Texte intégral
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je souhaiterais réaffirmer ici à quel point la diplomatie de rayonnement reste la priorité du ministère des affaires étrangères et que les diplomaties culturelle et économique en sont les deux piliers.
Vous êtes des acteurs incontournables de la réalisation des objectifs de ce ministère en matière de diplomatie d'influence.
La coopération culturelle, audiovisuelle, universitaire, scientifique, la promotion de la francophonie et l'enseignement français à l'étranger sont les instruments dont vous disposez localement pour mettre en oeuvre nos objectifs.
Le ministre des affaires étrangères avait esquissé devant vous l'année dernière la feuille de route de notre ministère. Il avait notamment annoncé la tenue d'une réflexion ayant pour objectif de déterminer les axes d'une stratégie de développement de notre politique scolaire à l'étranger. Comme vous le savez, les défis sont nombreux à relever et en particulier : comment répondre à une demande croissante d'éducation à la française et comment faire face à l'augmentation des communautés française dans les pays émergents dans un contexte budgétaire contraint ?
Laurent Fabius m'ayant confié une mission de réflexion sur l'avenir de notre enseignement à l'étranger j'ai demandé à un comité de pilotage d'organiser une large concertation des partenaires de notre enseignement. Il m'a remis dernièrement ses conclusions. Je salue à cet égard la présence de l'inspecteur général François Perret qui, aux côtés du député Philip Cordery, de l'ambassadeur Daniel Jouanneau du président de la section internationale du CESE Yves Veyrier et du président du cercle Magellan Jean Pautrot, a participé activement à l'animation de ce comité.
Je ne vous détaillerai pas ici les mesures préconisées mais je voudrais vous dresser le tableau général de l'enseignement français à l'étranger tel qu'il pourrait être mis en oeuvre dans les prochaines années.
Votre rôle sera central et moteur, comme il l'est déjà. Je suis consciente de l'étendue de votre champ de compétence et du nombre limité des heures dans la journée !
Vous savez l'engagement pris par le président de la République et la priorité que le gouvernement accorde aux politiques publiques mises en oeuvre au profit de la jeunesse et de l'éducation en particulier. Vous savez aussi à quel point l'enseignement français à l'étranger est un outil fondamental au service de nos communautés expatriées, de nos entreprises et des objectifs de notre diplomatie d'influence.
Le panorama de l'enseignement français à l'étranger doit être le résultat d'une politique publique explicite dont l'État fixe le cap, pilote les infléchissements nécessaires, oriente l'allocation des moyens, contrôle et évalue les réalisations.
Vous devez plus que jamais être les relais locaux de l'État stratège : le nouveau visage de l'enseignement français à l'étranger ne prendra forme localement qu'avec votre implication et celle de vos équipes, en liaison étroite, bien sûr avec l'opérateur public, l'AEFE dont je salue la directrice, Anne-Marie Descôtes.
Le développement de notre réseau homologué ne sera possible qu'en redéployant nos moyens et par l'homologation de nouveaux établissements, partenaires de l'AEFE, comme c'est déjà le cas.
Cependant, ces ouvertures ne pourront se faire au seul motif de la présence d'une demande solvable. Elles devront répondre à un besoin clairement exprimé d'appui à nos communautés ou à la réalisation de nos objectifs d'influence diplomatique et économique.
D'autres acteurs de l'enseignement français à l'étranger interviennent, tels que la MLF, dont je salue le directeur, M. Deberre ou l'alliance israélite universelle. Il vous appartient donc de mettre en harmonie, voire en cohésion ces différents partenaires en assumant pleinement votre rôle de pilotage du réseau au niveau local puisque vous exercez la fonction rectorale auprès des établissements
Les établissements d'enseignement français occupent une place particulière dans notre dispositif de coopération éducative, linguistique et culturelle en raison de la composition du public qu'ils accueillent.
La double mission qui incombe au réseau : la scolarisation d'enfants français dans une logique de continuité éducative et d'accueil d'enfants étrangers dans une logique de rayonnement et d'influence n'est possible qu'au prix d'un équilibre subtil entre la présence d'enfants français et étrangers.
Le moment de l'inscription est donc essentiel puisqu'il déterminera ces équilibres et je sais que c'est un moment parfois difficile où les sollicitations sont nombreuses.
La mixité culturelle de nos établissements est donc le fruit d'une politique raisonnée des inscriptions, la mixité sociale tient elle, de notre politique d'aides à la scolarité.
Ce sont aujourd'hui près de 110 millions d'euros qui sont consacrés aux bourses scolaires sur critères sociaux. Ce sont des budgets très importants et en augmentation ce qui marque la volonté du gouvernement de faire de l'éducation une priorité : ceci mérite d'être souligné en cette période de forte contraction budgétaire.
Au niveau des postes, ce sont souvent des budgets de plusieurs centaines de milliers voire de millions d'euros qui sont répartis entre les familles. C'est souvent même en termes de crédits publics mobilisés, le premier poste de dépense de l'ambassade ou du consulat. J'attire donc votre attention sur le moment extrêmement important dans la vie du réseau d'enseignement homologué que constitue la commission locale des bourses.
Les aides à la scolarité doivent être accordées aux familles qui en ont besoin : c'est un devoir de justice sociale. Or, localement, si les représentants des parents, les élus des Français de l'étranger, des associations connaissent les familles, ils n'ont pas toujours la connaissance qu'en ont les chefs d'établissement ou les intendants. Je vous demande donc de veiller à leur pleine mobilisation dans la tenue des CLB.
Nous ne réussirons à aider les familles françaises à scolariser leurs enfants et accueillir largement les familles étrangères que si les frais de scolarité de nos établissements restent raisonnables et maîtrisés. Soyez-y attentifs.
Notre ambition est de présenter l'offre française d'enseignement sous la forme d'un ensemble global et cohérent : un noyau dur constitué de l'enseignement homologué autour duquel gravitent des propositions complémentaires ou alternatives.
C'est une nécessité : nos communautés françaises ont évolué dans leur sociologie, elles sont davantage intégrées dans la réalité locale, davantage double-nationales, surtout en Europe. Il s'agit localement de répondre également à une envie de français dans le monde sans que cela ne passe par une scolarisation complète en français.
Le développement de filières bilingues dans l'enseignement local national peut être une réponse adaptée dans ce type de situation et je pense tout particulièrement aux filières labellisées FrancEducation qui garantissent la qualité de l'enseignement dispensé.
Je compte donc sur votre dynamisme pour encourager l'ouverture de ces filières. Il y a aujourd'hui une trentaine d'établissements labellisés FrancEducation. Nous souhaitons étendre ce réseau, qui a vocation à devenir un réseau mondial et à compléter le réseau homologué. Je ferai prochainement des propositions pour lever les freins au développement de cet instrument. C'est une priorité pour nous, pour vous.
Si les programmes FLAM ne constituent pas une alternative à un enseignement, leur place est essentielle dans le dispositif. Complémentaires, ils assurent le maintien d'un lien linguistique mais aussi culturel avec la France et la nation française pour des enfants scolarisés dans une langue étrangère. Portés par des associations locales, par des parents bénévoles, ils méritent toute votre attention, votre soutien, notamment dans l'expertise que vous pourrez leur apporter pour construire leur projet pédagogique.
État stratège, conseiller culturel stratège : notre offre éducative doit être adaptée à la demande locale.
La mise en cohérence de nos priorités stratégiques avec votre expertise locale permettra d'adapter nos moyens et notre offre aux objectifs que nous nous fixerons en nous assurant que nous répondons effectivement à un besoin.
Par délégation de l'ambassadeur, vous assurez localement la tutelle de l'État sur les établissements scolaires, en liaison étroite bien sûr avec l'AEFE ; vous êtes également responsable de la politique linguistique et de coopération éducative du poste.
Vous occupez donc une place centrale dans le panorama actuel de l'enseignement français à l'étranger, votre rôle est amené à se renforcer encore à l'avenir afin d'assurer une cohérence assumée dans l'usage d'une gamme d'outils à disposition.
Puisque nous sommes à Lille dont la vocation européenne n'est plus à démontrer, je voudrais faire ici le souhait d'un enseignement scolaire plus intégré en Europe, favorisant la mobilité intra-européenne et le passage d'un système éducatif à un autre.
Je terminerai par un souhait : que nos établissements français en Europe pourraient jouer un rôle de pionnier dans cette intégration, lançant des partenariats avec les établissements nationaux locaux, en particulier ceux qui proposent des filières bilingues francophones, comme autant de ponts entre les systèmes éducatifs européens, au bénéfice de nos jeunes et de leur avenir.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 juillet 2013