Interview de M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances, à "France 2" le 17 septembre 2013, sur les mesures gouvernementales de réduction de la dette publique.

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Média : France Inter

Texte intégral

ROLAND SICARD
La Presse de ce matin annonce une aggravation très nette de la dette, deux mille milliards en 2014. Vous confirmez ?
PIERRE MOSCOVICI
Il faut surtout faire un retour en arrière. La dette publique, c'est l’amoncellement de déficits au cours des ans. Et pendant le quinquennat précédent, celui de Nicolas SARKOZY, et nous l’avons dénoncé, la dette publique s’est accrue de 600 milliards d’euros, 600 milliards d’euros.
ROLAND SICARD
Mais ça continue.
PIERRE MOSCOVICI
On est passé en dix ans, de 60 % du PIB, notamment de dette publique, à plus de 90 %. Alors, pourquoi…
ROLAND SICARD
On sera à plus de 95 %.3
PIERRE MOSCOVICI
Pourquoi est-ce que ça a augmenté ? C’est parce qu’augmente notamment, ce que l’on appelle les déficits structurels, ceux qui sont indépendants de la croissance, et qui justement pèsent sur la dette publique. C'est… ajoutez à ça, un nouveau phénomène qui est que pendant la crise, de 2008 à 2014, 2013, nous avons consenti à des plans de solidarité ou d’aide, pour les pays qui étaient sous le programme, je pense à la Grèce, je pense Chypre, et ça a d’ailleurs permis de tirer ces pays de la situation la plus fâcheuse dans laquelle ils se trouvaient, nous pensons aussi à l’Espagne. Donc il y a eu cet effort de solidarité. Nous avons une dette publique qui est élevée, qui est supérieure et nettement supérieure à 90 % du PIB, mais là où LE FIGARO se trompe, c'est que la France fait les réformes qui permettent justement de réduire ce déficit structurel. C'est parce que nous sommes endettés, c'est parce que nous voulons préparer l’avenir des gestions futures, c'est parce que le désendettement, c'est ce qui permet de financer, justement, l’éducation, la sécurité, la justice, que ce gouvernement mène une politique résolue de réduction des déficits, à la fois ceux que l’on appelle nominaux, c'est les chiffres absolus, et les déficits structurels, ceux qui sont indépendants, encore une fois, de la croissance.
ROLAND SICARD
Ça veut dire une politique d’austérité, pour dire les mots.
PIERRE MOSCOVICI
Non, ça veut dire des vraies réformes, et ça veut dire, ce que nous sommes en train de faire, un effort budgétaire, l’an dernier il était de 30 milliards, cette année il sera de 18 milliards, qui porte désormais sur des économies. Ce que l’on attend de nous, c'est que la France se désendette, et elle le fait. Ce que l’on attend de nous, c'est que la France soit en train de réduire son déficit structurel et elle le fait, et donc l’endettement va atteindre un maximum, et puis ensuite, ça décroitra. Et tout ça, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que tant que nous sommes capables de faire ces réformes, tant que nous sommes capables de réduire ce définit structurel, et nous le réduirons encore de 1 % en 2014, après 1,7 % en 2013, et nous le ferons encore en 2015, eh bien tant que nous ferons ça, on fera confiance à la France. Et ce que je reproche au papier du FIGARO, pour être tout à fait honnête, ce n’est pas d’avoir cité un chiffre spectaculaire, d’ailleurs ils disent 1 950 et ils en font 2 000, ce qui n'est pas la même chose, tout à fait, c'est de laisser penser que la signature de la France serait menacée. Elle ne l’est pas, on fait confiance à la France. Nous avons…
ROLAND SICARD
C’est très important, parce que…
PIERRE MOSCOVICI
Oui, c'est fondamental.
ROLAND SICARD
… si les taux d’intérêt augmentent, la dette augmente.
PIERRE MOSCOVICI
Nous avons une des dettes les plus sûres du monde, et ça continue. Nous avons plutôt réduit l’écart dans la période récente de nos spreads, vous savez, la différence, c'est le taux d’intérêt avec l’Allemagne, pourquoi ça ? D’abord parce que nous avons une épargne abondante, ensuite parce que nous sommes un pays dans lequel on peut faire confiance, et troisièmement parce que nous menons les réformes structurelles qui sont nécessaires. Et de ça, nous sommes responsables, le président de la République, le gouvernement, le ministre des Finances, en particulier, avec le ministre du Budget, nous voulons une politique qui soit une politique de sérieux budgétaire, mais sérieux sans austérité, précisément, parce que nous voulons, en même temps, conserver tous les moteurs de la croissance, faire en sorte que le pouvoir d’achat, eh bien, soit défendu, et aussi que la compétitivité des entreprises soit plus forte.
ROLAND SICARD
Mais cette aggravation de la dette, elle ne va pas conduire à augmenter les impôts…
PIERRE MOSCOVICI
Eh bien écoutez, les…
ROLAND SICARD
… contrairement aux promesses ?
PIERRE MOSCOVICI
Les grandes orientations ont été données, pour le projet de loi de finances pour 2014. Nous allons continuer…
ROLAND SICARD
Est-ce qu’on pourra les tenir ?
PIERRE MOSCOVICI
Mais bien sûr. Nous allons continuer notre effort de réduction du déficit structurel. Je rappelle le chiffre : 1 % pour 2014. Nous allons aussi poursuivre, c'est important comme signal, la réduction des déficits. Rappelons qu’en 2011, le déficit était à 5,3 % du PIB, il est descendu à 4,8 en 2012, il sera à 4,1 en 2013…
ROLAND SICARD
On avait annoncé mieux.
PIERRE MOSCOVICI
… à 3,6 en 2014, mais vous savez que la Commission européenne nous a, et c'est assez logique, d’ailleurs, donné la possibilité d’étaler le déficit sur deux ans, pour passer en-deçà de 3 % en 2015. Nous le faisons, justement parce que ce qui est important, c'est de soutenir la croissance. Et donc, en faisant ça, nous avons calibré, de manière exacte et précise, l’effort que nous demandons aux Français, cet effort il est de 18 milliards d’euros, sur ces 18 milliards d’euros, 80 % sont des économies de dépenses publiques, c'est 15 milliards d’euros, et nous sommes la quasi stabilité des prélèvements obligatoires, parce que les trois milliards d’euros qui restent, c'est l’équivalent de la lutte contre la fraude fiscale et contre l’évasion fiscale. Donc, quand le président de la République, dimanche, a parlé de pause fiscale, c'est ça que ça veut dire, c'est la stabilisation des prélèvements obligatoires, et c'est aussi le fait que nous pensons à la situation des ménages, notamment les plus modestes, et que nous agissons pour que les entreprises puissent investir, c'est comme ça qu’on soutiendra la croissance, parce que la croissance…
ROLAND SICARD
C'est le François HOLLANDE ami des entreprises.
PIERRE MOSCOVICI
Non, c'est…
ROLAND SICARD
C'est un changement de politique ?
PIERRE MOSCOVICI
C'est un président de la République qui l’a dit, on l’avait accusé d’être le président des patrons, donc, président des entreprises, oui. Vous savez, j’étais hier…
ROLAND SICARD
Pendant la campagne présidentielle, il disait : « Il n’y a pas de problème de coût du travail ». On n’en est plus là, du tout.
PIERRE MOSCOVICI
Cette question du coût du travail, elle a été examinée, à la demande du Premier ministre, Jean-Marc AYRAULT, par un grand chef d’entreprise, qui s’appelle Louis GALLOIS, qui a rendu son rapport, ça fait maintenant presque un an. Et après cela, nous avons dit oui, nous avons un différentiel du coût du travail avec l’Allemagne, nous voulons être compétitifs, nous voulons être présents sur les marchés mondiaux, et nous voulons…
ROLAND SICARD
Donc il y avait une erreur d’appréciation pendant la campagne.
PIERRE MOSCOVICI
Non, le débat n’avait pas été, à l’époque, soulevé, mais la politique qui était proposée par François HOLLANDE, était déjà une politique de sérieux budgétaire, déjà une politique de désendettement et déjà une politique de compétitivité. Et nous sommes dans ce droit fil là, c'est ce qui permettra à la France d’être plus forte. Hier, je me déplace en France, dans le Centre de la France, j’étais à Bourges, j’étais à Vierzon, et j’ai vu comment les entreprises, justement, ont besoin d’être aidées, et quand on aide une entreprise, on n’aide pas un patron, on aide l’embauche, on aide l’investissement, on aide l’avenir. Et c'est comme ça, avec une croissance plus forte, avec des entreprises plus saines, qu’on permettra aussi de créer des emplois, et des emplois durables, pour plus de Français et donc du pouvoir d’achat. C'est un cercle vertueux que nous voulons créer, celui de la croissance et de l’emploi, à partir du sérieux budgétaire et de la compétitivité.
ROLAND SICARD
Sur la croissance, justement, est-ce que le bon chiffre du deuxième trimestre, + 0,5 %, ça va durer ou c'est un feu de paille ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, moi je ne suis pas un prévisionniste, je suis un acteur. Ce que je sais, c'est que ce chiffre, d’abord, il a une signification, il veut dire que notre économie est une économie résistante, une économie résiliente, une économie qui a des ressources. Moi j’en ai marre qu’on soit sans arrêt dans ce pays en train de s’auto-flageller, de faire comme si nous étions une économie en déclin, nous sommes la cinquième économie du monde, nous sommes la deuxième économie de l’Europe…
ROLAND SICARD
Et on va le rester ?
PIERRE MOSCOVICI
Nous avons des ressources extrêmement fortes, et donc ce chiffre montre que nous sommes toujours leader, potentiellement. Après, à nous de le transformer et de le consolider, et c'est tout le sens de la politique économique, justement, faire en sorte de transformer ce rebond de l’activité, qui montre des forces françaises en reprise durable et forte. Ça n'est pas un pari, c'est une stratégie.
ROLAND SICARD
Un mot sur l’UMP. François FILLON a mis dos à dos Front national et Parti socialiste. Comment est-ce que vous jugez ça ?
PIERRE MOSCOVICI
Désolant. Désolant parce que d’abord ce n'était pas du tout ses positions d’entant et que quand je l’entends dire qu’il ne croit plus au front républicain, je m’aperçois qu’il est de plus en plus près du Front, national, et de moins en moins républicain. Et ce qui me choque, c'est ce qu’a expliqué le président de la République l’autre jour, c'est que nous avons des principes dans cette république, c'est que nous avons des valeurs communes, on peut s’opposer, moi aussi j’ai voté pour Jacques CHIRAC en 2002 et moi aussi je l’ai fait sans hésitation, et ça m’a même coûté mon siège aux élections législatives. Et donc ce qui est, là, vraiment ennuyeux, c'est qu’on a l’impression qu’il y a des valeurs, tout à coup, qui ne sont plus au coeur d’un certain leadership à l’UMP. J’ajoute que je souris un peu quand je vois du coup Jean-François COPE donner des leçons à François FILLON, on voit bien de quoi il s’agit, il s’agit du bal des postures, parce l’année dernière c’était l’inverse, un coup je te vois, un coup je ne te vois pas. Ce que l’on préfèrerait qu’il y ait un cap, et que ce cap reste un cap républicain, dans une droite républicaine. En tout cas, le Parti socialiste, lui, avec le gouvernement, c'est un gouvernement qui agit, et qui agit pour ses valeurs. C'est comme ça d’ailleurs que l’on finira par faire en sorte que le Front national recule, à travers les résultats d’une politique économique, la croissance qui revient, l’emploi, la sécurité, la justice. Moi je pense que c'est dans l’action, et sans perdre son âme, que l’on trouve des réponses vraies aux questions que se posent les électeurs qui, à tel ou tel moment, peuvent être tentés, par des votes qui ne sont pas conformes, en tout cas les valeurs que défend le parti, avec ses conceptions républicaines.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 septembre 2013