Texte intégral
Je vous remercie d'être là pour ce point de presse. Comme vous le savez, j'effectue un voyage en Asie du Sud Est. J'étais il y a quelques jours en Indonésie. J'ai fait une courte escale en Malaisie et je suis depuis avant-hier ici au Vietnam. Je vais repartir ce soir.
Dans ce pays, c'est la première visite officielle d'un ministre français des affaires étrangères depuis 20 ans. Le gouvernement français a décidé de mettre l'accent sur l'Asie, notamment l'Asie du Sud Est, ce qui explique les contacts nombreux du président de la République avec les responsables des différents pays et les voyages du Premier ministre ainsi que les miens dans cette région du monde. Concernant le Vietnam, et c'est le but de mon voyage, je veux renforcer les liens de la France et du Vietnam et rééquilibrer les échanges économiques entre nos deux pays. Voilà l'essentiel de ma mission. Au cours de ce séjour, malheureusement assez bref, j'ai eu l'occasion de rencontrer le Premier ministre, le président de l'Assemblée nationale et beaucoup de responsables économiques. Avec les uns et les autres, j'ai fait le point sur nos relations politiques, diplomatiques, éducatives, culturelles et de défense. Je constate que les liens politiques sont étroits et que sur beaucoup de points, nous avons des convergences évidentes et une entente extrêmement bonne. Les Français apprécient beaucoup les Vietnamiens et je crois que les Vietnamiens aiment aussi beaucoup la France. Nous avons des relations historiques, culturelles, éducatives et affectives considérables. Nous avons, comme vous le savez, consacré l'année 2013-2014 aux relations entre le Vietnam et la France, ce qu'on appelle l'Année Vietnam - France. Nous avons des relations culturelles et en matière d'éducation, excellentes. Nous accueillons 6.000 étudiants vietnamiens en France, certains sont exceptionnels. J'ai eu l'occasion de rencontrer hier M. Chau qui a fait ses études au même endroit que moi, à l'ENS.
Donc sur le plan éducatif, les choses vont bien. Nous sommes dans une relation extrêmement étroite et d'ailleurs le Vietnam tient beaucoup comme nous à la francophonie.
Sur le plan diplomatique, j'ai eu l'occasion de faire un tour d'horizon du monde avec mon homologue vietnamien que j'ai reçu à Paris il y a quelques mois. Nous avons analysé la situation régionale et internationale. Nous avons parlé de la région, du Proche-Orient, du Moyen-Orient, de l'Afrique, de l'Union européenne. Nous sommes, les uns et les autres, des pays favorables à la paix et à une multipolarité. J'ai porté mon appréciation positive sur ce que fait l'ASEAN.
Sur le plan économique, il y a beaucoup d'investissements français au Vietnam. Ils contribuent à l'emploi de plusieurs dizaines de milliers de Vietnamiens. Il y a une aide publique de la France au Vietnam, la deuxième la plus importante au monde pour le Vietnam depuis 20 ans. Il y a bien sûr des travaux en commun dans les domaines de l'aviation, des infrastructures, de l'agroalimentaire, de la santé. Mais ces échanges économiques d'une part, ne sont pas encore assez importants et d'autre part, sont malheureusement déséquilibrés au détriment de la France.
Il faut réagir face à cette situation en portant le niveau de nos échanges économiques au niveau de notre très bonne entente politique. C'est tout à fait à notre portée puisque les entreprises françaises sont excellentes dans des domaines qui vont faire l'objet de décisions de la part du gouvernement vietnamien ou des entreprises vietnamiennes. Je cite quelques domaines où l'on connait l'immense qualité des entreprises françaises.
Il y a par exemple le domaine des infrastructures avec des besoins en matière de transport, de creusement de tunnel, d'énergie, d'aviation.
Il y a aussi la santé, l'agroalimentaire et la défense sachant que la France est une puissance indépendante et qui a des technologies remarquables. Dans tous ces domaines, et il y en bien d'autres, les entreprises françaises font des propositions et il est tout à fait dans le domaine du souhaitable et du possible que les décisions de nos amis vietnamiens permettent d'augmenter le niveau de nos échanges économiques et de les rééquilibrer. C'est ce que j'ai exposé de manière très claire à mes hôtes vietnamiens qui m'ont reçu très chaleureusement.
C'est dans ce cadre que se situe le voyage du Premier ministre vietnamien en France d'ici quelques semaines et c'est dans ce cadre que nous étudions un partenariat stratégique entre le Vietnam et la France. Il devrait être accompagné de décisions de rééquilibrage dans le domaine économique.
Il existe également une coopération décentralisée très active entre les collectivités territoriales françaises et vietnamiennes.
Tout ceci fait que ma visite et la visite importante du Premier ministre vietnamien en France doivent marquer une nouvelle étape concrète dans les relations entre le Vietnam et la France. C'est à la fois un resserrement des liens politiques et un rééquilibrage des relations économiques.
Q - Pouvez-vous préciser quelles seraient les mesures concrètes à prendre pour relever les relations économiques et commerciales afin qu'elles soient à la hauteur de la qualité de la relation politique entre les deux pays et du partenariat stratégique qu'on souhaite construire ensemble ?
Par ailleurs, selon vous, quels rôles de coordinateurs doivent jouer les deux ministères des affaires étrangères pour appuyer davantage la coopération et pour asseoir le partenariat stratégique ?
R - Les ministères des affaires étrangères fournissent le cadre de nos relations. Bien évidemment, pour ce qui est des relations économiques, chacun des ministères spécialisés joue son rôle, de même que les entreprises. Mais ce sont les ministères des affaires étrangères qui définissent les lignes de force des relations générales, parmi lesquelles il y a la partie économique. Nous devons veiller, et nous le faisons avec mon collègue des Affaires étrangères vietnamien, à ce que la politique, l'éducation, la technologie et l'économie marchent d'un même pas.
Pour assurer cet objectif, des décisions concrètes doivent être prises. Je signale que le Vietnam exporte en France à peu près quatre fois plus en terme de montant que ce qu'il n'importe. Cela ne correspond évidemment pas à ce que doit être un échange équilibré et, d'autre part, le niveau de nos échanges reste trop faible. Il est de l'ordre de 1% de l'ensemble de vos échanges alors que la France a une place plus importante dans la réalité de la relation avec le Vietnam.
Ces décisions peuvent être prises assez vite. Je vous donne quelques exemples. Un accord sur les services a été conclu entre PetroVietnam et une grande société française, Veolia. Il doit produire ses effets pendant 25 ans. Cet accord est prêt à être signé. Il permettrait d'ores et déjà un rééquilibrage d'une partie de nos échanges.
Il y a en matière d'infrastructure un projet qui concerne la ligne 3 du métro de Hanoï et qui, malgré le retard pris, se réalisera.
Dans le domaine aéronautique, il y a, que ce soit pour la compagnie nationale ou pour des compagnies privées, des possibilités d'acquisition de nouveaux Airbus.
En matière d'énergie, il y a des besoins considérables. Le Vietnam a fait appel il y a quelques années à EDF. Cette entreprise réalise un projet qui donne satisfaction aux deux parties. De nouveaux projets pourraient être conclus rapidement avec EDF.
Je ne prends à dessein que des secteurs où les entreprises françaises sont les plus compétitives et les meilleures du monde. En dehors de ces décisions concrètes, il y a un environnement général pour favoriser la relation entre la France et le Vietnam et entre l'Europe et le Vietnam. Comme vous le savez, un accord de libre-échange est en discussion et nous espérons que des mesures vont être prises. Elles permettront de favoriser certains produits français, notamment le vin, à condition que les taxes n'empêchent pas la population d'en acheter.
Le vin de Bordeaux est taxé à 40 % de plus que le vin australien alors que la qualité du vin de Bordeaux est... excellente. En somme, il y a beaucoup de choses à faire, y compris du côté français. Je pense que le Vietnam souhaite avoir des relations équilibrées avec l'ensemble des pays du monde. Le développement des relations avec la France permet d'atteindre cet équilibre.
Q - L'ambassade de France au Yémen a été fermée en raison des menaces terroristes. Comptez-vous fermer d'autres ambassades au Moyen-Orient et en Afrique ?
D'autre part, la France perçoit-elle concrètement des menaces terroristes pour le moment ?
R - Nous avons eu des concertations avec, d'une part, les États-Unis et, d'autre part, mes collègues britannique et allemand, concertations que j'ai menées depuis l'Asie du Sud Est. Nous avons estimé, avec le président de la République, qu'il convenait de fermer notre ambassade au Yémen. Je viens de me concerter avec mon directeur de cabinet pour décider si nous allions prolonger cette fermeture en prenant en considération les risques existants. Nous prendrons cette décision aujourd'hui, en liaison avec nos partenaires.
En ce qui concerne votre question sur l'évaluation des risques, il y en a effectivement dans certains pays et ils varient en fonction des informations que nous recevons. J'ai adopté un principe depuis que je suis ministre des affaires étrangères : je préfère prendre les devants et, le cas échéant, fermer une ambassade plutôt que de courir un risque. Je crois que c'est ce principe de sécurité du personnel et de la population qui doit prévaloir.
En concertation avec le président de la République, nous avons pris cette décision sur la base d'informations qui concernaient le risque encouru pour la journée de dimanche. Maintenant, il faut rester vigilant. La priorité est de protéger nos ressortissants. N'oublions pas que nous avons 2,5 millions de français à l'étranger.
Q - Comme prévu, le 1er ministre vietnamien se rendra en France en septembre. Serait-ce l'occasion de signer un document concret de partenariat entre nos deux pays ?
R - Il y a l'éventualité de signer un partenariat stratégique qui rassemble dans une perspective de long terme les principaux domaines de notre action commune. Dans «partenariat stratégique», il y a deux mots : «partenariat» et «stratégique». «Partenariat» veut dire que nous décidons vraiment de travailler étroitement ensemble et «stratégique» veut dire que nous décidons de le faire sur le long terme et sur les éléments essentiels. Simplement, ce n'est pas un document que l'on signe et que l'on met dans un tiroir. C'est la concrétisation d'un travail en commun qui doit s'accompagner de décisions concrètes.
Q - Mis à part la signature de l'accord de partenariat stratégique, attendez-vous la signature d'autres documents ?
R - La signature d'un acte important est de tradition, soit lors d'une visite de ce type, soit un peu avant. Il est nécessaire que des documents accompagnent le développement effectif de nos échanges dans différents domaines pour qu'une telle visite soit un succès. J'insiste d'ailleurs sur un point. Il est de l'intérêt stratégique de la France et du Vietnam de travailler ensemble. La France porte toute son attention sur la zone asiatique et pacifique et souhaite travailler de plus en plus avec les pays de l'Asie qui seront de grands pays du XXIème siècle. Il en va aussi de l'intérêt stratégique du Vietnam de travailler avec un pays de paix et de partager avec lui une vision multipolaire du monde. Si le Vietnam veut renforcer ses relations avec l'Europe, la France lui est importante. Elle est la 5ème puissance économique du monde et est membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. D'ailleurs, je vais vous confirmer une information. Le premier groupe commercial de supermarché au Vietnam est un groupe français nommé Big C au Vietnam et Casino en France. Il emploie 8.000 personnes et représente le premier contributeur fiscal au Vietnam. Voyez que lorsque l'on parle de partenariat et notamment de contribution de la France au Vietnam, il est présent. Nous y croyons beaucoup.
Q - Les États-Unis ont récemment fait état de leur préoccupation sur la situation des droits de l'Homme au Vietnam. Que pensez-vous de la situation des droits de l'Homme au Vietnam ?
R - La France est traditionnellement le pays des droits de l'Homme. Non seulement du fait de la Révolution française et la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 mais aussi parce que nous essayons de respecter ces droits et d'appeler à leur respect partout dans le monde. Je pense que dans l'image que l'on a de la France, y compris vous-même, le respect du droit est un point important. Lorsqu'il y a des atteintes aux droits de l'Homme, nous les relevons. Ce sont des sujets dont je parle avec mes homologues. S'agissant de ce pays, il y a des évolutions. Je ne veux pas m'ériger en juge de ce qui doit être fait mais le ministère des affaires étrangères a exprimé sa préoccupation à l'égard d'un certain nombre de mesures prises, en particulier à l'égard des blogs. C'est une technologie qui va faire son chemin. Il est très difficile d'enrayer sa pratique. C'est un sujet qui fait l'objet de discussions au sein de la population et des instances gouvernementales. Bien sûr, nous suivons cela avec beaucoup d'attention.
Q - Le président de la République française compte-t-il se rendre au Vietnam ?
R - Oui, cette possibilité existe. La date n'est pas encore arrêtée mais le président de la République François Hollande viendra certainement au Vietnam parce que nous sommes attachés à nos relations avec cette partie du monde et en particulier avec le Vietnam. Le président Hollande est très intéressé par le développement de nos relations avec le Vietnam.
Je voudrais terminer en vous disant que je suis tout à fait optimiste quant au futur de ce pays. C'est un pays qui a des perspectives de développement considérables avec une population jeune, courageuse, positive et qui, je crois, est très amie de la France. Nous serons heureux de contribuer au développement de votre pays. C'est dans ce sens là que je suis venu ici.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 août 2013