Texte intégral
Je voudrais consacrer les quelques minutes de mon intervention à cinq idées forces :
I - Premièrement : les efforts de prévention restent déterminants pour tenter de maîtriser l'épidémie.
Mais une prévention plus audacieuse, plus proche des réalités de l'infection au VIH/Sida.
Une prévention qui informe, bien sûr, mais aussi une prévention qui démarginalise, qui rend moins vulnérable aux risques de contamination. Une prévention sincère médicalement correcte et non seulement politiquement correcte
On le sait - mais on se refuse encore souvent à l'admettre et à y répondre - ce sont les femmes, les migrants, les personnes ayant des pratiques sexuelles stigmatisées, qui constituent aujourd'hui les victimes les plus nombreuses. Ce sont ces populations les plus exposées, auxquelles nos sociétés offrent le moins de possibilités de faire face aux risques de contamination, mais aussi de faire face à la maladie lorsqu'elles en sont atteintes. C'est vers elles que doivent en priorité se tourner les efforts indispensables de prévention.
II - Deuxièmement, nous devons cesser d'opposer prévention et prise en charge, alors que l'expérience acquise dans de nombreux pays - y compris le mien - a montré qu'au contraire elles se renforcent l'une l'autre.
On peut raisonnablement estimer que 90 % environ des personnes touchées dans les pays du Sud ignorent leur statut sérologique, alors que ce dernier, cette connaissance représente, selon tous les experts, la pierre angulaire de la prévention.
Or, quelle meilleure incitation à se faire dépister que la possibilité de se voir offrir un espoir et éventuellement un traitement si le test est positif ? La perspective de traitements est un puissant soutien, un gage d'efficacité, de la prévention. Un encouragement par l'espoir.
III - Troisièmement, nous devons combattre les idées fausses - aux relents parfois clairement racistes - sur les traitements dans les pays du Sud.
A ceux qui - y compris dans des positions officielles éminentes - affirment que les Africains sont incapables de prendre des traitements complexes, il faut répondre que les études menées par exemple en Côte d'Ivoire et en Ouganda ont montré très clairement le contraire.
L'être humain, voyez-vous, est humain partout dans le monde. Quand l'espoir et la vie ne lui sont pas refusés, il se montre capable de les saisir, d'apprendre, de progresser oui, partout au Nord et au Sud quelle que soit la couleur de sa peau. J'ai été médecin en Afrique pendant des années, et je vous l'affirme.
Cela me rappelle les discussions dans mon pays sur les usagers de drogue que certains prétendaient ne pas vouloir, ou ne pas pouvoir accéder aux traitements.
Quelques années plus tard, il est clair que ces pseudo-experts s'étaient lourdement trompés. Heureusement nous ne les avions pas écoutés. L'Histoire leur a donné tort. Peut-être cette même Histoire les jugera-t-elle un jour comme elle jugera chacun d'entre nous, sur notre détermination à ne pas laisser mourir, aujourd'hui et demain, les malades du Sud.
IV - Quatrièmement, nous devons poursuivre nos efforts pour rendre accessible les médicaments qui ont changé la vie de dizaines de milliers de malades dans chacun de nos pays riches. Cela passe, bien sûr, d'abord par une poursuite de la réduction des prix, au travers des trois mécanismes complémentaires qui la permettent.
- La négociation avec les laboratoires pour l'obtention de prix différenciés
- La mise en uvre concrète des accords ADPIC (TRIPS) dans le sens le plus favorable aux malades.
- Le développement de l'offre générique.
Mais, même si ainsi on arrive dans les zones de coût d'environ 200 à 250 euros par an et par malade comme le pensent de nombreux experts, ces médicaments resteront hors d'atteinte des pays du Sud sans soutien international massif. C'est le sens du fonds mondial proposé par Kofi Annan que nous devons soutenir avec force. La France s'y est déjà engagée à hauteur de 150 millions d'euros sous forme de financements nouveaux, additionnels, plus 100 millions d'euros par an sur la réduction de la dette consacrés à la lutte contre le Sida.
Nous pensons que ce fonds doit faire une place substantielle à la lutte contre le Sida, et notamment à la prise en charge de malades, y compris par l'achat de médicaments antirétroviraux. Personne ne comprendrait qu'une telle initiative nouvelle, de grande ampleur, fasse des millions de personnes atteintes les oubliés de l'Histoire. Car je me dois d'être clair. Je suis fermement en faveur de la prévention mais si on ne traite pas le plus possible, tous les séropositifs d'aujourd'hui mourront.
V - Enfin, cinquièmement, pour permettre la qualité de prise en charge nécessaire compte tenu de la nature des traitements, nous devons renforcer les capacités des structures de santé des pays du Sud. Il ne servirait à rien de dégager des financements pour acheter des médicaments si les pays ne peuvent les délivrer aux malades dans de bonnes conditions. C'est le sens de l'initiative que la France a proposée avec plusieurs autres pays européens : l'Italie, l'Espagne, le Portugal, le Luxembourg, ainsi que la Slovénie et la Suisse, en espérant que d'autres qui s'annoncent nous rejoindront bientôt. Il s'agit d'un projet mondial mis à la disposition de M. Kofi Annan et des pays qui en feront la demande et qui, politiquement, en dirigeront la mise en uvre.
Il s'agit d'une initiative de partenariat hospitalier qui mobilise l'expérience acquise dans nos pays au service des pays d'Afrique, mais aussi d'Amérique latine ou d'Asie qui le souhaitent.
Ce projet est à nos yeux étroitement complémentaire de la création du fonds mondial. Il en constitue un outil directement et rapidement opérationnel. Mais il représente, je crois, encore plus que cela : un véritable engagement de solidarité des personnels de nos hôpitaux - directeurs, médecins, pharmaciens, personnels soignants.
Voilà, très brièvement, les éléments que je voulais souligner au nom de la France./.
(Source http://www.doc.diplomatie.gouv.fr, le 27 juin 2001)
I - Premièrement : les efforts de prévention restent déterminants pour tenter de maîtriser l'épidémie.
Mais une prévention plus audacieuse, plus proche des réalités de l'infection au VIH/Sida.
Une prévention qui informe, bien sûr, mais aussi une prévention qui démarginalise, qui rend moins vulnérable aux risques de contamination. Une prévention sincère médicalement correcte et non seulement politiquement correcte
On le sait - mais on se refuse encore souvent à l'admettre et à y répondre - ce sont les femmes, les migrants, les personnes ayant des pratiques sexuelles stigmatisées, qui constituent aujourd'hui les victimes les plus nombreuses. Ce sont ces populations les plus exposées, auxquelles nos sociétés offrent le moins de possibilités de faire face aux risques de contamination, mais aussi de faire face à la maladie lorsqu'elles en sont atteintes. C'est vers elles que doivent en priorité se tourner les efforts indispensables de prévention.
II - Deuxièmement, nous devons cesser d'opposer prévention et prise en charge, alors que l'expérience acquise dans de nombreux pays - y compris le mien - a montré qu'au contraire elles se renforcent l'une l'autre.
On peut raisonnablement estimer que 90 % environ des personnes touchées dans les pays du Sud ignorent leur statut sérologique, alors que ce dernier, cette connaissance représente, selon tous les experts, la pierre angulaire de la prévention.
Or, quelle meilleure incitation à se faire dépister que la possibilité de se voir offrir un espoir et éventuellement un traitement si le test est positif ? La perspective de traitements est un puissant soutien, un gage d'efficacité, de la prévention. Un encouragement par l'espoir.
III - Troisièmement, nous devons combattre les idées fausses - aux relents parfois clairement racistes - sur les traitements dans les pays du Sud.
A ceux qui - y compris dans des positions officielles éminentes - affirment que les Africains sont incapables de prendre des traitements complexes, il faut répondre que les études menées par exemple en Côte d'Ivoire et en Ouganda ont montré très clairement le contraire.
L'être humain, voyez-vous, est humain partout dans le monde. Quand l'espoir et la vie ne lui sont pas refusés, il se montre capable de les saisir, d'apprendre, de progresser oui, partout au Nord et au Sud quelle que soit la couleur de sa peau. J'ai été médecin en Afrique pendant des années, et je vous l'affirme.
Cela me rappelle les discussions dans mon pays sur les usagers de drogue que certains prétendaient ne pas vouloir, ou ne pas pouvoir accéder aux traitements.
Quelques années plus tard, il est clair que ces pseudo-experts s'étaient lourdement trompés. Heureusement nous ne les avions pas écoutés. L'Histoire leur a donné tort. Peut-être cette même Histoire les jugera-t-elle un jour comme elle jugera chacun d'entre nous, sur notre détermination à ne pas laisser mourir, aujourd'hui et demain, les malades du Sud.
IV - Quatrièmement, nous devons poursuivre nos efforts pour rendre accessible les médicaments qui ont changé la vie de dizaines de milliers de malades dans chacun de nos pays riches. Cela passe, bien sûr, d'abord par une poursuite de la réduction des prix, au travers des trois mécanismes complémentaires qui la permettent.
- La négociation avec les laboratoires pour l'obtention de prix différenciés
- La mise en uvre concrète des accords ADPIC (TRIPS) dans le sens le plus favorable aux malades.
- Le développement de l'offre générique.
Mais, même si ainsi on arrive dans les zones de coût d'environ 200 à 250 euros par an et par malade comme le pensent de nombreux experts, ces médicaments resteront hors d'atteinte des pays du Sud sans soutien international massif. C'est le sens du fonds mondial proposé par Kofi Annan que nous devons soutenir avec force. La France s'y est déjà engagée à hauteur de 150 millions d'euros sous forme de financements nouveaux, additionnels, plus 100 millions d'euros par an sur la réduction de la dette consacrés à la lutte contre le Sida.
Nous pensons que ce fonds doit faire une place substantielle à la lutte contre le Sida, et notamment à la prise en charge de malades, y compris par l'achat de médicaments antirétroviraux. Personne ne comprendrait qu'une telle initiative nouvelle, de grande ampleur, fasse des millions de personnes atteintes les oubliés de l'Histoire. Car je me dois d'être clair. Je suis fermement en faveur de la prévention mais si on ne traite pas le plus possible, tous les séropositifs d'aujourd'hui mourront.
V - Enfin, cinquièmement, pour permettre la qualité de prise en charge nécessaire compte tenu de la nature des traitements, nous devons renforcer les capacités des structures de santé des pays du Sud. Il ne servirait à rien de dégager des financements pour acheter des médicaments si les pays ne peuvent les délivrer aux malades dans de bonnes conditions. C'est le sens de l'initiative que la France a proposée avec plusieurs autres pays européens : l'Italie, l'Espagne, le Portugal, le Luxembourg, ainsi que la Slovénie et la Suisse, en espérant que d'autres qui s'annoncent nous rejoindront bientôt. Il s'agit d'un projet mondial mis à la disposition de M. Kofi Annan et des pays qui en feront la demande et qui, politiquement, en dirigeront la mise en uvre.
Il s'agit d'une initiative de partenariat hospitalier qui mobilise l'expérience acquise dans nos pays au service des pays d'Afrique, mais aussi d'Amérique latine ou d'Asie qui le souhaitent.
Ce projet est à nos yeux étroitement complémentaire de la création du fonds mondial. Il en constitue un outil directement et rapidement opérationnel. Mais il représente, je crois, encore plus que cela : un véritable engagement de solidarité des personnels de nos hôpitaux - directeurs, médecins, pharmaciens, personnels soignants.
Voilà, très brièvement, les éléments que je voulais souligner au nom de la France./.
(Source http://www.doc.diplomatie.gouv.fr, le 27 juin 2001)