Déclaration de Mme George Pau-Langevin, ministre de la réussite éducative, sur les principes et les valeurs de la vie lycéenne, notamemnt l'apprentissage de la démocratie, Villiers-Saint-Frédéric le 26 septembre 2013.

* La jeunesse d’aujourd’hui : la génération des bâtisseurs de demain
Il y a maintenant un peu plus d’une année de cela, le président de la République, François Hollande, annonçait qu’il ferait de la refondation de l’École de la République et de la priorité accordée à la jeunesse, la pierre de touche de son quinquennat.
La jeunesse ne peut être considérée comme une "classe d’âge" ou comme une "catégorie de population" parmi d’autres. Elle constitue ce moment où s’élabore l’avenir. Vous accorder la priorité de notre action, ce n’est rien moins que de contribuer à façonner la génération des bâtisseurs de demain.
L’éducation est l’une des activités les plus nécessaires à une société. Les jeunes sont à la fois de nouveaux citoyens en même temps qu’ils sont en train de devenir des citoyens. Il est de la responsabilité de l’École de vous amener à assumer la responsabilité qui sera la vôtre dans le monde de demain.
Votre génération aura la tâche de renouveler le monde commun. C’est pour cette raison que l’éducation ne peut se résumer au seul fait d’apprendre, mais qu’elle doit également, pour ne pas rester lettre morte, transmettre à tous ses élèves les valeurs fondatrices de la citoyenneté républicaine et démocratique. L’enseignement doit prendre souffle dans une forme incarnée et vécue, qui se concrétise, chaque jour, au sein de vos établissements.
* La vie lycéenne : une cause morale
Dans cette perspective, la vie lycéenne n’est pas un vain mot. Elle est, au contraire, au principe de l’éveil des citoyens éclairés que vous serez demain.
Dans la vie lycéenne, les valeurs morales ne sont pas de vains concepts. Elles guident et nourrissent la conduite des lycéens que vous êtes et donnent à vos projets une réalité concrète. Les lycéens qui s’engagent à agir pour le bien commun de la collectivité font l’expérience de ce que les valeurs de dignité, de liberté, d’égalité, de solidarité, de laïcité et de justice ne sont pas des principes abstraits ou des hochets risibles.
Dans une période de crise de l’engagement politique qui affecte l’ensemble de notre société et les jeunes en particulier, cet apprentissage de la citoyenneté participative est l'un des meilleurs remèdes aux maux que nous connaissons.
* Les impasses de la Vie lycéenne : nécessité d’un Acte II
Malheureusement, force a été pour nous de reconnaitre que la Vie lycéenne, qui a pourtant près d’un quart de siècle, n’a toujours pas atteint l’âge de raison.
En 1989, une loi d’orientation créait pour la première fois "un conseil des délégués des élèves qui donnerait son avis et formulerait des propositions sur les questions relatives à la vie et au travail scolaires". Cette loi considérait déjà que, pour devenir citoyens, les élèves devaient apprendre les principes de la vie démocratique et acquérir les compétences civiques grâce à leur participation aux instances représentatives des établissements. Aujourd’hui plus encore qu’hier, nous considérons que le développement et le déploiement de la vie lycéenne sont non seulement un facteur de progrès social, mais qu’ils sont également un instrument indispensable pour que notre système d’éducation favorise véritablement chez les élèves l’esprit d’initiative, le goût de la liberté et le sens de la responsabilité.
Mais depuis plus de vingt ans, un écart important subsiste entre cette volonté politique et la réalité de terrain. Et de fait, la majeure partie des réformes entreprises par les gouvernements précédents l’ont été dans des situations d’urgence, le plus souvent au gré des manifestations lycéennes. Il s’agissait alors pour nos prédécesseurs de calmer l’ardeur de ces mouvements, de les faire rentrer dans le rang, plutôt que d’entendre véritablement la teneur de leur revendication, d’écouter avec attention et souci la parole des lycéens.
Les lycéens interpellaient leurs gouvernants avec vigueur, et leurs gouvernants, plutôt que de répondre à cet appel citoyen, faisaient le plus souvent la sourde oreille en faisant voter des lois qu’ils ne prenaient pas ensuite le soin nécessaire de faire appliquer. Cette attitude regrettable n’a évidemment pas été sans conséquence sur les problèmes et sur les difficultés que vous rencontrez chaque jour dans vos établissements pour vous faire entendre comme vous devriez l’être, et pour entreprendre ce qu’il vous tient à cœur d’entreprendre.
* Le rapport Dufour-Tonini
C’est pour remédier à cet état de fait et prendre la mesure de toute la complexité du problème qu’un rapport a été commandé à Madame la députée du Nord, Anne-Lise Dufour-Tonini. Pour cerner avec netteté tous les enjeux de la question, et nous tenir au plus près de vos attentes et de votre parole, la commission en charge de ce rapport a eu des entretiens durant plusieurs mois avec des élèves, avec vos représentants, avec vos enseignants, avec des personnels de directions, des délégués académiques de la vie lycéenne et des parents.
Je tiens à remercier et à saluer solennellement tout le travail accompli par la commission : par Anne-Lise Dufour Tonini, par Claude Bisson-Vaivre, par Monique Sassier, par Souâd Ayada et par Christine Borredon. Sans leur abnégation, leurs efforts et leur dévouement, l’Acte II de la Vie lycéenne ne pourrait voir le jour.
Ce rapport qui nous est remis aujourd’hui fait état de difficultés nombreuses. Nous savons que l’organisation des scrutins reste le plus souvent contestable et que vous n’avez pas toujours la possibilité de mener des campagnes électorales dignes de ce nom. Nous savons que les attributions des CVL, si elles sont larges, ne sont pas toujours respectées. Nous connaissons les difficultés que rencontrent dans de nombreux établissements l’installation et la mise en place des Maisons de lycéens et, partant, votre difficulté à vous engager comme vous le désireriez et à concrétiser les projets qui sont les vôtres. J’ai conscience également de ce que la voix des lycéens est faiblement audible au Conseil supérieur de l’éducation.
C’est à l’aune de ce constat amer, mais nécessaire que nous devons tous travailler ensemble pour que l’Acte II de la vie lycéenne, qui verra le jour au mois de février prochain, ait l’impact et le retentissement qui doit être le sien.
* La méthode pour parvenir à l’Acte II : un itinéraire à suivre pour un but à atteindre
L’Acte II de la vie lycéenne sera l’Acte II des lycéens eux-mêmes. L’Acte II de la vie lycéenne vise à renforcer chez les lycéens l’aptitude à construire et à soutenir la relation à l’autre, à former les élèves que vous êtes à la prise d’initiatives et de responsabilité, à vous donner le goût de l’autonomie et à aiguiser votre sens de l’intérêt général.
Ces valeurs qui sont l’esprit de l’Acte II ne doivent pas être seulement la destination à atteindre, mais également l’itinéraire à suivre pour y parvenir. Si nous sommes les indicateurs de route de cet Acte II, vous devez en être les auteurs et les acteurs. C’est la raison pour laquelle la méthode qui sera la nôtre pour parvenir à cet Acte II épousera la forme de son objectif final. Cette méthode est celle de la démocratie participative lycéenne. Il s’agit que nous fassions tous, élèves, représentants des élèves, personnels éducatifs et ministres, le serment du chemin à parcourir ensemble, pour que cet Acte II inaugure une donne nouvelle pour la vie lycéenne.
Nous souhaitons que vous tous, et tous vos camarades de classe, preniez part à la mise en œuvre de cet Acte II et en soyez la cheville ouvrière. Vous n’êtes pas seulement les destinataires de cet Acte II, vous devez en être également les guides et les garants.
* Semaines de l’engagement
Le rapport sur la vie lycéenne maintenant remis, les semaines de l’engagement vont désormais s’ouvrir. Elles couvriront une longue période, du 30 septembre au 18 octobre, pour que vous ayez le temps d’y prendre part et de vous y investir pleinement.
Le rapport sur l’Acte II constitue un état des lieux et propose des pistes de réflexion, mais sans que ses propositions de réformes soient encore arrêtées. La Commission continuera de travailler durant tout le temps de la concertation. La conception de l’Acte II constituera un grand moment de participation démocratique dans les établissements. Parce que nous voulons que les personnels éducatifs et les lycéens s’emparent de la vie lycéenne, nous vous demandons d’être les agents de cette réforme. Durant les semaines de l’engagement des débats et des évènements seront organisés dans vos académies et dans vos établissements.
Durant cette période, chaque lycéen bénéficiera d’une séance de formation de deux heures sur l’engagement citoyen et la participation des élèves de lycée. Les aspects pratiques de la vie associative, de l’action citoyenne, des droits et devoirs lycéens seront présentés et discutés en classe. A l’initiative notamment des CVL, des forums, des débats et des rencontres associatives seront organisés dans les établissements afin que les élèves s’approprient leur lycée comme un lieu de vie citoyenne. Afin de donner tout son poids à la parole des lycéens, de nouveaux outils interactifs seront mis à votre disposition. Un site internet de la vie lycéenne a ouvert à la rentrée, et une page Facebook lui est rattachée. Le site internet met à votre disposition toutes les ressources et informations pratiques liées à la vie lycéenne, offre une visibilité aux initiatives locales afin de valoriser les projets menés dans les lycées et permettra de répondre de façon claires aux préoccupations des lycéens.
Il s’agira durant ces semaines de l’engagement d’unir notre effort pour que le renouvellement partiel des CVL soit l’occasion d’une élévation sensible du nombre de candidats et d’une hausse du taux de participation à cette élection. Dans ce contexte, la légitimité de vos représentants s’en trouvera raffermie et renforcée.
* Suites des semaines de l’engagement
À l’issue de ces semaines de l’engagement, au retour des vacances de la Toussaint, seront organisées aux mois de novembre et décembres de vastes concertations déconcentrées. Un après-midi de travail réunira tous les vice-présidents des CVL dans les académies, et des débats seront organisés autour des grandes questions posées par le rapport d’Anne-Lise Dufour-Tonini au cours desquels la parole des lycéens devra peser sur les réformes proposées.
Durant la dernière semaine de janvier, la commission, après avoir travailler de concert avec vos représentants, nous remettra ses propositions à Vincent Peillon et moi-même. Nous reviendrons alors devant votre Conseil national au début du mois de février pour donner naissance à l’Acte II de la vie lycéenne.
* En conclusion
Cet Acte II de la vie lycéenne, dans son exécution comme dans son processus, permettra aux jeunes hommes et aux jeunes femmes à l’aube de l’âge adulte que vous êtes de faire l’apprentissage progressif de la démocratie. La vie lycéenne est une étape importante pour vous former au plein exercice de la citoyenneté.
La citoyenneté est un droit, mais c’est également un don. Elle est un gain de liberté qui nous honore en même temps qu’une charge dont il nous incombe d’être à la hauteur. L’un des plus grands hommes que notre République ait connu, Victor Hugo, dont l’œuvre a contribué de manière décisive à la construction de notre École et au rayonnement de nos idéaux, le savait et le formulait mieux que tout autre.
Dans Paris et Rome, il y a de cela près d’un siècle et demi, en 1876, il nous faisait don de cette réflexion que je vous livre pour qu’elle continue de retentir dans notre mémoire commune : "Tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité".
Source http://www.education.gouv.fr, le 30 septembre 2013