Déclaration de Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, sur le Conseil national du sport et la lutte contre le dopage, Paris le 5 juillet 2013.

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  • Valérie Fourneyron - Ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative

Circonstance : Installation du Conseil national du sport à Paris le 5 juillet 2013

Texte intégral

Mme la Députée, M. le Sénateur, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs les présidentes et les présidents, M. le président de l’Agence française de lutte contre le dopage, Chers représentants du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de l’Autorité de Régulation des Jeux En Ligne Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Merci tout d’abord à Jean-Pierre de Vincenzi pour nous accueillir aujourd’hui. Le sport incarne le goût de l’effort, le respect de l’autre et de la règle commune, mais aussi le sens de la solidarité et la primauté du jeu collectif. D’une certaine façon, c’est aussi ma conception de l’action publique. Une véritable politique du sport ne s’inscrit dans la durée que si elle repose sur un engagement conjoint autour d’objectifs partagés.
Je le dis, ces objectifs sont autant de défis. Pour y faire face, on a le choix du status-quo, du conservatisme. Ou alors, le choix du changement. La décision lucide de se doter des meilleurs outils et de toutes les chances pour faire du sport français à la fois un moteur pour l’économie et l’attractivité de notre pays, une source de rayonnement pour la France, un moyen de réduire les inégalités en France, de renforcer le lien social et de contribuer à une société plus solidaire.
Aussi, installer ce matin le Conseil national du sport, c’est créer les conditions d’un dialogue approfondi entre tous les acteurs qui contribuent à servir le sport, qui contribuent à cette ambition collective qui nous anime tous : servir l’intérêt général.
Car c’est bien là l’enjeu du CNS, unir et rassembler, échanger et partager. Le CNS offre à tous une tribune pour s’exprimer, un espace pour travailler.
Ce travail, il sera piloté par Mme Dominique Spinosi que je remercie chaleureusement d’avoir accepté cette responsabilité.
Chère Dominique, Madame la Présidente du Conseil National du sport, c’est une belle instance qui s’ouvre aujourd’hui et je suis sûre que vous serez à la hauteur des missions et de l’ambition qui lui sont attribuées. Parce que oui, chère Dominique, le sport, ça vous connaît et pas seulement parce que vous avez été plusieurs fois championne de France de volley avec votre club de Montpellier.
Vous vous êtes surtout investie dans l’élaboration du projet de loi du 16 juillet 1984. Nous connaissons tous votre grande compétence, votre engagement pour le sport et le sens du dialogue qui vous caractérise. De la direction des sports au corps préfectoral, en passant par le comité d’organisation de la coupe du monde de football 1998 jusqu’aux fonctions de direction qui sont aujourd’hui les vôtres dans une grande entreprise publique, vous avez toujours voulu favoriser l’échange et la concertation. En un mot, l’efficacité. Tout mon soutien vous accompagne dans cette mission qui sera passionnante, je n’en doute pas.
Passionnante je l’ai dit, mais aussi ambitieuse.
Et avant de vous céder le soin de conduire les travaux de la matinée, je souhaiterai vous faire part, mesdames et messieurs, des attentes Gouvernement à l’égard de cette nouvelle instance, une nouvelle instance paritaire, cela mérite d’être souligné.
Le conseil national du sport renoue d’abord avant une approche partenariale de la politique du sport qui n’aurait jamais dû être abandonnée. Quelques uns d’entre vous se souviennent d’avoir participé au conseil national des activités physiques et sportives (CNAPS), créé par la loi de 1984, et mis en place de longues années plus tard. Cette précédente instance avait pu mener un travail de grande qualité sur de nombreux thèmes, sous la présidence tant appréciée d’Edwige Avice, aujourd’hui présidente de la Fondation du Sport Français.
La révision générale des politiques publiques a cru bon de supprimer ce conseil national en mars 2009. Quelle erreur ! Car la concertation et le dialogue sont tout sauf superflus, pour autant que le Gouvernement souhaite effectivement animer une politique du sport ambitieuse.
Ni l’éphémère « assemblée du sport » en 2011, ni la « conférence nationale du sport » qui n’a en vérité jamais fonctionné, n’ont pu combler le vide qui a été laissé.
Pour autant, le conseil national du sport n’est pas une simple résurgence du CNAPS.
Il a vocation à constituer un lieu d’échanges pérenne entre tous les acteurs :
Les deux partenaires « historiques », d’abord, que sont l’Etat et le mouvement sportif. Nous avons voulu, sans méconnaitre l’unité de l’un et de l’autre, faire en sorte que leur diversité puisse s’exprimer. La représentation du MSJEPVA a été limitée à l’essentiel de façon à laisser une place suffisante aux autres administrations concernées. De même, le collège du mouvement sportif comprend ses différentes composantes : représentants des fédérations olympiques, des autres fédérations unisports et des fédérations multisports, désignés par le CNOSF.
Nous comptons beaucoup sur leur expression pour nourrir la concertation sur le projet de loi sur le sport en préparation, dans un esprit de responsabilité. Je rappelle que ce projet de loi aura notamment vocation à poser les bases de la gouvernance du sport de demain.
J’y reviendrai…
Les collectivités territoriales constituent aujourd’hui un troisième acteur essentiel du « service public du sport ». Est-il besoin de le rappeler : elles sont le 1er financeur public du sport en France. La vitalité des clubs sportifs sur nos territoires, regroupant 15 millions de licenciés, tient naturellement à l’engagement de plus de 2,5 millions de bénévoles associatifs. Mais elle tient également au soutien que leur apportent les communes, les intercommunalités, les départements et les régions et à leurs investissements en matière d’équipements sportifs. Des politiques locales du sport se sont ainsi affirmées au plus près des besoins de Français. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité reconnaitre aux collectivités territoriales, pour la première fois, une place identique à celle de l’Etat et du mouvement sportif au sein de ce conseil national.
Le sport aujourd’hui, c’est aussi un secteur économique à part entière, représentant une dépense de 35 milliards d’euros par an et plus de 300 000 emplois directs ou indirects à la clé.
Nous avons donc souhaité associer les représentants des entreprises concernées autour de la table. Des études récentes laissent escompter un gisement de croissance et de création d’emplois très significatif dans ce secteur. Encore faut-il que ces enjeux économiques soient pris en compte à leur juste mesure.
Ce quatrième collège comprend également les partenaires sociaux, trop souvent oubliés dans ce type d’instances depuis une dizaine d’années. Soyons clairs, il ne s’agit pas de se substituer au dialogue social au niveau de la branche, mais de faire en sorte que notre réflexion intègre le sujet des droits sociaux dans le sport, y compris s’agissant des sportifs professionnels. Le gouvernement a enfin voulu établir le lien avec d’autres institutions partenaires et marquer l’articulation de la politique du sport avec l’ensemble des autres politiques publiques.
Telle est la raison de la présence parmi nous de deux parlementaires. De même, il paraissait indispensable d’associer les trois autorités administratives indépendantes qui interviennent sur des enjeux essentiels dans le domaine du sport, l’AFLD et l’ARJEL bien sûr, et le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Enfin, nous avons tenu à lancer des ponts avec d’autres instances générales intéressées, qu’il s’agisse des représentants des mouvements de jeunesse, du conseil national consultatif des personnes handicapées et de l’Académie nationale de médecine. D’autres organisations auraient souhaité disposer d’un siège, je le sais, mais il nous a semblé nécessaire de nous en tenir au format qui est aujourd’hui le votre afin que chacun puisse avoir effectivement voix au chapitre.
La souplesse du règlement intérieur qui vous sera proposé tout à l’heure permettra certainement d’associer des experts extérieurs à des groupes de travail ou à certains comités restreints. Et j’appelle cette ouverture de mes voeux, car vous l’aurez compris, l’esprit de ce conseil, c’est la concertation et le partage.
J’en viens maintenant aux travaux qui vous attendent, pour lesquelles vous me permettrez de suggérer quelques orientations :
Le Conseil national du sport « contribue au dialogue entre les acteurs du sport, à la coordination et à l’évaluation des politiques publiques en matière de sport... A la demande du ministre chargé des sports ou de sa propre initiative, le Conseil national du sport examine toute question d’intérêt commun relative à la définition et à la mise en œuvre de la politique du sport ». Tels sont les termes mêmes du décret du Premier ministre du 4 avril 2013 qui l’institue.
Depuis ma prise de fonction, j’ai pu prendre la mesure de la richesse des initiatives des acteurs de la politique du sport, mais aussi souvent de leur cloisonnement alors même qu’elles poursuivent souvent un même objectif. Je forme le souhait que le conseil national du sport permette à chacun de mieux connaitre les projets et les attentes des autres partenaires et que ce rapprochement puisse faire naitre des synergies et des complémentarités.
Je souhaiterais également que ce conseil constitue un laboratoire d’idées, un outil d’évaluation des politiques publiques ou de diagnostic partagé sur les principaux sujets qui nous occupent.
Ce travail est d’autant plus nécessaire que nombre de ces sujets font l’objet de réflexions ou d’initiatives au niveau européen ou international : régulation du sport professionnel, paris sportifs, droits audiovisuels, question du supportérisme, répartition des droits sur les grandes manifestations sportives, révision du code mondial antidopage ne sont que quelques exemples. La France et l’Europe ont leur mot à dire en la matière. J’attacherais du prix par conséquent à ce que le CNS s’empare de certains de ces sujets suffisamment en amont pour étayer les positions que les autorités françaises sont amenées à soutenir dans les instances internationales compétentes.
Oui, le CNS doit pouvoir exprimer une vision du sport de demain, une vision partagée par les acteurs du sport, qui constituera notre feuille de route à tous. C’est notre responsabilité collective, à nous tous ici réunis : porter un élan, une vision au service du sport français.
Le conseil national du sport sera également une instance consultative à laquelle je soumettrai les principaux projets de réforme législative ou réglementaire dans le champ du sport. Dès la prochaine séance plénière, je souhaite vous associer largement aux réflexions qui ont été menées par mes services pour la préparation d’ici la fin de l’année d’une grande loi de modernisation sur le sport. Cette initiative est destinée à actualiser le modèle dessiné au début des années 1980, qu’il faut adapter à un contexte qui a profondément changé.
Ce projet de loi a aussi vocation à répondre à une série de questions déterminantes pour l’avenir du sport : solidarité au sein du mouvement sportif, meilleure définition du service public du sport, reconnaissance du rôle des collectivités territoriales et articulation des interventions publiques entre elles, prise en compte des conclusions de plusieurs missions parlementaires ou de la commission d’enquête sénatoriale sur l’efficacité de la lutte contre le dopage. Vous le constatez, il ne s’agira pas d’une énième loi de circonstance. Le directeur des sports vous présentera plus en détail la démarche qui vous sera proposée pour que le CNS constitue le « creuset » de la réforme.
Au-delà des réformes législatives, je souhaite que le Conseil national du sport engage des réflexions thématiques sur des sujets d’importance majeure pour nous tous. Je pense notamment aux questions audiovisuelles qui concentrent de nombreux enjeux, parfois difficilement conciliables, entre financement du sport, droit à l’information gratuite et promotion de la diversité des disciplines et des pratiques auprès du public. Je pense également aux questions de développement économique de la filière sportive pour laquelle nous devons mobiliser tous les outils, comme la banque publique d’investissement, pour accroitre sa compétitivité et renforcer son potentiel d’emplois non délocalisables. Je souhaite que ces chantiers soient engagés à l’automne.
Le Conseil national du sport a enfin vocation à fédérer plusieurs commissions spécialisées qui existaient déjà ou qu’il s’agit de constituer : c’est le processus de simplification voulu par le gouvernement. La commission du sport de haut niveau succède à l’ancienne commission nationale du même nom. Elle sera appelée à déterminer une véritable stratégie du sport de haut niveau, pour les sportifs, entraineurs et arbitres. Cette approche s’inscrit dans le droit fil des préconisations récentes de la Cour des comptes dans son rapport particulier sur le sport de janvier 2013.
La commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs, plus connue sous son acronyme, la CERFRES, devient également une composante du conseil national du sport. Elle sera présidée de droit et pour la première fois par un membre du collège des collectivités territoriales. Elle voit ses pouvoirs renforcés, avec notamment la possibilité de saisir à son tour la Commission consultative d’évaluation des normes. Au-delà de ces prérogatives juridiques, je souhaite que la nouvelle CERFRES procède à un passage en revue des normes sportives en vigueur et exerce une fonction de veille par rapport aux initiatives des fédérations internationales. Oui, nous devons être vigilants quant à la l’inflation des normes et à la dichotomie existante entre décideur et payeur.
Une commission « éthique et valeurs du sport » sera également mise en place après les désignations auxquelles vous procéderez, au sein de chaque collège, en fin de matinée. Elle pourra ainsi prolonger les travaux du Comité permanent de lutte contre les discriminations dans le sport, que vous avez animée avec conviction et talent, chère Laura Flessel, et du comité du supportérisme, en y ajoutant les enjeux de féminisation du sport et d’accompagnement vers la parité. Les questions qui seront débattues dans le cadre de cette commission alimentent, vous le savez, les gros titres des médias. Votre contribution dans ce domaine ne pourra donc être que majeure. Au delà, les questions d’éthique dans le sport sont aujourd’hui au coeur de nos préoccupations.
Elles méritent à l’évidence un suivi attentif, y compris en matière de lutte contre le dopage, contre les matchs truqués et en matière de transparence financière. La Française des Jeux, et son président qui siège ici en tant que personnalité qualifiée, auront toute leur place dans ces débats.
Vous allez constituer également ce matin une commission restreinte consacrée à l’équilibre des territoires. Cette commission, totalement inédite, répond à un réel besoin auquel je suis particulièrement attentive. Il entre en effet dans la vocation du service public dans le sport de chercher à compenser les inégalités d’accès à la pratique sportive. A coté des inégalités sociales, force est de constater que les inégalités territoriales sont considérables et renforcent souvent les premières. Cela renvoie évidemment à la question de la répartition des équipements sportifs. Cela renvoie aussi à la distribution g??ographique des structures d’encadrement et aux moyens dont ils disposent.
Des inégalités criantes apparaissent au détriment de certains espaces ruraux, de nos territoires d’outre mer, et de certains quartiers urbains. Mon expérience antérieure d’élue locale m’a donné la conviction que réduire ce fossé appelle la mobilisation conjointe de tous les niveaux de collectivités (y compris celui du CNDS dont c’est la vocation première) et du mouvement sportif dans la durée. C’est la raison pour laquelle je souhaite que nous réfléchissons ensemble sur la façon de créer une telle synergie non seulement au niveau national mais aussi au niveau régional. Cette commission « égalité des territoires » aura la lourde tache – mais j’espère exaltante - d’animer la démarche, de favoriser les échanges de bonnes pratiques et d’évaluer les résultats obtenus.
Mesdames, Messieurs, vous aurez pu en juger, le Gouvernement attend beaucoup de ce conseil national du sport, même s’il n’a aucunement vocation à se substituer à d’autres cadres de travail, notamment ceux qui traduisent la relation étroite entre l’Etat et le mouvement sportif. Le caractère collégial de vos travaux, le croisement des perspectives institutionnelles, la confrontation de la réflexion au niveau national avec les préoccupations exprimées par les acteurs de terrains me paraissent créer les conditions d’échanges féconds et d’une vision à long terme partagée qui seront nos meilleurs gages de succès.
Mesdames et Messieurs, en toute simplicité, je dois vous dire mon plaisir et mon enthousiasme de vous voir tous ici réunis au côté de l’Etat, représenté dans toutes ses dimensions. Acteurs de terrains, représentants du peuple de France, présidents de clubs et de fédérations, représentants des millions de sportifs de notre pays, acteurs de l’économie du sport, spécialistes des questions d’éthique qui se posent autour de la pratique sportive… vous êtes l’émanation du sport dans sa globalité. Vous êtes à la fois l’excellence de l’industrie sportive française, vous êtes aussi les dizaines de médailles françaises gagnées chaque année, vous êtes encore ceux qui donnent l’envie aux jeunes de passer du temps sur les terrains et dans les clubs de notre beau pays.
C’est aujourd’hui un véritable « Parlement du sport » que nous ouvrons ensemble, avec vous tous, vous les acteurs légitimes pour parler de ce sujet.
Mesdames et messieurs, je vous remercie pour votre présence et votre investissement, je laisse la parole à la présidente.

Source http://www.sports.gouv.fr, le 17 juillet 2013