Interview de M. Bernard Cazeneuve, ministre du budget, à "Itélé" le 13 septembre 2013, sur la préparation du budget de l'Etat pour 2014 et l'effort fiscal demandé aux contribuables.

Prononcé le

Média : Itélé

Texte intégral

CHRISTOPHE BARBIER
Bernard CAZENEUVE, ministre du Budget, c'est-à-dire ministre des impôts mais aussi ministre des économies, 15 milliards prévues pour cette année. Bonjour Bernard CAZENEUVE, bienvenu.
BERNARD CAZENEUVE
Bonjour. Vous avez tort, d’ailleurs, de me qualifier ministre des impôts, je suis d’abord le ministre des Economies.
BRUCE TOUSSAINT
Ah, je me doutais que vous alliez réagir à cette dénomination.
BERNARD CAZENEUVE
J’ai trouvé la présentation tendancieuse et inamicale, donc je corrige immédiatement.
BRUCE TOUSSAINT
Mais, elle n’était ni inamicale ni tendancieuse, c’était simplement un raccourci, mais c'est ce que pensent aussi beaucoup de Français ce matin.
BERNARD CAZENEUVE
Elle a tous les défauts d’un raccourci, donc.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, on enchaine, on ne va pas passer toute l’interview sur ça. On a compris votre agacement. Avant de parler des impôts, et des taxes, cette note confidentielle qui est produite ce matin par I TELE, c'est une info de Camille LANGLADE, du service politique d’I TELE, qui indique que Michèle DELAUNAY, ministre des personnes âgées, s’interroge et s’inquiète, plus précisément, sur la montée du vote des séniors en faveur du Front national, au moment des municipales dans quelques mois. Est-ce que vous aussi ça vous inquiète ?
BERNARD CAZENEUVE
Je pense que nous devons être attentifs à tout, lorsqu’on est dans l’action publique, et notamment le vote du Front national. La meilleure manière de faire face, en politique, à ses adversaires, c'est d’assumer la politique que l’on conduit et de faire en sorte qu’elle aboutisse aux objectifs qu’on s’est fixés. Pour nous, c'est le redressement du pays, de ses comptes, de son industrie, et la volonté de réinstaurer dans ce pays, de la justice.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais, est-ce que l’effort fiscal demandé aux Français ne va pas produire du vote protestataire, donc Front national ? Est-ce que vous n’allez pas coûter des voix à votre parti ?
BERNARD CAZENEUVE
Mais, ce que nous voulons, c'est redresser le pays, essentiellement par des économies, c'est la raison pour laquelle je réagissais à ce qu’indiquait Bruce TOUSSAINT tout à l'heure. Nous faisons 15 milliards d’économies. La dépense de l’Etat, pour la première fois depuis le début de la Vème République, va diminuer de 1,5 milliard d’euros. Et pourquoi est-ce que je propose un budget essentiellement avec des économies ? C’est tout simplement parce que chaque économie supplémentaire que nous faisons, ce sont des impôts en moins pour les Français.
CHRISTOPHE BARBIER
Les Français ont du mal à croire à la vertu de l’Etat, à la capacité de l’Etat à faire 15 milliards d’économies. Comment allez-vous surveiller les ministres pour qu’ils ne dépensent pas trop ?
BERNARD CAZENEUVE
Mais d’abord, nous avons durement négocié. Si pendant l’été et pendant les mois qui viennent de s’écouler, je n’ai parlé que rarement, c'est parce que mon travail c’était de faire ces économies et de le faire dans une relation bilatérale avec les ministres, exigeants, en même temps nous devons, lorsque les économies sont nécessaires, comprendre ce que sont les contrats des ministres et faire en sorte que ces économies soient intelligentes. 9 milliards d’économies sur l’Etat, 6 milliards d’économies sur la protection sociale, sans remettre en cause les acquis sociaux auxquels les Français tiennent, ces 9 milliards d’économies sur l’Etat sont des choses concrètes, c'est 1,5 milliard d’économies sur les collectivités territoriales, c'est 2,5 milliards de diminution des dépenses de fonctionnement de l’Etat, c'est une diminution…
CHRISTOPHE BARBIER
Les collectivités territoriales, elles vont se rattraper sur les impôts locaux.
BERNARD CAZENEUVE
C’est une diminution de 4 % des moyens alloués aux opérateurs de l’Etat, là où les opérateurs de l’Etat ont vu leurs dépenses augmenter de 15 % au cours des dernières années, c'est donc un budget qui documente des économies précises, et nous auront pour la première fois, 1,5 milliard de diminution des dépenses de l’Etat.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que ce ne sont pas des impôts divergés ? Les opérateurs vont augmenter leurs prix, les collectivités locales vont augmenter leurs impôts.
BERNARD CAZENEUVE
Non, écoutez monsieur BARBIER, il faut savoir ce que l’on veut. Lorsque l’on fait un budget avec 15 milliards d’économies, qui encore une fois conduit le train de vie de l’Etat à se réduire sensiblement, on nous explique que ce sont des impôts pour demain. Non, ce ne sont pas des impôts pour demain, parce que ce que nous voulons faire en matières de finances publiques, c'est faire en sorte, dans un contexte où l’argent public est rare, que la culture de l’économie, que la culture de l’argent public bien alloué, devienne une culture partagée par l’ensemble des opérateurs publics, qu’il s’agisse de l’Etat, des opérateurs de l’Etat ou des collectivités territoriales, de manière à ce que nous n’ayons plus à solliciter pour ajuster nos budgets, l’impôt.
CHRISTOPHE BARBIER
Confirmez-vous que les contribuables qui seront un peu en retard en cet automne, parce qu’ils n’ont pas reçu leur avis d’impôt, ou parce qu’avec les télédéclarations ils ont moins compris, il y aura de l’indulgence fiscale ?
BERNARD CAZENEUVE
Bien entendu qu’il y aura de l’indulgence, nous n’allons pas pénaliser les Français de bonne foi, qui s’acquittent année après année de leurs impôts, et qui n’ont pas reçu, pour des raisons qui tiennent à des aléas postaux, ou parce que la bonne case n’a pas été cochée, l’avis d’imposition en temps et en heure. Donc il n’y a pas d’inquiétude à avoir, ce n'est pas la peine d’inquiéter les Français pour des questions qui ne se posent pas, la télédéclaration progresse, c’est près de 40 %, des Français qui aujourd'hui déclarent…
CHRISTOPHE BARBIER
Il faut s’y habituer.
BERNARD CAZENEUVE
Il faut s’y habituer, c'est une nouvelle manière de relations avec l’administration fiscale, tout ça doit rentrer progressivement dans les habitudes.
CHRISTOPHE BARBIER
Promettez-vous aussi sur les dépenses sociale, qu’il n’y aura pas de hausse supplémentaire sur l’aspartame des boissons diverses et variées, comme on l’a vu dans LE PARISIEN hier ?
BERNARD CAZENEUVE
Oui, j'ai vu hier des choses, oui, totalement fantaisistes, où on expliquait qu’on allait je crois taxer le pamplemousse rose, l’avocat à pois rouges, la cacahuète violette, et que sais-je encore…
CHRISTOPHE BARBIER
Tout ce qui était alcoolisé à ça.
BERNARD CAZENEUVE
Tout ça n’est pas sérieux, et si d’ailleurs on devait inventer une taxe sur la mauvaise foi, certains bénéficieraient d’une assiette large, d’un taux élevé, et seraient imposés à la fortune.
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce qu’il y aura quand même une augmentation sur la cigarette électronique ? Parce que là, il y a des problèmes pour la santé.
BERNARD CAZENEUVE
Non, mais nous n’allons pas, ici, alors que nous sommes en train, avec Marisol TOURAINE, d’élaborer le PLFSS…
CHRISTOPHE BARBIER
C’est en débat.
BERNARD CAZENEUVE
… à faire des annonces qui ne sont pas arbitrées et qui sont, pour un certain nombre d’entre elles, même pas d’actualité. Ce n'est pas comme ça que l’on fait un budget, c'est un exercice sérieux un budget, ce ne sont pas des idées, que l’on envoie, comme ça, à la volée, sans expertise.
CHRISTOPHE BARBIER
Une idée qui elle a fait son chemin, qui était en débat, c’était la taxe sur le diesel. Aujourd'hui on entend la Fondation Hulot, mais même des parlementaires, dire : 1 ou 2 centimes de plus, par litre, sur le diesel, bien étalé, ce n’est pas trop grâce pour ceux qui ont une voiture et ça permet de remettre le diesel à la hauteur de l’essence. Irez-vous dans cette direction ?
BERNARD CAZENEUVE
Mais, ce sujet-là est un sujet qui doit être très sérieusement expertisé. Pourquoi ? Parce que comme le disent les Verts, à juste titre, il y a des questions sanitaires et de santé publique. Ça pose aussi, certains parlementaires l’évoquent, des questions de pouvoir d’achat, ça pose des questions industrielles. Il faut aider l’industrie automobile dont on a besoin, à s’adapter, et ça pose des problèmes de pouvoir d’achat pour les Français, il faut prendre des mesures d’accompagnement. Tout ça doit être expertisé, discuté, évalué, et il y aura une décision de prise, au terme des consultations que nous conduisons, j’en ai dans quelques heures, et nous prendrons une décision.
CHRISTOPHE BARBIER
La messe n'est pas dire, on réfléchit encore.
BERNARD CAZENEUVE
Mais il faut réfléchir en ayant à l’esprit, à la fois l’aspect sanitaire, industriel, environnemental et de pouvoir d’achat.
CHRISTOPHE BARBIER
Dans un rapport remis cette semaine, la Cour des comptes dit que le crédit impôt recherche coûte trop cher à l’Etat. Est-ce que vous reviendrez sur ce crédit ?
BERNARD CAZENEUVE
Non, le crédit impôt recherche est un dispositif qui peut peut-être, ici ou là, être mieux ciblé, mais notre intention c'est de faire en sorte que nous puissions, dans le domaine de l’innovation, et nous avons d’ailleurs élargit le crédit d’impôt recherche en créant le crédit d’impôt innovation pour les jeunes entreprises innovantes. Nous voulons développer les dispositifs qui incitent les entreprises à aller vers l’innovation, le transfert de technologies, parce que c'est un facteur de montée en gamme des produits industriels, et c'est un facteur de compétitivité.
CHRISTOPHE BARBIER
Globalement, quand même, + 3 milliards, et on appelle ça « la pause fiscale ».
BERNARD CAZENEUVE
Mais sur ces trios milliards, vous avez quasiment de la lutte contre la fraude, exclusivement de la lutte contre la fraude fiscale, c'est-à-dire que ces recettes ne sont pas des impôts supplémentaires que l’on prélève sur les Français qui en paient déjà, ce sont des impôts que nous allons chercher chez ceux qui fraudent, qui depuis des années ne paient pas leur impôts, et chaque centime d’euro récupéré sur la fraude, c'est 1 centime d’euro de moins que paient les français en impôts.
CHRISTOPHE BARBIER
Avant la question « Team toussaint », une petite question. Vous allez jouer au Loto, aujourd'hui, vendredi 13 ?
BERNARD CAZENEUVE
Non. Non pas parce que… mais parce que je n’ai pas le temps de jouer au Loto aujourd'hui, je vais vous donner mon agenda, et vous verrez que je n’ai même pas le temps du grattage.
BRUCE TOUSSAINT
Bernard CAZENEUVE, beaucoup de réactions et beaucoup de questions pour vous, vous savez que nous demandons à tous nos téléspectateurs ou aux internautes, de réagir et de poser directement des questions à notre invité, et aujourd'hui, évidemment, en raison de l’actualité, bien sûr, vous êtes extrêmement sollicité. Deux questions, pour vous. La première, elle est très concrète et peut-être que certaines personnes vont se retrouver d’ailleurs dans ce commentaire. « Pourquoi un retraité modeste et veuf, passe de 0 à 330 € d’impôt ? ». Monsieur CAZENEUVE.
BERNARD CAZENEUVE
Pour une raison très simple que je vais expliquer.
BRUCE TOUSSAINT
Oui.
BERNARD CAZENEUVE
En 2011, le gouvernement de François FILLON a décidé de ne plus indexer le barème de l’impôt sur le revenu, à l’inflation, donc des Français modestes sont rentrés dans impôt sur le revenu. Nous avons corrigé pour partie cela par une décote l’an dernier, cette année nous avons décidé de réindexer le barème, pour que ces questions ne nous soient plus posées. Ce qui a été fait était une injustice, cette injustice a conduit des Français qui avaient peu de moyens, à rentrer dans l’impôt. Par la réindexation du barème, c'est 700 millions d’euros de pouvoir d’achat que nous réinjectons dans le budget 2014.
BRUCE TOUSSAINT
Réponse très précise et très concrète. Dernière question, alors là, bon, c'est avec malice, vous allez voir. Pour tous ceux qui n’ont pas encore reçu leur feuille d’impôt, regardez : « Il faudrait rassurer le ministre, s’il ne reçoit pas le soldes des impôts, j’aurai moi aussi du retard », nous dit cet internaute. C'est amusant !
BERNARD CAZENEUVE
Oui.
BRUCE TOUSSAINT
Mais ça ne marche pas comme ça.
BERNARD CAZENEUVE
Il a de l’humour.
BRUCE TOUSSAINT
Il a de l’humour, mais ça ne marche pas comme ça.
BERNARD CAZENEUVE
Je vous le confirme.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais les recettes fiscales ont du mal, quand même.
BERNARD CAZENEUVE
Mais nous pouvons, lorsque des Français reçoivent leur avis d’imposition, pour des raisons techniques, postales, trop tard, etc., l’administration fiscale est une administration rigoureuse, elle doit l’être, ce n'est pas une administration incompréhensive. Et j’ai constaté hier à Melun, où je me suis rendu, que dans la relation entre les contribuables et les fonctionnaires de notre administration, beaucoup de compréhension, beaucoup d’écoute, et ça m’a fait plaisir de voir que cette administration fiscale était aussi une administration humaine et de proximité.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 septembre 2013