Texte intégral
PATRICK COHEN
Ce qua annoncé François HOLLANDE hier soir vous paraît de nature à désamorcer la grogne fiscale ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je le souhaite et lespère. Vous savez que le chemin du redressement des comptes publics nest pas facile, puisque la situation dans laquelle comme le rappelait le ministre du Budget nous nous trouvons, est extrêmement critique et préoccupante. Nous empruntons chaque année 180 milliards deuros, nous avons un stock de dette publique de 1600 milliards, le sarkozysme a finalement fait sa politique à crédit. On parlait des heures supplémentaires, nous avons été obligés de, finalement, re-fiscaliser, pourquoi ? Parce que cétait de largent distribué à crédit. Le SARKOZY ça consistait à emprunter sur le marché financier pour distribuer des cadeaux fiscaux, et essayer de se faire réélire, dailleurs ça a failli marcher, vous lavez remarqué.
PATRICK COHEN
Cest valable pour toutes les dépenses de lEtat dans ce cas-là, Arnaud MONTEBOURG.
ARNAUD MONTEBOURG
Non, ce nest pas valable, puisque nous sommes dans une situation de dépendance maintenant. Quand vous avez 5,3% de la richesse nationale qui est le déficit, nous faisons des efforts pour le rétablir, pour retrouver un tant soit peu de souveraineté, c'est-à-dire le droit de dire que nous pouvons vivre sans marchés financiers, que nous pouvons nous-mêmes produire la richesse que nous dépensons.
PATRICK COHEN
Cest un peu le discours que vous teniez pendant la primaire présidentielle au Parti socialiste, Arnaud MONTEBOURG.
ARNAUD MONTEBOURG
Cest exactement le discours quon a toujours tenu, c'est-à-dire quun pays nest pas libre sil est enchaîné à la puissance financière qui lui octroie des crédits. Vous savez, il y a deux manières, disait un grand penseur, de prendre un pays, soit par lépée, soit par la créance et la dette. Eh bien nous sommes enchaînés. Donc, notre travail, cest de briser ces chaînes, donc ce nest pas facile. Quel est le gouvernement qui a la facilité daugmenter les impôts ? Aucun, cest une garantie dimpopularité. Pourtant, nous le faisons, de façon la plus juste possible, en équilibrant les efforts, pour essayer de retrouver léquilibre de nos comptes publics. Donc, ce nest pas facile, moi japprécie que le président de la République soit sensible à ce que dit la société française, et nous faisons aujourdhui le travail en lessentiel 80%, sur les économies budgétaires, cest quand même 15 milliards de moins, dailleurs nous le savons dans nos ministères.
PATRICK COHEN
Doù le refus daugmenter la fiscalité du diesel.
ARNAUD MONTEBOURG
Exactement, c'est-à-dire que nous ne voulons pas que les classes populaires, moyennes et modestes, payent, nous souhaitons, au contraire, nous-mêmes travailler sur le système de protection sociale, il y a quand même un demi-milliard déconomies qui est fait sur la Sécurité Sociale, des économies de gestion, pour lannée prochaine, il y a 6 milliards dans la sphère du social, déconomies, en tout 15 milliards. Nous avons demandé des efforts aux collectivités locales, puisque nous leur octroyons des dotations dEtat, là aussi nous faisons ce travail. 15 milliards déconomies ça ne sest jamais vu, ça ne sest jamais vu, depuis le début de la Vème République.
PATRICK COHEN
Et 6 milliards à payer en TVA pour les ménages. Et 6 milliards de TVA.
ARNAUD MONTEBOURG
Cest vrai, mais vous savez, cest la facture de ces dernières années, que nous sommes en train dune certaine manière, ce gouvernement fait le sale travail, parce que nous avons été choisis par les Français pour notre sérieux, et nous sommes obligés den passer par là, donc il faut lassumer et le dire aux Français.
PATRICK COHEN
Arnaud MONTEBOURG, vous publiez cette semaine chez FLAMMARION « La bataille du Made in France », bataille et le rhétorique guerrière est présente presquà chaque page. Juin 40, DE GAULLE, la bataille du rail. On est en guerre contre qui, Arnaud MONTEBOURG ?
ARNAUD MONTEBOURG
Peut-être, déjà, nous sommes nous-mêmes victimes de nos propres erreurs, cest dabord contre nous-mêmes, c'est-à-dire que nous ne croyons pas que nous soyons une grande nation industrielle, productive, technologique, or nous le sommes, nous lavons été et nous pouvons très facilement le redevenir.
PATRICK COHEN
En guerre contre votre propre administration, jai envie de vous dire en premier lieu. On a limpression que alors il y a des pages incroyablement sévères avec Bercy, sa gueule de forteresse, siège de létat-major économique, qui a laissé tomber nos industries dans la guerre économique ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez, les chiffres sont là Monsieur COHEN, quand on regarde les statistiques européennes de la part de la richesse nationale consacrée à lindustrie, les Allemands sont à 23, les Italiens à 16, les Espagnols à 15, les Italiens, je viens de le dire, les Anglais sont à 12, la France est à 11, ça veut dire quaujourdhui la base de création de richesses productives est si étroite que nous ne pouvons plus assurer la prospérité de notre pays. Comment on va payer la Sécurité Sociale, les hôpitaux, lEducation nationale, comment on va faire ?
PATRICK COHEN
Non, mais ça cest Bercy, ses fonctionnaires, ses hauts fonctionnaires, toujours les mêmes ?
ARNAUD MONTEBOURG
Non, les responsables politiques ont été sanctionnés, Monsieur COHEN, mais ceux qui ont inspiré toujours la même politique, qui nous a conduit finalement à toujours préférer léconomie financière à léconomie industrielle, la production manufacturière, ceux qui ont préféré les services à lindustrie, toute cette classe dirigeante
PATRICK COHEN
Cest la direction du Trésor ?
ARNAUD MONTEBOURG
Il y en a dautres
PATRICK COHEN
Et vous dites elle est toujours là, ça na pas changé, ce sont les mêmes depuis 25 ans.
ARNAUD MONTEBOURG
Oui, cest les mêmes, oui bien sûr, dailleurs cest ceux quon retrouve dans les banques, parce quil y a une sorte de, non seulement de conformisme, mais aussi de pantouflage.
PATRICK COHEN
Et Pierre MOSCOVICI, votre collègue de lEconomie et des Finances, il est otage de cette direction du Trésor, qui na pas changé, vous lécrivez dans le livre ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez, moi je crois quil est nécessaire damener la haute Administration à changer ses vues, donc je le fais et Pierre MOSCOVICI le fait également. Et je voudrais vous dire quil ny a pas que, finalement la haute Administration, il y a aussi une certaine classe dirigeante. Lorsque monsieur TCHURUK théorisait la France sans usines, il faisait exactement la même chose, à tel point dailleurs quil y a même eu un prix Goncourt, Monsieur HOUELLEBECQ, cest un grand écrivain français, qui a théorisé la France comme un vaste « hôtel Resort & Spa », pour une sorte de clientèle européenne chic qui venait dans nos stations de ski, sur notre littoral, dans nos musées, à Disneyland, comme sil ny avait plus que du tourisme pour faire vivre la France. Or, je crois quil y a aujourdhui un réveil des Français, sur le terrain, beaucoup dinvisibles, dans les entreprises, qui se battent pour produire sur notre territoire, et nous devons leur apporter lappui, ce sont les fantassins du quotidien. Je leur donne la parole. Je veux, dailleurs, les faire connaître, parce que dans des tas de PME vous avez, patrons, ouvriers, cadres, ingénieurs, qui travaillent sur « je veux produire chez moi », et les consommateurs ont un pouvoir, ils nen nont pas conscience, mais ont un pouvoir de les aider. Donc il sagit finalement, ce petit livre, qui est accessible à tous, cest le moyen pour chaque Français dentrer dans la bataille et dappuyer ceux qui aujourdhui font notre richesse.
PATRICK COHEN
La bataille, les fantassins, les grognards, donc la rhétorique continue
ARNAUD MONTEBOURG
Non, mais ce nest pas de la rhétorique
PATRICK COHEN
Vous êtes aussi en guerre contre
ARNAUD MONTEBOURG
Non, mais Monsieur COHEN, je vous arrête tout de suite, parce que vous êtes
PATRICK COHEN
Non, non, je vous parle du fond
ARNAUD MONTEBOURG
Je vais vous répondre Monsieur COHEN.
PATRICK COHEN
Je parle du fond. Lautre ennemi qui est désigné dans le bouquin, cest la Commission européenne, Bruxelles qui na rien compris, qui a ouvert lEurope à tous les vents. Vous aviez dit, avant lété, que José-Manuel BARROSO, le président de la Commission européenne, était le carburant du Front national. La Commission européenne, aussi, vous tentez de la faire évoluer, à la changer ou ?
ARNAUD MONTEBOURG
Comme vous le savez, le président François HOLLANDE a été élu sur un mandat de réorientation de lUnion européenne, c'est-à-dire quelle change sa politique. Sa politique cest quoi ? Cest ce que décrit Hubert VEDRINE, nous sommes les naïfs du village global, c'est-à-dire tous les pays se protègent, les Etats-Unis, lAmérique du Sud, la Chine, cest le pays le plus protectionniste du monde, pourquoi ? Parce quils défendent leurs intérêts industriels, et que nous, nous ne le faisons pas. Dailleurs, à force dutiliser quand même, ce que vous vous appelez la rhétorique, mais qui pour moi est juste une revendication politique qui nous est donnée par le mandat populaire, cest que lEurope bouge. Exemple, sur les céramiques, sur les porcelaines, sur les aciers spéciaux, sur les équipements télécoms, ça y est, il y a des enquêtes, il y a des décisions de taxation, mais cest très insuffisant. LEurope est ouverte à 99,7%, et 0,3% de protection, alors que tous les autres pays sont beaucoup plus intelligents dans leur manière de faire les choses. Donc, il sagit de se battre, dabord contre nous-mêmes, contre notre espèce dapathie ou de dépression nerveuse, de croire en nous-mêmes, de défendre ceux qui se battent, ça cest ce quon fait, et déviter que lUnion européenne, finalement, soit comme la Cavalerie américaine qui arrive quand tout le monde sest fait scalper, parce que cest quand même ça aujourdhui. Sur le panneau photovoltaïque regardez les résultats, notre industrie européenne, allemande, italienne, française, espagnole, est à plat, et lUnion européenne commence à se décider à. Notre choix est le choix, finalement, de la combativité, voilà, cest ça « La bataille du Made in France. » Et je vais vous dire, cest une bataille dans laquelle tout le monde peut participer, le haut fonctionnaire de Bercy, pour quil change ce quil y a dans sa tête, lélu de base quand il soutient sa PME, et le français quand il va au supermarché, et y compris le dirigeant à Bruxelles, qui finalement vit sur des idées qui sont obsolètes, dil y a 50 ans.
PATRICK COHEN
Vous venez de citer les Etats-Unis, qui opèrent en ce moment des relocalisations industrielles importantes grâce à lexploitation des gaz de schiste, est-ce que la France industrielle de demain, dans lavenir que vous imaginez, peut sappuyer sur lexploitation de gaz de schiste ?
ARNAUD MONTEBOURG
Pas seulement à cause des gaz de schiste, parce quils ont une stratégie industrielle sur les coûts de production, ce que dailleurs nous faisons en France. nous travaillons sur le coût du travail, cétait le crédit dimpôt compétitivité emploi, 20 milliards mis sur la table, cest 6% de la masse salariale issue de main doeuvre qui peut diminuer pour les entreprises, nous le faisons également sur le coût du capital, on a créé la Banque Publique dInvestissement pour diminuer le coût daccès au capital pour toutes nos petites entreprises, et puis enfin le coût de lénergie, cest ce qui sortira du débat de la transition énergétique dans les jours et les semaines qui viennent. Notre position, la position de mon ministère, du Redressement productif, du redressement de la production dans notre pays, du « Made in France », cest de dire nous ne pouvons pas augmenter les coûts de production énergétique, nous devons garder notre avantage compétitif, qui est lié notamment au nucléaire, et ça cest un avantage très important dans notre pays.
PATRICK COHEN
Est-ce que la France industrielle de demain peut sappuyer, dune façon ou dune autre, sur les gaz de schiste, Arnaud MONTEBOURG ?
ARNAUD MONTEBOURG
La décision a été prise par le président de la République qui a dit « pas dexploitation », donc pour linstant la décision est celle-ci, et je vous renvoie à ces déclarations.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 septembre 2013