuse ; je me suis refusé, je me refuse et je me refuserai, à opposer le bilatéral et le multilatéral. La question est comment articule-t-on, comment pèse-t-on, comment fait-on levier, à travers notre aide bilatérale, à travers notre présence, grâce aux financements dans les institutions multilatérales, pour faire en sorte que notre vision du monde, partagée avec nos partenaires, que nos priorités, soient entendues et déployées sur le terrain. D'autres le font, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas y parvenir encore davantage qu'aujourd'hui. Que ce soit sur le Fonds européen de développement, que ce soit à la Banque mondiale, que ce soit sur le Fonds Mondial de lutte contre le sida, nous avons cette responsabilité. Je le fais, j'essaie de le faire, depuis un an, à Bruxelles, à Washington et ailleurs, à vous de le faire aussi sur le terrain avec les équipes de ces institutions multilatérales.
La politique de développement, je le disais, a connu une rénovation. Cette rénovation passe aussi par des changements institutionnels. Ces changements institutionnels sont, je dirais, de deux ordres : c'est la création, dans les prochains jours, du conseil national du développement et de la solidarité internationale, conseil qui sera entériné par le Comité interministériel de la Coopération internationale et du développement, le CICID, qui ne s'est pas tenu depuis plus de quatre ans et demi, et qui va se tenir à la fin Juillet, présidé par le Premier ministre.
En effet, cela fait plus de cinq ans qu'il n'y a plus de dispositif pérenne, de discussions avec l'ensemble des acteurs sur notre politique de développement. Ces acteurs sont les ONG bien entendu, mais ce sont aussi les collectivités locales, les entreprises, les fondations, les syndicats, ainsi que des partenaires du Sud et certains de leurs représentants. Nous allons donc mettre en place ce conseil national du développement, qui est un débouché des assises du développement et de la solidarité internationale, qui se sont tenues de novembre 2012 à mars 2013.
Ce conseil est le premier débouché institutionnel des assises. Le deuxième débouché correspond à la loi sur le développement et la solidarité internationale. C'est la première fois dans l'histoire de la République qu'il y aura, en 2014, au Parlement, une loi sur le développement et la solidarité internationale. Nous allons ainsi réaliser un progrès important, qui nous est demandé à la fois par les parlementaires, mais aussi par les institutions internationales, comme l'OCDE, pour renforcer la redevabilité, le contrôle démocratique, la transparence, de nos dispositifs d'aide et de solidarité internationale. Cet engagement fort du président de la République, là aussi, sera tenu. La loi sera présentée au Conseil des ministres en octobre, pour être discutée au Parlement tout début Janvier.
Ce renouveau institutionnel, cette rénovation, s'inscrit évidemment dans une vision. Nous ne faisons pas des procédures pour faire des procédures, des comités pour faire des comités, mais bien pour mener une politique qui est au service d'une vision. Cette vision, je pense que vous la connaissez, est celle de l'agenda post-2015. Certains disent avec justesse que «nous sommes face à une nouvelle donne, face à un new deal, face à un monde qui a changé» ; nous devons donc adapter notre politique de développement et de solidarité internationale à cette nouvelle donne.
C'est évidemment le plaidoyer sur lequel je ne reviendrai pas dans le cadre des grandes discussions onusiennes, mais qui vont vous impliquer tous, pas seulement vous qui êtes en poste dans les pays en développement, mais aussi dans les pays émergents, aussi dans les pays dits «développés», qui vont contribuer à cette négociation. Il existe un plaidoyer français, qui devra être influent, partout, de façon à ce que l'on aille le plus loin possible, dans ce que l'on appelle «la convergence des agendas», à savoir : il n'y a plus d'un côté la lutte contre la pauvreté, l'éradication de la pauvreté, et de l'autre côté, l'agenda de la soutenabilité ; mais au contraire une fusion des deux. Je crois que les récents rapports de la Banque mondiale sont tout à fait éclairants de ce point de vue, puisque la Banque mondiale dit, «la première menace sur la mortalité infantile, la première menace sur la sécurité alimentaire, qui sont bien des objectifs du millénaire fondamentaux, c'est le changement climatique». Un monde avec un changement climatique non maîtrisé, à +4 degrés, est donc un monde où plus d'enfants de moins de cinq ans mourront. Car l'insécurité alimentaire croissante connecte ces deux agendas, qui auparavant pouvaient paraître déconnectés et séparés.
Voici le grand défi qui est devant nous : gagner cette bataille diplomatique. Beaucoup de choses ont avancé ces derniers mois, le Haut-Panel a rendu ses conclusions, mais maintenant nous rentrons, si j'ose dire, dans le dur, et ce dur, je compte bien m'y impliquer personnellement.
Toutefois, le plaidoyer international, onusien est une chose. Mais, puisqu'il y a une forme de cohérence à avoir entre notre plaidoyer et notre action, il y a également ce que nous faisons dans nos relations bilatérales. C'est pour cela que nous modifions progressivement les doctrines de l'Agence française de développement, de façon à ce que cette nouvelle vision, celle, pour simplifier, de l'agenda post-2015, soit d'ores et déjà l'action de la France. Nous avons changé la doctrine en matière énergétique, c'était en octobre dernier ; nous l'avons fait en matière agricole, en mai ; nous le ferons avant la fin de l'année dans le domaine des investissements urbains, de façon à ce que, sur ces trois secteurs, il y ait une priorité qui soit donnée à la question de la soutenabilité et de la lutte contre la pauvreté.
Ainsi, par exemple, dans le domaine énergétique, la priorité de l'AFD, ce sont les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique. Je rappelle d'ailleurs que le président de la République a annoncé le 1er mars dernier, en clôture des assises, que nous ne financerons plus de projets charbon au Sud sans dispositif de stockage ou de filtrage de Co2. Nous révisons donc ces priorités d'action, ces doctrines, en bilatéral. Il y a en outre ce que vous pouvez faire sur le terrain, en termes de relais du plaidoyer français. Vous pouvez le faire dans les pays en développement, vous pouvez le faire partout dans le monde, du plaidoyer français, dans au moins deux domaines :
- Le premier domaine, c'est la question des principes volontaires de la FAO et du comité de sécurité alimentaire dans les investissements agricoles. Vous savez que l'un des grands acquis des discussions internationales - qui est passé un peu en dessous du radar médiatique - est le fait que la communauté internationale se soit mise d'accord sur des principes volontaires pour guider les investissements agricoles, notamment en faisant référence à tout ce qu'on appelle «accaparement des terres». C'est un enjeu majeur puisqu'il nous faut effectivement plus d'investissements agricoles pour accroître la sécurité alimentaire mondiale - nous connaissons tous les perspectives démographiques, mais il faut le faire de manière à ce que cela serve la sécurité alimentaire mondiale, et non pas à ce que cela la desserve. D'où l'importance de ces principes, et j'ai constaté, trop souvent, que ces principes n'étaient pas encore complètement connus de tous. Nous ferons donc en sorte qu'ils le soient ; mais une fois que vous connaissez l'ensemble de ces principes, encore faut-il que vous puissiez vous en saisir, pour renforcer la connaissance de ces principes, à la fois par les autorités, et par la société civile ou par les organisations de la société civile, qui peuvent être à même de les porter.
- Le deuxième sujet sur lequel je voulais marquer et souligner notre intérêt, c'est la question de la transparence, et notamment de la transparence dans le domaine fiscal, et dans le domaine des industries extractives. La France a beaucoup et bien travaillé avec la présidence britannique du G8 sur cette question. Nous avons fait ensemble avancer, de manière considérable, l'agenda de la transparence. L'agenda de la transparence est fondamental ! Pourquoi ? Vous connaissez tous ce chiffre : les flux financiers qui repartent des pays du Sud vers les pays du Nord, en passant par des contrées parfois exotiques, parfois moins, correspondent à dix fois l'aide publique au développement ! Il faut certes se battre pour maintenir l'aide publique au développement, pour l'améliorer, pour la rendre plus efficace, plus transparente. Mais, il faut également se battre pour faire en sorte qu'il y ait moins de fuites, moins d'évasion, moins de pertes, qui privent les États du Sud de leur capacité à mener leur propre politique.
Voici donc un agenda fondamental, dans lequel nous avons marqué énormément de points, et sur lesquels je ne vais pas revenir en détail. Vous avez maintenant la responsabilité de vous saisir aussi localement de cet agenda, de façon à le faire avancer. Nous allons par exemple signer avec le Burkina Faso, dans le cadre du G8, une convention pour aller au-delà de ce qu'ils ont déjà fait en matière de transparence de l'industrie extractive. Nous allons mettre en place la transparence des contrats, nous allons renforcer davantage la capacité de contrôle de la société civile locale. Autant de choses qui vont donc permettre - parce qu'il y a une volonté politique partagée - d'avancer.
Permettez-moi de croire que la France a un rôle à jouer, partout dans le monde, pour faire avancer, tant dans les pays en développement, que dans les pays développés, cet agenda de la transparence.
Nous avons effectivement gagné des choses au G8 : l'Union européenne, les États-Unis et le Canada se sont engagés, sur des textes réglementaires, législatifs. La bataille se situe désormais au niveau du G20. C'est la question de l'implication dans ces processus, de l'Australie, évidemment, demain la Chine et l'Afrique du Sud, qui est posée. Nous voyons bien que c'est un agenda mondial, qui est extrêmement fondamental si l'on veut gagner la bataille du développement et de la lutte contre ce que l'on appelle «la malédiction des matières premières».
Laissez-moi maintenant, en conclusion, vous parler du changement climatique, et de l'accord climat, en tout cas, celui que nous souhaitons pouvoir obtenir à Paris en 2015, avec l'ambassadeur Jacques Lapouge, ici présent.
Comme je le disais, cette conférence constituera probablement la grande conférence internationale du quinquennat de François Hollande. Il s'agit de la plus grande conférence internationale que la France ait jamais accueillie en termes quantitatifs et peut-être aussi en termes d'enjeux. Nous avons ainsi quelques atouts pour réussir cette responsabilité, puisque le président de la République a fait ce choix d'héberger la conférence climat en 2015 à Paris.
Notre premier atout est que nous avons un peu de temps : deux ans et demi, pour travailler. Nous avons commencé d'ores et déjà bien évidemment à travailler, avec trois ministres qui sont à la manoeuvre : le ministre de l'environnement, Philippe Martin, Laurent Fabius et moi-même. Avec une forme de répartition qui est que les sujets intra-européens sont évidemment davantage pilotés depuis le ministère de l'écologie et du développement durable, et les relations avec la Chine, les États-Unis, le Brésil et le continent africain, davantage par le ministère des affaires étrangères.
Nous devons notamment impliquer l'ensemble de notre réseau, ce qui correspond à notre deuxième atout car ce réseau est mondial et nous donne la capacité de passer de nombreuses alliances. Cet atout ne fait sens que si vous vous mobilisez avec vos ambassadeurs sur cette question. Ces derniers auront d'ailleurs un moment dédié lors de la Conférence des ambassadeurs fin août sur ce sujet. Il ne s'agit nullement d'une question qui devrait être réservée aux correspondants environnement. On voit bien que derrière les questions de la négociation climatique, il y a des enjeux économiques, des enjeux géopolitiques, des enjeux de développement, qui vont bien au-delà de la stricte question environnementale.
Nous avons pris quelques décisions d'ores et déjà, en ce qui concerne la vision que nous voulons porter d'ici 2015. Le premier élément, c'est de transformer ce qui aujourd'hui est «un agenda de partage du fardeau», en «un agenda de partage des solutions et des opportunités». Vous le savez bien, la capacité de l'humanité à se mettre d'accord, à 193 pays, autour d'une table, pour dire «On va se partager un fardeau de manière pacifique, coopérative et négociée» est à peu près nulle. Ce n'est pas à des diplomates comme vous que je vais l'apprendre.
Il faut donc passer à autre chose, car si on écrit la même histoire à Paris que celle écrite à Copenhague, nous échouerons à Paris, comme nous avons échoué collectivement à Copenhague. Cette nouvelle histoire, c'est d'abord un nouveau récit. Ce nouveau récit doit être celui des solutions et des opportunités. Charge à nous, et c'est le travail que nous avons commencé à faire avec Laurent Fabius et Philippe Martin, de travailler de manière formelle et informelle avec un certain nombre de pays, un certain nombre d'institutions internationales, pour crédibiliser progressivement cet agenda des solutions et des opportunités. C'est ce travail qui est devant nous, et qui, à un moment donné, vous impliquera.
J'étais par exemple la semaine dernière en Éthiopie, à la fois pour l'Union africaine, et pour rencontrer les autorités éthiopiennes, le Premier ministre sur ces questions. Nous avons besoin de vous pour comprendre et anticiper les positions des pays clés dans cette négociation, de façon à ce que nous soyons en capacité d'avoir une vision pertinente des évolutions des uns et des autres sur cette question. Et cela va bien évidemment largement au-delà des seuls pays en développement, même si, on le sait, l'accord avec les pays africains sera fondamental.
Voilà quelques éléments que je voulais partager avec vous, voilà les grandes priorités des prochains mois : la loi, l'instauration des dispositifs de concertation, la modification progressive du FSD, qui vous concerne directement, dans un contexte budgétaire sanctuarisé en ce qui concerne l'aide-projet, et enfin, la montée en puissance progressive de cette conférence sur le climat, et quelques plaidoyers très forts, de la diplomatie française, qui sont très loin de concerner uniquement les pays en développement, mais qui portent sur les investissements agricoles, et la transparence.
Vous savez qu'il y a deux mots auxquels je suis très attaché : c'est l'innovation et le partage. Je crois que nous avons besoin d'innover parce que nous sommes dans un monde nouveau. Et qui dit «monde nouveau», dit «nouveaux défis». Nouveaux défis, nouvelles solutions, nouvelles recherches, nouvelles pratiques, nouvelles politiques, nouvelle vision. Cette nouvelle vision ne trouvera les compromis nécessaires entre les intérêts divergents des uns et des autres, que si nous associons l'innovation - technique, organisationnelle, politique, et le partage - partage des technologies, des ressources et des informations.
C'est ce double agenda que je porte et que je vous demande de porter aussi, et j'ai, pour les déplacements que j'ai pu faire dans les pays du monde, pu constater que vous le portiez.
Vous pouvez compter sur moi, et je sais que je peux aussi compter sur vous.
Merci beaucoup.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 juillet 2013