Interview de M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, à "RTL" le 31 juillet 2013, sur les signes d'une sortie de la récession économique.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

PHILIPPE CORBE
Bonjour, Pierre MOSCOVICI.
PIERRE MOSCOVICI
Bonjour.
PHILIPPE CORBE
Est-ce que c’est vrai que vos services à Bercy préparent un gel du barème de l’impôt sur le revenu en 2014 ?
PIERRE MOSCOVICI
C’est la saison des fantasmes, des rumeurs, des…
PHILIPPE CORBE
Fantasmes !
PIERRE MOSCOVICI
Eh bien les arbitrages fiscaux sont faits plus tard, donc je ne vais pas les commenter, donc il n’y a pas là quelque chose qui est une décision…
PHILIPPE CORBE
Mais c’est une piste ?
PIERRE MOSCOVICI
Mais, des pistes, il y en a plein dans nos services. Mais je voudrais simplement dire que notre politique en matière d’impôts sur le revenu c’est de refuser les hausses d’impôts qui soient généralisées, indifférenciées - nous ne l’avions pas fait d’ailleurs l’an dernier et vous savez que la droite avait justement gelé le barème…
PHILIPPE CORBE
Oui !
PIERRE MOSCOVICI
Et que nous avions amélioré la situation de beaucoup, des couches populaires et des couches moyennes, en augmentant ce qu‘on appelle la décote et...
PHILIPPE CORBE
Enfin tous ceux au-dessus de 25 – 26.000 euros de revenus annuels…
PIERRE MOSCOVICI
Mais il n’y a… il n’y a…
PHILIPPE CORBE
Ont vu leurs impôts augmenter
PIERRE MOSCOVICI
Je dis je ne veux pas moi maintenant commenter ce genre… d’information.
PHILIPPE CORBE
Mais vous ne l’excluez pas ?
PIERRE MOSCOVICI
Non ! Mais ce n’est pas comme ça que les choses se passent. Vous savez les arbitrages fiscaux seront rendus dans la fin du mois d’août…
PHILIPPE CORBE
On le rappelle, donc, ça avait été mis en place par François FILLON et prolongé, amendé - comme vous le disiez – par Jean-Marc AYRAULT.
PIERRE MOSCOVICI
Mais ce que je peux redire, c’est que notre souci à nous c’est le sérieux budgétaire mais c’est aussi la défense du pouvoir d’achat des couches populaires et des classes moyennes dans ce pays qui en ont besoin et dont nous avons besoin d’ailleurs pour relancer l’économie, pour nourrir la reprise, reprise qui est…
PHILIPPE CORBE
Justement…
PIERRE MOSCOVICI
L’objectif que la France doit poursuivre maintenant.
PHILIPPE CORBE
Justement, on va en parler. Il y a quand même un décalage entre ces informations, ces rumeurs qu’on entend et ce que nous a dit le Président de la République qu’il n’y aurait pas de hausse d’impôts sauf si elles étaient indispensables, le même jour il nous disait que la reprise était là et on se demande où elle est, elle est en décalage avec ce que les salariés, les petits patrons, les chômeurs vivent au quotidien ?
PIERRE MOSCOVICI
Ce n’est pas exact ! Moi je sens dans le pays, très nettement, un frémissement économique qu’il faut transformer maintenant en reprise de la croissance durable.
PHILIPPE CORBE
Vous le voyez à quoi ? Quel exemple précis ?
PIERRE MOSCOVICI
Eh bien, écoutez, je vais vous donner… je peux vous en donner une flopée. En vérité, les…
PHILIPPE CORBE
Un seul !
PIERRE MOSCOVICI
Non ! Parce que les indicateurs sont en train de s’orienter je dirais presque tous positivement. D’abord nous sommes sortis de la récession, la récession c’est 2 trimestres consécutifs...
PHILIPPE CORBE
Oui !
PIERRE MOSCOVICI
De croissance négative, nous avons eu ça à la fin 2012 et au début 2013, nous l’avons eu moins que l’Allemagne, moins que l’Espagne, moins que l’Italie - ce qui prouve que la France est un pays qui résiste, qui a une économie robuste, qui est une grande économie, la cinquième économie du monde - mais nous l’avons eu. Or au deuxième trimestre 2013 les chiffres dont je dispose, ceux de l’INSEE ou ceux de la Banque de France, qui ne sont encore que des perspectives, des prévisions, mais enfin très claires, disent que nous serons à + 0,2, donc la France est en sortie de récession. A côté de ça, nous avons toute une série d’indicateurs, je dirais plus microéconomiques : la production industrielle qui, sur le dernier trimestre, est plutôt bien orientée…
PHILIPPE CORBE
Alors justement sur…
PIERRE MOSCOVICI
Le moral des investisseurs…
PHILIPPE CORBE
Oui !
PIERRE MOSCOVICI
Comme des investisseurs, qui est en train de reprendre ; la consommation qui est plutôt bien orientée, et donc nous avons là toute une série d’indicateurs… je pense aussi au coût du travail, le coût du travail, l’écart du coût du travail entre la France et l’Allemagne s’est réduit, il a plutôt augmenté en Allemagne, il a plutôt diminué en France, c’est l’impact du crédit d’impôt compétitivité emploi.
PHILIPPE CORBE
Alors…
PIERRE MOSCOVICI
Bref, si vous voulez, on a aujourd’hui des indicateurs à la fois macroéconomiques et microéconomiques qui sont bien orientés, il faut transformer ça, encore une fois, en croissance durable.
PHILIPPE CORBE
Alors vous disiez que les indicateurs sur la production industrielle étaient encourageants, on regarde en même temps les chiffres du Ministère du Travail sur l’intérim - c’est souvent un signe avant-coureur des évolutions du marché de l’emploi, - 12% d’intérim dans l’industrie en un an - et on se dit qu’il y a… en tout cas c’est compliqué à comprendre pour un certain nombre de nos auditeurs aujourd’hui, ces signaux encourageants que vous soulignez sont parfois en décalage avec ce qu’ils vivent eux au quotidien, notamment ceux qui cherchent du travail ?
PIERRE MOSCOVICI
Mais c’est une situation qui fait plus que nous préoccuper, qui nous mobilisent, et le Président de la République - vous le savez - a fixé un objectif qui est maintenu…
PHILIPPE CORBE
L’inversion !
PIERRE MOSCOVICI
Qui est celui de l’inversion de la courbe du chômage d’ici à la fin de cette année…
PHILIPPE CORBE
Vous y croyez, vraiment ?
PIERRE MOSCOVICI
Oui ! J’y crois. Eh bien alors, là encore, il y a des indicateurs : d’abord, les embauches qui sont plus satisfaisantes qu’il y a quelques mois…
PHILIPPE CORBE
Oui !
PIERRE MOSCOVICI
Ensuite, les sorties du marché du travail qui sont moins nombreuses ; et puis il y a la montée en puissance des dispositifs que nous avons mis en place de Contrats d’avenir, de Contrats de génération, d’une politique qui est toute entière tournée aussi vers la création d’emplois, d’emplois aidés, et donc oui je pense que cet objectif il est tout à fait possible. Et encore une fois il est mobilisé le gouvernement là-dessus, j’étais hier à Lyon aux côtés de Jean-Michel OLAS…
PHILIPPE CORBE
Pour le nouveau stade !
PIERRE MOSCOVICI
Pour le lancement du nouveau stade, rendez-vous compte qu’un projet comme ça c’est un investissement de 405 millions d’euros - essentiellement privé - que c’est 2.500 emplois qui sont sur la construction et je vois qu’il y a plein de gisements en France d’investissement, l’investissement c’est le sens de la politique du gouvernement, nous voulons une France qui soit audacieuse, conquérante, attractive et donc nous voulons faciliter l’investissement, y compris son financement. Je vais citer un certain nombre de mesures que nous allons…
PHILIPPE CORBE
Ah ! Un seul.
PIERRE MOSCOVICI
Eh bien je vais en citer une !
PHILIPPE CORBE
Une.
PIERRE MOSCOVICI
Il y a 10 jours la CAISSE DES DEPOTS & CONSIGNATIONS, avec l’accord du gouvernement, a décidé – le décret est sorti – de donner aux banques la possibilité de disposer d’une enveloppe de 30 milliards d’euros Pour financer les projets des PME, je sais que beaucoup de PME se plaignent de l’accès au crédit, eh bien voilà ça c’est une décision du Président, du gouvernement et nous voulons tout faire pour que le financement des entreprises soit à la fois aisé et peu coûteux.
PHILIPPE CORBE
Pierre MOSCOVICI, si on vous prend au mot et si on prend le Président au mot, puisque la reprise est là, vous allez augmenter les prévisions de croissance pour la 3ème, le 4ème trimestre et pour 2014 ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez les prévisions de croissance elles seront effectivement révisées au moment du projet de loi de finance…
PHILIPPE CORBE
A la hausse ?
PIERRE MOSCOVICI
Euh ! J’observe que l’ensemble des prévisions sont plutôt à la baisse pour la Zone Euro comme pour la France, le FMI dit 0,8, nous verrons quel chiffre que nous retenons. Mais encore une fois ce que je pense…
PHILIPPE CORBE
Ca pourrait être plus que 0,8 ?
PIERRE MOSCOVICI
Non ! Non, je…
PHILIPPE CORBE
Non ! Ca pourrait être plutôt moins.
PIERRE MOSCOVICI
Je ne veux pas ici faire ce genre d’annonce - encore une fois je veux dire les choses sérieusement et je veux dire la vérité aux Français - mais ce qui est clair c’est que le 2ème trimestre a été un trimestre de croissance positive, que je pense que sur la fin de l’année nous pouvons avoir un rythme disons comparable, en tout cas nous y travaillons… (brouhaha)… et que 2014 devrait être la première année de croissance véritable depuis 3 ans, parce qu’en vérité sur le quinquennat précédent – pardon d’y revenir – la croissance de la France a été nulle, 0% entre 2007 et 2012…
PHILIPPE CORBE
C’était la crise !
PIERRE MOSCOVICI
Et…
PHILIPPE CORBE
La crise financière évidemment.
PIERRE MOSCOVICI
Que la France a subi de plein fouet, avec des politiques économiques qui par ailleurs ont dégradé nos finances publiques, et donc si vous voulez notre objectif c’est 0,8 et puis ensuite repasser nettement en-dessus de 1%, 1,5, pourquoi pas 2% en 2015 et 2016 - c’est toujours ça l’ambition du gouvernement – et, pour ça, il faut faire que la France soit une terre d’investissement, une terre de compétitivité, une terre d’innovation ; il faut réformer, réformer le marché du travail, réformer les retraites, c’est cette tâche-là que nous menons. Il n‘y a pas de zigzag, là, il y a une cohérence très forte.
PHILIPPE CORBE
Pierre MOSCOVICI, justement, 2 exemples concrets de grandes entreprises françaises qui sont confrontées à des difficultés - en tout cas l’une d’entre elles est confrontée à des difficultés économiques - c’est AIR FRANCE, l’Etat reste actionnaire à hauteur de 16%, un plan de départs est annoncé aujourd’hui, un plan de départs volontaires, et la CGT appelle l’Etat à obtenir des garanties sur l’emploi auprès d’AIR FRANCE.
PIERRE MOSCOVICI
Je laisserai le président d’AIR FRANCE présenter son propre plan.
PHILIPPE CORBE
Mais est-ce que vous avez des inquiétudes sur l’emploi à AIR FRANCE ?
PIERRE MOSCOVICI
Mais je… encore une fois, il faut essayer de respecter ceux qui dirigent les entreprises publiques, on fera les commentaires après.
PHILIPPE CORBE
Autre entreprise ! PUBLICIS qui fusionne avec l’américain OMNICOM pour fonder le numéro 1 mondial de la publicité et qui installe son siège au Pays Bas, comme si c’était une confirmation du fait que la France n’est pas pour les investisseurs internationaux une terre d’hospitalité pour l’économie ?
PIERRE MOSCOVICI
Là je trouve que la comparai… vous parliez de difficulté, il n’y a pas de difficulté, puisque ces 2 entreprises – une française, une américaine, la française prenant donc 50,3% des parts – créent le premier groupe mondial, et, quand on a un leader mondial on ne va quand même pas là le déplorer…
PHILIPPE CORBE
Alors, pourquoi il ne s’installe pas ça en France le siège ?
PIERRE MOSCOVICI
Je ne veux pas le faire. Et j’ajoute que c’est une entreprise franco-américaine…
PHILIPPE CORBE
Oui !
PIERRE MOSCOVICI
Que l’idée c’était d’avoir le siège éventuellement aux Etats-Unis, ce qui a été refusé, il a été choisi en France, donc voilà il est au Pays Bas - d’ailleurs il faudra faire en sorte aussi qu’on poursuive l’harmonisation fiscale en Europe, je vous le dis au passage…
PHILIPPE CORBE
Oui ! Parce que les impôts ne rentreront pas pour la France ?
PIERRE MOSCOVICI
Mais ça n’est pas contradictoire avec 2 notions auxquelles je suis très attaché, je suis vigilant – je le dis à Maurice LEVY…
PHILIPPE CORBE
Patron de PUBLICIS !
PIERRE MOSCOVICI
Le patron de PUBLICIS – premièrement, il faut que ça crée de la valeur et des emplois en France ; et, deuxièmement, le fait d’avoir un siège central au Pays Bas ne doit pas être contradictoire avec les engagements qui ont été pris par PUBLICIS d’avoir un siège opérationnel en France, je sais qu’il y a une volonté de ce groupe de rester français. Donc, moi, je veux voir au contraire la France qui conquiert, la France qui gagne et la France qui est capable d’implanter un leader mondial. Donc là encore évitons les plaintes, ce n’est pas une mauvaise que d’avoir le premier groupe mondial dans ce secteur et d’avoir aussi une possibilité d’investir davantage dans le numérique, parce qu’il y a un avenir dans le numérique dans le pays, l‘innovation encore une fois.
PHILIPPE CORBE
Pierre MOSCOVICI, ministre de l’Economie, invité de RTL ce matin. Bonne journée à vous !
PIERRE MOSCOVICI
Bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 août 2013